Ésope

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Ésope représenté dans une édition allemande des Fables de 1479

Ésope (en grec ancien Αἴσωπος / Aísôpos, VIIe-VIe siècle av. J.-C.) est un écrivain grec d'origine phrygienne à qui on attribue la paternité de la fable comme littérature ou genre littéraire.

Biographie

Anatomie

Selon une hypothèse de Martin Litchfield West[1], c'est à Samos que se serait formée sa légende. Martin Litchfield West raconte que Jean de La Fontaine en tête de ses Fables, présente Ésope comme « difforme, laid de visage, ayant à peine figure d'homme » et presque entièrement privé de l'usage de la parole.

Origine

Son origine est discutée ; on note deux thèses principales :

  • Selon Héraclide du Pont, c'est un Thrace de naissance, thèse confirmée par un certain Eugeiton[2] qui affirme qu’Ésope était de Méssembrie, ville des Cicones, sur la côte de Thrace. Si cet Eugeiton doit être identifié avec un certain Eugéion, qu’on a conjecturé être la source d’Hérodote, son témoignage aurait du poids, et notre fabuliste pourrait être tenu pour un Thrace.

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Si l’on a cherché la patrie d’Ésope hors de la Grèce, en Phrygie, c’est que le nom Αἴσωπος ne semble pas être un nom grec ; on a cru y voir un nom phrygien, qu’on rapprochait du nom du fleuve phrygien Αἴσηπος, et peut-être du guerrier troyen Αἴσηπος dont il est question chez Homère[3] ; on l’a rapproché aussi du mot Ἢσοπος qu’on lit sur un vase de Sigée[4]. Une Vie d’Ésope le fait Lydien, sans doute parce que, d’après la tradition qui apparaît pour la première fois dans Héraclide, il fut esclave du Lydien Xanthos. En somme, toutes ces traditions ne reposant que sur des conjectures, il serait vain de s’arrêter à l’une d’elles : mieux vaut se résigner à ignorer ce qu’on ne peut savoir.

Négritude supposée

Il aurait ensuite été esclave d'Iadmon avant de réussir à se faire libérer.

Les témoignages de l'époque ne parlent pas du « Nègre» Ésope, en revanche ils insistent sur son épouvantable laideur: « porc-singe », « marmite à pieds », « cruche atteinte d'une tumeur », « amulette contre le mauvais œil », « erreur du jour ». Il est décrit comme bedonnant, la tête en pointe, le nez camus, voûté, le teint noir, courtaud, cagneux, les bras courts, les jambes arquées, les lèvres épaisses. De surcroît, il a la parole confuse et inarticulée. Cela a suffi à conduire certains auteurs de nos jours à spéculer sur sa négritude[5].

Au cours de sa vie d'esclave, Ésope livre un combat incessant contre son maître Xanthos, dont le nom signifie « Blond». Ce qui donne l'illusion l'aller dans le sens des stéréotypes "antiracistes" propres à notre époque. Lorsque son maître meurt, Ésope est affranchi. A peine libre, il retrouve la parole. Il se rend auprès de Crésus pour tenter de sauvegarder l'indépendance de Samos et il réussit dans son ambassade en racontant au roi une fable. Il se mettra ensuite au service du « roi de Babylone », qui prend grand plaisir aux énigmes du fabuliste.

Fin de vie

Possédé par le désir de voyager, il se rend en Grèce et s'arrête notamment à Delphes. Les conditions dans lesquelles il est mort restent obscures. Selon l'historien Jean-Alexandre Buchon, le fabuliste aurait été précipité du haut de l'Hyampeia, sommet voisin du Parnasse, par les habitants de Delphes, indisposés par ses railleries (La Grèce continentale et la Morée, 1840 et 1841).

Les fables

Ésope représenté dans les Chroniques de Nuremberg de 1493.

Il laisse cent vingt-sept fables en prose que reprend en partie, au XVIIième siècle, Jean de La Fontaine.

Les fables d'Ésope étaient en prose et concises, La Fontaine les mit en vers.

« Tout le récit de la vie d'Ésope est parcouru par la thématique du rire, de la bonne blague au moyen de laquelle le faible, l'exploité, prend le dessus sur les maîtres, les puissants. En ce sens, Ésope est un précurseur de l'anti-héros, laid, méprisé, sans pouvoir initial, mais qui parvient à se tirer d'affaire par son habileté à déchiffrer les énigmes[6] ».

