Référendum constitutionnel lituanien de 2024

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Référendum constitutionnel lituanien de 2024
Double nationalité
Pour
00,00 %
Contre
00,00 %

Un référendum constitutionnel a lieu le en Lituanie en même temps que le premier tour de l'élection présidentielle.

Comme lors d'un référendum similaire organisé cinq ans plus tôt, la population est amenée à se prononcer sur un amendement de la Constitution de 1992 visant à supprimer la perte automatique de la nationalité lituanienne en cas de double nationalité. L'amendement prévoit de laisser au parlement, le Seimas, le soin de fixer les modalités d'obtention et de perte de la nationalité, une légalisation de la double nationalité par ce dernier étant largement attendue.

Contexte[modifier | modifier le code]

Interdiction constitutionnelle[modifier | modifier le code]

Diaspora lituanienne par pays.
  • Lituanie
  • + 100 000 personnes
  • + 10 000 personnes
  • + 1 000 personnes

La double nationalité n'est autorisée en Lituanie qu'à titre exceptionnel, notamment pour les individus ayant fui le pays sous l'occupation soviétique[1],[2]. L'article 12 du chapitre I de la Constitution précise ainsi qu'« exceptés les cas particuliers prévus par la loi, nul ne peut être à la fois citoyen de la République de Lituanie et citoyen d'un autre État ». Or, comme la plupart de ceux d’Europe de l'Est, la Lituanie est confrontée à une importante émigration d'une partie de sa population, qui, obtenant par naturalisation la nationalité des pays d'accueil, perd celle de Lituanie et ne la transmet pas à ses enfants[3],[4].

La diaspora lituanienne est estimée à deux millions de personnes et est largement concentrée dans des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, le Brésil, la Russie et le Canada. Environ 600 000 personnes d’origine lituanienne vivraient notamment dans les seuls États-Unis. Chaque année, environ 1 000 citoyens Lituaniens abandonnent ainsi leur nationalité pour en prendre une autre[5]. Par décision de la Cour constitutionnelle, l'interdiction ne saurait par ailleurs être contournée par un élargissement des exceptions, qui ne doivent être données qu'au cas par cas[2]. La légalisation de la double citoyenneté n'est par conséquent possible que via un amendement de la constitution[6],[7],[8]. La situation s'accélère par ailleurs à la suite de la décision du Royaume-Uni de quitter en 2016 l'Union européenne, trois quarts des 200 000 Lituaniens présents dans le pays déclarant préférer renoncer à leur citoyenneté lituanienne pour pouvoir y rester[8].

Tentative de légalisation en 2019[modifier | modifier le code]

    Pays concernés par les projets de 2019 et 2024 :
  • La Lituanie
  • Pays pour lesquels la double nationalité serait autorisée
  • Pays pour lesquels la double nationalité serait autorisée, mais l'interdisant eux-mêmes

La classe politique cherche par conséquent à revenir sur cette interdiction. Un amendement est proposé par 114 députés dès 2017, et soumis à référendum le 12 mai 2019[8]. L'amendement prévoit alors l'obtention d'une seconde nationalité pour les Lituaniens, tout en la limitant à celles des pays « répondant aux critères d'intégration européenne et transatlantique », déléguant au Parlement la tâche d'en établir la liste par législation ordinaire. Au moment du référendum, ce dernier projette ainsi de limiter la double nationalité aux pays membres de l'Union européenne, l'Espace économique européen, l'OTAN et l'OCDE. Plusieurs des pays concernés interdisent cependant eux-mêmes la double nationalité. Celles des pays membres de la CEI sont par ailleurs explicitement exclues[9].

Un amendement de la Constitution est alors possible par seule voie parlementaire si celui-ci recueille une majorité des deux tiers au cours de deux votes espacés de trois mois[10]. L'article 148 de la Constitution impose cependant la voie référendaire pour tout amendement du chapitre I, ainsi que du chapitre XIV sur la révision de la Constitution, qui comprend l'article 148. Les conditions de validation d'un tel référendum sont quant à elles détaillées par une loi référendaire. Son article 7 impose pour ce cas précis qu'au moins la moitié du total des inscrits se prononce en faveur de la proposition[7]. Le gouvernement cherche à plusieurs reprises à réduire le quorum exigé en modifiant la loi référendaire, mais se heurte à l'opposition de la présidente Dalia Grybauskaitė[11],[7]. A défaut, le Parlement cherche alors à favoriser une participation élevée. Il parvient à introduire en décembre la possibilité de mettre en place des bureaux de vote à l'étranger afin de faire voter la diaspora[12]. Puis il projette d'organiser le référendum en même temps que les deux tours de l'élection présidentielle de 2019, soit les 12 et , mais la Cour constitutionnelle rejette cette possibilité[13]. Le Seimas se résigne le suivant à voter pour l'organisation du scrutin en même temps que le premier tour de la présidentielle, à l'unanimité des 85 députés présents[7],[14]. La Commission électorale autorise cependant pour la première fois une période de vote anticipé étalée sur cinq jours du 6 au inclus[15],[16].

