Jean-Louis Ovaert
Naissance | |
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Décès |
(à 80 ans) Marseille 5e |
Nom de naissance |
Jean Louis André Ovaert |
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Formation | |
Activités |
Jean-Louis Ovaert (JLO), né à Flers-lez-Lille le et mort dans le 5e arrondissement de Marseille le [1], est un inspecteur général de mathématiques. Normalien supérieur d'origine ouvrière, syndicaliste, élève de Gustave Choquet, Henri Cartan, André Lichnerowicz et Pierre Raymond, collaborateur de l'APMEP et directeur d'IREM, il est à l'origine des réformes de l'enseignement en classes préparatoires de 1992. Outre son apport à l'histoire de la discipline, quelques-uns de ses livres de mathématiques sont devenus des classiques de l'enseignement des mathématiques des premières classes d'université.
Biographie
[modifier | modifier le code]Formation
[modifier | modifier le code]Jean-Louis Ovaert est né le dans une famille ouvrière du textile à Flers-lez-Lille. En 1952, il entre à Louis-le-Grand dans la classe de Cagnac, puis à l’ENS d’Ulm (1953), où il reçoit l'enseignement de Gustave Choquet, de Henri Cartan en topologie algébrique et d'André Lichnerowicz en calcul tensoriel. On le surnomme alors Sam(ovar). Plus tard, on l'appelle en privé JLO[2]. Il suit également certains cours de Louis Althusser[3].
Premières années
[modifier | modifier le code]Agrégé de mathématiques en 1956, il entre au CNRS et travaille sur les distributions. De 1960 à 1962, il effectue son service militaire dans la Marine nationale. En 1962, il est chargé d'enseignement à l’Université. Nommé à Nancy jusqu’en 1975, il adhère au SGEN-CFDT dont il devient militant à Nancy puis à Paris, dans les années qui suivent la déconfessionnalisation de la CFTC (1964). Parallèlement, il est professeur à l’École des mines de Nancy (en 1968)[4] et directeur de l’IREM de cette ville (en 1972). À Paris, il suit les cours de Pierre Raymond sur la Science de la Logique de Hegel et participe à un groupe de travail réunissant, sous la direction de Raymond, Jean-Jacques Sansuc, Laurent Clozel et Christian Houzel[5].
De l'enseignement à l'inspection
[modifier | modifier le code]En 1975, il est nommé au lycée Thiers de Marseille. En 1982 il devient consultant à la Direction des Lycées, En 1984, il est nommé à l’Inspection générale de mathématiques. Grâce à lui, l'enseignement des Classes préparatoires aux grandes écoles est profondément rénové. A l'époque, ce système d'enseignement est dans le collimateur du ministère de l'éducation nationale et du ministre Claude Allègre. Pour couronner cette réforme, il pilote la rénovation de l'informatique de ces classes au sein de la commission dirigée par Jacques Stern, Jean-Jacques Levy et lui-même[6]. Il part en retraite en [4], et décède après une longue maladie, en .
Distinctions
[modifier | modifier le code]Chevalier de la Légion d'honneur ()
Hommages
[modifier | modifier le code]Le , une journée d'hommage à sa mémoire a lieu à l’université Paris Diderot dans l'amphithéâtre Turing, en présence des inspecteurs généraux Jean-Louis Piednoir, André Warusfel, Eric van der Oord, de Claude Pair, Daniel Reisz, Denis Monasse, Paul-Louis Hennequin, Jean-Jacques Sansuc, Évelyne Barbin, Michèle Artigue, Jean-Pierre Raoult et deux de ses anciens co-auteurs, Christian Houzel et Robert Rolland[7].
On retient de lui son caractère parfois bourru[8], ses énormes capacités de travail, sa passion pour la musique et la gastronomie. JLO empruntait généralement au Savant Cosinus, la fameuse sentence « plus de doute ! c’est lui ! » lorsque se posait une question d’existence et d’unicité [9].
