Tracéologie

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La tracéologie ou analyse fonctionnelle est une discipline scientifique liée à l'archéologie — et en particulier à l'archéologie préhistorique — qui a pour but d'étudier les traces d'usure produites sur des objets archéologiques, notamment sur les outils de pierre taillée.

Le tracéologue est le chercheur spécialisé dans cette discipline. En archéologie expérimentale, il fabrique des outils pour les utiliser sur de nombreuses substances et apprendre à en déterminer les microtraces.

Éléments historiques[modifier | modifier le code]

Cette discipline est née en Russie dans les années 1930 mais elle n'est connue qu’à partir de la diffusion de l'ouvrage de référence (1957, traduit en anglais en 1964)[1] du préhistorien russe Sergueï A. Semenov (1898-1978)[2]. « Cet archéologue pionnier s’est intéressé aux traces ayant une origine « active » (liées à l’utilisation), ou bien « passive », (liées à la manufacture, mais qui peuvent aussi résulter de la préhension, du transport ou du port), et a montré que des objets en diverses matières premières pouvaient livrer des traces d'usure diagnostiques (silex, obsidienne, os, bois, coquillage, métal, …)[3] ».

Les travaux pionniers en France dans ce domaine sont l'œuvre de Danielle Stordeur (1983[4], avec Anderson-Gerfaut, 1985[5])[6].

Méthodologie[modifier | modifier le code]

Les analyses tracéologiques se basent sur l'examen, notamment à l'échelle microscopique, des stigmates d'usure (stries, émoussés, écaillures, polis) situés sur les parties actives des outils en œuvre, même si elle est perfectible, est établie sur des critères opé-ratoires. L’analyse macroscopique s'intéresse davantage aux altérations du volume des objets marqués par un degré d'usure élevé. Chaque matière d'œuvre (bois, viande, peau, végétaux, minéraux...) laisse une signature plus ou moins spécifique, qu'il est possible d'identifier grâce à des corpus de comparaison établis lors d'expérimentations. Les actions (découpe, rainurage, grattage, perforation....) ainsi que la durée de l'activité sont également identifiables. À ce jour, elle a essentiellement été appliquée aux outils en silex ou en obsidienne mais de rares essais concluants ont également concerné des matériaux tels que les quartz, les quartzites ou les basaltes.

Plus récemment, tirant parti des progrès de la tribologie, la tracéologie a également été appliquée à d'autres matériaux tels que les matières dures animales (os, ivoire, bois de Cervidés), les métaux et le bois.

Les données obtenues permettent de caractériser les modalités de gestion de l’outillage et d’établir des spectres fonctionnels quantifiés qui peuvent être interprétés dans une perspective socio-économique, comme l’a fait Bernard Gassin sur des séries du Chasséen provençal[7].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Semenov, S. A. (1964). Prehistoric Technology: an Experimental Study of the oldest Tools and Artefacts from traces of Manufacture and Wear. Translated, and with a preface by M. W. Thompson, London: Londres, Cory, Adams and Mackay.
  2. Catherine Cretin, Jean-Michel Geneste, Hugues Plisson, Lydia V. Zotkina, Dimitri V. Cheremisin, Vyacheslav I. Molodin, Jean-Jacques Delannoy, Philip Deline et Ludovic Ravanel, « Un art rupestre paléolithique au-delà de l’Oural ? », Les nouvelles de l'archéologie, no 154,‎ , p. 45-50 (DOI 10.4000/nda.5302).
  3. Émilie Claud, Céline Thiébaut, Aude Coudenneau, Marianne Deschamps, Vincent Mourre, Michel Brenet, Maria Gema Chacón‑Navarro, David Colonge, Cristina Lemorini, Serge Maury, Christian Servelle et Flavia Venditti, « Le référentiel des outils lithiques », Palethnologie, no 10,‎ (DOI 10.4000/palethnologie.5142).
  4. STORDEUR D. (1983) - Quelques remarques pour attirer l'attention sur l'intérêt d'une recherche commune entre tracélogues du silex et technologues de l'os, in M.-C. Cauvin, Traces d'utilisation sur les outils néolithiques du Proche Orient, Table ronde internationale, Travaux de la Maison de l’orient, n° 5, éd. du CNRS, Paris, p. 231-240
  5. Danielle Stordeur et Pascale Anderson-Gerfaut (1985) - Les omoplates encochées néolithiques de Ganj-Dareh (Iran). Étude morphologique et fonctionnelle, Cahiers de l’Euphrate, n°4, p. 289-293
  6. Isabelle Sidéra et Alexandra Legrand, « Tracéologie fonctionnelle des matières osseuses : une méthode », Bulletin de la Société préhistorique française, t. 103, no 2,‎ , p. 295.
  7. Gassin, B. (1996) Évolution socio-économique dans le Chasséen de la grotte de l'Église supérieur (Var). Apport de l'analyse fonctionnelle des industries lithiques, Monographie du CRA n°17, Paris, Éditions du CNRS, 326 p.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Anderson-Gerfaud, P., Moss, E. et Plisson, H. (1987) « À quoi ont-ils servi ? L'apport de l'analyse fonctionnelle », Bulletin de la Société Préhistorique Française, t. 84, no 8, p. 226-237.
  • Greck, S., Guibal, F. « Le bois, matériau de construction : étude xylologique, tracéologique et dendromorphologique du chaland Arles-Rhône 3 ». Archaeonautica [En ligne]. 2014. no 18/1, p. 171-202. Disponible sur : https://doi.org/10.3406/nauti.2014.1335 (consulté le )
  • Vaughan, P. (1983) « La fonction des outils préhistoriques », La Recherche, no 148, vol. 14, p. 1226-1234.

Liens externes[modifier | modifier le code]