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Révolution rurale

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La révolution rurale est un concept défini par l'historienne française Geneviève Gavignaud-Fontaine lors d’un séjour universitaire aux États-Unis (1980-1981, Davidson, Caroline du Nord), et dont le but est de saisir l’évolution des sociétés occidentales dans la longue durée.

Tandis que la « révolution agricole », bien connue des historiens, concerne les mutations techniques et structurelles de l'agriculture en vue de son adaptation au grand marché, la « révolution rurale » recouvre l'ensemble des transformations économiques, sociales, administratives et culturelles subies par les campagnes, leurs populations et leurs activités.

Un concept qui ne se laisse donc pas confondre avec celui de « révolution agricole »[1],[2] - comme l’avaient fait dans les années 1960 Joël Halphern[3] et Gordon Wright[4] dans leurs ouvrages respectifs -, mais l’englobe et le prolonge pour rendre compte des profondes mutations économiques, sociales et culturelles ayant affecté les campagnes contemporaines délestées de leurs paysans, ouvertes à de nouveaux usages. Mutations non exclusivement liées à l’agriculture.

Le fondement : une analyse du cas américain

C’est aux États-Unis qu’a pu se faire une analyse pionnière sur le sujet : les populations rurales non agricoles ont massivement remplacé, dans les campagnes et dès les années 1940-1960, les populations rurales agricoles; la réflexion sur une ruralité avant-gardiste observée in situ, conduit à faire de la révolution rurale l’expression complète de l’évolution des campagnes contemporaines.

La définition, forgée dès 1983 à propos du cas américain, peut être étendue à l'ensemble des sociétés occidentales : « la révolution rurale consacre un changement radical, une rupture dans l'organisation des campagnes; elle donne aux populations non agricoles la maîtrise des campagnes dégagées de leur traditionnelle vocation nourricière; elle fait des territoires le principal terrain d'expansion de la société urbaine dominante. Elle marque, en conséquence, le temps de la consolidation des structures de la société moderne, au sein de campagnes aménagées à l'usage des populations urbanisées »[5]. À ce titre, la révolution rurale représente une rupture dans l’histoire économique, sociale et culturelle des campagnes occidentales.

L’adaptation de la problématique au « cas français »

Avec quelques décennies de retard, la France présente, depuis les années 1970, certains caractères comparables à la situation américaine : les populations des grandes villes étirent leur territoire résidentiel jusque dans les villages avoisinants, le mode de vie urbain se répand sur les territoires ruraux dotés d'une rente de situation. Mais, ailleurs, dans les pays de l'intérieur, la déprise humaine s'accélère, les friches galopent en conséquence. Alors que les observateurs du rural se rangent en deux camps antagonistes, celui du renouveau (« rurbanisation »[6], « périurbanisation »[7], voire de la « renaissance »[8] - Bernard Kayser, 1988, étude influencée par celle de Geneviève Gavignaud-Fontaine[réf. nécessaire] sans toutefois la citer[9]) et celui de l’« abandon » (ou de la désertification et du vide - Roger Béteille, 1981), Geneviève Gavignaud-Fontaine s'appuie sur le temps long - cher à Fernand Braudel - pour donner au concept de révolution rurale les moyens d'exprimer l'ensemble des mutations subies par les campagnes, leurs populations et leurs activités. Est concerné l’espace non-urbain, c'est-à-dire quelque 85 % du territoire français.

La disparition de l’économie et de la société rurales du passé[10] fait ressortir aujourd’hui l’enjeu que représentent les campagnes pour les années à venir[réf. nécessaire]. Activités et populations se redistribuent, abandonnant là des terres à la friche, accentuant ici l’urbanisation pavillonnaire ou l’industrialisation de l’agriculture : partout se dissocient lieux de travail et lieux de résidence, se désagrègent les liens traditionnels qui unissaient les populations à la terre qui les portait. La rupture est totale entre l’héritage économique, social et culturel transmis de génération en génération, depuis plus de mille ans, et la dynamique des populations actuelles[réf. nécessaire].

De la sédentarisation néolithique à la mobilité accélérée

Replacée dans la succession des sociétés, la « révolution rurale » vient convaincre que la mutation en cours sous nos yeux clôt celle qui, à l’époque néolithique, avait poussé à la sédentarisation des populations de cultivateurs[réf. nécessaire]. En quelques décennies, déracinement et mobilité des populations salariées accélèrent l’effacement du lien les reliant à la culture de la terre; ce contraste entre le passé et le présent constitue l’un des traits majeurs des temps contemporains[réf. nécessaire]. Il s’agit là d’un champ de recherche novateur, aux multiples lignes de perspective encore floues : outre l’économie et la société agricoles, ainsi que l’économie et la société non agricoles, s’y rattachent les gestions environnementales et foncières oscillant entre propriété, usages et interdits, ainsi que les politiques culturelles.

