Machine à courant continu

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Une machine à courant continu est une machine électrique. Il s'agit d'un convertisseur électromécanique permettant la conversion bidirectionnelle d'énergie entre une installation électrique parcourue par un courant continu et un dispositif mécanique ; selon la source d'énergie.

Cependant, la machine à courant continu étant réversible et susceptible de se comporter soit en « moteur » soit en « générateur » dans les quatre quadrants du plan couple-vitesse[1],[2],[3], la distinction moteur/générateur se fait « communément » par rapport à l'usage final de la machine.

Inventée par Zénobe Gramme et présentée à l'Académie des Sciences, à Paris, en 1871[4], c'était au départ un simple générateur de courant continu (pour applications galvanoplastiques[4], par exemple, les accumulateurs étant onéreux).

Machine de base ou machine à excitation indépendante[modifier | modifier le code]

Animation de la machine à courant continu.
Représentation schématique d'une machine à courant continu bipolaire.

Description sommaire[modifier | modifier le code]

Une machine électrique à courant continu est constituée :

  • d'un stator qui est à l'origine de la circulation d'un flux magnétique longitudinal fixe créé soit par des enroulements statoriques (bobinage) soit par des aimants permanents. Il est aussi appelé « inducteur » en référence au fonctionnement en génératrice de cette machine.
  • d'un rotor bobiné relié à un collecteur rotatif inversant la polarité de chaque enroulement rotorique au moins une fois par tour de façon à faire circuler un flux magnétique transversal en quadrature avec le flux statorique. Les enroulements rotoriques sont aussi appelés enroulements d'induits, ou communément « induit » en référence au fonctionnement en génératrice de cette machine.

Constitution et principes physiques[modifier | modifier le code]

Schéma de machine à courant continu vue en coupe latérale. La partie ronde en gris au centre est le rotor, qui tourne dans le sens anti-horaire. L'autre partie en gris constitue le stator.
  • Le courant injecté via les balais au collecteur, traverse un conducteur rotorique (une spire rotorique) et change de sens (commutation) au droit des balais. Ceci permet de maintenir la magnétisation du rotor perpendiculaire à celle du stator.
    La disposition des balais sur la « ligne neutre » (c'est-à-dire la zone où la densité de flux est nulle), permet d'obtenir la force contre-électromotrice (FCEM) maximum. Cette ligne peut néanmoins se déplacer par la réaction magnétique d'induit (influence du flux rotorique sur le champ inducteur) selon que la machine travaille à forte ou à faible charge. Une surtension, due en partie à la mauvaise répartition de la tension entre lames du collecteur et en partie à l'inversion rapide du courant dans les sections de conducteur lors du passage de ces lames sous les balais, risque alors d'apparaître aux bornes de la spire qui commute et de provoquer la destruction progressive du collecteur. Pour pallier cela, c’est-à-dire compenser la réaction d'induit, et aussi améliorer la commutation, on utilise des pôles auxiliaires de compensation/commutation.
  • L'existence du couple s'explique par l'interaction magnétique entre stator et rotor :
    • Le champ statorique ( sur le schéma) est pratiquement nul sur les conducteurs logés dans des encoches et n'agit donc pas sur eux. L'origine du couple reste la magnétisation transversale du rotor, inchangée au cours de sa rotation (rôle du collecteur). Un pôle statorique agit sur un pôle rotorique et le moteur tourne.
    • Une manière classique mais simplificatrice de calculer le couple est de s'appuyer sur l'existence d'une force de Laplace[5] (fictive) créée par le champ statorique ( sur le schéma) et agissant sur les conducteurs rotoriques traversés par le courant d'intensité . Cette force ( sur le schéma) qui résulte de cette interaction est identique en module pour deux conducteurs rotoriques diamétralement opposés, mais comme ces courants sont en sens inverse grâce au système balais-collecteur, les forces sont aussi de sens opposé.
  • La force ainsi créée est proportionnelle à et à . Le couple moteur est donc lui aussi proportionnel à ces deux grandeurs.
  • La tige conductrice traversée au rotor par le courant se déplace soumise au champ statorique . Elle est donc le siège d'une FCEM induite (loi de Lenz) proportionnelle à et à sa vitesse de déplacement, donc à la fréquence de rotation. L'ensemble de ces forces contre-électromotrices a pour conséquence l'apparition d'une FCEM globale aux bornes de l'enroulement rotorique qui est proportionnelle à et à la vitesse de rotation du moteur.
  • Pour permettre au courant de continuer à circuler, il faudra que l'alimentation électrique du moteur délivre une tension supérieure à la force contre-électromotrice induite au rotor.

