Programme commun

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Le Programme commun était un programme de réforme, signé le 27 juin 1972[1] par le Parti socialiste, le Parti communiste français et les radicaux de gauche, qui prévoyait un grand bouleversement dans les domaines économique, politique et militaire en France. Inflexion majeure dans la stratégie de conquête de pouvoir du Parti socialiste jusqu'ici tourné vers le centre, l'alliance PS-PCF ouvrait une recomposition politique à gauche pour les trente années à venir, contribuant notamment à l'élection de François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1981, qui met en pratique une partie de ce programme. À partir de 1983, une partie des réformes déjà réalisées seront annulées après le « tournant de la rigueur ».

Projets

  • « Vivre mieux, changer la vie » : réduction du temps de travail (retour à une durée du travail effective de 40 heures), augmentation des salaires, généralisation de la sécurité sociale, aide au logement ;
  • Nationalisation (avec indemnisation) de grands groupes industriels de secteurs-clés, de 36 banques et deux compagnies financières (Paribas et Suez), régulation des marchés, « démocratie » dans l'entreprise ;
  • Décentralisation, « démocratisation » des institutions, garanties dans le domaine des libertés individuelles (fin des gardes à vue) ;
  • Lutte contre le chômage ;
  • « Politique de paix » avec l'abandon de la force de frappe nucléaire, la réduction du service militaire à 6 mois, et la dissolution de l'OTAN et du pacte de Varsovie, sources de tensions internationales ;
  • Remaniement de l'Éducation nationale.

Alors que ces projets (augmentation des salaires, réduction du temps de travail, etc.) nécessiteraient un besoin de financement majeur, les méthodes de financement n'ont pas été très explicites.

Réalisation

Signée par le PS, le PC et le Mouvement des Radicaux de gauche en 1972, cette union marque le retour de la gauche dans le paysage français de l'après 1958 et le début de l'hégémonie du PS. Elle permit notamment à François Mitterrand d'être le candidat unique de la gauche en 1974 (exception faite toutefois d'Arlette Laguiller et d'Alain Krivine) et à l'union de gagner une majorité de municipalités aux élections de mars 1977.

Cependant, les résultats décevants du PCF aux législatives partielles amènent celui-ci à conditionner le maintien de sa participation à une radicalisation du programme. Cela provoque la rupture avec un PS déjà très divisé sur la question du programme commun (le congrès d'Épinay n'avait été emporté que d'une très courte majorité par la plate-forme de François Mitterrand et de ses alliés), d'où la constitution de listes séparées au premier tour des législatives de 1978. Malgré un rabibochage des trois partis entre les deux tours des législatives de 1978, les Français font le « bon choix » (expression dans le discours du président Giscard d'Estaing de Verdun-sur-le-Doubs) et la droite garde la majorité à l'Assemblée nationale. Pour la première fois le Parti socialiste obtient un score supérieur à celui du Parti communiste, ce qui a pu être interprété comme une validation à moyen terme de la stratégie de François Mitterrand.

La mise en place

La mise en place d'une partie du Programme commun à partir de l'élection de François Mitterrand en mai 1981 a mené à une perte de confiance et à une fuite importante de capitaux.

En effet, l'augmentation des allocations familiales et des salaires vont très fortement peser sur les PME et provoquer une forte hausse du chômage, qui doublera de 1981 à 1984, en passant de 1,5 million à 3 millions de chômeurs ; d'autre part, la relance décidée par le gouvernement Mauroy provoque surtout une croissance des importations, principalement d'Allemagne, parce que les entreprises françaises, sous-capitalisées, ne purent pas répondre à la demande ; enfin l'inflation repratira de plus belle (15 % par an).

Face à cette crise majeure (hausse du chômage, de l'inflation, des déficits du budget et de la balance des paiements), le président revient sur les changements opérés dans le domaine économique ; Pierre Bérégovoy, ministre de l'Économie, des Finances et du Budget du gouvernement Laurent Fabius, privatise certains secteurs. Les marchés financiers sont partiellement déréglementés. La plupart des entreprises nationalisées entre 1981 et 1984 sont privatisées sous le gouvernement Jacques Chirac entre 1986 et 1988 ; à partir de 1984, la France quitte un fonctionnement économique très étatisé et adopte davantage un fonctionnement d'économie sociale de marché.

Ce projet, du point de vue économique, aura marqué l'histoire de la France de par son échec et sera une des causes de la faiblesse de la gauche au cours des années suivantes. Le « tournant de la rigueur » de 1983-1984 mine l’idéologie de l’ensemble des partis de gauche.

Conséquences

Le PS, pour la première fois depuis 1945, dépasse le PCF en 1978 (22 % contre 20 %), pour le remplacer finalement comme pôle principal de la gauche en France.

Le PCF perd un quart de son électorat au premier tour de l'élection présidentielle de 1981 et tombe de 20 % à 15 % des suffrages. En juin 1984, le Front national le rattrape aux élections européennes, à 10 % des exprimés. En 1988, André Lajoinie, candidat du PCF régresse à 6 % des suffrages.

En signant le Programme commun, le PCF a commis l'une des deux erreurs de son histoire, avec l'approbation du pacte germano-soviétique en 1939, qu'il ne pourra jamais réparer. En effet, en bloquant 20 % des suffrages depuis 1945, le Parti communiste garantissait le maintien de la droite, gaulliste ou Troisième Force, au pouvoir ; sous la Cinquième République, jusqu'en 1972, le PCF monopolisait l'opposition, et en politique étrangère avait l'occasion de donner son satisfecit à certaines décisions qui, quand bien même issues de la droite, étaient compatibles avec ses idées: indépendance de l'Algérie (1962), retrait du commandement intégré de l'OTAN (1966), discours de Phnom Penh (1966), politique pro-arabe (1967).

Mais le PCF crut qu'un accord avec le PS le conduirait de façon définitive au pouvoir, en appliquant le vieux principe plumer la volaille socialiste (Albert Treint), c'est-à-dire qu'une partie de l'électorat socialiste basculerait en faveur du PCF. Or, c'est précisément l'inverse qui arriva : en effet, la composition de la société française, où les classes moyennes étaient importantes, ne permettait pas la constitution d'un tel rapport de forces ; d'autre part, l'importance et la cohésion du monde ouvrier allait diminuant avec la crise économique le déclin de la grande industrie (disparition des charbonnages et fortes réduction de la sidérurgie) et la croissance des entreprises de services.

Dès 1975, les élections locales montrent que le PS l'emporte sur le PCF, et la rupture de 1977 ne fait que renforcer le basculement du centre gauche vers le PS ; les voix perdues à partir de cette date ne seront jamais rattrapées. La chute du mur de Berlin anéantit le soutien international dont il bénéficiait et le marginalise.

Notes et références

  1. Programme commun de gouvernement du Parti communiste français et du Parti socialiste (27 juin 1972), Éditions sociales, , 192 p. (lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe