Pacte du Quincy

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Le président Franklin Roosevelt en compagnie du roi Abdelaziz Al Saoud, du colonel William A. Eddy (en) (qui sert d'interprète, un genou au sol) et de l'amiral William Leahy (debout, à gauche) sur l'USS Quincy.

Le pacte du Quincy est le surnom donné à la rencontre du sur le croiseur USS Quincy (CA-71) entre le roi ibn Saoud, fondateur du royaume d'Arabie saoudite, et le président des États-Unis Franklin Roosevelt, de retour de la conférence de Yalta, en Crimée.

Discussions[modifier | modifier le code]

Début 1945, à l'insu des Britanniques, le président américain propose à ibn Saoud de le rencontrer, ainsi que l'empereur d'Éthiopie Haïlé Sélassié Ier et le roi Farouk d'Égypte[1], à l'occasion de son retour de la conférence de Yalta. Roosevelt rencontre les trois chefs d'État le même jour, alors que son croiseur mouille dans le lac Amer (en plein canal de Suez, ainsi protégé de toute attaque par un sous-marin), en Égypte.

Roosevelt et ibn Saoud débattent d'égal à égal d'abord de la colonisation juive en Palestine, Roosevelt tentant d’obtenir l’appui du roi pour la création d’un foyer national juif en Palestine, chose qui lui fut catégoriquement refusée[2],[3],[4]. La discussion passe ensuite à la Syrie et au Liban, concernant le départ des Français et l'indépendance de ces deux pays.

Notion de « pacte »[modifier | modifier le code]

Selon plusieurs publications, les deux chefs d'État auraient abordé le sujet de l'avenir de la dynastie saoudienne et du pétrole arabe. Un pacte aurait été signé, garantissant à la monarchie saoudienne une protection militaire en échange d'un accès au pétrole[5],[6]. Il s’articule sur quatre points :

  • la stabilité de l’Arabie saoudite fait partie des « intérêts vitaux » des États-Unis qui assurent, en contrepartie, la protection inconditionnelle de la famille Saoud et accessoirement celle du Royaume contre toute menace extérieure éventuelle ;
  • par extension, la stabilité de la péninsule arabique et le leadership régional de l’Arabie saoudite font aussi partie des « intérêts vitaux » des États-Unis ;
  • en contrepartie, le Royaume garantit l’essentiel de l’approvisionnement énergétique américain, la dynastie saoudienne n’aliénant aucune parcelle de son territoire, les compagnies concessionnaires ne seraient que locataires des terrains. Aramco bénéficie d'un monopole d'exploitation de tous les gisements pétroliers du royaume pour une durée d'au moins soixante ans ;
  • les autres points portent sur le partenariat économique, commercial et financier saoudo-américain ainsi que sur la non-ingérence américaine dans les questions de politique intérieure saoudienne.

Pas de pacte[modifier | modifier le code]

Cependant pour l'historien Henry Laurens ; « Le pacte du Quincy est une légende urbaine qui résume à une seule entrevue plusieurs décennies de relations arabo-saoudiennes, bien plus complexes qu’on ne le pense de l’extérieur », en réalité le président Roosevelt et le roi Ibn Saoud « n’évoquent pas la question du pétrole (...) l’affaire a déjà été réglée »[7]. Le contenu des discussions à bord du USS Quincy a été partiellement publié dès 1948[8], puis intégralement en 1954[9] et 1969[10] : il n'y est pas question de pétrole. Quant à cette rencontre, en 2005, elle se serait limitée à un communiqué commun[11].

Le roi saoudien a bien signé un accord, mais avec la Standard Oil of California (Socal) dès 1933 pour une concession de 60 ans dans l'est de l'Arabie saoudite, concession partagée avec la Texas Oil Company (Texaco) à partir de 1936, puis l'accord est étendu en superficie en 1938, intégrant en 1948 la Standard Oil of New Jersey (Esso) et la Standard Oil of New York (Socony) au sein de l'Arabian American Oil Company (Aramco)[12]. Le pétrole d'Arabie saoudite est destiné à l'approvisionnement des forces armées, notamment l'US Navy, pas au marché américain qui est alors encore largement couvert par les gisements exploités aux États-Unis.

Postérité[modifier | modifier le code]

Les promesses verbales de Roosevelt concernant la Palestine, renouvelées par écrit dans une lettre datée du [13], n'ont pas été respectées par le président suivant, Truman, qui va laisser faire la fondation d'Israël.

Liée aux États-Unis pendant toute la guerre froide, l'Arabie saoudite prend ses distances au début des années 2010, en réponse à la non-intervention militaire du pays pendant la guerre civile syrienne et au rapprochement irano-américain qui fait suite à l'élection d'Hassan Rohani à la présidence de la République islamique d'Iran. En conséquence, l'Arabie saoudite refuse son siège obtenu par l'élection du Conseil de sécurité des Nations unies de 2013[14]. Selon l'anthropologue marocain Faouzi Skali, en garantissant la protection de l’Arabie saoudite, le pacte de Quincy permet au wahhabisme de s’étendre, y compris en Afrique et de concurrencer d'autres écoles islamiques[15].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Le jour où Roosevelt et Ibn Saoud ont scellé le pacte du Quincy...
  2. La relation entre les États-Unis et l’Arabie Saoudite
  3. Le nouvel « âge d'or » des fonds souverains au Moyen-Orient
  4. Matthieu Auzanneau, Or noir La grande histoire du pétrole, Paris, La Découverte, , 885 p., pages 267 à 270
  5. André Larané, « Le « pacte du Quincy », une alliance contre nature », herodote.net, (consulté le ).
  6. Gilles Paris, « La saga des Saoud », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. Henry Laurens, « De quoi parlaient le président américain et le roi saoudien en février 1945 ? », sur orientxxi.info, .
  8. (en) Robert Emmet Sherwood, Roosevelt and Hopkins, an intimate History, New York, Harper and Brothers, , 979 p. (LCCN 48008936), p. 871-872.
  9. (en) William Alfred Eddy, F.D.R. Meets Ibn Saud, New York, American Friends of the Middle East, , 45 p. (LCCN 54004710), p. 33-37.
  10. (en) Foreign Relations of United States 1945, t. VIII, Washington, US Department of State, (LCCN 80643949), p. 2-3.
  11. (en) « Joint Statement by President Bush and Saudi Crown Prince Abdullah », sur 2001-2009.state.gov, .
  12. Vincent Capdepuy, « Le « pacte du Quincy » », sur aggiornamento.hypotheses.org, .
  13. (en) « Letter From President Roosevelt to King Ibn Saud, April 5, 1945 », sur crethiplethi.com, .
  14. Georges Malbrunot, « L'Arabie saoudite de plus en plus irritée par son allié américain », in Le Figaro, 23 octobre 2013, page 7.
  15. Ghalia Kadiri, « Pourquoi les djihadistes s’attaquent aux musulmans soufis », lemonde.fr, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]