Brigade irlandaise

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La Brigade irlandaise était une brigade d'infanterie dans l'armée française de l'Ancien Régime dont les régiments sont composés d'exilés jacobites irlandais commandés par Robert Reid. Elle a été formée par Louis XIV en mai 1690, quand cinq régiments jacobites furent envoyés d'Irlande vers la France en échange d'un corps expéditionnaire d'infanterie française engagé pour soutenir la cause du roi Jacques II. La brigade irlandaise a servi dans le cadre de l'armée française jusqu'en 1792, prenant part aux guerres menées par le royaume de France au XVIIIe siècle. Elle sera dissoute pendant la Révolution française.

La formation de la Brigade irlandaise[modifier | modifier le code]

L'exil irlandais en France[modifier | modifier le code]

Le , Guillaume d’Orange débarque à Torbay en Angleterre pour s’opposer au roi d’Angleterre le catholique Jacques II. Le parlement anglais lui propose, avec sa femme Mary, de prendre la couronne des trois royaumes, Angleterre, Écosse et Irlande.

Après la bataille de la Boyne, Jacques II se réfugie en France et s'installe au château de Saint-Germain-en-Laye. Il est suivi par un premier contingent de soldats irlandais qui avaient combattu à ses côtés. Après la signature du Traité de Limerick fin 1691, l’Irlande est perdue pour les jacobites et nombre d'entre eux, tant civils que militaires, prendront également le chemin de l'exil, la tradition les désignant sous le terme de « Wild Geese » - les « Oies sauvages ».

Pour le Roi-Soleil, les troupes irlandaises constituent un apport militaire non négligeable. Pour Jacques II, elles maintiennent un espoir de restauration. Pour les soldats irlandais, le maintien des régiments sur le continent était le symbole de la poursuite de la lutte pour la cause jacobite et, d’une certaine manière, pour la cause irlandaise. Le bloc des régiments irlandais passés en France est devenu un morceau d’Irlande rapporté sur le continent.

L’arrivée des régiments irlandais en France[modifier | modifier le code]

Première vague de (avant la défaite de La Boyne)[modifier | modifier le code]

À Archigny (86) Poitou, dans les registres paroissiaux consultables en ligne (AD86 - 1661 vue 38) on trouve : le a été enterré un homme de grande qualité sergent de la compagnie irlandaise de monsieur Dilon.

Avant la bataille de la Boyne, à la suite de l'envoi de renforts en Irlande sous le commandement du duc de Lauzun, Louis XIV exige en retour que cinq régiments d’infanterie irlandais passent à son service en France; ces régiments - ramenés à trois après réorganisation - formeront une première brigade irlandaise au sein de l'armée française.

Armés et équipés à charge des familles qui les ont levés[1], les cinq régiments jacobites originels étaient donc - selon la tradition des régiments étrangers au service de l'Ancien Régime - nommés d'après leurs colonels-propriétaires :

Rassemblés à Cork, ils s'embarquent sur les vaisseaux français de Chateau-Renaud et arrivent à Brest le . Dès leur arrivée en France, ces régiments affaiblis et pour une bonne part inexpérimentés furent réorganisés : les régiments de Butler et Feilding furent dissous et leur personnel fut soit intégré dans les trois autres régiments soit renvoyé en Irlande. Les régiments irlandais de Mountcashel, d'O'Brien et du lieutenant général Arthur Dillon, fils de Théobald Dillon[2], constituent ainsi la « Brigade Mountcashel » sous le commandement de Justin Mac Carthy, Lord Mountcashel[3], qui va servir la France pendant le reste de la Guerre de la Ligue d'Augsbourg (1689-1697). À la suite de cette restructuration elle est donc composée des

La brigade compte 5371 hommes à l’origine, 6039 en 1698. Chaque régiment se compose de deux bataillons de quinze compagnies de cent hommes dont la compagnie propre du colonel.

Deuxième vague du (après la capitulation de Limerick)[modifier | modifier le code]

Aux termes du Traité de Limerick (), les vaincus ont la faculté de se retirer en France avec armes et bagages. La plupart le font sur une flotte de 50 vaisseaux rassemblée par leur vainqueur, le général anglais Ginckle. Ils arrivent à Brest le .