En raison du nombre de fables que cette légende comprenait, celles-ci ont dès lors pu commencer à circuler de façon autonome, à la façon de bons mots qu'on se racontait. Par la suite, des fables antérieures auraient été ré-attribuées à cette source, qui jouait le rôle d'un recueil. Il faut ajouter que, le grec ne possédant pas de terme spécifique pour désigner la fable, le nom d'Ésope a servi de catalyseur, et ce d'autant plus facilement que toute science, toute technique, tout genre littéraire devait chez eux être rattaché à un « inventeur ». Ainsi s'explique, en partie, qu'Ésope soit si vite devenu la figure emblématique de la fable.

Le premier recueil de Fables est dû à Démétrios de Phalère vers 325 av. J.-C.. Le recueil original est perdu. Une des premières traductions françaises est celle faite par le Suisse Isaac Nevelet en 1610. Elle comptait 199 fables attribuées à Ésope[7]. C'est le recueil qu'a utilisé La Fontaine.

Les fables d'Ésope étaient écrites en prose et sans prétention littéraire. Cela fit dire à Hegel : « La prose commence dans la bouche d'un esclave ; aussi le genre tout entier est prosaïque (Esthétique) ». Les fables d'Ésope furent reprises et traduites en latin par Phèdre. Babrias en produisit de nouvelles au IIe siècle av. J.-C..

Maxime Planude, moine byzantin du XIIIe siècle popularisa une Vie d’Ésope à partir d'un matériau datant probablement du Ier siècle. Le texte est issu de traditions diverses, certaines anciennes d'autres de l'époque romaine. L’emprunt le plus important est le récit de la vie d’Ésope à Babylone qui est une transposition du récit de la vie d'Akhikar [8].

Ésope inspira notamment :

Jean de La Fontaine

Jean de La Fontaine, dont nombre des fables sont des retranscriptions des fables d'Ésope, lui rend hommage dans À Mon seigneur le Dauphin :

Je chante les héros dont Ésope est le père,
Troupe de qui l'histoire, encore que mensongère,
Contient des vérités qui servent de leçons.
Tout parle en mon ouvrage, et même les poissons :
Ce qu'ils disent s'adresse à tous tant que nous sommes ;
Je me sers d'animaux pour instruire les hommes.

Il le cite notamment dans Le soleil et les grenouilles :

Aux noces d'un Tyran tout le Peuple en liesse
Noyait son souci dans les pots.
Ésope seul trouvait que les gens étaient sots
De témoigner tant d'allégresse.
Le Soleil, disait-il, eut dessein autrefois
De songer à l'Hyménée.
Aussitôt on ouït d'une commune voix
Se plaindre de leur destinée
Les Citoyennes des Étangs.
Que ferons-nous, s'il lui vient des enfants ?
Dirent-elles au Sort, un seul Soleil à peine
Se peut souffrir. Une demi-douzaine
Mettra la Mer à sec et tous ses habitants.
Adieu joncs et marais : notre race est détruite.
Bientôt on la verra réduite
À l'eau du Styx. Pour un pauvre Animal,
Grenouilles, à mon sens, ne raisonnaient pas mal.

Voir aussi

Notes et références

  1. La Fable : huit exposés suivis de discussions, Fondation Hardt, Vandœuvres-Genève, 1984
  2. cité par Suidas
  3. Z 21
  4. C. J. G., I, 8
  5. Lilian Thuram, Mes étoiles noires, de Lucy à Barack Obama, Chez Ed. Philippe Rey, 2010, Paris, pp. 25-29.
  6. Karl Canvat et Christian Vandendorpe, La Fable. Vade-mecum du professeur de français, Didier-Hatier, 1993, Modèle:P. 8
  7. Texte intégral sur Google Livres
  8. Vie d’Ésope trad. de Corinne Jouanno, Les Belles Lettres, 2006

Autres

  • Le nom d'Ésope est attaché à un palindrome en langue française : « Ésope reste ici et se repose ».
  • La douzième étude de Charles-Valentin Alkan s'intitule Le festin d’Ésope.

Article connexe

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