Ancienne synagogue de Bonn (1879-1938)

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La synagogue avec sa terrasse côté Rhin

L'ancienne synagogue de Bonn, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, a été construite en 1877-1878 et détruite par les nazis lors de la nuit de Cristal en 1938, comme la majorité des synagogues et lieux de culte juif en Allemagne et en Autriche.

Emplacement de la synagogue[modifier | modifier le code]

Emplacement de la synagogue

L'ancienne synagogue se trouvait sur les rives du Rhin, du côté nord de la Judengasse, ainsi nommée depuis 1715, rebaptisée Tempelstraße en 1886 après l'inauguration de la synagogue. La rue étant en pente, l'architecte a prévu lors de la construction d'ériger une terrasse de 1,3 m de haut pour compenser ce dénivelé.

Après la destruction de la synagogue, cette rue est ensuite rebaptisée Wegelerstraße en 1939, en l'honneur du médecin et ami d'enfance de Ludwig van Beethoven, Franz Gerhard Wegeler (1765-1848). Les destructions de la guerre et la reconstruction de la vieille ville de Bonn font disparaître la rue. L'ancien pont sur le Rhin situé à proximité, détruit pendant la Seconde Guerre mondiale a été remplacé par le pont Kennedy[1]. Les bords du Rhin où se trouvait la synagogue ont été aménagée et forment actuellement la promenade Moses-Hess.

Histoire de la synagogue[modifier | modifier le code]

La synagogue de la communauté juive de Bonn est construite sur la nouvelle Judengasse[2], sur un terrain de 37 m de long par 21 m de large, occupé auparavant par trois anciens bâtiments d'habitation, selon les plans de l'inspecteur royal des bâtiments Hermann Eduard Maertens (1823-1898), qui travaille alors comme architecte à Bonn. Celui-ci présente une ébauche du projet dès et est retenu par la communauté juive pour la réalisation des plans à livrer au plus tard en [3],[1]. Le projet s'inspire de la synagogue de la Glockengasse, construite en 1857-1861 par Ernst Friedrich Zwirner à Cologne[4]. Le permis de construire est délivré le et les travaux vont s'échelonner de l'été 1877 jusqu'au début . L'inauguration solennelle a lieu le [5]. Dans la revue Deutschen Bauzeitung en 1890, l'architecte Maertens détaille le coût final de la construction:

Coût de construction[6]
Gros œuvre
(hors travaux de taille de pierre)
57 015 marks
Taille de pierre
(ornements inclus)
13 200 marks
Peinture somptueuse et stylisée 4 791 marks
Vitrage coloré simple 1 169 marks
Armoire de Torah
en chêne polychrome
2 100 marks
Chaire en marbre noir et blanc 885 marks
Bancs et portes en chêne 7 863 marks
Éléments d'éclairage de style 4 725 marks
Conduites de gaz 849 marks
Grilles côté rue 848 marks
TOTAL 93 445 marks

.

Le coût total, réparti sur la surface construite, s'élève à environ 226 marks pour 1 m2 et, répartis sur le contenu physique de la construction (mesuré jusqu'à l'arête supérieure de chaque corniche principale), à 21,50 marks pour 1 m3.

La synagogue vers 1880

En 1909-1910, une maison communautaire juive est construite sur le terrain voisin et reliée à la synagogue d'après un projet de l'architecte de Bonn, Karl Thoma, pour former un ensemble complet, avec espaces verts et clôture[7]. La synagogue est en plus dotée d'une extension d'un étage[8],[9]. En 1928, elle est transformée et rénovée sous la direction et d'après les plans de l'architecte Robert Stern de Cologne[1].

Pendant la nuit de Cristal, la synagogue est incendiée le matin du , probablement par des hommes de la SS, et comme le bâtiment n'est pas complètement détruit, il est de nouveau incendié dans la journée[9]. Selon les déclarations faites lors du procès de l'incendie de la synagogue en 1949, les pompiers sont avertis par un appel anonyme à 11 h 29 le , que la synagogue de la Tempelstrasse est en feu. Une équipe de pompiers de Bonn intervient et circonscrit rapidement l'incendie. Mais le chef de la police, le SS-Standartenführer Reinartz, ordonne au chef d'intervention des pompiers de ne porter son attention que sur les maisons voisines. Cinq ou six SS, parlant le dialecte de Cologne, transportent alors pour la deuxième fois des bidons d'essence et d'huile dans la salle de prière de la synagogue et mettent le feu à l'ensemble. Plusieurs spectateurs vont également apporter leur aide en fournissant aussi de l'essence et en brisant les fenêtres pour activer le feu[10].

Les ruines sont rasées en , en même temps que la maison communale[7]. La propriété du terrain est transféré en de la communauté juive à la ville de Bonn[11]. De à , une baraque en bois construite sur les fondations du sous-sol de la synagogue sert de crèche, mais elle n'a pas jamais été aménagée et utilisée comme telle[12] et sera démolie à son tour à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les fondations de l'ancienne synagogue sont finalement recouvertes d'une dalle de béton et de gravier, permettant ainsi d'utiliser le terrain comme parking[13]. En 1953, la communauté juive nouvellement créée à Bonn récupère le terrain par l'intermédiaire de la Jewish Trust Corporation, mais le revend dès 1955 à la ville afin d'acquérir en contrepartie un terrain pour la construction d'une nouvelle synagogue[14].

Depuis , une plaque commémorative est fixée sur l'escalier menant au pont Kennedy [15],[16]. Entre mai à , une partie des fondations de la synagogue, encore bien conservées, sont mises au jour par le Rheinisches Amt für Bodendenkmalpflege (Service de conservation des monuments historiques en Rhénanie), en prévision de la construction d'un nouvel hôtel, mais elles n'ont en grande partie pas été conservées[17]. Ce n'est que depuis 1988 qu'un mémorial plus imposant sur la promenade du Rhin Moses-Hess, rappelle la synagogue détruite, avec des briques provenant des fondations redécouvertes de la synagogue[18]. Le texte de la plaque commémorative fixée sur ce mémorial est:

« :Zum Gedenken an die 1879 eingeweihte, am 10 November 1938 durch die nationalsozialistische Gewaltherrschaft zerstörte Synagoge Bonns und an die verfolgten, vertriebenen und ums Leben gebrachten jüdischen Bürger.
Dieses Gedenkzeichen besteht aus Steinen der wenige Meter von hier entfernten Grundmauern der zerstörten Synagoge. Es wurde von der Stadt Bonn am 10 November 1988 eingeweiht.
(En mémoire de la synagogue de Bonn inaugurée en 1879 et détruite le 10 novembre 1938 par le régime national-socialiste et des citoyens juifs persécutés, expulsés et tués.
Ce monument commémoratif est constitué de pierres provenant des murs de fondation de la synagogue détruite, situés à quelques mètres d'ici. Il a été inauguré par la ville de Bonn le 10 novembre 1988.) »

De l'autre côté de la rue, devant la terrasse de l'actuel Hilton, achevé en 1989, se trouvent les restes des fondations du mur est de la synagogue, côté Rhin, qui ont été repositionnés et qui sont classés Monument historique[18]. De plus, en 1990, un fragment de colonne a été érigé à la nouvelle synagogue de Bonn en tant que spolia de l'ancienne synagogue détruite, avec une plaque commémorative, qui a été transférée au printemps 2019 au petit cimetière juif de Waldfriedhof Kottenforst dans le quartier Ückesdorf de Bonn[19],[20].

Description de la synagogue[modifier | modifier le code]

Le plan du rez-de-chaussée

Les dossiers de construction de la synagogue et de la maison communautaire, qui avaient disparus depuis 1962 sont retrouvés en 2017 chez un particulier à Bonn et remis aux archives municipales de Bonn[21],[22].

L'architecte Maertens dans son article dans le Deutschen Bauzeitung donne les raisons de ses choix ainsi que des informations sur l'architecture de la synagogue[6]:

« Compte tenu de sa situation privilégiée face au Rhin et à son chantier naval très fréquenté, la communauté souhaitait donner à l'époque, malgré la petite taille de l'édifice, une forme architecturale assez austère, à l'intérieur et à l'extérieur, afin que le nouveau bâtiment ne soit pas trop dépassé par rapport aux autres lieux de culte monumentaux de Bonn. Comme la faible largeur du terrain excluait la disposition strictement centrale, très appréciée dans les grandes synagogues des temps modernes, on choisit le plan général de la célèbre basilique du Harz
L'architecte… a érigé les arcs en plein cintre des arcades et du chœur de l'orgue dans un style oriental, il a appliqué à l'extérieur une polychromie vive en insérant des bandes de grès brun-rouge dans les surfaces de briques blanches et jaunes, il a donné aux multiples pignons de toit une forme systématiquement semi-circulaire, il a placé des tourelles avec des dômes en forme de minaret aux extrémités de chaque pignon, Il a protégé chacune des deux entrées principales (à gauche pour les hommes, à droite pour les femmes) par un porche similaire à ceux si souvent utilisés dans les mosquées orientales et a cherché enfin à introduire autant que possible dans les ornements romans individuels aussi bien la ligne en zigzag que des formes végétales naturalistes.
Les besoins cultuels très simples et souvent proches de ceux de l'église protestante ont déterminé les différentes configurations de l'intérieur. L'équipement rituel du chœur, si possible orienté vers l'est, comprend une armoire spacieuse et sûre pour ranger les rouleaux de la Torah (livres de l'ancienne loi), un pupitre de forme particulière sur lequel on peut lire facilement les grands rouleaux ci-dessus, la chaire en forme de lectorium, le pupitre du prédicateur, le chandelier géant à 7 ou 9 branches et la flamme du souvenir pour célébrer les anniversaires des défunts…
Une autre particularité de l'aménagement intérieur est que les synagogues attachent une importance toute particulière à donner un caractère solennel à leurs offices du soir et de la nuit par un éclairage abondant ; à cette occasion, 120 puissantes flammes de gaz brûlent dans la synagogue de Bonn. Un système d'aération complet doit être mis en place pour éviter un échauffement trop important de la pièce. »

Les principales dimensions de l'intérieur de la synagogue de Bonn, données dans le même articles sont les suivantes:

Dimensions de la synagogue[6]
Largeur de la nef centrale 8,16 m
Longueur de la nef centrale 15,0 m
Hauteur de la nef centrale 14,0 m
Profondeur du chœur 3,64 m
Hauteur du chœur
(voûté en demi-cercle)
11,85 m
Largeur des nefs latérales 2,95 m
Hauteur des nefs latérales 7,20 m
Diamètre inférieur
des colonnes principales
0,63 m
Diamètre supérieur
des colonnes principales
0,52 m
Hauteur des colonnes principales
(chapiteau compris)
4,60 m
Diamètre inférieur
des colonnes secondaires
0,38 m

.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c (de): Nicole Bemmelen: Die Neue Judengasse in Bonn – Entstehung und Zerstörung; pages: 243 et 244; [1]
  2. (de): Nicole Bemmelen: Die Neue Judengasse in Bonn – Entstehung und Zerstörung; page: 201
  3. (de): Boris Schafgans: Hermann Eduard Maertens (1823–1898). Zum Leben und Bonner Wirken des Architekten und Autors; in: Bonner Heimat- und Geschichtsverein; Archives de la ville de Bonn; éditeur: Bonner Geschichtsblätter: Jahrbuch des Bonner Heimat- und Geschichtsvereins; volume: 98; Bonn; 2019; pages: 176 à 178
  4. (de): Martin Gussone et Martina Müller-Wiener: [file:///C:/Users/franc/Downloads/zwischen_Kairo_und_der_Alhambra_Das_Mau.pdf Das Mausoleum Dr. George Guier in Bad Godesberg und der Orientalismus]; in: Godesberger Heimatblätter: Jahresheft des Vereins für Heimatpflege und Heimatgeschichte Bad Godesberg e.V.; cahier 48; Bad Godesberg; 2011; page: 82; (ISSN 0436-1024)
  5. (de): Boris Schafgans: Hermann Eduard Maertens (1823–1898). Zum Leben und Bonner Wirken des Architekten und Autors; in: Bonner Heimat- und Geschichtsverein; volume: 68; Bonn; 2019; pages: 180 et 181
  6. a b et c (de): Hermann Eduard Maertens: article dans le Deutschen Bauzeitung; 1890; Die Synagoge zu Bonn; site: lokalgeschichte.de
  7. a et b (de): Nicole Bemmelen: Die Neue Judengasse in Bonn – Entstehung und Zerstörung; pages: 248 et 249
  8. (de): Elfi Pracht-Jörns: Jüdisches Kulturerbe in Nordrhein-Westfalen. Teil 1: Regierungsbezirk Köln (= Beiträge zu den Bau- und Kunstdenkmälern im Rheinland; volume: 34.1; éditeur: J.P. Bachem Verlag; Cologne; 1997; pages: 476 et 477; (ISBN 3761613229)
  9. a et b (de): Nicole Bemmelen: Die Neue Judengasse in Bonn – Entstehung und Zerstörung; page: 260
  10. (de): Als die Synagogen brannten; site: floerken.eu
  11. (de): Nicole Bemmelen: Die Neue Judengasse in Bonn – Entstehung und Zerstörung; page: 262
  12. (de): Boris Schafgans: Der „Synagogenplatz“ in Bonn nach 1938; in: Bonner Heimat- und Geschichtsverein; volume: 68; Bonn; 2019; pages: 215 à 217
  13. (de): Nicole Bemmelen: Die Neue Judengasse in Bonn – Entstehung und Zerstörung; pages: 254 et 255
  14. (de): Nicole Bemmelen: Die Neue Judengasse in Bonn – Entstehung und Zerstörung; page: 263
  15. (de): Boris Schafgans: Der „Synagogenplatz“ in Bonn nach 1938; in: Bonner Heimat- und Geschichtsverein; volume: 68; Bonn; 2019; page: 218
  16. (de): Nicole Bemmelen: Die Neue Judengasse in Bonn – Entstehung und Zerstörung; page: 264
  17. (de): Nicole Bemmelen: Die Neue Judengasse in Bonn – Entstehung und Zerstörung; pages: 264 et 265
  18. a et b (de): Nicole Bemmelen: Die Neue Judengasse in Bonn – Entstehung und Zerstörung; page: 268
  19. (de): Gabriele Zabel-Zottmann: Skulpturen und Objekte im öffentlichen Raum der Bundeshauptstadt Bonn – Aufgestellt von 1970 bis 1991; thèse de doctorat; Bonn; 2012; partie 2; page: 27 ([2]
  20. (de): Boris Schafgans: Der „Synagogenplatz“ in Bonn nach 1938; in: Bonner Heimat- und Geschichtsverein; volume: 68; Bonn; 2019; page: 221
  21. (de): Stadt Bonn: Bauakte der alten Bonner Synagoge aufgetaucht; site: bonn.de
  22. (de): Nicole Bemmelen: Die wiedergefundene Baupolizeiakte der alten Synagoge in Bonn; in: Bonner Heimat- und Geschichtsverein; Archives municipales de Bonn; éditeur: Bonner Geschichtsblätter: Jahrbuch des Bonner Heimat- und Geschichtsvereins; volume 68; Bonn; 2019; pages: 127 à 138; (ISSN 0068-0052)

Liens externes[modifier | modifier le code]