Toshio Saeki

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Toshio Saeki
Toshio Saeki par le photographe Satoshi Saïkusa.
Naissance
Décès
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佐伯俊男Voir et modifier les données sur Wikidata
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Toshio Saeki (佐伯俊男, Saeki Toshio?), né en 1945 dans la préfecture de Miyazaki et mort le , est un peintre et illustrateur japonais. Son œuvre est à la croisée des traditions japonaises du shunga (gravures érotiques traditionnelles) et du yōgai-ga (images folkloriques de monstres et de fantômes).

Biographie

Toshio Saeki nait en 1945 dans la préfecture de Miyazaki, sa famille s'installe en 1949 à Osaka où il grandit. Il commence des études de graphisme et travaille dans la publicité avant de déménager pour Tokyo en 1969 avec l'espoir de devenir illustrateur dans le milieu de l'édition[1]. Au cours des deux années suivantes, il publie deux livres de dessins, Saeki Toshio gashū (佐伯俊男画集?) en 1970 et Saeki Toshio sakuhin-shū (佐伯俊男作品集?) en 1971[1]. Dans ses premiers dessins, il utilise des motifs traditionnels japonais pour créer une fresque cauchemardesque qui suscite des commentaires admiratifs[2]. Des expositions lui sont consacrées, dont une à la Gare de Paris-Saint-Lazare en 1970 à l'issue de laquelle les originaux des dessins exposés sont égarés[2].

L'éditeur Haga shoten (ja) (芳賀書店?), réputé pour publier les œuvres d'auteurs influents comme Nagisa Ōshima ou Shūji Terayama, lui donne carte blanche pour son troisième livre. Toshio Saeki y travaille dans des conditions particulières, sa femme, qu'il vient de rencontrer, est la proie d'un harceleur qui la poursuit où qu'elle aille. Si bien que le couple sentant la menace se préciser de semaines en semaines — l'homme finira par se donner la mort après avoir tenté de la tuer — se cache dans des tsurekomi yado (litt. « Auberge pour clients accompagnés »)[1]. C'est dans ces hôtels réservés aux amants qui souhaitent trouver un abri pour des relations discrètes qu'il achève en deux mois les dessins de Red Box (緋匡, Akai Hako?) son livre le plus célèbre. L'un des dessins de ce recueil est utilisé par John Lennon et Yoko Ono pour illustrer le livret de leur album Some Time in New York City (1972)[1].

En 1979, Michel Boschet réalise Demain la petite fille sera en retard à l'école, un court métrage d'animation inspiré de ses dessins, qui remporte le César du meilleur court métrage d'animation l'année suivante[3],[4].

Depuis la fin des années 1980, Toshio Saeki vit une forme de semie-retraite dans les montagnes de la préfecture de Chiba, à l'extérieur de Tokyo[5].

Son travail va pourtant se faire connaître à l'international. Le public français va le découvrir avec Japon Intime, publié en 1990 chez Albin Michel grâce à Romain Slocombe. Mais c’est seulement 20 ans plus tard que Saeki, figure de l’underground japonais, connaît une popularité croissante avant d’atteindre son statut d’icône populaire que nous lui connaissons aujourd’hui. En 2010, la galerie d’art contemporain Da-End[6] organise dans la capitale, sa seconde exposition personnelle en France, intitulée Kuro Hozuki. D’autres événements s’ensuivent, comme l'édition du coffret Kuro Hozuki[7] (2010), la publication de l’anthologie Rêves Écarlates[8] (2016) ou la ré-édition de la Red Box[9] (2019) par les éditions Cornélius, un reportage sur Arte / Tracks[10] (2016), ou encore l’utilisation de ses illustrations par la marque de vêtement Supreme[11] (2020).

Il meurt le à l'âge de 74 ans, l'annonce de son décès par sa famille n'intervient que le [12].

Style

Toshio Saeki est l'inventeur d'un style unique, dans un domaine qu'il a totalement transformé, l'ero guro, un mouvement artistique et littéraire japonais apparu vers 1930, combinant l'érotisme à des éléments macabres et grotesques dont la paternité est attribuée à l'auteur Edogawa Ranpo[13]. Son œuvre est à la croisée des traditions japonaises du shunga (gravures érotiques traditionnelles) et du yōgai-ga (images folkloriques de monstres et de fantômes)[14]. Toshio Saeki en déclinant les motifs traditionnels, les a mêlés des angoisses propres à sa génération, qui a connu les espoirs et les désillusions des années 1970[13].