« Pour bien comprendre une science, il faut passer par son histoire » affirmait JLO. Évelyne Barbin rappelle par ailleurs dans ses hommages une autre phrase clef d'Ovaert : « Le problème didactique est de savoir si, quand historiquement il y a eu une difficulté dans l’établissement d’une théorie, l’élève est obligé de repasser par les mêmes chemins ou des chemins analogues. Je peux avancer la thèse suivante : un obstacle épistémologique dans la construction historique du savoir est toujours le signe d’un obstacle du côté des élèves, mais la manière dont on va faire franchir l’obstacle, n’est pas nécessairement la manière historique. Les gens qui rédigent les programmes ne se rendent pas compte des difficultés de construction du savoir. »
Certaines de ces idées sont encore l'objet de débat et d'étude, comme le montre la thèse de Marc Lalaude-Labayle en 2016[10] ; en particulier la façon dont il décrit les domaines de fonctionnement de l'algèbre linéaire en 1981 dans Épistémon en collaboration avec Verley (tantôt on raisonne de façon purement algébrique, dans les algèbres d'endomorphismes ; tantôt on utilise l'aspect géométrique, c'est-à-dire l'action des endomorphismes sur des objets variés, tantôt on passe dans le domaine numérique, avec l'emploi de bases et le calcul matriciel).
Il en va de même de la distinction qu'il introduit entre le caractère « outil » et le caractère « objet » des concepts mathématiques (Robinet, 1983, p. 7) revisité ultérieurement par Adrien Douady. « Un concept scientifique, aussi simple soit-il en apparence, n'est jamais enfermé dans une définition, fût-elle axiomatique, mais rassemble de manière organique toutes ses formes de fonctionnement, scientifiques et idéologiques », affirme Ovaert en 1979[11].
Son souvenir est brièvement évoqué par l'écrivain Jacques Roubaud dans "Impératif Catégorique", récit où l'auteur d'Hortense confesse avoir été initié aux espaces simplement connexe par JLO, alors assistant de Gustave Choquet[12].
Travaux
[modifier | modifier le code]Bosses glissantes
[modifier | modifier le code]D'après le témoignage d'Aline Robert[13], c'est à Jean-Louis Ovaert qu'on doit d'appeler bosses glissantes les suites ou familles de fonctions du type , cousines des chapeaux pointus et des chapeaux chinois[14]. Cette dénomination semble néanmoins présente dès 1940, chez Bourbaki[15]
Contribution administrative
[modifier | modifier le code]Les publications de Jean-Louis Ovaert sont essentiellement pédagogiques mais son rôle dans le monde des mathématiques excède de loin son apport à l'éducation de générations de taupins. Il joue un rôle fort dans la mise en place et le fonctionnement de la COPREM ("Commission Permanente de Réflexions sur l'Enseignement des Mathématiques") dès 1976. Conseiller de la Direction des lycées, il aide à la rénovation des programmes des filières technologiques avec Francis Labroue et Bernard Verlant. Avec l'aide de Claude Pair (alors Directeur des lycées), il élargit le recrutement des sections "C" du baccalauréat. Président puis coprésident avec Jacques Camus du jury du CAPES externe, il rénove l'enseignement des sciences en classe préparatoire lors de la réforme de 1992 en liaison avec Claude Boichot.
Publications
[modifier | modifier le code]On lui doit plusieurs ouvrages tant en histoire - et en épistémologie - des mathématiques que dans la discipline elle-même :
- Avec Christian Houzel, Jean-Jacques Sansuc et Pierre Raymond : Philosophie et calcul de l’infini (Maspero 1976).
La contribution de Jean-Louis Ovaert porte sur l'œuvre didactique de Lagrange ; la Théorie des fonctions analytiques de 1797 et les Leçons sur le calcul des fonctions de 1808.
