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Utilisatrice:Jastrow/Hadrien

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Hadrien cuirassé, v. 127-128 ap. J.-C., musée du Louvre

Hadrien ou Adrien (en latin Publius Ælius Hadrianus, titulature officielle : IMPERATOR•CAESAR•TRAIANVS•HADRIANVS•AVGVSTVS, en grec Ἁδριανός ou Ἀδριανός), né le 24 janvier 76 à Rome et mort le 10 juillet 138 dans sa demeure à Tivoli, est un empereur romain de la dynastie des Antonins. Il succède en 117 à Trajan et règne jusqu'à sa mort.

Les principales sources sur sa vie et son règne sont les Vitæ Cæsarum du sénateur Marius Maximus et l’Histoire de Rome de Dion Cassius. Tous deux écrivent au début du IIIe siècle. La première œuvre, rédigée à la suite de la Vie des douze Césars de Suétone, est aujourd'hui disparue ; elle est abondamment reprise, sous une forme très condensée, par la Vie d'Hadrien qui ouvre l’Histoire Auguste. Le livre 69 de la seconde œuvre, qui traite du règne d'Hadrien, n'a survécu que par fragments et un abrégé byzantin.

Enfance et formation

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Hadrien naît à Rome[1] le neuvième jour des calendes de février, sous le septième consulat de Vespasien et le cinquième de Titus, c'est-à-dire le 24 janvier 76[2]. Il est le fils de Domitia Paulina et d'Ælius Hadrianus Afer, devenu sénateur après avoir été préteur[3].

Sa mère est originaire de originaire de Gadès (actuelle Cadix)[4], la plus ancienne cité d'Espagne ; on peut conjecturer que sa famille, d'origine punique, a reçu la citoyenneté grâce à la gens Domitia[5]. La famille de son père est originaire d'Adria[6] ; l'un de ses ancêtres fait partie des soldats blessés ou malades que P. Cornelius Scipio laisse en Bétique (Espagne du Sud) en 206 av. J.-C., à la fin de la Deuxième Guerre punique, et qui fondent la colonie d'Italica[7]. Les Ælii sont l'une des principales familles romaines d'Espagne et ont compté dans leurs rangs un sénateur[6]. Le père d'Hadrien est par ailleurs, par sa mère, le cousin germain du futur empereur Trajan[6].

Son enfance est mal connue. Son père meurt à l'âge de 40 ans[8], alors qu'Hadrien est âgé de 10 ans[9]. L'enfant est confié à deux tuteurs : le cousin germain de son père, Trajan, et un chevalier romain, P. Acilius Attianus[9], futur préfet du prétoire à la fin du règne de Trajan[10]. Il a peut-être pour pédagogue le grammairien Q. Terentius Scaurus[11]. En tout cas, il étudie les lettres grecques avec beaucoup de passion, s'attirant le surnom Græculus, « petit Grec »[12].

En 90, Hadrien effectue un bref séjour à Italica[13], sans doute pour inspecter les domaines familiaux après avoir assumé la toge virile[14]. L’Histoire auguste indique qu'il « rejoint aussitôt le service »[15], mais compte tenu de son âge à l'époque, 14 ans, il s'agit plus probablement d'une brigade (collegium) de jeunes gens de bonne famille (juvenes)[16]. À la même époque, il se prend de passion pour la chasse, au point que Trajan doit le faire rappeler[13]. Celui-ci est nommé la même année consul ordinaire, ce qui le place au deuxième rang derrière l'empereur ; l’Histoire auguste précise qu'il considère alors Hadrien « comme son fils »[13]. Rentré à Rome, le jeune homme poursuit ses études de rhétorique[17].

Tête de Trajan, Glyptothèque de Munich

Hadrien assume sa première magistrature en 94[18] : il rejoint les décemvirs chargés des litiges mineurs (decemviri stlitibus judicandis)[19], qui forment un collège du vigintivirat. La charge n'est pas très exigeante, mais constitue une initiation à la vie publique, et le premier échelon de la carrière sénatoriale. La même année, Hadrien assume deux autres charges honorifiques : il est préfet des Féries latines et sevir turmae equitum Romanorum, c'est-à-dire chargé de mener l'un des six escadrons (turmae) lors de la cavalcade annuelle des chevaliers romains (transvectio equitum)[20].

L'année suivante, Hadrien effectue son service militaire en tant que tribun laticlave de la légion II Adiutrix, stationnée à Aquincus (Budapest), dont le rôle est de protéger l'Empire contre les Sarmates[21]. En 96, à l'issue de son année de service, il est de nouveau appointé comme tribun militaire, cette fois dans la légion V Macedonica en basse Mésie[22]. Quelques semaines plus tard, l'empereur Domitien est assassiné ; Nerva lui succède immédiatement. Un an après, ce dernier adopte Trajan. Grâce à son lien de parenté, Hadrien est choisi pour porter au nouveau César, alors gouverneur de Germanie supérieure, les félicitations de l'armée de Basse-Mésie[23]. Arrivé en Germanie, Hadrien obtient un troisième tribunat, fait exceptionnel qui s'explique probablement par sa position particulière : il est le plus proche parent mâle de l'héritier du trône[24]. Il se retrouve sous l'autorité du mari de sa sœur, Julius Servianus, avec lequel il a de mauvaises relations[25].