Schéma électrique idéalisé (en mode de fonctionnement moteur)[modifier | modifier le code]

Ce schéma rudimentaire n'est pas valable en régime transitoire. et sont respectivement les résistances du rotor (résistance de l'induit) et du stator (résistance du circuit d'excitation)

Ce schéma correspond aux équations électriques suivantes :

  • au stator : (loi d'ohm) et le champ statorique vaut (la moins exacte des formules de ce paragraphe, car on ne tient pas compte des non-linéarités qui sont importantes et, de plus, on suppose que la machine comporte des enroulements de compensation/commutation qui rendent ce champ indépendant des courants rotoriques. En fait, on fait passer dans ces enroulements de compensation/commutation un courant tel qu'il crée un champ annulant le champ induit au niveau des balais. Ce courant est le courant passant dans l'enroulement d'armature car le champ de commutation doit varier de la même manière que le champ induit.)
  • au rotor :

D'autre part on a deux équations électromécaniques :

  • La force contre-électromotrice :
correspond à la vitesse de rotation, ou pulsation, en rad/s reliée à la fréquence (nombre de tours par seconde) par la relation
  • Le couple électromécanique (moteur ou résistant) :

On peut montrer que c'est la même constante k' qui intervient dans les deux relations précédentes ce qui implique :

  • ou « Puissance électrique utile » = « Puissance mécanique ».

Descriptif du fonctionnement[modifier | modifier le code]

Imaginons une machine électrique alimentée par une source de tension constante. Lorsque le moteur tourne à vide (il ne fait pas d'effort) il n'y a pas besoin de fournir de couple, est très faible et La vitesse de rotation est proportionnelle à .

  • fonctionnement en moteur

Lorsque l'on veut la faire travailler, en appliquant un couple résistant sur son axe, cela la freine donc diminue.
Comme reste constante, le produit . augmente donc augmente, donc le couple augmente lui aussi et lutte contre la diminution de vitesse : c'est un couple moteur.
Plus on le freine, plus le courant augmente pour lutter contre la diminution de vitesse. C'est pourquoi les moteurs à courant continu peuvent « griller » lorsque le rotor est bloqué, si le courant de la source n'est pas limité à une valeur correcte.

  • fonctionnement en génératrice

Si une source d'énergie mécanique essaie d'augmenter la vitesse de machine, (la charge est entraînante : ascenseur par exemple), Ω augmente donc augmente.
Comme reste constante, le produit devient négatif et augmente en valeur absolue, donc augmente, donc le couple augmente lui aussi et lutte contre l'augmentation de vitesse : c'est un couple frein.
Le signe du courant ayant changé, le signe de la puissance consommée change lui aussi. La machine consomme une puissance négative, donc elle fournit de la puissance au circuit. Elle est devenue génératrice.

Ces deux modes de fonctionnement existent pour les deux sens de rotation de la machine. Celle-ci pouvant passer sans discontinuité d'un sens de rotation ou de couple à l'autre. On dit alors qu'elle fonctionne dans les quatre quadrants du plan couple-vitesse.

Machine à excitation constante[modifier | modifier le code]

C'est le cas le plus fréquent : est constant car il est créé par des aimants permanents ou bien encore parce que est constant (excitation séparée alimenté en courant continu)

Si l'on pose : , les équations du paragraphe précédent deviennent :

Moteur série[modifier | modifier le code]

L'excitation série étant principalement réservée à des moteurs, il n'est pas habituel d'utiliser le terme de machine à excitation série (exception faite dans les systèmes ferroviaires).

Ce type de moteur est caractérisé par le fait que le stator (inducteur) est raccordé en série avec le rotor (induit).

  • Donc le même courant traverse le rotor et le stator : et la tension d'alimentation


En admettant que le flux , les équations de la machine deviennent :

Les équations ci-dessus permettent de montrer que les moteurs à excitation série peuvent développer un très fort couple en particulier à basse vitesse, celui-ci étant proportionnel au carré du courant. C'est pourquoi ils ont été utilisés pour réaliser des moteurs de traction de locomotives jusque dans les années 1980.
Ce type de machine présente toutefois, du fait de ses caractéristiques, un risque de survitesse et d'emballement à vide.

Aujourd'hui, les principales applications sont :

  • les démarreurs d'automobiles ;
  • les moteurs universels : le couple reste de même sens quel que soit le signe de I.

Une des conditions pratiques pour qu'un moteur série soit un moteur universel est que son stator soit feuilleté, car dans ce cas le flux inducteur peut être alternatif. (Remarque : une perceuse prévue pour le raccordement sur le réseau 230 V alternatif fonctionne aussi en courant continu : branchée sur une batterie d'automobile de 12 V elle tourne.)

Excitation shunt[modifier | modifier le code]

Dans le moteur shunt, le stator est câblé en parallèle avec le rotor. La tension aux bornes du rotor est la même que celle aux bornes du stator, donc :

Les équations de la machine deviennent :

Le moteur à excitation shunt est utilisé en outillage électroportatif, du fait de son couple limité protégeant l'utilisateur et de l'absence d'emballement à vide.

Excitation composée ou compound[modifier | modifier le code]

Dans le moteur compound une partie du stator est raccordé en série avec le rotor et une autre est de type parallèle ou shunt. Ce moteur réunit les avantages des deux types de moteur : le fort couple à basse vitesse du moteur série et l'absence d'emballement (survitesse) du moteur shunt.

Avantages et inconvénients[modifier | modifier le code]

principe du collecteur

L'avantage principal des machines à courant continu réside dans leur adaptation simple aux moyens permettant de régler ou de faire varier leur vitesse, leur couple et leur sens de rotation : les variateurs de vitesse, voire leur raccordement direct à la source d'énergie : batteries d'accumulateur, piles, etc.

Le principal problème de ces machines vient de la liaison entre les balais, ou « charbons » et le collecteur rotatif, ainsi que le collecteur lui-même comme indiqué plus haut et la complexité de sa réalisation. De plus il faut signaler que :

  • plus la vitesse de rotation est élevée, plus la pression des balais doit augmenter pour rester en contact avec le collecteur donc plus le frottement est important ;
  • aux vitesses élevées les balais doivent donc être remplacés très régulièrement ;
  • le collecteur imposant des ruptures de contact provoque des arcs, qui usent rapidement le commutateur et génèrent des parasites dans le circuit d'alimentation, ainsi que par rayonnement électromagnétique.

Un autre problème limite les vitesses d'utilisation élevées de ces moteurs lorsque le rotor est bobiné, c'est le phénomène de « défrettage », la force centrifuge finissant par casser les liens assurant la tenue des ensembles de spires (le frettage).

La température est limitée au niveau du collecteur par l'alliage utilisé pour braser les conducteurs du rotor aux lames du collecteur. Un alliage à base d'argent doit être utilisé lorsque la température de fonctionnement dépasse la température de fusion de l'alliage classique à base d'étain.

Un certain nombre de ces inconvénients ont partiellement été résolus par des réalisations de moteurs sans fer au rotor, comme les moteurs « disques » ou les moteurs « cloches », qui néanmoins possèdent toujours des balais.

Les inconvénients ci-dessus ont été radicalement éliminés grâce à la technologie du moteur sans balais (aussi dénommé moteur brushless, ou improprement « moteur à courant continu sans balais »), qui est une machine synchrone auto-pilotée.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Les quadrants I à IV du plan couple-vitesse (dit des « quatre quadrants »), figurant dans l'article « Quadrant (mathématiques) », avec la vitesse en ordonnée et le couple en abscisse. Toutes les machines électriques (à courant continu, synchrone ou asynchrone) passent sans discontinuité du fonctionnement « moteur » au fonctionnement « générateur » par simple inversion du signe du couple (charge entraînée ou entraînante, par exemple pendant les phases d'accélération ou de freinage) ou du signe de la vitesse (inversion du sens de rotation).
  2. Paul Landercy, « Le fonctionnement en quatre quadrants d’un entraînement à variation de vitesse » [PDF], sur assets.cdnsw.com, (consulté le ).
  3. Robert Chauprade, Commande électronique des moteurs à courant continu – À l'usage de l'enseignement supérieur, écoles d'ingénieurs, maîtrise, IUT, Paris, éd. Eyrolles, coll. « EEA », 1975, 243 p., p. 15-32 et 148-150.
  4. a et b « Machine dynamo-électrique système Gramme disposée spécialement pour la galvanoplastie et la réduction des métaux », sur arts-et-metiers.net, musée des Arts et Métiers (consulté le ).
  5. Machine à courant continu Sitelec.org

Annexes[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Charles Harel, Machines électriques et essais de Machines, Société française des électriciens – École supérieure d'électricité, Paris, 1960.
  • A. Fouillé, Électrotechnique à l'usage des ingénieurs. T.2, Machines électriques, Paris, Dunod, 1969.
  • M. Poloujadoff, Conversions électromécaniques : maîtrise d'EEA et C3 - Électrotechnique, Paris, Dunod, 1969.
  • Mikhail Kostenko et Ludvik Piotrovski, Machines électriques, t. I, Machines à courant continu, transformateurs, Éditions de Moscou (MIR), 1969 ; 3e édition, 1979, 582 p.
  • J. Chatelain, Machines électriques – Volume X du traité d'électricité, d'électronique et d'électrotechnique, Presse polytechnique romande,  éd. Georgi, 1983 ; réédité par Dunod, 1993.
  • Claude Chevassu, « Machines électriques – Cours et problèmes – Chapitre 3 (« Machines à courant continu ») » [PDF], École nationale supérieure maritime (ENSM), , p. 89-138.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]