Sol Invictus (religion)
Sol Invictus | |
Dieu de la mythologie romaine | |
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Disque dédié à Sol Invictus portant la couronne radiée, (Pessinonte, IIIe siècle). | |
Caractéristiques | |
Autre(s) nom(s) | Helgabal |
Fonction principale | Dieu de la lumière, de la justice et de la vérité |
Fonction secondaire | Lumière |
Lieu d'origine | Palmyre |
Équivalent(s) | Apollon, Mithra |
Monture | char solaire |
Culte | |
Lieu principal de célébration | Empire romain |
Date de célébration | 25 décembre |
Famille | |
Conjoint | Aucun |
• Enfant(s) | Aucun |
Symboles | |
Attribut(s) | couronne radiée |
Astre | soleil |
Couleur | doré |
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Sol Invictus, expression latine signifiant « Soleil invaincu », est une divinité solaire romaine dont le culte apparaît dans l'empire romain au cours du IIIe siècle.
Reprenant des aspects de la mythologie d'Apollon et du culte de Mithra, elle connaît d'abord une grande popularité dans l'armée romaine. Officialisée en 274 par l'empereur Aurélien, qui place sa fête de naissance au 25 décembre, puis par Constantin, qui fait du jour du Soleil un jour de repos, son culte va être assimilé par le christianisme devenu religion de l'empire au IVe siècle, en faisant du jour du Soleil le jour du Seigneur et du jour de la naissance du Soleil le jour de la naissance de Jésus.
Contexte
[modifier | modifier le code]Contexte religieux
[modifier | modifier le code]- cultes solaires gréco-romains : Apollon, Hélios
- culte de Mithra
- jour du Soleil chez les Romains (semble exister dès le IIe siècle)
- cultes politiques impériaux : culte de Rome ; culte de l'empereur et de la famille impériale (chaque cité doit rendre un culte) ; en Gaule, une cérémonie a lieu chaque année à l'échelle des Trois Gaules, au sanctuaire fédéral de Lyon ; cependant, ces cultes sont tombés en désuétude au cours du IIIe siècle
- pour Rome, tous les cultes sont acceptables, dès lors qu'ils n'empêchent pas ce culte impérial ; seules deux religions posent problème :
- le judaïsme, avec lequel un modus vivendi a été établi, interrompu par plusieurs guerres juives ;
- le christianisme, dont les adeptes subissent des périodes de persécutions alternant avec une semi-clandestinité précaire
Contexte historique : la crise du IIIe siècle
[modifier | modifier le code]Durant les décennies de la crise du IIIe siècle (235-284), l'empire romain est dans une situation difficile[1], confronté à une grand insécurité intérieure et à moindre degré extérieure.
C'est l'époque durant laquelle nombre des chefs-lieux de cités sont dotés de remparts, suivant l'exemple de la capitale impériale, où de 271 à 283 est construit le mur d'Aurélien (toujours existant).
Historique
[modifier | modifier le code]Débuts du culte de Sol Invictus
[modifier | modifier le code]Le culte de Sol Invictus présente toutes les caractéristiques d’un culte d’origine asiatique. On lit notamment chez l’apologiste chrétien Épiphane de Salamine[2] qu’on célébrait dans certaines villes d'Arabie et d’Égypte le triomphe de la lumière sur les ténèbres, plus spécifiquement comme la renaissance du dieu Aiôn, enfanté de la vierge Koré, avec un lien évident à la doctrine de l'éternel retour. Dans la tradition cosmologique grecque, aiôn est un des aspects du Temps (l'éternel présent) et korè désigne l’éternel féminin ; c’est aussi une épithète de la déesse Perséphone. Ce témoignage d’Épiphane est renforcé par celui de Côme de Maïouma[3] (VIIe siècle), qui évoque ce genre de cérémonie les nuits du 24 au 25 décembre.
Officialisation de Sol Invictus par Aurélien (274)
[modifier | modifier le code]Aurélien (empereur de 270 à 275), vainqueur de la reine de Palmyre Zénobie et restaurateur de l'ordre, décide d'instaurer un nouveau culte commun à tout l'empire afin de renforcer le sentiment unitaire[4] que le culte impérial n'assure plus efficacement.
L'officialisation de Sol Invictus a lieu en décembre 274, lors de l'inauguration de son temple au Champ-de-Mars de Rome, le 25 décembre. Aurélien proclame que ce dieu est le patron principal de l’Empire romain. Le temple de Sol Invictus, qui reçoit le butin rapporté de la campagne contre Zénobie, est desservi par un collège de prêtres spécifiques, les pontifices Solis (« prêtres du Soleil »).
Aurélien fait du 25 décembre, alors considéré officiellement comme le jour du solstice d'hiver[5], une fête religieuse, le « jour de la naissance du Soleil invaincu » (en latin : dies natalis Solis Invicti). Cette fête nouvelle intervient peu après la fête très ancienne des Saturnales (17-23 décembre), sans doute la plus importante de la Rome antique.
C'est la première association du 25 décembre avec une naissance : reprise par la suite par le christianisme, comme jour de la naissance de Jésus, c'est l'origine religieuse et étymologique (Natalis) de « Noël », qu'on retrouve dans les mots espagnol Nadal, italien Natale, etc.
Ce nouveau culte ne change rien pour les autres cultes polythéistes, ni à celui des chrétiens, qui n'en ont pas terminé avec les persécutions.
Relation avec le culte d'Élagabal de l'empereur Héliogabale
[modifier | modifier le code]Ce nouveau culte est mal accueilli par les milieux romains conservateurs, comme les rédacteurs de l’Histoire Auguste), attachés à la religion traditionnelle romaine.
Pour le discréditer, ils l'assimilent à une divinité syrienne, Élagabal, qui a énormément choqué sous le règne de l'empereur Marcus Aurelius Antoninus, surnommé Héliogabale[6] , grand prêtre d'Élagabal à 13 ans, empereur à 14, mort au cours d'une émeute à 18.
Règne de Dioclétien (284-305)
[modifier | modifier le code]Le culte de Sol Invictus n'est pas particulièrement mis en avant par la propagande impériale de Dioclétien (284-305) et de la Tétrarchie (293-306).
Règne de Constantin (310-337)
[modifier | modifier le code]Le culte existe encore au début du IVe siècle, puisque Constantin, empereur de 310 à 337, qui autorise le christianisme dès 313 et qui est le premier empereur converti au christianisme (il se fait baptiser sur son lit de mort), est au début de son règne un adepte du « Soleil invaincu ».
Il fait frapper des monnaies avec la légende Soli Invicto Comiti (« Au Soleil invaincu qui m'accompagne »).
Par une loi du , il fait du « Jour du Soleil », correspondant au dimanche (cf. Sunday en anglais, de sun, soleil, et day, jour, ou Sonntag, en allemand, de Sonne, soleil, et Tag, jour), un jour du repos hebdomadaire (Code Justinien 3.12.2).
Après Constantin
[modifier | modifier le code]- Julien (de 361 à 363), empereur polythéiste très hostile au christianisme
Les chrétiens et le culte de Sol Invictus
[modifier | modifier le code]Pour les chrétiens, le jour du Soleil des Romains est le premier jour de la semaine et le jour de la résurrection du Christ, le « jour du Seigneur » (dies Dominicus, en français « dimanche », mais la dénomination romaine a été conservée dans plusieurs langues : Sunday, Sonntag). Les chrétiens se réunissent pour une Eucharistie le dimanche soir[7].
Or, un des titres messianiques de Jésus-Christ est « soleil de justice », ce qui ouvre la voie à un syncrétisme avec le symbolisme du culte solaire romain[8].
Lorsque le christianisme devient la religion officielle de l'Empire romain à la fin du IVe siècle, la célébration de la naissance de Jésus par les chrétiens de Rome le prend peu à peu la place du culte de Sol Invictus[9],[4].
Postérité
[modifier | modifier le code]L'Empire de Nilfgaard, un des royaumes présentés dans la série romanesque d'origine polonaise, Le Sorceleur, a un dieu nommé « le Grand Soleil ».
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Marcel Le Glay, Rome, vol. II : Grandeur et chute de l’Empire, Paris, Perrin, (réimpr. 2005) (ISBN 978-2-262-01898-6))
- Epiphane de Salamine (trad. Aline Pourkier), Panarion adversus Hæreses, vol. I, Editions du Cerf, , 662 p. (ISBN 9782204149587), « hérésies 51 ».
- W. Christ et M. Paranikas, Anthologia Græca Carminum Christianorum, Leipzig, R. G Teubner, , « KOΣMA TOY MAIOYMA KANONEΣ KAI TRIῼΔIA », p. 165, Kανόν 2
- Steven Hijmans, « Sol Invictus, the Winter Solstice and the Origins of Christmas », Mouseion, vol. 47, no 3, , p. 277-298.
- Pour les Romains, la date de l'équinoxe de printemps est le . Elle a été fixée au 21 mars par le concile de Nicée de 325, date (plus correcte) officialisée par la suite dans l'empire romain.
- Juan Ramón Carbó-García, « La problématique de Sol Invictus. Le cas de la Dacie Romaine », Numen, vol. 57, no 5, , p. 583-618
- Dom Robert Le Gall, « Dimanche », sur Portail de la liturgie catholique édité par le Service National de la Pastorale Liturgique et Sacrementale (SNPLS) de la Conférence des évêques de France (consulté le )
- Dom Robert Le Gall, « Dimanche », sur Liturgie catholique du Service National de la Pastorale Liturgique et Sacramentelle (SNPLS) de la Conférence des évêques de France : « Ainsi pouvait-on donner un sens chrétien à ce jour que les païens appelaient "jour du soleil" (encore Sonntag en allemand et sunday en anglais) et qui était le deuxième de la semaine planétaire (jours de Saturne, du Soleil, de la Lune, de Mars, de Mercure, de Jupiter et de Vénus, d’où viennent les noms des jours de la semaine). Le dimanche peut être le jour du soleil, car c'est le jour où le Christ, vrai "soleil de justice" (Ml 3, 20), s'est levé après le coucher de sa mort rédemptrice. »
- Père Norbert Hennique, « Noël, le 25 décembre : le passage d’un culte païen à la célébration chrétienne », sur Liturgie catholique du Service National de la Pastorale Liturgique et Sacramentelle (SNPLS) de la Conférence des évêques de France : « Le choix de la date du 25 décembre pour célébrer la Nativité de Jésus a ainsi permis de « christianiser » le culte païen du « soleil invaincu » en célébrant le Messie annoncé par le prophète Malachie (4,2) comme le « Soleil de justice » ou encore par le Christ comme la "Lumière du monde" selon le verset de saint Jean (8,12). »
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Jean-Pierre Martin, « Sol Invictus : des Sévères à la tétrarchie d'après les monnaies », Cahiers du Centre Gustave Glotz, XI, 2000, p. 297-307, en ligne sur www.persee.fr.
- Juan Ramón Carbó-García, « La problématique de Sol Invictus. Le cas de la Dacie Romaine », Numen, volume 57, n° 5, 2010, p. 583-618