Épidémies de peste à Malte
Les Épidémies de peste à Malte se succèdent jusqu'en 1945 faisant près de 20 000 victimes en dix épidémies sur 350 ans. Après les premières épidémies, des mesures de prévention seront installées avec en particulier un lazaret très actif qui délivrera des patentes de non-contagions réputées pour de nombreux navires sillonnant la Méditerranée.
Peste noire
La grande peste médiévale se diffuse à partir d'un navire génois qui atteint l'Occident chrétien à Messine au début octobre 1347[1]. La Sicile est donc atteinte précocement et Malte peu après[2] à cause des étroites relations économiques et maritime entre les deux îles. Mais le déroulement de l'épidémie à Malte n'est pas connu.
Autres pestes avant l'arrivée des chevaliers
D'autres épidémies sont rapportées en 1427-28 puis 1453, 1501 et en 1519[3]. En 1523, la maladie est introduite par un galion capturé. Afin de circonscrire la propagation du fléau, la municipalité de Mdina décide de brûler le navire et d'isoler l'équipage. Devant le refus des propriétaires, la municipalité fut contrainte de mettre par force le feu au navire[2].
Épidémie de 1592-1593
Cette épidémie est la première documentée à Malte. La maladie arrive par un navire en provenance d'Alexandrie. Environ 3 300 victimes sont dénombrées, soit plus de 12 % de la population totale de l'archipel. La mauvaise gestion de la maladie provoque la mise en place de mesures de quarantaine plus efficaces[4].
Épidémie de 1623
L'épidémie se déclare dans la maison de Paolo Emilio Ramucci, le gardien du port de Malte. La maladie se propage ensuite rapidement aux maisons environnantes. Les autorités isolent rapidement les personnes infectées et prennent des mesures de quarantaine. La maladie est ainsi rapidement circonscrite mais provoque quand même la mort de 40 personnes[5].
Création du lazaret
Ce n'est qu'en 1643 que Malte se dote d'un lazaret, installé sur l'île de la baie de Marsamxett, ce qui est assez tardif et bien postérieur au lazaret de Venise, ouvert dès 1403, ou celui de Marseille en 1526[4]. Mais son organisation est rapidement très efficace et fait de Malte un des ports les plus sûrs de Méditerranée. Désormais, la patente de non-contagion maltaise, délivrée après la quarantaine contrôlée par les autorités sanitaires est l'une des plus respectées. Elle permet aux navires de pouvoir ensuite directement débarquer dans un port d'Europe occidentale. L'organisation étant bien rodée et le port bien achalandé, l'escale sanitaire à Malte sera souvent utilisée et participera au développement économique maltais[6],[7].
Épidémie de 1655
La troisième épidémie débute en septembre 1655 dans une maison près de la Porta Maggiore (aujourd'hui la Victoria Gate) près d'un lieu d'ancrage de navires venant du Levant. Le propriétaire aurait eu un contact avec un membre d'équipage d'un navire contaminé, et aurait transmit la maladie à sa sœur habitant Żejtun. Quand la maladie se propage aux autres membres de la famille, les autorités prennent immédiatement des mesures de quarantaine en isolant au lazaret les personnes en contact[5]. L'épidémie est ainsi rapidement maîtrisée avec une centaine de malades dont 52 survécurent grâce à une prise en charge médicale efficace. Le bilan est d'une cinquantaine de victimes[8].
Épidémie de 1675-1676
Cette quatrième épidémie dont l'origine reste obscure est la plus meurtrière connue à Malte. Elle tue 11 300 personnes[9] soit un quart environ de la population maltaise[8], et plus encore dans la région du Grand Port, dont de nombreux chevaliers[10]. L'aide de médecins et chirurgiens français de Marseille se révélera très utile[11].
Épidémie de 1813-1814
Cette épidémie, la première sous administration britannique, est apporté par navire depuis Alexandrie[12]. La maladie se répand d'abord lentement à La Valette avant de venir dévaster les campagnes, et en particulier les villes de Ħaż-Żebbuġ et Qormi où meurent environ 15 % de leurs habitants[13]. Des mesures draconiennes instaurées tardivement vont finalement venir à bout du fléau, qui atteint brièvement Gozo à la fin de l'épidémie[14].
Entre avril 1813 et septembre 1814, l'épidémie fait 4 668 victimes sur une population maltaise estimée à environ 100 000 individus, soit une mortalité totale de 4,6 %[15].
Épidémie de 1917
Une petite épidémie de peste infecte 8 dockers du Grand Port en 1917 avec 4 décès entre le et le [16]. La maladie proviendrait de l'ouverture d'une boite venant de Mésopotamie, où sévissait une épidémie[17].
Épidémie de 1936-1937
En 1936, la peste est de retour. Elle débute à Qormi chez les Grech, une famille de boulangers de la rue Raffaella. Le grand-père d'abord présente des bubons et une forte fièvre avant de mourir le . C'est ensuite au tour de son fils de 42 ans le . Le petit-fils de 20 ans est lui aussi atteint et transféré au lazaret ; il parviendra à survivre au mal. Puis des voisins commencent à être atteints[18]. L'origine reste peu claire, peut-être à partir de balles de foins et de pailles importées de Tunisie. Au total à Qormi, huit personnes seront atteintes en 13 mois d'épidémie, dont quatre mourront[18]. Une barrière sanitaire autour de Qormi est installé, mais se révèle peu efficace. La peste s'étend bientôt au village voisin de Żebbuġ où onze personnes sont infectées avec trois décès, dont une petite fille de 7 ans[18]. La maladie est également retrouvée à Rabat, Mtaħleb, Marsa, Attard, Mosta et peut-être Gozo. La peste s'attarde jusqu'en 1937 avec encore cinq cas à Luqa dont un mortel et un cas à Qrendi[19].