Le 27 janvier 97, Nerva meurt. Trajan est déclaré empereur dès le lendemain. Hadrien est choisi pour apporter la nouvelle à son oncle, qui séjourne alors à Cologne, et demeure à ses côtés[25]. Il accompagne ensuite la cour impériale à Rome. L’Histoire Auguste note qu'il entre alors en conflit avec les pédagogues des pages impériaux[26] ; sachant que Trajan est grand amateur de jeunes garçons[27], on ne peut qu'en déduire qu'Hadrien les a lui-même approchés d'un peu trop près[28]. Inquiet, Hadrien recourt aux « sorts virgiliens », consistant à ouvrir l'Énéide au hasard[29]. Il tombe sur les vers 808-811 du sixième livre, évoquant le roi Numa Pompilius :

« Qui donc est celui-là, au loin, qui se distingue par ses rameaux d'olivier,
et portant des objets sacrés ? Je reconnais les cheveux et la barbe blanche
du roi romain qui fera de notre ville la première ville fondée sur des lois,
lui, envoyé de l'humble Cures et d'une pauvre terre dans un vaste empire[30]. »

Selon l’Histoire Auguste, Hadrien avait déjà consulté lors de son tribunat en Mésie un astrologue (mathematicus), qui avait confirmé la prédiction de son grand-oncle selon lequel il deviendrait empereur[23]. À la même époque que les sorts virgiliens, il interroge l'oracle du temple de Zeus à Antioche, qui lui prédit de même un avenir impérial[31].

Carrière sénatoriale

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Portrait d'Hadrien en vêtements grecs provenant du temple d'Apollon à Cyrène, 117-125, British Museum

Hadrien finit par regagner la faveur de Trajan. À l'instigation de l'impératrice Plotine, il épouse la petite-nièce de ce dernier, Vibia Sabina[32]. Elle est alors âgée de 14 ans environ ; lui-même en a 24. La même année, il devient questeur[33]. À cette date, il est peut-être déjà membre de deux collèges sacerdotaux, les septemviri epulonum et les sodales Augustales[34], dont les membres sont directement choisis par l'empereur, sur proposition des autres membres. En tant que questeur, Hadrien doit lire les discours de Trajan en son absence. L’Histoire Auguste rapporte à ce sujet que son « accent un peu provincial » excite les rires à l'assemblée[33], ce qui paraît un peu curieux attendu qu'Hadrien a passé relativement peu de temps en Espagne. Quoi qu'il en soit, le jeune homme redouble d'efforts dans l'étude du latin, mais aussi du grec ; il assiste notamment aux conférences d'Isée le sophiste, qui enchante Pline par sa connaissance de l'ionien-attique[35].

En 101, Trajan part en campagne contre les Daces et emmène avec lui Hadrien comme membre de son état-major (comes Augusti)[20]. L'année suivante, Hadrien rentre à Rome où il devient tribun de la plèbe[36], ce qui témoigne du fait qu'il n'a pas été élevé au rang de patricien. Son tribunat, tenu pour la plus grande part in absentia du fait du conflit avec les Daces, ne se signale par aucun événement particulier. En 104, il est nommé préteur[37], plus d'un an avant l'âge minimal, fixé à 30 ans. Là encore, sa préture ne donne lieu à aucune action d'éclat. La même année, Trajan repart en guerre contre les Daces et confie à Hadrien le commandement de la légion I Minervia[38], stationnée non loin de Colonia Agrippinensis (Cologne).

Cette deuxième campagne s'achève par le succès et la création de la Dacie comme province romaine. L’Histoire Auguste note qu'Hadrien s'est signalé par « un grand nombre d'actions d'éclat » ; il est effectivement décoré (dona militaria) par Trajan pour faits d'armes durant les deux expéditions[20], sans que l'on sache de quoi il s'agit exactement. À l'issue du conflit, la province de Pannonie est divisée en deux, Pannonie supérieure et Pannonie inférieure. Le 11 juin 106, Hadrien est nommé gouverneur de cette dernière, la plus petite[39], et occupe en même temps le poste de légat de II Adiutrix, dans laquelle il avait effectué son service militaire. À ce poste, il est chargé de contenir les ambitions des Sarmates, ennemis récurrents de Rome. Il s'attache à maintenir la discipline militaire et, selon l’Histoire Auguste, « réprime les prétentions et l'audace des procurateurs[39] », deux politiques qu'il poursuivra en tant qu'empereur[40].

En 108, conséquence logique de son poste de gouvcerneur, Hadrien est nommé consul suffect à l'âge de 32 ans, soit 10 ans environ avant la plupart des plébéiens arrivant à cet office[41]. On sait peu de choses de ses occupations jusqu'en 112, année durant laquelle il voyage en Grèce et notamment à Athènes : il accepte la citoyenneté athénienne et est enrôlé dans le dème de Besa[42]. Il est également élu archonte éponyme ; sa statue est érigée près du théâtre de Dionysos, portant une inscription honorifique en grec et un rappel en latin de sa carrière[20].

En 113, Hadrien est nommé légat dans le cadre de la guerre contre les Parthes grâce à l'influence de l'impératrice Plotine[43]. En 116, Trajan le fait légat en Syrie[44] ; deux ans plus tard, il est de nouveau consul, cette fois-ci à titre ordinaire[45]. Hadrien semble alors le mieux placé pour être adopté par l'empereur. Ses ennemis font alors circuler des rumeurs selon lesquelles il profiterait de sa position à la cour pour séduire les jeunes favoris de l'empereur[46].

Consolidation du trône

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En 117, Trajan, malade, se décide à adopter Hadrien. Celui-ci, alors en Syrie, reçoit la nouvelle le 9 août ; le 12, il apprend la mort de l'empereur[47]. Hadrien est aussitôt acclamé par les troupes comme imperator. Pour autant, sa position est délicate : la rumeur veut que Trajan n'ait pas voulu désigner de successeur, et que l'adoption soit l'œuvre de Plotine[48]. Sa première décision est de retirer les armées des nouvelles provinces, Mésopotamie, Assyrie et Grande Arménie. Il retire également son gouvernement de Judée à Lusius Quietus, à qui Trajan avait témoigné sa faveur sur ses dernières années.

  1. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien [lire en ligne] (1, 3). Appien, Ibérique [lire en ligne] (38) mentionne Italica comme lieu de naissance (Italicensibus, unde ispe ortus fuit), mais il parle plus probablement de l'origine de la famille ; Syme, p. 142, accepté par Birley, p. 10.
  2. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (1, 3) .
  3. Dion Cassius, Histoire romaine, Vie d'Hadrien [lire en ligne] (69, 3).
  4. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (1, 2) .
  5. Birley, p. 12.
  6. a b et c Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (1, 1) .
  7. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (1) et Appien, Ibérique (38).
  8. D'après une lettre écrite par Hadrien à Antonin juste avant sa mort ; Birley, p. 10.
  9. a et b Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (1, 4) .
  10. Syme, p. 142.
  11. Histoire auguste, Vie de Lucius Verus [lire en ligne] (2, 5).
  12. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (1, 5) .
  13. a b et c Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 1).
  14. Birley, p. 20.
  15. « Statim militia iniit », Vie d'Hadrien (2, 1).
  16. Birley, p. 15.
  17. Birley, p. 27.
  18. Birley, p. 29.
  19. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 2).
  20. a b c et d Inscription à Athènes retraçant la carrière d'Hadrien jusqu'en 112. ILS 308 = CIL, III, 150.
  21. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 3).
  22. Birley, p. 33.
  23. a et b Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 5-6).
  24. Birley, p. 37.
  25. a et b Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 6).
  26. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 7).
  27. Dion Cassius, Histoire romaine, Vie de Trajan [lire en ligne] (68, 7, 4).
  28. Birley, p. 42.
  29. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 8).
  30. Extrait de la traduction de l'Énéide louvaniste [lire en ligne] par Anne-Marie Boxus et Jacques Poucet.
  31. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 9).
  32. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (2, 10).
  33. a et b Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (3, 1).
  34. L'inscription d'Athènes (ILS 308) mentionne les deux charges sans précision de date ; hypothèse Birley, p. 45.
  35. Pline, Lettres (II, 3).
  36. L’Histoire Auguste (Vie d'Hadrien, 3, 2-3) est confuse sur la chronologie de cette période. Solution suggérée par Alföldy, p. 23 et suivantes ; acceptée par Birley, p. 47.
  37. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (3, 8).
  38. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (3, 6) ; ILS 308.
  39. a et b Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (3, 7).
  40. Birley, p. 53.
  41. Birley, p. 54.
  42. Oliver, p. 386?.
  43. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (4, 1).
  44. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (4, 4) ; Dion Cassius (69, 1, 1).
  45. Birley, p. 75.
  46. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (4, 5).
  47. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (4, 6-7).
  48. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien (4, 10) ; Dion Cassius (69, 1, 2).

Références

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  • (de) Géza Alföldy, Die Legionslegaten der römischen Rheinarmeen, Epigraphische Studien Bd. 3, Graz, Cologne, 1967
  • (en) Anthony R. Birley, Hadrian, the Restless Emperor, Routledge, Londres, 1997 (ISBN 0-415-22812-3)
  • (en) Royston Lambert, Beloved and God. The Story of Hadrian and Antinous, Meadowland Books, New York, 1988 (ISBN 0-8216-2003-7)
  • (en) James H. Oliver, « Athenian Citizenship of Roman Emperors » dans Hesperia, vol. 20, no 4 (oct.-déc. 1951), p. 346-349.
  • (en) Ronald Syme, « Hadrian and Italica », The Journal of Roman Studies, vol. 54 (1964), p. 142-149.

Liens externes

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  • Bibliographie sur le site de la Bibliothèque des sciences de l'Antiquité (Université Lille-III)