Ces tentatives de favoriser une participation élevée se révèlent cependant insuffisantes. Malgré la nette majorité de votants en faveur de l'amendement, celle-ci échoue à atteindre le quorum exigé de 50 % des inscrits. Les votes favorables représentent ainsi 73,92 % des suffrages exprimés, mais seulement 38,46 % des inscrits. L'amendement constitutionnel n'est par conséquent pas validés.

Nouvelle tentative en 2024[modifier | modifier le code]

Bulletin de vote utilisé

La classe politique n'abandonne cependant pas le projet de légalisation, l'échec du référendum de 2019 étant largement attribué à un manque de participation plutôt qu'à un rejet des électeurs. Le 23 mars 2023, 60 des 141 députés du Seimas déposent une motion visant à répéter le scrutin[17]. Cette dernière est adoptée en seconde lecture le 23 mai 2024 par 111 voix pour et 0 contre, et le référendum fixé au 12 mai suivant, en même temps que le premier tour de l'élection présidentielle[4],[18],[19].

L'amendement de la Constitution de 1992 prévoit de permettre aux Lituaniens de détenir plusieurs nationalités. Le contenu de l'article 12, qui l'interdit de fait en imposant la perte de la nationalité lituanienne aux citoyens qui en acquiert une autre, est ainsi remplacé par un texte confiant au Seimas le soin de rédiger une législation codifiant les cas d'acquisition ou de perte de la nationalité. Le nouvel article dispose ainsi que « La citoyenneté de la République de Lituanie s'acquiert à la naissance et pour d'autres motifs et procédures établis par la loi. La loi établit également les motifs et la procédure de perte de la citoyenneté de la République de Lituanie. »[20]. Les article 7 et 148 de la constitution restant inchangé depuis le précédent référendum, ceux ci imposent toujours qu'au moins la moitié du total des inscrits se prononcent en faveur de l'amendement pour que celui-ci soit validé[18],[21].

En parallèle, les députés préparent une loi répondant à l’exigence du nouvel article 12 en cas de vote favorable des électeurs. Comme en 2019, le projet prévoit d'autoriser l'obtention d'une seconde nationalité pour les citoyens lituaniens, tout en la limitant à celles des pays « répondant aux critères d'intégration européenne et transatlantique ». Sont ainsi concernés les pays membres de l'Union européenne, de l'Espace économique européen, de l'OTAN et de l'OCDE, bien que plusieurs des pays concernés interdisent toujours eux-mêmes la double nationalité. Le projet de loi interdit en revanche explicitement que la seconde nationalité soit celle d'un pays membres de l'Union de la Russie et de la Biélorussie, de l'Union économique eurasiatique, de l'Organisation du traité de sécurité collective, de la CEI, de l'Organisation de coopération de Shanghai ou de tout autre organisation politique ou militaire établie sur la base de l'ex-URSS. Est néanmoins conservée l’exception accordée aux personnes de nationalité lituanienne ayant quitté le pays avant son indépendance le 11 mars 1990, ainsi qu'à leurs descendants. Sont également éligibles à la double nationalité les réfugiés[22],[23].

Campagne[modifier | modifier le code]

Le « oui » est soutenu par la quasi totalité des partis politiques[24].

