Hymne du MLF

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L'Hymne du MLF, parfois appelé Hymne des femmes, Femmes debout ou encore Debout les femmes, est une chanson créée collectivement en mars 1971 par des militantes féministes à Paris. Elle est devenue un emblème du Mouvement de libération des femmes (MLF) et plus généralement des luttes féministes francophones. Les paroles sont interprétées sur l'air du Chant des marais, chant allemand des détenus politiques du camp de concentration de Börgermoor[1].

Son refrain « Levons-nous femmes esclaves / Et brisons nos entraves / Debout, debout, debout ! » est parfois repris comme slogan au cours de manifestations.

Genèse[modifier | modifier le code]

Lors d'une des réunions informelles du MLF — en l'occurrence celle de la préparation du rassemblement du au Square d'Issy-les-Moulineaux en mémoire et à l'honneur des femmes de la Commune de Paris —, la dizaine de personnes présentes co-écrivent ce texte. Entre autres, Monique Wittig, Hélène Rouch, Cathy Bernheim, Catherine Deudon, M.-J. Sinat, Gille Wittig, Antoinette Fouque, Josiane Chanel et Josée Contreras auraient été présentes à cette réunion[2].

C'est Josée Contreras qui aurait suggéré d'adopter pour cette chanson l'air du Chant des marais (composé en août 1933 au camp de concentration de Börgermoor par Rudi Goguel, membre du Parti communiste d'Allemagne) [2]. Elle ajoute, dans l'entretien réalisé par Martine Storti pour le Hall de la chanson : « Je ne crois pas qu’à ce moment-là aucune de nous ait su que nous étions en train de détourner un chant (Le Chant des marais) qui portait une tragique charge d’histoire : composé en 1933 par des déportés politiques antinazis et juifs dans un camp d’internement allemand, ce chant avait été ensuite largement diffusé par les Brigades internationales pendant la guerre d’Espagne, avant de se répandre dans tout l’univers concentrationnaire européen. Car, si opprimées que nous estimions être, il ne nous serait pas venu à l’esprit de nous identifier aux résistants antinazis et juifs, aux défenseurs de la république espagnole ou aux millions de victimes des totalitarismes[3]. »

Au départ, la chanson n'avait pas vocation à devenir l'hymne d'un mouvement mais seulement d'être entonnée lors du rassemblement du .

À ce propos, Josée Contreras précise : « J'ignore quand la chanson Nous qui sommes sans passé, les femmes... a été promue au rang d'Hymne du MLF, mais une telle perspective aurait suscité stupéfaction et hilarité chez les quelques femmes du Mouvement qui l'ont improvisée un soir de mars 1971[2]. »

Notoriété[modifier | modifier le code]

Mais, immédiatement repris au cours de diverses manifestations féministes, l'Hymne du MLF voit ses paroles et sa partition (celle du Chant des Marais) publiés dans un numéro du Torchon brûle de février 1972[4].

Depuis, cet hymne est traditionnellement chanté dans les manifestations du 8 mars, journée internationale du droit des femmes, dans les pays francophones[5],[6], mais aussi dans les mouvements féministes spontanés ou organisés[7],[8],[9], notamment syndicaux[10].

L'association Encore Féministes chante cet hymne chaque année le 6 décembre, Place du Québec à Paris, pour la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes qui a été instaurée en référence à la tuerie de l'École polytechnique de Montréal de 1989[11].

Il est repris en 2015 par Cécile de France pour le film La Belle Saison de Catherine Corsini[12],[13], qui relate les débuts du MLF et la relation amoureuse de deux personnages féminins qui sont inspirés par deux figures emblématiques du MLF, Delphine Seyrig et Carole Roussopoulos[14].

À la veille de la grande marche du à l'appel du Collectif #NousToutes, contre les violences faites aux femmes, l'hymne est repris sous l'intitulé Debout les femmes par 39 artistes féminines menées par le duo Brigitte ; parmi les interprètes, figurent Olivia Ruiz, La Grande Sophie, Jennifer Ayache, Élodie Frégé, Agnès Jaoui ou encore Barbara Carlotti[15].

L'hymne connaît un nouveau moment de popularité à l'occasion de la Coupe du Monde féminine de football 2019 en France, le 11 juin 2019 au Roazhon Park à Rennes, pour l'ouverture du match Chili-Suède. À l'initiative de la ville, un groupe de 600 personnes a entonné l'Hymne des Femmes, suivi du gospel Ain’t gonna let nobody turn me around sous la conduite de la compagnie rennaise Dicilà[16],[17].

