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Réforme de la curie romaine sous le pape François

La réforme de la curie romaine sous la pape François vise à améliorer son organisation, à rendre sa gestion financière plus rigoureuse et à permettre une certaine décentralisation du gouvernement de l'Église catholique. Toutefois le processus se heurte à des résistances.

Les buts de la réforme[modifier | modifier le code]

Buts généraux[modifier | modifier le code]

Selon les mots du pape François, la réforme vise à instaurer harmonie, transparence et collégialité dans le fonctionnement de la curie[1]. Elle entend répondre aux problèmes et scandales qui se sont succédé depuis plusieurs années, notamment en raison du flou ou de l'opacité de ses rouages, de la dispersion de ses responsables, de privilèges vieillots et de la faiblesse des contrôles[2]. L'affaire Vatileaks, en particulier, montre le manque de loyauté de certains dignitaires du Vatican, mais aussi l'incapacité de la curie à travailler de manière organisée et efficace[3].

Les principes de la réforme sont : la simplification, l’amélioration de la coordination, l’unification budgétaire et le contrôle financier[4]. Il ne s’agit pas seulement d’une reprise en main de l’appareil romain mais aussi d’une redéfinition de son rôle et de sa remise en etat moral[5].

La question de l'état d'esprit[modifier | modifier le code]

A plusieurs reprises, le pape François s’en est pris au comportement des membres de la curie. Par exemple, dans ses vœux de 2013 à la curie, il l’a comparée à « une pesante douane bureaucratique, d’inspection et d’inquisition[6] ». Dans ses vœux de 2014 à la curie, il a diagnostiqué en elle « quinze maladies », dont l’« Alzheimer spirituel », la « vanité » et le « commérage »[7].

Dans un entretien accordé à La Repubblica le 1er octobre 2013, le pape François critique un système où les « courtisans » du Vatican ont trop souvent eu l'oreille de dirigeants de l’Église « narcissiques »[8]. Selon Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef du quotidien La Croix, le fonctionnement de la curie se caractérise par « l'opacité », le « copinage » et le « non-professionnalisme ». Dès lors, la réforme devra introduire dans cette administration plus de transparence, des règles de gestion rigoureuses et des critères de qualification précis[9].

Au quotidien, Jorge Bergoglio cherche à incarner la réforme du pouvoir romain dans son style de vie. Le choix d’habiter la résidence collective Sainte-Marthe et non le Palais apostolique, est l'exemple le plus frappant de son souhait de rompre avec le train de vie dispendieux de certains prélats romains[10].

La question de l’organisation[modifier | modifier le code]

Le périmètre de compétence de la secrétairerie d’État doit être réduit, la responsabilité des affaires économiques du Saint-Siège lui étant retirée[11].

L’enchevêtrement des champs de compétence doit être restreint et la coordination des dicastères (ministères) améliorée. Si les neuf Congrégations traditionnelles (doctrine de la foi, culte divin, cause des saints…) doivent rester inchangées, un rapprochement des Conseils pontificaux est attendu pour faire émerger de grands pôles. L’un, intitulé « Charité et Justice », regrouperait les fonctions actuelles de quatre Conseils pontificaux : Justice et Paix, « Cor Unum » (qui exerce une tutelle sur le réseau Caritas), pastorale des migrants et pastorale de la santé. Un autre pôle regrouperait les Conseils pontificaux pour les laïcs et pour la famille. Un troisième pôle pourrait coordonner les organes de communication du Saint-Siège (Radio Vatican, L’Osservatore Romano, Conseil pontifical pour les communications sociales…)[5].

Un autre projet concerne la création d’un ministère de la justice afin de rationaliser les divers tribunaux ecclésiastiques romains[5].

Le pouvoir des Italiens dans l'administration de la Curie devrait se réduire. Les postes de gestion dénués de fonction pastorale pourraient être davantage confiés à des laïcs, et notamment à des femmes[12].

La question du rapport aux Églises locales[modifier | modifier le code]

Dans Evangelii gaudium, au § 31, le pape François dit son souhait de réduire l’« excessive centralisation » de la curie au profit des conférences épiscopales nationales, qui pourraient recevoir « une certaine autorité doctrinale authentique ».

Dans l'entretien accordé à La Repubblica en octobre 2013, le pape déclare : « La vision vaticano-centriste de la Curie néglige le monde qui l'entoure. Je ne partage pas cette vision, je ferai tout pour la changer[13]. » Dans une interview à la revue jésuite La Civiltà cattolica, il précise : « Les dicastères romains sont au service du pape et des évêques : ils doivent aider aussi bien les Églises particulières que les conférences épiscopales[14]. » La curie devrait donc cesser d’être un organe de direction doté d’un pouvoir supérieur aux évêques et aux conférences épiscopales.


Par ailleurs, le pape François entend transformer le synode des évêques – une représentation de l’épiscopat mondial qui se réunit au Vatican à intervalles de plusieurs années – « en un organe de consultation permanente »[15].

La question des finances[modifier | modifier le code]

Le budget de l’ensemble de l’administration romaine doit être unifié et contrôlé. En 2011 en effet, Mgr Carlo Maria Vigano, secrétaire général du gouvernorat du Vatican, avait dénoncé « de nombreuses situations de corruption et de malversation dans la gestion des différentes directions[2] ».

Par ailleurs, le Saint-Siège doit se mettre en conformité avec Moneyval, l'organisme de lutte antiblanchiment du Conseil de l’Europe. Des scandales entourent en effet l’activité de la banque du Vatican, l'Institut pour les œuvres de religion (IOR), auquel on reproche le recyclage d'argent sale, y compris de la mafia[16]. La liquidation pure et simple de l’IOR à d’ailleurs été un temps envisagée. La réforme de l’IOR avait en réalité été initiée par Benoît XVI, qui avait fait fermé de nombreux comptes dormants ou douteux. Des progrès – encore incomplets – avaient alors été constatés par Moneyval[17].

La méthode de la réforme[modifier | modifier le code]

Le Conseil des cardinaux[modifier | modifier le code]

La réforme de la curie est pilotée par une commission de neuf cardinaux des cinq continents. Cette commission a été instituée en septembre 2013 en « Conseil des cardinaux », et surnommée le « G8 » – puis, après l’arrivée en son sein du secrétaire d’État Pietro Parolin, le « G9 » – du pape[18].

Ses membres sont : pour l’Amérique latine le Hondurien Oscar Rodríguez Maradiaga (coordonnateur) et le Chilien Francisco Javier Errázuriz Ossa ; pour l’Amérique du Nord l’Américain Seán O'Malley ; pour l’Europe l’Allemand Reinhard Marx, l’Italien Giuseppe Bertello et l’Italien Pietro Parolin ; pour l’Asie l’Indien Oswald Gracias; pour l’Afrique le Congolais Laurent Monsengwo Pasinya ; pour l’Océanie l’Australien George Pell.

La constitution de ce groupe est une traduction concrète du souci de collégialité du pape François. Il s’agit de dépasser le modèle de monarchie absolue de l’Église et de permettre aux épiscopats de participer à la détermination des stratégies de l’Église[19]. Le fait qu'il n’y a que deux représentants de la curie parmi ses membres, Giuseppe Bertello et Pietro Parolin, a été interprété comme un signe de défiance[20].

Le recours à des experts extérieurs[modifier | modifier le code]

Le 18 juillet 2013,  le pape forme une commission d’études sur « la structure économico-administrative du Saint-Siège », la Cosea. Cette commission commande à l’automne des audits externes à Ernst & Young, McKinsey et KPMG.

La réforme des médias du Vatican est conduite par une commission dirigée par Lord Chris Patten, ancien gouverneur de Hong Kong et ex-commissaire européen aux affaires extérieures.

Immédiatement après son élection, le pape François s’était défini comme l’« évêque de Rome ». Cette dénomination révèle une vision assez horizontale de l'Eglise[21]. Une telle vision est différente de celle du cardinal Ratzinger/Benoît XVI qui affirmait dans son livre Entretien sur la foi (1985) : « Les conférences épiscopales n’ont aucune base théologique […], elles ont simplement une fonction pratique[22]. »

Les réformes réalisées[modifier | modifier le code]

En matière financière[modifier | modifier le code]

En février 2014, le pape supprime les prérogatives économiques du Secrétaire d’État pour les transférer à un Secrétariat pour l’économie ayant autorité sur toutes les activités économiques et administratives à l'intérieur du Saint-Siège et de l'État du Vatican. Le Secrétariat pour l’économie prépare le budget et est en charge des ressources humaines et des appels d’offres. Il est actuellement dirigé par le cardinal George Pell. Un Contrôleur général sera nommé pour les audits comptables[23].

Un Conseil pour l'économie est également institué pour superviser le Secrétariat pour l’économie. Il est composé de huit cardinaux ou évêques de diverses nationalités et de sept experts laïcs. Son chef est actuellement le cardinal Reinhard Marx[23].

Une autre réforme sépare la gestion des biens du Saint-Siège, désormais attribuée au Secrétariat pour l’économie, de celle de la trésorerie conservée au sein de l’Administration du Patrimoine du Siège apostolique[23].

Ces réformes sont l'objet du motu proprio Fidelis dispensator et prudens.

Par ailleurs, le fonctionnement de l’IOR a été entièrement revu. Plus de 4 000 comptes sur près de 19 000 ont été fermés et ceux-ci sont dorénavant réservés aux congrégations religieuses, aux diocèses, aux institutions et aux employés du Saint-Siège et aux diplomates accrédités au Vatican. Cette réduction du périmètre des activités a causé des pertes financières mais le fonctionnement de l’IOR est dorénavant conforme aux règles internationales anti-blanchiment[24].

Autres réformes[modifier | modifier le code]

Une Commission pour la protection des mineurs a été créée en mars 2014. Cette commission compte à l’heure actuelle 17 membres, majoritairement laïcs, provenant des divers continents, dont huit femmes. Parmi eux se trouvent deux anciennes victimes de prêtres pédophiles : l’Irlandaise Mary Collins et le Britannique Peter Saunders[25].

Les chefs des dicastères de la curie romaine et les autres cardinaux qui exercent des charges par nomination pontificale doivent désormais, comme tous les évêques, présenter leur démission à 75 ans[26].

Le secrétariat pour la communication a été créé en juin 2015[27].

De nouvelles normes ont été introduites en mars 2016 pour les causes en béatification et canonisation. La phase romaine des procédures sera désormais essentiellement financée par le Siège apostolique. Il s'agit de réduire les inégalités entre les causes disposant d'importants moyens financiers et les autres. En novembre 2015 en effet, les livres des journalistes G. Nuzzi et E. Fittipaldi avaient mis en évidence des malversations sur les comptes de certaines causes en canonisation[28].

Les résistances à la réforme[modifier | modifier le code]

La réforme de la curie suscite des craintes de réduction de personnels et de conditions de travail moins favorables[2]. Elle implique aussi, pour beaucoup d’administrateurs du Vatican, des pertes en termes de pouvoir, de carrière, voire d'avantages financiers[29]. Certains dicastères s’efforcent d’échapper au processus de réorganisation ou de préserver leurs prérogatives financières. Mais la résistance parmi la Curie ne se concentre pas seulement sur la réforme. Elle vise le pape François lui-même, dont le style est loin de faire l'unanimité[30].

Le cardinal Gerhard Ludwig Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, s’oppose aux transferts de compétences doctrinales aux conférences épiscopales. La Congrégation des évêques tente aussi de maintenir son autonomie, face aux épiscopats locaux, dans la nomination des évêques[11].

La simplicité du pape choque les défenseurs de la sacralité du rôle pontifical. Mgr Georg Gänswein, secrétaire particulier de Benoît XVI et préfet de la maison pontificale, dit avoir vécu l'installation du pape François à Sainte-Marthe comme un « affront »[31].

Les livres Avarice d’Emiliano Fittipaldi, de l’hebdomadaire italien L’Espresso, et Chemin de croix de Gianluigi Nuzzi, du groupe télévisé Mediaset, dépeignent les résistances à la réforme de la Curie. L’ouvrage de G. Nuzzi, en particulier, montre les difficultés de la réforme financière, par exemple la difficulté d’obtenir des comptabilités à jour et de connaître l’étendue du parc immobilier[32].