Position Nom Idéologie Ref
✔️ Oui Union de la patrie - Chrétiens-démocrates lituaniens (TS–LKD) Démocratie-chrétienne, Libéral-conservatisme, Nationalisme lituanien, Europhilie [24]
Parti social-démocrate de Lituanie (LSDP) Social-démocratie, Europhilie [24]
Parti du travail (DP) Populisme [24]
Union des démocrates "Pour la Lituanie" (DSVL) Social-démocratie, Conservatisme écologique, Europhilie [24]
Union lituanienne agraire et des verts (LVŽS) Centrisme, Agrarisme, Conservatisme écologique, Social-conservatisme [24]
Parti de la liberté (LP) Libéralisme, Progressisme, Europhilie [24]
Mouvement libéral (LRLS) Libéralisme, Libéralisme classique, Libéral-conservatisme, Europhilie [24]
Parti vert (LŽP) Libéralisme vert, Europhilie [25]
Non Non National Alliance (NS) National-conservatisme, Droite chrétienne, Euroscepticisme [26]

Sondages d'opinion[modifier | modifier le code]

Selon une étude du gouvernement lituanien, soixante pour cent des lituaniens auraient l'intention de participer au référendum[27].

Institut Période Échantillon
Pour Contre Autre / Indécis
Vilmorus 22 novembre – 2 décembre 2023 1 000 51,7 33,2 15,1
Baltijos tyrimai 23 octobre – 7 novembre 2023 1 013 60 26 14
Référendum de 2019 1 322 135 73,92 26.08 -

Résultats[modifier | modifier le code]

Résultats nationaux[18],[28]
Choix Votants Inscrits
Voix % % Quorum
Pour 50 %
Contre
Votes exprimés
Blancs et invalides
Total des votants 100,00
Abstentions
Inscrits 100,00


Références[modifier | modifier le code]

  1. Lituanie. La double citoyenneté : une application sélective, par Sébastien Gobert
  2. a et b La Lituanie réfléchit au référendum sur la double nationalité
  3. La Lituanie va organiser un référendum sur la double nationalité
  4. a et b (en) « Lithuania to hold multiple citizenship referendum in 2024 », LRT,
  5. (en) « Lithuania’s dual citizenship referendum – meaning and myths », LRT,
  6. Constitution
  7. a b c et d Litauen, 12. Mai 2019 : Doppelte Staatsangehörigkeit
  8. a b et c (en) « Lithuanian Foreign Minister wants fewer requirements for referendum on dual citizenship », sur baltictimes.com.
  9. Pilietybės konstitucinio įstatymo projektas E-seimas
  10. (en) « Lithuanian ruling party initiating referendum to cut size of parliament », sur baltictimes.com.
  11. (en) « Lithuania: dual citizenship referendum will need a lot of focus, LWC leader says », sur baltictimes.com.
  12. Week in Lithuania. President signs new referendum law Baltic News Network, 30 December 2018
  13. (en) « CC's ruling cuts chances of citizenship referendum success, Lithuanian parliament speaker says », sur baltictimes.com.
  14. (en) « Lithuanian parliament sets May 12 date for dual citizenship referendum », sur baltictimes.com.
  15. Advance voting kicks off in Lithuanian presidential elections, referendums
  16. Lithuanian president votes in presidential election, shuns one of two referendums
  17. (en) « Lithuanian MPs register proposal to hold dual citizenship referendum on May 12, 2024 », sur www.baltictimes.com (consulté le ).
  18. a b et c (de) « Litauen, 12. Mai 2024 : Doppelte Staatsangehörigkeit ».
  19. « Lituanie : 1 ou 2 passeports ? - Regarder le documentaire complet », sur ARTE (consulté le ).
  20. 2024 m. gegužės 12 d. privalomasis referendumas dėl Lietuvos Respublikos Konstitucijos 12 straipsnio pakeitimo
  21. (lt) « LIETUVOS RESPUBLIKOS KONSTITUCIJA », sur www.lrs.lt (consulté le ).
  22. (en) « Over 1.1 mln 'yes' votes needed for Lithuania to allow multiple citizenship – MP », sur www.baltictimes.com (consulté le ).
  23. (en) « Lithuanian MPs, expats to discuss preparations for citizenship referendum », sur www.baltictimes.com (consulté le ).
  24. a b c d e f g et h (lt) Valiauskaitė, « Parlamentinės partijos ir jų kandidatai į prezidentus remia referendumą dėl pilietybės », LRT,
  25. (lt) « Lietuvos žaliųjų partija referendume ragina palaikyti dvigubos pilietybės idėją », Lithuanian Green Party,
  26. (lt) « Nacionalinio susivienijimo suvažiavimo rezoliucija dėl nepritarimo daugybinės pilietybės įteisinimui - Nacionalinis susivienijimas », (consulté le )
  27. (lt) « Tyrimas: kitąmet vyksiančiame pilietybės referendume dalyvautų 60 proc. gyventojų », 15min.lt,
  28. (lt) « Commission électorale centrale ».