Ces troupes sont réparties entre :

  • un régiment de cavalerie, commandé par Tyrconnel, que Jacques II garde auprès de lui à Saint-Germain-en-Laye, comme garde d'honneur, et qui prend à cette occasion le nom de "Royal Regiment of Horse", et devint en 1701, le Sheldon cavalerie, puis le Nugent, et enfin le Fitz James ;
  • cinq régiments d'infanterie :
    • le régiment d'Athlone, qui passe au service de l'Espagne en 1700,
    • le régiment de Bourke, qui passe également au service de l'Espagne en 1700,
    • le régiment de Berwick,
    • le régiment de Dorrington, qui deviendra le régiment des Gardes, puis le régiment de Rothe,
    • le régiment d'Albermarle, qui deviendra le régiment d'O'Donnel.

Les régiments de la brigade Mountcashel ont donc été rejoints après la défaite et le traité de Limerick par d'autres soldats partisans de Jacques II, qui se battaient encore sous le commandement de Patrick Sarsfield. La guerre sur le continent semblait offrir aux Irlandais le moyen le plus direct de lutter contre les ennemis de leur roi et de contribuer à sa restauration et il y eut beaucoup de volontaires pour l'exil.

Après la paix de Ryswick, en , les vingt-cinq bataillons irlandais durent réduire le nombre de leurs compagnies de seize à quatorze et licencier la moitié des effectifs. Une refonte générale eut lieu en . Seuls les trois régiments de la brigade Mountcashel (Lee, Clare et Dillon) ainsi que le régiment de marine, désormais régiment d’Albemarle, subsistèrent après cette réforme. Les régiments de Limerick et Dublin furent supprimés, les autres intégrés dans cinq nouveaux régiments : Sheldon, Dorrington, Galmoy, Lutrell (puis Bourke) et Berwick.

La Brigade irlandaise au XVIIIe siècle[modifier | modifier le code]

Le recrutement après 1697[modifier | modifier le code]

Depuis l’Irlande, l’exil des Oies sauvages a été brutal et limité dans le temps, sous la forme de vagues massives en 1690, et à la fin de 1691 et au début de 1692. Le nombre total des exilés a été estimé à 19 000 hommes. Il y eut ensuite une émigration permanente en irlande estimée à environ 1 000 individus par an

Après 1697, le recrutement direct se fait auprès des Irlandais installés en France et des Irlandais nés en France, la deuxième génération des Wild Geese, mais ils ne sont pas nombreux.

La mesure de naturalisation de 1715[modifier | modifier le code]

Les régiments irlandais se révélèrent le meilleur processus d’assimilation en France en offrant aux exilés les conditions de réussite sociale.

La coupure avec l'engagement jacobite de la deuxième génération se marque symboliquement par l’octroi le de la naturalisation, assimilable à une adoption, à tous les soldats étrangers depuis plus de dix ans en France, donc à tous ceux qui avaient appartenu au vol des "Wild Geese" ou "Oies sauvages".

Progressivement, au cours du XVIIIe siècle, l’engagement jacobite des irlandais devient plus symbolique, avec l’exaltation de sentiments idéalisés dans le cadre des traditions familiales, mais les grandes familles nobles irlandaises sont déjà parfaitement intégrées à la société française et ils auront même leurs émigrés tel Arthur Richard Dillon ou leurs martyrs de la révolution française comme Arthur Dillon.

Les campagnes de la Brigade[modifier | modifier le code]

Dans les contributions les plus importantes de la brigade irlandaise, on peut rappeler une participation décisive à la bataille de Fontenoy le , avec un gros sacrifice, ce qui leur valut une grande estime et des récompenses de la part du roi Louis XV de France et du commandant militaire Maurice de Saxe.