- En collaboration avec Lucien Chambadal :
- Cours de Mathématiques, tome 1 : Notions fondamentales d'algèbre et d'analyse (Gauthier-Villars 1966) (ASIN B0014QTO8I)
- Algèbre linéaire et algèbre tensorielle, Dunod, 544 pages, 1968 (ASIN B0014QWQQK)
- Algèbre I et Algèbre II, 511 pages, Gauthier-Villars, 1972 (ASIN B0014QWQLU)
- Analyse I et Analyse II, 674 pages, Gauthier-Villars, 1975
- Algèbre multilinéaire, Bordas éditions (), coll. « Dunod Université » (ISBN 2040157611)
- Fonctions d'une variable réelle, Bordas éditions (), coll. « Dunod Université » (ISBN 2040157581)
- Avec Jean-Luc Verley, dans la collection dirigée par « Léonhard Epistemon » : Algèbre vol. 1 (1981) et Analyse vol. 1 (1983), enrichies de notes historiques (Cedic/Nathan) (ISBN 2712404076)
- Plusieurs articles dans le cadre des bulletins inter IREM, notamment avec Daniel Lazet : Pour une nouvelle approche de l’enseignement de l’analyse (Bulletin Inter IREM, vol.20, 1981).
- Des notices sur l'histoire des mathématiques, particulièrement sur :
- Cramer, Introduction à l’analyse des lignes courbes algébriques (passage sur les formules de Cramer)
- Cauchy, Cours d’analyse (définition des déterminants ; formule d’interpolation de Lagrange)
- Cayley, mémoire sur les matrices.
- Laguerre, lettre à Hermite sur le calcul matriciel.
- Peano, préface au Calcolo geometrico
- Burali Forti, Introduction à la géométrie différentielle suivant la méthode de H.
- Grassmann (calcul sur les formes géométriques).
Notes et sources
[modifier | modifier le code]- État civil sur le fichier des personnes décédées en France depuis 1970
- Brochure IREM – APMEP Juillet 2015, à lire en ligne : [1]
- Marc Rogalski, Quelques souvenirs sur Jean-Louis Ovaert, [2]
- Armelle Bourgain, Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public, « Jean-Louis Ovaert : Nécrologie – Sa vie », sur apmep.fr, Le bulletin vert, (consulté le ).
- J. Rosmorduc, « Analyse d'ouvrages : Pierre Raymond, De la combinatoire aux probabilités ; Michel Plon, La théorie des jeux : une politique imaginaire ; Christian Houzel, Jean-Louis Ovaert, Pierre Raymond, Jean Jacques Sansuc, Philosophie et calcul de l'infini », Revue d'histoire des sciences, vol. 31, no 3, 1978, p. 281-282, [lire en ligne].
- Article de Denis Monasse dans le bulletin d'hommages que lui consacre l'APMEP à lire en ligne [3]
- Programme de l'hommage à JLO (Un acteur clé de l’enseignement des mathématiques) le 26 mars 2015 [4].
- Brochure IREM – APMEP, juillet 2015, à lire en ligne : [5]
- Extrait de L’idée fixe du savant Cosinus de Christophe, Librairie Armand Colin, 103 Boulevard Saint Michel, Paris. (ISBN 9782200370329)
- Marc Lalaude-Labayle. L’enseignement de l’algèbre linéaire au niveau universitaire - Analyse didactique et épistémologique. Mathématiques, laboratoire de Mathématiques et de leurs Applications, université de Pau et des Pays de l'Adour, UMR CNRS 5142 (tel-01419021), à lire sur Hal [6]
- Corine Castela, Des mathématiques à leurs utilisations, contribution à l’étude de la productivité praxéologique des institutions et de leurs sujets, note de synthèse présentée en vue de l'habilitation à diriger des recherches, Université Paris Diderot, à lire sur Hal, [7]
- Jacques Roubaud, "Impératif catégorique", Le Seuil, 270p, 2008 (ISBN 2021007235) [8]
- Jean Louis Ovaert et le sens des mathématiques –quelques souvenirs, par Aline Robert [9]
- Cahiers critiques de la littérature, Numéros 1 à 5 aux Editions Contraste, 1976, page 194, [10]
- Nicolas Bourbaki, Éléments de mathématique: "paragraphes", Hermann, 1940 [11]
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Page Ovaert sur le site de l'APMEP, par le comité de rédaction du Bulletin Vert.
- Jean-Louis Ovaert — Un homme d'action et de convictions, brochure IREM-APMEP, . Édité par René Cori, Anne Michel-Pajus et Robert Rolland
- Une page de Christian Houzel évoquant sa collaboration avec JLO : [12]
- La notice nécrologique de la SMF. [13]
Liens externes
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