Symbiose

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Association symbiotique d’une bactérie et de l’aulne dans un nodule fixé sur une racine.
Autre forme (ici subaquatique) de symbiose (avec des bactéries filamenteuses et des cyanophycées probablement), formant un manchon dense de l'épaisseur d’un doigt) autour des racines immergées d’un aulne (profondeur dans l'eau environ 10-25 cm)
Détail ; le manchon a été dégagé pour faire apparaître la racine

La symbiose (du grec σύν sýn, ensemble et βίος bíos vie) est une association intime, durable entre deux organismes hétérospécifiques (appartenant à des espèces différentes)[1]. Les organismes impliqués sont qualifiés de symbiotes, ou, plus rarement symbiontes (anglicisme) ; le plus gros peut être nommé hôte. La durabilité de l'association est une notion relative qui est caractérisée par une association recouvrant une part significative de la durée de vie d'un des deux organismes.

L'étymologie du terme symbiose ne présuppose pas des modalités d'interactions existant entre les deux organismes impliqués et recouvre aussi bien des relations mutualistes (dans lesquelles les deux organismes retirent un intérêt à l'association) que parasitaires (dans lesquelles un des deux organismes retire un avantage tandis que le second subit des coûts). Il y a aussi le commensalisme (dans lequel un des deux organismes retire un avantage lorsque l'autre organisme n'a aucun avantage ou désavantage). Cette définition étymologique est utilisée en sciences biologiques, en particulier en écologie et en évolution et correspond également au mot symbiosis anglais[2],[3].

En français courant (en dehors de son utilisation en sciences citée précédemment), l'utilisation du mot symbiose est réservée aux interactions mutualistes impliquant des avantages pour les deux organismes associés, ce qui est à l'origine de nombreuses confusions.

Origine

Albert Bernhard Frank propose le terme de symbiotismus en 1877[4], terme peu à peu accepté par la communauté scientifique à la suite des travaux d'Anton de Bary qui donne en 1879[5] la définition la plus large[6] de la symbiose[7] en étudiant alors au microscope les stades de croissance et de reproduction des lichens (association entre une algue — Trebouxia dans 60 % des lichens — et un champignon — 25 % des espèces connues de champignons impliquées dans les lichens[8] — mais aussi des bactéries) ainsi que leur adaptabilité qui rend leur survie possible durant l'hiver[9]. Définissant le mot symbiose comme la vie en association (notion d'interaction biologique) de différentes espèces, cette notion incluait donc le parasitisme.

Depuis plus de 130 ans, le terme de symbiose cause mésentente et confusion au sein des biologistes[réf. souhaitée]. La première raison à cela est l’opposition entre la définition selon de Bary et la définition restrictive qui considère la symbiose comme une interaction nécessairement à bénéfices réciproques. La seconde raison est l’emploi d’une myriade de termes différents pour définir précisément chaque type d’interaction et ce qu’elles impliquent pour chacun des participants ce qui ne fait que contribuer à la confusion initiale.

Il semblerait cependant qu’actuellement, la définition restrictive tende à disparaître pour être remplacée par la définition selon de Bary[2]. Selon une étude réalisée en 2012, l'utilisation de la définition restrictive a presque disparu de la littérature et les spécialistes qui évitaient d'utiliser le terme peuvent au moins utiliser la définition selon de Bary sans redouter les critiques, même si certaines confusions subsistent toujours notamment concernant l'intimité et la durabilité des interactions symbiotiques[10].

En ce sens, la symbiose n'est pas une association à bénéfices réciproques (« gagnant et gagnant ») comme habituellement énoncé[11]. Elle l'est dans le sens où « survivre c'est transformer les inconvénients en avantages et éviter que les avantages deviennent des inconvénients »[12], pour éventuellement se survivre[13].

Dans le monde scientifique, la symbiose est une association à caractère obligatoire ou non et à avantages et/ou inconvénients réciproques et partagés, entre partenaires (« locaux ») avec des bénéfices (« globaux ») pour la nouvelle entité émergente[14].

Types d'exemples de symbioses mutualistes

Endosymbiose

On parle d'endosymbiose lorsque l'un des partenaires vit à l'intérieur des cellules de son hôte ou que les organes des symbiotes sont en étroite relation.