Incontestable héritier d’Yoshitoshi, d’Hokusai et d’Utamaro, l’immense Toshio Saeki, disparu en 2019, affirme encore aujourd’hui la pérennité de cet art de l’image trouble, dérangeante et fascinante, qui, tapie au creux des âmes, habite tout particulièrement l’inconscient collectif japonais. La technique du trait magnifiquement concis et sinueux, celle des aplats de couleurs, puissants, subtils et sonores placent aujourd’hui l’artiste aux premiers rangs de cette tradition où se rencontrent l’art du shunga (estampes érotiques nées au XVIIe siècle) et le monde des yôkai (monstres issus du folklore). (...) Si les images de Saeki exercent un indicible pouvoir de séduction, nous le devons à la beauté qui transcende la cruauté de ses images magnifiquement violentes et cauchemardesques. Mais c’est à la douceur aussi que nous devons cette sensualité triomphante, celle de ces visages purs et laiteux, celle de ces chairs fermes et galbées, l’ondulation de chemins oniriques baignés de calme lumière lunaire… On se perd à ce jeu pervers du désir, quand, pour mieux posséder, on aime à détruire[15].

Son érotisme monstrueux bousculant d’autant plus fortement qu’il repose sur la puissance d’évocation et se déploie dans un dessin très pur. Hergé plongé dans les perverses pensées d’un Edogawa Ranpo. Toshio Saeki, c’est le choc de couleurs primaires et vives utilisées pour explorer les zones les plus reculées et obscures du désir, celles qui devraient rester tues, honteuses. C’est une surface faussement lisse destinée à explorer des zones caverneuses[12].

Publications

En France

À l'étranger

  • 1970 : Gashū, Agremensha
  • 1971 : Toshio sakuhinshū, Gakugei shorin
  • 1972 : Akai hako, Haga shoten
  • 1992 : Yōga-kan, Kōchi shuppansha
  • 1999 : Yume manji, Jiyū kokuminsha
  • 2001 : Inkenka, Kawade shobōshinsha
  • 2002 : The Earliest Works of Toshio Saeki, Jiyū kokuminsha
  • 2003 : Gokurakuchō, Sawarabi hon kōbō
  • 2004 : Jōnen emaki, Seirinkōgeisha
  • 2006 : Showa Naughty Fun Picture Book
  • 2007 : Akai hako, Wailea publishing
  • 2009 : Saeki Toshio’s Works in Music, Presspop
  • 2009 : Onikage (‘Demon Shadow’) : The Art of Toshio Saeki, Last Gasp
  • 2010 : Yumegakure, Utsuki Shōkai
  • 2014 : Yumenozki, Kokusho Kankokai
  • 2019 : Banshō kaiki, JXJ Gallery
  • 2019 : Unnen, Innen