Selon le politologue François Mabille, la difficulté de la réforme s'explique aussi par la façon qu'a le pape de gérer tous les dossiers en même temps et sans guère de pédagogie[33]. Selon le sociologue Olivier Bobineau, le pape François se heurte à la « poussée d’Archimède catholique », force institutionnelle contraire à tout mouvement réformateur[34].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Isabelle de Gaulmyn, François, un pape pour tous, Paris, Seuil, 2014.
  • Gianluigi Nuzzi, Chemin de croix, Paris, Flammarion, 2015.
  • Marco Politi, François parmi les loups: les secrets d'une révolution au Vatican, Paris, Ed. Philippe Rey, 2014.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Le Monde, 14-02-2015, « Le pape François réforme la curie à pas comptés ».
  2. a b et c La Croix, 24-02-2014, « Le pape donne un brusque coup d'accélérateur à la réforme de la Curie ».
  3. Isabelle de Gaulmyn, François, un pape pour tous, Paris, Seuil, 2014, p. 41.
  4. La Croix, 22-07-2013, « Le pape François accélère et élargit la réforme de la Curie ».
  5. a b et c La Croix, 13-02-2015, « Pourquoi le pape veut réformer le gouvernement du Vatican ».
  6. La Vie, 23-12-2013, « Le pape François condamne "l'inquisition" de la Curie romaine ».
  7. La Croix, 24-12-2014, « Pape François, le texte intégral du discours des 15 maladies ».
  8. Le Monde, 01-10-2013, « Vatican : François dénonce ‘les courtisans, lèpre de la papauté’ ». Radio Vatican, 01-10-2013, « Le Pape François, sa vision de l’Église et du monde ».
  9. I. de Gaulmyn, François, un pape pour tous, op. cit. p. 62.
  10. Le Monde, 22-12-2015, « Le cardinal Bertone restitue une partie de l’argent des travaux de son appartement »
  11. a et b Le Point, 13-02-2015, « Réforme du Vatican : le pape François isolé ».
  12. La Croix, 2-12-2013, « La "décentralisation salutaire" du pape François fait débat ».
  13. Radio Vatican, 01-10-2013, « Le Pape François, sa vision de l'Eglise et du monde ».
  14. Site du Saint siège, Entretien avec le pape François du Père Antonio Spadaro, S.J.
  15. La Croix, 9-10-2013, « La réforme de la Curie débutera par celle du Synode des évêques ».
  16. L’Express, 6-07-2013, « La Banque du Vatican pourrait faciliter le blanchiment d’argent d’origine criminelle »
  17. 20 minutes, 9-07-2014, « .20minutes.fr/economie/1416989-20140709-20140709-vatican-francais-a-tete-banque-pape-renovee Vatican: un Français à la tête d'une ‘banque du pape’ rénovée »
  18. La Croix, 30-09-13, « Le pape François consulte son « G8 » pour réformer l’Église ».
  19. Marco Politi, François parmi les loups : les secrets d'une révolution au Vatican, Paris, Ed. Philippe Rey, 2014, p. 73.
  20. La Croix, 13-04-2013, « Le pape lance la réforme de la Curie ».
  21. La Vie, 27-03-2015, « Le pape veut-il donner plus de pouvoir aux conférences épiscopales ? ».
  22. J. Ratzinger, V. Messori, Entretien sur la foi, Fayard, 1985.
  23. a b et c Le Figaro, 24-02-2014, « Le pape François crée un 'ministère des Finances' au Vatican »
  24. Le Figaro, 26-05-2015, « Le pape François fait fructifier les profits de la banque du Vatican ».
  25. La Croix, 8-05-2015, « Le Vatican publie les statuts de la Commission pour la protection des mineurs ».
  26. Zenit, 5-11-2014, « De l’âge de la retraite pour les évêques et les membres des dicastères ».
  27. La Vie, 29-06-2015, « Vatican : la communication a son ministère ».
  28. La Croix', 11-03-16, « De nouvelles normes pour les causes en béatification et canonisation »
  29. Marco Politi, François parmi les loups : les secrets d'une révolution au Vatican, op.cit. p. 245.
  30. La Croix, 29-04-2014, « La réforme de la Curie se heurte à des résistances ».
  31. Zeit online, 4-12-13, « Benedikts Privatsekretär hadert mit Papst-Rücktritt ».
  32. Le Monde, 3-11-2015, « Un livre dévoile les petits secrets et les grands privilèges du Vatican ».
  33. La Croix, 3-11-2015, « Il manque une pédagogie de la réforme de la Curie ».
  34. Le Monde, 18-04-2014, « La communication, refuge du pape face à l'immobilisme »