Une importante recherche est menée par Themistocles Zammit, qui parvient à isoler des cultures de bacille de peste sur 15 des 1500 rats étudiés. Il découvre que le vecteur principal est le Rat noir (Rattus rattus), assez récemment implanté sur les îles maltaises, dont la prolifération était en train de lui faire prendre la place de l'ancien rat local, le surmulot (Rattus norvegicus).
Au total, et suivant les différents décomptes, entre 25[20] et 33[21] personnes furent infectées, tuant entre huit[19] et douze[21] personnes.
Épidémie de 1945-1946
La peste visite une dernière fois l'archipel en juin 1945, c'est d'ailleurs une des toutes dernières épidémie de peste en Europe avant celle de Tarente en [20]. Le premier cas est identifié à Ħamrun le . Rapidement, il apparait que la maladie se développe à partir de deux foyers : l'un comprenant Marsa, Msida et Birkirkara, l'autre à Bubagra.
Au total, 75 personnes seront infectées en 1945 et 5 en 1946. L'épidémie fera 20 victimes[21].
Bilan des victimes
Date de l'épidémie | nombre de victimes |
---|---|
1592-1593 | 3 300 |
1623 | 40 |
1655 | 50 |
1675-1676 | 11 300 |
1813-1814 | 4 668 |
1917 | 4 |
1936-1937 | 10 |
1945-1946 | 20 |
TOTAL | 19 392 |
Références
- Michel de Piazza, Historia Secula ab anno 1361 (lire en ligne)
- Charles Savona-Ventura, The Medical History of the Maltese Islands, MidSea, , 145 p. (ISBN 978-99909-75-24-6, lire en ligne), p. 19-24
- Loris Miège, Histoire de Malte, vol. 2, Paulin, , 484 p. (lire en ligne), p. 416
- Anne Brogini, Malte, frontière de chrétienté (1530-1670), Publications de l’École française de Rome, , 772 p. (ISBN 978-2-7283-0742-5, lire en ligne), p. 565-615
- (it) Giovanni Francesco Abela, Malta illustrata, Mallia, (lire en ligne), p. 188
- Carmen Depasquale, « La Quarantaine à Malte aux XVIIe et XVIIIe siècles dansles mémoires, journaux et récits de quelques voyageurs », The Northern Mariner/Le Marin du Nord, Journal of the Canadian Nautical Research Society, (lire en ligne)
- Alain Blondy, « L’Ordre de St Jean et l’essor économique de Malte (1530-1798) », Revue du monde musulman et de la Méditerranée « Le carrefour maltais », vol. 71, , p. 75-90 (ISBN 2-85744-801-5, lire en ligne)
- Anne Brogini, « La population de Malte au XVIIe siècle, reflet d’une modernité », Cahiers de la Méditerranée, vol. 68, , p. 17-38 (lire en ligne)
- (it) Bartolomeo Dal Pozzo, Historia della sacre religione militare di S. Giovanni gerosolimitano della di Malta, Albrizzi, (lire en ligne), p. 445
- Louis François marquis de Villeneuve-Trans, Monumens des grands-maîtres de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem : ou Vues des tombeaux élevés à Jérusalem, à Ptolémaïs, à Rhodes, à Malta, etc., accompagnés de notices historiques sur chacun des grands-maîtres, des inscriptions gravées sur leurs tombeaux, de leurs armoiries, J.-J. Blaise, , 781 p. (lire en ligne), p. 183
- (en) Antoine-Barthélemy Clot, De la peste observée en Égypte : recherches et considérations sur cette maladie, Fortin, Masson, , 439 p. (lire en ligne), p. 394
- (en) « Maltese islands devastated by a deadly epidemic 200 years ago », sur Times of Malta, (consulté le )
- (en) Chris Grech, « The Rise and Fall of the Callus Fortunes – Plague of Malta 1813 », sur From Lancs to the Levant, (consulté le )
- (en) J.D. Tully, The history of plague : as it has lately appeared in the islands of Malta, Gozo, Corfu, Cephalonia, etc. detailing important facts, illustrative of the specific contagion of that disease, with particulars of the means adopted for its eradication, Longman, Hurst, Rees, Orme, and Brown, , 292 p. (lire en ligne), p. 30
- (en) Eddie Attard, « Role of the Police in the plague of 1813 », sur Times of Malta, (consulté le )
- (en) « Prevalence of Disease: Foreign », Public Health Reports, vol. 33, no 2, , p. 50-53 (lire en ligne)
- (en) R. Pollitzer, « Plague studies : a summary of the history and a survey of the present distribution of the disease », Bull Org Mond Santé, vol. 4, , p. 475-533 (lire en ligne)
- (en) « Malta’s plague epidemic 75 years ago », sur Times of Malta, (consulté le )
- « Peste », Relevé épidémiologique hebdomadaire, vol. 12, no 5, , p. 54 (lire en ligne)
- Bertrand Mafart, P. Brisou et E. Bertherat, « Épidémiologie et prise en charge des épidémies de peste en Méditerranée au cours de la Seconde Guerre mondiale », Bulletin de la Société de Pathologie exotique, vol. 97, no 4, , p. 306-310 (lire en ligne)
- (en) SC. Barnett, « Rat control in a plague outbreak in Malta », J Hyg Camb, vol. 46, , p. 10-18 (lire en ligne)