Expositions

  • 1970 : Toshio Saeki Book Release, Paris
  • 1971 : Akaihako, Gallery Décor, Tokyo
  • 1975 : Toshio Saeki, Tokyo Gallery, Tokyo
  • 1985 : Toshio Saeki, Gray Box Gallery, San Jose
  • 1994 : Toshio Saeki, Up’s Gallery, Tokyo
  • 1995 : Chimushi, Atom Age Gallery, Tokyo
  • 1996 : Chimushi II, Azzlo Gallery, Tokyo
  • 1996 : Toshio Saeki, Kebunsha Anfail, Kyoto
  • 1999 : Yumemanji, Span Art Gallery, Tokyo
  • 2001 : Toshio Saeki, Chuo University Art Gallery, Aichi, Japon
  • 2002 : Toshio Saeki, Trance Pop Gallery, Kyoto ; Toshio Saeki, Span Art Gallery, Tokyo
  • 2004 : Toshio Saeki, Trance Pop Gallery, Kyoto ; Toshio Saeki, Span Art Gallery, Tokyo
  • 2005 : Toshio Saeki, Naruse Bijyutsu-Za, Tokyo
  • 2006 : Saeki Toshio 70, Trance Pop Gallery, Kyoto ; Saeki Toshio 70, Span Art Gallery, Tokyo
  • 2007 : Akaihako, Subterraneans, Osaka ; Akaihako, Trance Pop Gallery, Kyoto
  • 2009 : Onikage, Span Art Gallery, Tokyo ; Works in Music, Trance Pop Gallery, Kyoto
  • 2010 : Oedipal Indescretions, Edible Obsessions: Early Work of Toshio Saeki
  • 2010 : Span Art Gallery, Tokyo
  • 2011 : Kuro Hozuki, Galerie Da-End, Paris[7]
  • 2011 : Tous Cannibales, La Maison Rouge, Paris
  • 2013 : The Print House Gallery, Dalston
  • 2013 : Ba'alei Hamelacha, Tel Aviv-Jaffa
  • 2013 : Kuro Eden, Galerie Da-End, Paris
  • 2014 : The Red Box, Narwhal Gallery, Toronto
  • 2015 : Happily Until Their Deaths, Narwhal Gallery, Toronto
  • 2016 : Toshio Saeki Prints Sale, Kartel, Tel Aviv-Jaffa
  • 2016 : Exposition personnelle, Narwhal Gallery, Toronto
  • 2018 : Toshio Saeki - Unnen, Nanzuka Gallery, Tokyo
  • 2018 : Musubi, Galerie Da-End, Paris
  • 2019 : Red Box, Galerie Arts Factory, Paris
  • 2020 : Tokyo Pop Underground, Deitch, Los Angeles
  • 2020 : Global Pop Underground, Parco Museum, Tokyo
  • 2021 : Hana Yasha, Galerie Da-End, Paris[16]

Notes et références

  1. a b c et d Toshio Saeki (préf. Jean-Louis Gauthey), Red Box, Paris, Cornélius, , 104 p. (ISBN 978-2-360-81160-1), préface
  2. a et b Toshio Saeki, Les Premiers Dessins de Toshio Saeki, Paris, Tête Rock Underground, , 112 p. (ISBN 2-911215-14-1), préface
  3. « Demain, la petite fille sera en retard à l'école », sur www.cinematheque.qc.ca/ (consulté le )
  4. « Demain la petite fille sera en retard à l'école », sur www.unifrance.org (consulté le )
  5. « Toshio Saeki », sur www.cornelius.fr (consulté le )
  6. « Toshio Saeki », sur Galerie Da-End (consulté le )
  7. a et b Coffret Kuro Hozuki (coffrets en bois de Kiri laqués noirs (Kuro-Urushi), fabriqués à Kyoto, édités à 50 exemplaires par la Galerie Da-End à Paris, numérotés et signés par Toshio Saeki, contenant 7 sérigraphies signées par Toshio Saeki), Paris, Galerie Da-End, , 22 p. (lire en ligne [PDF])
  8. Rêves Écarlates, Éditions Cornélius, coll. « Collection Pierre », parution 02/2016, 192 p., Format 17 × 25 cm. Poids 750 g (ISBN 978 2 36081 106 9)
  9. Red Box. Toshio Saeki, Éditions Cornelius, coll. « Lucette », , 104 p., Format 30 × 20 cm. Poids 720 g (ISBN 978 2 36081 160 1)
  10. Arte / Tracks, « Toshio Saeki, maître de l'érotisme absurde et macabre », sur https://www.arte.tv/fr/videos/RC-014037/tracks/,
  11. (en) Adrianna Cheung, « Supreme collaborates with ‘The Godfather of Japanese Erotica’ on a capsule », Mixmag,‎ (lire en ligne)
  12. a et b Marius Chapuis, « Toshio Saeki disparaît avec son érotisme monstrueux », Libération,‎ (lire en ligne)
  13. a et b « Red box », sur www.cornelius.fr (consulté le )
  14. Natacha Wolinski, « Nippons fripons, des estampes à la photographie », The Good Life n°37,‎
  15. Lionelle Courbet, « Sexe, amour et perversion : les beautés cruelles de Toshio Saeki à la galerie Da-End à Paris », Connaissance des Arts,‎ (lire en ligne)
  16. Toshio Saeki, Hana Yasha : Catalogue de l'exposition du 13 février au 27 mars 2021, Paris, Galerie Da-End, , 18 p. (lire en ligne [PDF])

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes