Gontier Col

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Gontier Col
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Secrétaire du roi
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Gontier Col (ou Colli), seigneur de Passy, né vers 1350/55 à Sens et mort assassiné le 29 mai 1418 à Paris lors des massacres du qui accompagnèrent la prise de Paris par les Bourguignons, est un homme d'État et humaniste français, secrétaire du roi et diplomate sous le règne de Charles VI. Il constitua avec Jean de Montreuil et Nicolas de Clamanges le premier petit groupe d'« humanistes » français[1].

De gueules fascé d'azur chargé de trois étoiles d'or et accompagné de trois têtes et cols de cygnes d'argent.

Biographie[modifier | modifier le code]

Son père, Pierre Col ou Colli de la Riole, était un riche bourgeois de Sens, et sa mère s'appelait Isabeau. C'est à Sens qu'il se maria avec Marguerite Chacerat (Chasserat), fille de Jean Chacerat, riche drapier de la ville[2]), et il possédait dans la ville et tout autour des biens importants[3]. Il est signalé le et le [4] comme receveur des aides dans les anciens domaines de Charles de Navarre dans le nord-ouest de la France, entre la Seine et la Dive. Il entra à la chancellerie royale, comme notaire du roi, vers la fin de l'année 1380, et y fit rapidement carrière grâce à la protection du duc de Berry. Sa signature, « Gontier », apparaît ensuite souvent au bas des actes royaux. Il était aussi apostolica et imperiali auctoritatibus notarius. Début 1388, il était devenu secrétaire du roi. En novembre 1388, les oncles du roi (dont le duc de Berry) sont momentanément écartés du gouvernement, et le nom de Gontier Col disparaît des actes officiels : il se consacre alors au secrétariat particulier du duc. Mais en 1392, du fait de la folie du roi, le gouvernement des marmousets prend fin, et les oncles du roi sont de retour. Gontier Col retrouve alors sa place au palais royal dès 1393.

Il participa à la grande ambassade qui se rendit en 1395 à Avignon pour tenter de régler le Grand schisme d'Occident après la mort de Clément VII (conduite par le frère du roi, le duc d'Orléans, et ses deux oncles, les ducs de Bourgogne et de Berry, avec plusieurs membres du conseil du roi et de l'Université de Paris), une ambassade dont il fit un récit très détaillé[5]. En novembre 1396, il fut envoyé à Florence pour y signer un traité (daté du ). En 1399/1400, il fit partie de l'ambassade qui négocia à Calais le retour en France d'Isabelle de France, après la chute de son époux le roi Richard II d'Angleterre.

Ensuite, à partir de 1400, Gontier Col est affecté aux finances. Par une ordonnance du , il est nommé un des deux trésoriers du roi[6]. En 1407, il est mentionné parmi les treize secrétaires « pour estre a noz conseils », sans qu'une affectation particulière aux finances soit signalée, et en 1408 il reprend son activité diplomatique : en avril il est envoyé en Angleterre avec Casin de Serinvilliers pour continuer les négociations ouvertes en septembre 1407[7]. En septembre 1409, il fait partie de l'ambassade conduite par l'archevêque de Sens, Jean de Montagu, attendant à Amiens les Anglais qui ne viennent pas. En 1410/11, il est occupé par des négociations qui continuent avec l'Angleterre.

Mais il est aussi impliqué dans les dissensions intérieures qui deviennent de plus en plus violentes : en 1410, il fait partie d'une députation envoyée par le roi au duc de Berry pour le dissuader d'attaquer Paris (où se trouve le duc de Bourgogne, Jean sans Peur). En 1411, des documents compromettants sur des contacts entre le duc de Berry et le roi d'Angleterre ayant été publiés par les Bourguignons, Gontier Col est écarté momentanément du gouvernement, et doit quitter Paris, à cause de sa proximité supposée avec les Armagnacs[8].

Mais une paix est conclue entre les Armagnacs et les Bourguignons en juillet 1412, et Col est de retour aux affaires dès 1413 : en octobre 1413, il fait partie d'une ambassade dirigée par l'archevêque de Bourges, Guillaume de Boisratier, qui est envoyée négocier en Angleterre le mariage de Catherine de France avec le roi Henri V ; elle séjourne à Londres pendant les mois de décembre 1413 et janvier 1414, dans la résidence de Thomas Langley ; ensuite, Col est parmi les membres de l'ambassade qui mènent les pourparlers avec le roi d'Angleterre à Leicester entre le et le (tandis qu'Henri V conduit des négociations parallèles, également pour un mariage, avec des envoyés du duc Jean sans Peur).

Pendant son séjour en Angleterre, il est chargé par Jeanne de Navarre, veuve du roi Henri IV, d'une mission auprès de son fils d'un premier lit, le duc de Bretagne Jean V, avec lequel elle a un contentieux financier. Le voilà donc à Rennes en octobre 1414, pour une négociation dont il a laissé un récit très développé et très fleuri[9].

L'année suivante il fait partie d'une autre ambassade française en Angleterre, de trois cents personnes, dirigée une nouvelle fois par l'archevêque de Bourges, et dont il a laissé aussi la relation[10] : elle quitte Paris le et arrive à Winchester, où séjourne le roi Henri V, le  ; pour une raison ou une autre, les envoyés rentrent en France en ordre dispersé, Col vers le . La bataille d'Azincourt a lieu le suivant.

Le , Col participe à une rencontre entre envoyés français et anglais organisée à Beauvais sous l'égide de l'empereur Sigismond, qui n'aboutit à rien. Il est encore actif dans des négociations avec les Anglais pendant toute l'année 1417. Le , il fait partie des sympathisants présumés des Armagnacs qui sont massacrés par une troupe de Bourguignons introduits dans Paris la nuit précédente par Perrinet Leclerc (comme son vieux collègue et ami Jean de Montreuil)[11].

Vie mondaine et littéraire[modifier | modifier le code]

En 1401/02, il prit part à la fameuse querelle du Roman de la Rose, défendant l'œuvre de Jean de Meung aux côtés de son frère Pierre Col (chanoine de la cathédrale de Paris) et de Jean de Montreuil, contre Christine de Pisan et Jean de Gerson. Plus tard il fut membre (comme Jean de Montreuil) de la « Cour amoureuse », formée le par la société mondaine et galante qui entourait la reine Isabeau de Bavière : il y avait une charte, vingt-quatre « ministres », des réunions mensuelles et des fêtes annuelles (notamment à la Saint-Valentin) ; les « ministres » devaient avoir « experte congnoissance en la science de rhetorique » et venir à chaque « puy d'amour » en ayant composé une ballade. Col et Montreuil ne faisaient pas partie des membres fondateurs en 1401, mais leurs noms apparaissent sur une liste plus tardive (peut-être de 1416)[12].

Sources[modifier | modifier le code]

  • Alfred Coville, Gontier et Pierre Col et l'humanisme en France au temps de Charles VI, Paris, Droz, 1934.
  • Françoise Autrand, "Gontier Col, un ""conseiller diplomatique"" de Charles VI". Arras et la diplomatie européenne, XVe – XVIe siècle, p. 27-45, 1999
  • Françoise Autrand, Charles VI, Paris, Fayard, 1986.
  • Carla Bozzolo, L'humaniste Gontier Col et la traduction française des Lettres d'Abélard et Héloïse, Romania, Vol. 95, No. 378/379 (2/3) (1974), pp. 199-215

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Ce fut un étrange personnage que ce Gontier Col, et sa vie est pour nous un exemple admirable de simplicité et de modestie. Qui croirait que ce personnage si peu connu a été employé dans les ambassades les plus sérieuses, dans les missions les plus considérables? » (Louis Petit de Julleville, Revue des cours et conférences, 1895-96, p. 542).
  2. Ils eurent au moins deux fils, Jean et Nicolas, et deux filles, dont Catherine, épouse de Jehan Spifame, seigneur de Brou, capitaine de Conflans-Sainte-Honorine, et grand-mère de Raoul Spifame et de Jacques Spifame de Brou.
  3. Il était seigneur de Paron, et possédait à Sens même une maison donnant sur la Grande Rue dont le cellier existe toujours.
  4. Il reçoit du roi, en avril 1380, une maison à Évreux, « pour consideracion de ce que ledit receveur n'est pas du pais dessus dit », ce qui montre qu'il devait avoir été nommé récemment à ce poste.
  5. Arch. nat., J. 518, fol. 119. Publié avec quelques coupes dans l'Amplissima collectio d'Edmond Martène (t. VII, p. 479-525).
  6. « Que doresnavant ne ayons pour tout nostredit demaine, tant sur les Finances d'icelluy comme sur la Justice, que deux tresoriers lesquels nous avons nommez et nommons Gontier Col et Jehan de la Cloche, lesquels ont exerce par longtemps bien et duement ledit office, et de la loyaute et souffisance desquels nous sommes bien informes et bien contents ».
  7. Dans le sauf-conduit anglais daté du 30 avril, il est qualifié de « Conseiller et Premier Secretaire nostre adversaire de France ».
  8. Cf. Journal de Nicolas de Baye (juillet 1411) : « Sur la requeste faicte par maistre Richard Coste et baillee par escript avecques lettres de bannissement a l'encontre de maistre Gontier Col, qui s'estoit rendu fuitif et estoit, comme Ten disoit, avec mons. d'Orleans et ses adherens [...] ».
  9. « Une pièce française aussi intéressante pour la littérature que pour l'histoire », selon Jean-Barthélemy Hauréau, qui a édité ce texte : « Relation de l'ambassade de Gontier Col, secrétaire du roi de France, auprès de Jean V, duc de Bretagne, en 1414 », Bulletin du Comité historique des monuments écrits de l'histoire de France. Histoire, sciences, lettres, t. IV, Paris, Imprimerie impériale, 1853.
  10. Éditée par Guillaume Besse, Recueil de diverses pièces servant à l'histoire du roy Charles VI, Paris, 1660, p. 94-111 (en ligne).
  11. Cf. Henri Sauval, Antiquités de la ville de Paris, sous l'entrée « Du compte des confiscations de Paris, depuis le vingtième décembre 1423 jusqu'à la Saint-Jean 1427 » : « Maison qui fut a Gontier Col, occis a Paris, seise rue Vielle du Temple, tenant a la ruelle au roi de Sicile, laquelle Jean Spifame, ecuyer, dit lui appartenir a cause de sa femme, fille dudit Me Gontier ».
  12. Arthur Piaget, « La Cour amoureuse dite de Charles VI », Romania XX, 1891, p. 417-454.