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Ismérie (sainte)

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Ismérie
Image illustrative de l’article Ismérie (sainte)
Ismérie recevant la visite de la Vierge (arrière-plan) et découvrant la statuette une fois réveillée. (Étienne-Nicolas Villette, Histoire de l'image miraculeuse de Notre-Dame de Liesse, 1769.)
Naissance XIe siècle ou XIIe siècle
Égypte
Décès XIIe siècle ou XIIIe siècle 
Aisne (France)
Nom de naissance Ismérie
Autres noms Marie
Activité Princesse
Vénérée par Église catholique
Fête 15 août (Assomption de Marie)
18 août (Notre-Dame de Liesse)
Attributs Statuette de la vierge Marie

Selon la croyance chrétienne catholique, Ismérie, ou parfois Isméria, est une princesse égyptienne du XIIe siècle, née musulmane chiite et convertie au christianisme sous le nom de Marie. La légende en fait la fondatrice de la basilique Notre-Dame de Liesse en 1134, avec trois frères chevaliers de la Maison d'Eppes, au temps de Barthélemy de Jur, évêque de Laon.

Contexte[modifier | modifier le code]

Juifs, chrétiens et musulmans font le pèlerinage en Terre-Sainte. Les Seldjoukides font la guerre à l'empire byzantin, ils prennent possession de Jérusalem en . En 1095 le pape Urbain II accepte d'aider Alexis Ier Comnène et appelle les chevaliers chrétiens à prêter secours à l’Empire byzantin contre les Turcs, et à délivrer les Lieux saints de la présence musulmane. La première croisade permet d'établir les États latins d'Orient en Syrie-Palestine[L 1].

Légende[modifier | modifier le code]

Capture des frères d'Eppes[modifier | modifier le code]

En 1133, les trois frères de la Maison d'Eppes, près de Laon sont chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, ils doivent protéger les pèlerins allant en Terre-Sainte. Ils tombent dans une embuscade et sont prisonniers des armées musulmanes. Amenés au Caire, le vizir d'Égypte[n 1] el-Afdal veut les convertir à sa foi car il connaît leurs mérites. Affirmant leur foi chrétienne, il les fait enchainer et enfermer en prison, où les chevaliers résistent à la maltraitance et aux arguments des théologiens musulmans pour les convertir. Le vizir fait appel à sa fille pour les gagner à l'islam. Celle-ci leur dit que son père les tuera s'ils ne se changent pas leur foi. Inspirés par Dieu, ils lui parlent de leur foi, provoquant un doute en elle. La princesse retourne souvent en prison sous prétexte d'essayer de les convertir, mais elle apprend des chevalier le christianisme.

Conversion de la princesse[modifier | modifier le code]

Très touchée par la Vierge Marie, elle demande à ce qu'on fasse une statue d'elle ; ils n'y arrivent pas malgré les outils qu'elle leur fournit. Finalement, à force de prière, la Vierge leur apparaît, et ils font une statuette de bois d’après nature.

La princesse est si touchée par ce miracle que les frères lui rapportent qu'elle promet de se faire baptiser et de vivre en chrétienne, emportant la statuette avec elle au passage. Pour cette heureuse aventure, les chevaliers donnent à Marie le nom de Notre-Dame-de-Liesse. La nuit, elle reçoit la visite de la Vierge qui lui assure que son Fils la choisie comme une de ses épouses, prédit qu'elle sera accueillie au Paradis et la célébrité du nom Notre-Dame-de-Liesse. Quand la princesse et les chevaliers fuient la ville la nuit suivante, les portes de la prison et du Caire s'ouvrent miraculeusement. Le groupe traverse le Nil, mais la princesse est épuisée alors ils s'endorment aussi.

Arrivée en France[modifier | modifier le code]

Une foule dans une église. La scène est centrée sur trois chevaliers, une vieille dame et une jeune femme baptisée par un évêque.
Baptême d'Ismérie. (É.-N. Villette, Notre-Dame de Liesse, 1769.)

Le lendemain matin, les chevaliers et la princesse ne reconnaissent pas leur lieu de bivouac. Auprès des bergers, ils découvrent qu'ils sont en Picardie. Ils vont au château de Marchais, oubliant la statuette. Se rendant compte de cela, les chevaliers retournent près de la fontaine où ils s'étaient éveillés, promettant à la Vierge la construction d'une chapelle en son honneur. Arrivée dans un enclos, la statue devient si lourde que le frères ne peuvent plus la porter ; ils font le vœu de bâtir une autre chapelle et la statue redevient légère.

Baptême d'Ismérie[modifier | modifier le code]

Les frères chevaliers retrouvent leur mère à Marchais, et conduisent la princesse à Laon afin d'être baptisée par l'évêque Barthélemy de Jur. L'aîné des frères devient son parrain et leur mère la marraine ; Selon les frères Duployé, « [c]'est alors que la fille du Soudan prit le nom d'Ismérie, traduction en langue turque du nom de Marie. […] Barthélémy lui conféra en même temps le sacrement de confirmation et reçut ses vœux de virginité perpétuelle. » Mais d'après un récit plus ancien de la légende, Ismérie est son nom de naissance et elle prend Marie comme nom de baptême, puis elle épouse l'aîné des frères, appelé Robert d'Eppes, dont elle a des enfants.

L'évêque Barthélémy veut voir la statue, mais elle n'est plus à Marchais ; elle s'est miraculeusement retournée à l'enclos où elle s'était alourdie. Cela arrive plusieurs fois et on décida de ne plus bouger la statue, pour laquelle on construit une chapelle élevée en 1134. La tradition dit qu'Ismérie vit et meurt saintement, et qu'elle est enterrée aux pieds de la statue.

Historicité[modifier | modifier le code]

Documents historiques[modifier | modifier le code]

Liesse-Notre-Dame est un lieu de pèlerinage marial depuis le XIIe siècle ; Jeanne d'Arc, les rois de Valois et de Bourbon sont notamment allés s'y recueillir[1]. En 1139, une charte du cartulaire de l'abbaye de Cuissy indique une chanoinerie pour Guy de Liance[n 2], fils de Roger de Pierrepont et de Montaigu, qui a fait le pèlerinage en Terre-Sainte quelques années plus tôt, en même temps que les frères d'Eppes ; il est nommé doyen de l'église de Laon en 1137, puis évêque de Châlons en 1143[P 1].

Les premières traces de la légende datent de Melchior Bandini, chevalier et vice-chancelier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, dont il est l'annaliste. En 1446, il fait remonter l'origine de la fondation de la chapelle de Notre-Dame de Liesse à 1134, avec l'histoire d'Ismérie et des frères chevaliers d'Eppes ; les auteurs postérieurs se contenteront de répéter Bandini, avec quelques variantes[P 2]. La première attestation d'existence de l'image sainte date du , par la bulle Virgo Venustissima de l'antipape Clément VII, qui accorde des indulgences partielles pour un an et une quarantaine de jours.

Critique de Robert Wyard[modifier | modifier le code]

Dans les années 1680, dom Robert Wyard, moine bénédictin, pointe plusieurs détails problématiques. Tout d'abord, les arrière-petits-neveux des moines-chevaliers — Jean d'Eppes l'aîné, qui avait accompagné Louis IX lors de la huitième croisade et mort le , et Jean d'Eppes le cadet, mort en 1273 — sont inhumés en l'abbaye Saint-Vincent de Laon, au-dessous d'une ancienne peinture qui raconterait l'histoire d'Ismérie et des chevaliers d'Eppes[W 1]. La tradition populaire ajoute que les deux enterrés sont les frères ayant ramené l'icône de la Vierge avec la princesse, mais cela est improbable, plus de cent ans séparent cette histoire de leur décès ; dom Wyard pense que les événements se passèrent au XIIIe siècle. Les détails de la peinture (vêtements des personnages, écussons, indication que le chevalier est allé en Palestine, Italie et a fait le siège de Tunis de 1270) allant dans le sens de cette hypothèse, le moine rejette en partie l'histoire traditionnelle. Il lui semble invraisemblable à que les évêques de Laon purent attendre 1384 (deux-cent-cinquante ans) pour consacrer le temple avec l'image pieuse. Dom Wyard estime que l'édification de Notre-Dame de Liesse s'est déroulée en 1234, au temps de l'évêque Anselme de Laon, et que l'image ne doit pas être dans l'église avant 1270, les plus anciennes sources n'en parlant pas avant[W 2].

En 1881, les abbés Cadron et A. Mathieu, qui annotèrent dom Wyard, lui reprochent de s'éloigner de la tradition généralement acceptée, mais aussi que les archives attestent que l'église existait avant le XIIIe siècle. Les chevaliers inhumés sous la peinture ne sont pas ceux de la légende, et la peinture raconte celle-ci sans se soucier de la cohérence histoire par rapport aux vêtements. Les deux abbés continuent de croire que le récit traditionnel est vrai, et qu'on ne peut pas prendre le silence des sources antérieures à Bandini sur la statuette de Notre-Dame de Liesse comme une preuve de son absence[W 3].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Titré abusivement « sultan » (soldan ou soudan en moyen français) ou « calife » dans les sources chrétiennes.
  2. Une des nombreuses variantes orthographiques de Liesse à cette époque.

Ouvrages[modifier | modifier le code]

  1. Prioux, p. 54.
  2. Prioux, p. 53.
  1. Wyard, p. 260-265.
  2. Wyard, p. 462-468.
  3. Wyard, p. 466-468.

Autres références[modifier | modifier le code]

  1. « Isméria, la vierge noire de la basilique Notre-Dame de Liesse dans l'Aisne », sur France 3 Hauts-de-France (consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie et sitographie[modifier | modifier le code]

  • Robert Wyard, Histoire de l'abbaye de Saint-Vincent de Laon, Dacheux-Williot, (lire en ligne)
  • Stanislas Prioux, « Monuments populaires de Notre Dame de Liesse », Revue Archéologique, vol. 2,‎ , p. 53–59 (ISSN 0035-0737, lire en ligne, consulté le ).
  • Frères Duployé, Histoire de Notre-Dame de-Liesse, (lire en ligne).
  • « États latins du Levant », dans Encyclopédie Larousse (lire en ligne).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]