En 2021, le documentaire Debout les femmes !, coréalisé par Gilles Perret et François Ruffin, reprend l'hymne du MLF dans son titre et la chanson est interprétée collectivement dans la dernière scène par les femmes que les réalisateurs ont suivies[18],[19].

La chanson est aussi utilisée au générique de fin du film Annie colère, sorti en 2022.

En 2023 la députée française Sandrine Rousseau entonne l’hymne lors d’une séance publique à l’Assemblée nationale[20].

Critique[modifier | modifier le code]

L'hymne est critiqué par des militantes afroféministes pour deux passages en particulier[21] :

  • La phrase « Depuis la nuit des temps, les femmes, Nous sommes le continent noir » reprend le terme emprunté par Sigmund Freud à H.M. Stanley (Through the Dark Continent) pour désigner la sexualité féminine. Par « Continent noir », Stanley, aventurier colonialiste, désignait l'Afrique subsaharienne comme une terra incognita. Cette assimilation de la sexualité féminine à une terra incognita témoigne de l'influence du courant psychanalytique dans la création du MLF autour d'Antoinette Fouque[21],[22],[23].

Est également critiqué le choix de l’air initial provenant d’un chant de déportés durant la seconde guerre mondiale[réf. nécessaire].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Philippe Bourdin, Mathias Bernard et Jean-Claude Caron, La voix & le geste : une approche culturelle de la violence socio-politique, Presses Univ Blaise Pascal, , 381 p. (ISBN 978-2-84516-276-1, lire en ligne), p. 265
  2. a b et c « 40 ans de MLF en chansons », sur lehalldelachanson.com.
  3. « 40 ans de MLF en chansons », sur martine-storti.fr, (consulté le )
  4. « LA LA LA… LES FEMMES ET LA CHANSON », sur pointsdaccroche.com, .
  5. « L'hymne des femmes - 8 mars », sur 8mars.info (consulté le ).
  6. Les Gaperons Rouges, « Hymne des femmes - Le blog des Gaperons Rouges », Le blog des Gaperons Rouges,‎ na (lire en ligne, consulté le ).
  7. « Villes/Paris/Féministe/Chanson féministes — NuitDebout », sur wiki.nuitdebout.fr (consulté le ).
  8. Collectif Sarka-SPIP, « Archives du féminisme - Collectif et Réseau Féministe "Ruptures" », sur www.reseau-feministe-ruptures.org (consulté le ).
  9. Bagnolet en Vert, « La manifestation féministe en photos et en chanson - Bagnolet en Vert- L'Ecologie à Bagnolet », Bagnolet en Vert- L'Ecologie à Bagnolet,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. paris13, « Rassemblement #BringBackOurGirls | Paris 13 » (consulté le ).
  11. « Encore féministes ! », sur encorefeministes.free.fr (consulté le ).
  12. Pascal Gavillet, « Cécile de France: «J'ai même appris l’hymne du MLF» », tdg.ch/,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  13. Serge Kaganski, « "La Belle Saison": une beau mélo entre amour saphique et émancipation féministe - Critique et avis par Les Inrocks », Les Inrocks,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. Franck Nouchi, « « La Belle Saison » : un fervent désir de libération », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
  15. « L'hymne féministe du MLF, "Debout les femmes", repris par 39 musiciennes », sur nouvelobs.com, (consulté le ).
  16. Virginie Enée, « Rennes. L’hymne des femmes en 600 voix au Roazhon Park », Ouest France,‎ (lire en ligne).
  17. Par R. R. Le 12 juin 2019 à 17h24, « Mondial 2019 : comment un hymne féministe a résonné dans le stade de Rennes », sur leparisien.fr, (consulté le ).
  18. Hortense de Montalivet, « "Debout les femmes!", l'ode au féminisme de François Ruffin sur les métiers du lien », sur huffingtonpost.fr, (consulté le ).
  19. Claudine Colozzi, « Debout les femmes ! : François Ruffin met en lumière les « travailleuses de l’ombre » », sur faire-face.fr, (consulté le ).
  20. https://www.sudouest.fr/insolite/video-sandrine-rousseau-se-met-a-chanter-en-pleine-session-de-l-assemblee-nationale-son-micro-coupe-17462521.php
  21. a b et c Anne Charlotte Husson, « Sexe / race et féminisme universaliste: splendeurs et misères d’une analogie », sur (Dis)cursives, (consulté le )
  22. Le Torchon brûle, no 3, p. 18, 1971.
  23. Catherine Clément, « Entretien avec A. Fouque », Le Matin de Paris, 16 juillet 1980, republié dans Génération MLF, éditions des femmes, p. 579-581.

Liens externes[modifier | modifier le code]