Les drapeaux de la brigade irlandaise

Les six régiments irlandais participèrent à la bataille de Fontenoy :

La réussite de Dillon[modifier | modifier le code]

Arthur Dillon, qui commandait le régiment de son nom, fut l’un des officiers irlandais jacobites passés en France le plus renommé. Après la défaite de Limerick, il subit la confiscation de ses terres dans les comtés du Mayo, Roscommon et Westmeath. Il est promu brigadier après la victoire de Crémone de 1702, devient lieutenant général en 1706 et se distingue aux côtés du duc de Berwick lors de la campagne de 1714. Lorsqu’il se retire du service actif en 1730, il transmet son régiment à son fils aîné, établissant ainsi de manière définitive les Dillon comme une des grandes familles d’officiers en France. On peut signaler également la carrière ecclésiastique du plus jeune fils, Arthur, qui devint abbé de Saint-Étienne de Caen puis archevêque d’Évreux, archevêque de Toulouse et archevêque de Narbonne.

Le déclin[modifier | modifier le code]

L’arrivée des "Oies sauvages" en France fut une nouveauté par ses motifs politiques et religieux et surtout par son ampleur. Cependant, le mouvement s’inscrivait dans une tradition plus ancienne et solidement ancrée entre la France et l’Irlande. Un nombre important des officiers avaient déjà servi dans les armées françaises. L'enrôlement d’irlandais dans les troupes françaises pour des raisons économiques était attesté depuis le début du XVIIe siècle.

De véritables dynasties de soldats se constituèrent parmi les grandes familles aristocratiques dont étaient issus les colonels propriétaires des régiments, à l’exemple des Bourke, Dillon, Rooth. Cependant le nombre des régiments irlandais diminua progressivement au cours du XVIIIe siècle jusqu’à la réforme de 1763, où ils furent réduits à une brigade de 4 000 hommes.

Après plusieurs réformes, en 1775, il restait 3 régiments dans la Brigade irlandaise, avec la création du régiment Walsh successeur des régiments Rooth et Roscommon, l'absorption du régiment de Clare par le régiment de Berwick et celle des régiments Lally et Bulkeley par le régiment Dillon.

Le rôle symbolique de la Brigade[modifier | modifier le code]

Les régiments irlandais permettent aux exilés de maintenir un fort sentiment identitaire et de protéger leur particularisme. Rapidement, une légende nationale s’érigea autour de quelques hauts faits des Irlandais sur le continent et de la figure de Patrick Sarsfield. Sa mort précoce sur le champ de bataille de Neerwinden priva la communauté irlandaise d’une figure prestigieuse auprès de la cour de Saint-Germain-en-Laye, mais elle lui assura définitivement le statut de héros national.

Le particularisme irlandais se nourrissait d'une animosité farouche envers les membres en exil des deux autres nations britanniques Angleterre et Écosse. Les soldats irlandais refusaient tous les officiers britanniques autres que leurs compatriotes irlandais.

Les victoires des régiments irlandais ont été l’occasion d’exalter leur fierté nationale.

De nombreux poèmes et chansons jacobites saluèrent la « surprise de Crémone » le . Les deux bataillons du régiment Dillon, sous le commandement du major Daniel O'Mahony, résistèrent, au prix de lourdes pertes (223 tués sur 600 hommes), à une attaque du prince Eugène contre la ville que tenait Villeroy avec des troupes françaises et irlandaises et le contraignirent à se retirer.

Les drapeaux des régiments irlandais comportaient une croix rouge de saint Georges avec un liséré blanc pour rappeler à la fois le service de Jacques François Stuart héritier du roi Jacques II exilé en France et prétendant au trône d'Angleterre, et le service du roi de France Louis XV.

Héritage actuel dans l’armée Française[modifier | modifier le code]

Aujourd’hui, le 92e régiment d’infanterie de Clermont-Ferrand est porteur de l’héritage et des traditions du régiment de Walsh.

De par une double origine, il est surnommé « régiment d’Auvergne » ou « Royal Irlandais », et un drapeau du régiment de Walsh orne toujours sa salle d’honneur. Les « Gaulois » du régiment portent ce même drapeau sur leur épaule et sur leur calot traditionnel.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Le régiment Mountcashel deviendra Lee en 1695, puis Bulkeley en 1733.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Cf. Général Arthur Dillon, The Irish Officers in French Army
  2. http://vial.jean.free.fr/new_npi/revues_npi/NPI_2008/npi_2008/npi08_dillon.htm
  3. Ganneron, Histoire de l'Irlande, p. 188.

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]