En résumé, le concept de révolution rurale défini par Geneviève Gavignaud-Fontaine permet de rendre compte des mutations profondes subies par les campagnes contemporaines délestées de leurs paysans, ouvertes à de nouveaux usages. La révolution rurale ne se confond pas avec la révolution agricole, qui recoupe les bouleversements des techniques et usages agraires : elle l’englobe et la dépasse pour exprimer, simultanément et sans contradiction, la dynamique démographique des villages dotés d’une rente de situation (aires urbaines, aptitudes touristiques), et la déprise humaine et culturale des « pays de l’intérieur » abandonnés à la friche, tandis que l’agribusness uniformise ses champs. La révolution rurale signe donc, avec la fin de l’exode agricole, le début d’une tendance lourde de nouveau peuplement; elle traduit le changement radical tant de l’occupation et des modes de gestion du territoire, que des pratiques du pouvoir dans les espaces ruraux.

Définitions

Les populations rurales vivent dans des agglomérations de moins de deux mille habitants en France, deux mille cinq cents aux États-Unis. Parmi elles :

Notes et références

  1. Marc Bloch, Caractères originaux de l'histoire rurale française, Oslo, , p. 101

    « l'habitude est prise de désigner sous le nom de Révolution Agricole les grands bouleversements de la technique et des usages agraires qui, dans toute l'Europe, à des dates variables suivant les pays, marquèrent l'avènement de l'exploitation contemporaine. Le terme est commode (...) il met l'accent sur l'ampleur et l'intensité du phénomène (...) Révolution sans doute si l'on entend une mutation profonde. Mais secousse succédant à des siècles d'immobilité ? Non, certes; mutation brusque ? Pas davantage. Elle s'étend sur plusieurs années, voire plusieurs siècles »

  2. Michel Augé-Laribé, La Révolution agricole, Paris, Éditions Albin Michel,
  3. (en) Joël Halphern, « The Rural Revolution », Transactions of the New York Academy of Sciences, iI, vol. 28, no 1,‎ , p. 73-80
  4. (en) Gordon Wright, Rural Revolution in France : The Peasantry in the Twentieth Century, Stanford University Press,
  5. Geneviève Gavignaud-Fontaine, La Révolution rurale. Essai à partir du cas américain (U.S.A), Le Coteau, Horvath, , 162 p. (ISBN 2-7171-0296-5)
  6. Gérard Bauer et Jean-Michel Roux, La Rurbanisation ou la ville éparpillée, Paris, Éditions du Seuil,
  7. Vaste chantier ouvert par Étienne Juillard, « L’Urbanisation des campagnes », Études rurales, no spécial 49-52,‎
  8. Le concept de « renaissance rurale », s’il peut recouvrir les mutations des villages inscrits dans le périurbain et les zones d’influence des métropoles, ne saurait englober le délabrement des zones rurales éloignées des dynamiques citadines. Définir un concept qui contienne tous les caractères de son sujet n’est pas un exercice facile.
  9. Bernard Kayser, « Une renaissance rurale aux États-Unis? », Études rurales,‎
  10. Henri Mendras, La fin des paysans,