Le lichen est un exemple d'association symbiotique de deux espèces de règnes différents : une algue unicellulaire ou une cyanobactérie, et un champignon.
Tococa sp., espèce myrmécophile. Les structures gaufrées à la base des feuilles sont des domaties, des structures spécialisées pour héberger des fourmis qui protègent la plante contre les ravageurs et lui apportent une nourriture minérale.
  • Le lichen est une union entre une algue unicellulaire photosynthétique (photosymbiote) et un champignon (mycosymbiote) : l'algue retire de la relation un apport important en eau et en sels minéraux ainsi qu'un gîte. Le champignon, hétérotrophe, retire le glucose nécessaire à sa croissance que produit l'algue par la photosynthèse.
  • Le mycophycobiose est un lichen inversé.
  • Des endosymbioses d'Eucaryotes existent, par exemple l'algue Coccomyxa dans les cellules de Ginkgo biloba, découverte en 1992
  • l'association entre les zooxanthelles (Dinoflagellés) et les Cnidaires (anémones de mer, coraux).
  • La plupart des légumineuses peuvent réaliser des symbioses avec des bactéries de type Rhizobium, celles-ci permettent à la plante de capter l'azote de l'air.
  • Des algues photosynthétiques vivent en symbiose à l’intérieur des cellules de la salamandre Ambystoma maculatum et entourent ses œufs (cas unique chez les vertébrés de symbiose intracellulaire avec une algue)[15].
  • Dans les écosystèmes des fumeurs noirs, la production primaire est basée sur la chimiosynthèse effectuée par des bactéries vivantes en symbiose avec des moules ou des vers de pompei et des vers tubicoles.

Association dans le tube digestif

  • L'intestin humain contient entre 1000 et 1150 espèces de bactéries[16] comme Escherichia coli ; cette microflore représente chez un adulte plus d'un kilogramme de biomasse. Elles ont un rôle favorable dans la digestion, dans la régulation du système immunitaire et empêchent la colonisation par des organismes pathogènes.
  • La vache possède dans ses estomacs des bactéries symbiotiques capables de digérer la cellulose.

Association obligatoire entre individus distincts

  • L’Acacia cornigera, un arbre myrmécophile, ne peut survivre qu’avec une colonie de fourmis.
  • Les branches du Barteria, naturellement creuses, offrent à une espèce de fourmis, les Tetraponera, un confort sans égal. Mais en plus d'offrir un gîte, l'arbre propose aux fourmis une table garnie en permanence grâce aux bords de ses feuilles parsemées de glandes à nectar que celles-ci récoltent à longueur de journée. En échange des services rendus, les fourmis offrent à l'arbre une protection pour contrer ses ennemis jurés : les mangeurs de feuilles. Les Tetraponera possèdent, en effet, à l'extrémité de leur abdomen un redoutable dard venimeux, et elles éliminent les lianes et lichens qui viennent déranger leur arbre préféré.
  • Les termites sont des insectes qui se nourrissent de bois, or ils ne peuvent pas digérer entièrement la cellulose seuls. La dégradation totale de la cellulose se fait grâce à l'association symbiotique grâce à différente forme de mutualisme selon les espèces : endosymbiose tétrapartite avec des protistes, des bactéries et des archées ou culture de champignons dans les termitières.
  • Le mycorhize est une symbiose entre les racines d'un végétal et un champignon.

Endosymbiose et organites

Des analyses précises de l'ultrastructure anatomique, biochimique et phylogénétique de certains organites constitutifs des cellules eucaryotes indiquent que les mitochondries et les chloroplastes sont, à l'origine, des procaryotes devenus endosymbiotes de cellules eucaryotes ; leur présence résulte de l'endosymbiose de bactéries archaïques, au cours de l'évolution.

Les preuves

  • Mitochondries et chloroplastes possèdent de l'ADN qui codent des caractères qui leur sont nécessaires et ne s'exprimant que là.
  • Le code génétique n'est pas tout à fait le même entre un Eucaryote et un Procaryote. Les codes utilisés pour transcrire les gènes chloroplastiques et mitochondriaux sont plus proches de ceux des Procaryotes que des Eucaryotes.
  • Les ribosomes chloroplastiques et mitochondriaux sont phylogénétiquement plus proches de ceux des Procaryotes que ceux des Eucaryotes et leur ARNr n'a pas la même origine.
  • La structure en enveloppe des deux organites laisse à penser à une phagocytose d'une cellule Procaryote. Cette hypothèse est confirmée par la structure de la membrane interne (qui devrait être la membrane plasmique du Procaryote) qui est très proche de celle d'une bactérie. Elle est aussi riche en protéines, ce qui est une caractéristique des membranes plasmiques des Procaryotes.

Théories symbiotiques de l'évolution

Selon la biologiste Lynn Margulis, célèbre pour son travail sur l'endosymbiose, la symbiose est un facteur clé de l'évolution des espèces. Elle considère que la théorie darwinienne, axée sur la compétition, est incomplète, et affirme qu'au contraire, l'évolution est orientée par des phénomènes de coopération, d‘interaction et de dépendance mutuelle entre organismes vivants[17].

À tous les niveaux d'organisation du vivant, seuls survivent, et se survivent, les associations à avantages et inconvénients réciproques et partagés[18].

L'origine des organismes multicellulaires pourrait ainsi être d'origine symbiotique : des colonies d'unicellulaires auraient fini par former des assemblages permanents (un organisme multicellulaire) où chaque cellule s'est spécialisée. Cette idée est relativement ancienne, on la trouve dans la Gastraea hypothesis de Ernst Haeckel par exemple.

Selon l'hypothèse de l'endosymbiose, les chloroplastes des végétaux ou les mitochondries des eucaryotes seraient issus de bactéries symbiotes. La cellule est une endosyncénose modulaire, elle a émergé par juxtaposition et emboîtement de partenaires devenus indissociables, le noyau d'abord, puis les autres organites[19].

Notes et références

  1. HAVING TO DO, article en anglaise sur l'intelligence des plantes et leur évolution en symbiose avec leurs voisins, y compris les humains
  2. a et b (en) Bradford D. Martin et Ernest Schwab, « Current Usage of Symbiosis and Associated Terminology », International Journal of Biology, vol. 5, no 1,‎ , p. 32 (ISSN 1916-968X, DOI 10.5539/ijb.v5n1p32, lire en ligne, consulté le )
  3. Bradford D. Martin & Ernest Schwab, « Symbiosis: "Living together" in chaos », ResearchGate, vol. 4, no 4,‎ (ISSN 0149-6700, lire en ligne, consulté le )
  4. Albert-Bernhardt Frank, Über die biologischen Verhältnisse des Thallus einiger Krustenflechten, Beiträge zur Biologie der Pflanzen, II, 1877, pp.  123-200
  5. Anton de Bary, « De la symbiose », Revue internationale des sciences, t. III,‎ , p. 301-309 (lire en ligne).
  6. Olivier Perru, « Aux origines des recherches sur la symbiose vers 1868-1883 », Revue d'histoire des sciences, t. 59, no 1,‎ , p. 7.
  7. « das Zusammenleben ungleichnamiger Organismen », organismes différents vivant ensemble.
  8. Chantal Van Haluwyn, Guide des lichens de France : Lichens des arbres, Belin, , p. 11-12
  9. Anton de Bary, De la symbiose, Revue internationale des sciences, III, 1879, pp. 301-309
  10. (en) Bradford D. Martin, « Current Usage of Symbiosis and Associated Terminology », International Journal of Biology, no Vol.5, No.1,‎ (ISSN 1916-9671)
  11. [1] P. Bricage, Systèmes biologiques : production, consommation, croissance et survie. Quelles règles? Quels degrés d'exigence? Quels bilans? (Déterminismes écologique, biologique et génétique de l'adaptation aux changements et de la survie, aux différents niveaux d'organisation des systèmes vivants. Comparaison entre le fonctionnement écologique du vivant et le fonctionnement économique des sociétés humaines. dept Biologie, Faculté des Sciences, Université de Pau, mai 2001.
  12. [2] P. Bricage, Héritage génétique, héritage épigénétique et héritage environnemental: de la bactérie à l'homme, le transformisme, une systémique du vivant. dept Biologie, Faculté des Sciences, Université de Pau, 2002.
  13. [3] P. Bricage, A new evolutionary paradigm: the Associations for the Mutual Sharing of Advantages and Disadvantages. dept Biologie, Faculté des Sciences, Université de Pau, 17/07/01
  14. Pierre Bricace, « A nex evolutionary paradigm : the associations for the mutual sharing of advantages and of disadvantages », 17 juillet 2001
  15. Claire Peltier, « Une salamandre photosynthétique : du jamais vu ! », sur Futura-sciences, (consulté le )
  16. [4] A human gut microbial gene catalogue established by metagenomic sequencing Nature 464, 59-65 (4 March 2010)
  17. Evolution by Association. A History of Symbiosis.(1994) Jann SAPP, Oxford University Press, New York, Oxford, 255 p. (ISBN 0-19-508821-2)
  18. streaming et percolation : une nouvelle « théorie systémique » de l'évolution
  19. [5] 6th European Congress on SYSTEMS SCIENCE, (19 septembre 2005), Paris.

Voir aussi

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Bibliographie

  • (en) Ed Yong, I Contain Multitudes. The Microbes Within Us and a Grander View of Life, Random House, , 368 p. (lire en ligne)
    Livre qui fait le point sur les symbiose animales
  • (en) Naveen Kumar Arora, Plant Microbe Symbiosis. Fundamentals and Advances, Springer Science & Business Media, , 459 p. (lire en ligne)
  • Marc-André Selosse, La symbiose : structures et fonctions, rôle écologique et évolutif, Vuibert, , 154 p.