Voir aussi

Bibliographie

Ouvrages sur la Révolution rurale
  • Joël Halphern, « The Rural Revolution », Transactions of the New York Academy of Sciences, Series II, 28, n° 1, 73-80
  • Gordon Wright, Rural Révolution in France, 1967
  • Geneviève Gavignaud-Fontaine, La Révolution rurale. Essai à partir du cas américain (États-Unis), Le Coteau, Horvath, 1983
  • Geneviève Gavignaud-Fontaine, La Révolution rurale dans la France contemporaine, XVIII-XXème siècle, Paris, L’Harmattan, 1996
  • Geneviève Gavignaud-Fontaine, Villageois sans agriculture : Observations sur la société rurale contemporaine, Montpellier, Publications Universitaires de la Méditerranée, 2007
Articles de Geneviève Gavignaud-Fontaine sur la révolution rurale, cités chronologiquement depuis 1986
  • Articles portant sur les mutations des sociétés rurales
    • « La Révolution rurale. Du cas américain au cas européen », Contribution au 13e Congrès International de Sociologie, Braga, Portugal, 1986. Cf. le résumé publié en France par la Commission Nationale d’Organisation
    • « Mise en perspective de la Révolution rurale », Note adressée à l’occasion de la rencontre organisée à Gif-sur-Yvette par les dirigeants de l’Association des Ruralistes Français: « Y a-t-il une crise des études rurales», 1986
    • « De la Révolution agricole à la Révolution rurale : des sociétés rurales contemporaines en mutation » dans Revue Historique, Paris, P.U.F., 1987, n° 9, p. 99 à 119
    • « Éléments d’une nouvelle dynamique rurale », dans Campagnes de l’Europe, nouvelles donnes, nouvelles frontières, colloque organisé par l’Association des Ruralistes français, Lyon, 1988, résumés multigraphiés
    • « Les nouveaux usages de l’espace rural. Approches méthodologiques à partir du cas américain », Contribution aux 2èmes rencontres de la Société Franco-Britannique d’Études Rurales, Paris, Institut Britannique, 1988, multigraphié, 15 p.
    • « Y aura-t-il encore demain des villes et des campagnes » ? Contribution à la Table ronde organisée par la Société Française d’Économie Rurale, dans Quel avenir pour l’agriculture et le monde rural ?, Paris, n° 202-203, Mars-, p. 121 à 124
    • « Révolution agricole et Révolution rurale dans les campagnes contemporaines » dans Rapport d’Information déposé par la Mission sur la situation du monde rural et les perspectives d’avenir de l’espace rural, Assemblée Nationale, n° 2608, Paris, 1992, p. 448 à 456
    • « La Terre et les Pouvoirs Publics : de la Révolution agricole à la Révolution rurale », dans La Terre et les Pouvoirs en Languedoc et en Roussillon du Moyen Age à nos jours. Actes du LXIII Congrès de la Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, Montpellier, 1992, p. 211 à 220
    • « Les déstabilisations du monde rural contemporain » dans Cahiers d’Économie Appliquée aux Sciences Humaines, Montpellier, Université Paul-Valéry, 1992-1993, p. 93 à 102
    • « Les mutations dans les sociétés rurales. Des paysans d’hier aux ruraux d’aujourd’hui » dans Le Travail Social à l’épreuve des faits, Paris, l’Harmattan, logiques sociales, 1993, p. 93 à 102
    • « Révolution agricole et Révolution rurale dans les campagnes contemporaines XVIII-XXe siècle » dans Revue de l’Économie Méridionale, vol. 42 (1 et 2), 1994, n° 165-166, C.R.P.E.E.,Montpellier I, p. 133 à 151
    • « De la destruction d’une société autochtone à la société urbaine occidentale. Le cas nord-américain » dans Pow-wow 92 Amérique-Europe, L.A.S.P.E.C., Université Paul-Valéry Montpellier, 1995, p. 33 à 42
    • « La ruralité française à la fin du XXe siècle. Bilan et perspective » dans Mélanges d’histoire contemporaine en Hommage à Raymond Huard, Centre d’Histoire Contemporaine, Université Paul-Valéry, Montpellier, 1995, p. 347 à 368
    • « La Révolution rurale. Du cas américain au cas français » dans Rural 94, C.R.P.E.E., Les Cahiers de l’Économie Méridionale, n° 19, 1995, p. 169 à 186
    • « La Révolution rurale. Un concept opératoire pour l’étude des mutations en cours dans les campagnes » dans Revue Historiens et géographes, n° 354, 1996, p. 94 à 103
    • « La Révolution Rurale, un concept opératoire pour analyser les nouveaux rapports économie/démographie dans les campagnes occidentales », Entretiens de la Société de Démographie Historique et de l’Association Française des Historiens Économistes, Paris, 1998
    • « En quête de qualité de vie: les Américains redécouvrent les ancestrales centralité et communauté villageoises »dans Revue de l'Économie Méridionale, n° 201/202, CRPEE/UPV, 2003, p.257-262
    • « Le monde rural : crise ou recomposition? Analyse d’une Révolution Rurale annoncée », dans Comprendre le XXIe siècle (1991-2011),T. 2 La France, Coord. Laurent JALABERT, Cahier d’histoire immédiate, n° 42, 2012, Collection Méridiennes, FRAMESPA, Toulouse, 2013, pp. 157-182
  • Articles portant sur l’environnement
    • «  Histoire et environnement: le temps long de l’espace vécu », Document préparatoire aux rencontres C.N.R.S. organisées par Maryvonne Bodiguel (Bath, Royaume-Uni, 1988; Wageningen, Pays-Bas, 1989, Florac et Val-André, France, 1989)
    • « De la gestion collective à la gestion administrative de l’espace », Document préparatoire au chantier Midi Méditerranée (Environnement et aménagement) organisé par la Préfecture de Région, Montpellier, 1993
    • « La Révolution rurale, un concept opératoire pour l’analyse historique de l’environnement et du territoire à l’époque contemporaine », Document préparatoire au colloque de l’Association des Ruralistes Français, Paris, 1994
    • « Les pratiques environnementales dans les campagnes françaises : de la gestion collective à l’action publique » dans Rural 95, C.R.P.E.E., Les Cahiers de l’Économie Méridionale, n° 20, 1996, p. 171 à 192
    • « Usages, Propriété, Environnement : les mutations du paysage rural contemporain, dans Le paysage rural et ses acteurs, Presses Universitaires de Perpignan, Coll. Études, 1998, p. 379 à 405
    • « Rapport de synthèse d’atelier : Émergence de la fonction patrimoniale de l’environnement, colloque Dynamique rurale, environnement, stratégies spatiales, C.N.R.S U.P.V., 2001, dans Revue de l'Économie méridionale, vol. 50, n°197-198, 1-2 2002, p.151-157

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