Le Voyage dans la Lune

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Le Voyage dans la Lune
Le Voyage dans la Lune, version coloriée (1902)
Réalisation Georges Méliès
Sociétés de production Star film
Pays de production Drapeau de la France France
Genre Science-fiction
Durée 14 minutes
Sortie 1902

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

Le Voyage dans la Lune est un film de science-fiction français écrit, produit et réalisé par Georges Méliès d'après les œuvres De la Terre à la Lune de Jules Verne (1865) et Les Premiers Hommes dans la Lune de H. G. Wells (The First Men in the Moon, 1901), sorti le .

Synopsis

Lors d'un colloque d'astronomie, le professeur Barbenfouillis crée l'événement en faisant part à l'assemblée de son projet de voyage dans la Lune. Il organise ensuite la visite à ses confrères de l'atelier où l'obus spatial est en chantier. Il sera propulsé en direction de la Lune au moyen d'un canon géant de 300 mètres de long. Le lancement réussit. Les six spationautes embarqués découvrent l'environnement lunaire et assistent à un lever de Terre. Faits prisonniers par les Sélénites, population autochtone de la Lune, ils parviennent à s'échapper. L'un des poursuivants reste accroché au fuselage de l'obus qui reprend le chemin de la Terre. De retour, les savants sont accueillis en héros et exposent triomphalement leur capture.

Fiche technique

Interprétation

Analyse

L'historien du cinéma Georges Sadoul note que « le succès du Voyage dans la Lune marqua le triomphe de la mise en scène sur le "plein air" lumérien[3]. » Le succès triomphal, aussi bien en France qu'aux États-Unis, consacra en effet dès 1902 la préférence du public de cinéma pour la fiction, par rapport aux "vues animées" des frères Lumière, qui faisaient la part belle à ce qui plus tard sera appelé le documentaire. Les amis britanniques de Méliès, ceux que Sadoul regroupe sous le nom d'École de Brighton, George Albert Smith, James Williamson, avaient déjà amorcé le courant avec leurs Chase Films, leurs films de poursuite.

Cette féerie baroque donne dans le registre burlesque. Au cours du premier tableau (ainsi que Méliès nomme ses prises de vues[4]), les scientifiques sont affublés de chapeaux pointus et de robes étoilées qui évoquent les personnages de Nostradamus ou de Merlin l'Enchanteur. La caution scientifique est simplement balayée, faisant place à une fantaisie débridée. Sur la rampe de lancement, des jeunes filles légèrement vêtues dansent et, en fanfare, allument la mèche du canon qui va propulser la fusée dans l'œil de la Lune. Quant à l'arrivée sur la Lune, c'est une débauche de découvertes, toutes plus extravagantes les unes que les autres jusqu'à l'entrée en lice des Sélénites, habitants de la Lune, que les scientifiques combattent plutôt efficacement à coups de… parapluies.

« Méliès réussit à son tour [après Ferdinand Zecca dans Histoire d'un crime] un effet d’ellipse temporelle dans Le Voyage dans la Lune, qu’il résout par un subterfuge scénique. Il s’agit de montrer la première nuit des savants astronautes sur la Lune, qui se couchent sous des couvertures et s’endorment. Pour raccourcir le temps de leur sommeil, Méliès fait intervenir différents phénomènes cosmiques. Une grosse comète passe en roulant dans le ciel lunaire, puis la Grande Ourse s’illumine, chaque étoile est ornée en son centre d’un visage féminin, souriant comme les anges des étoiles de sapins de Noël. Apparaissent encore des figures fantaisistes dans le style nouille de la statuaire de l’Art nouveau, au centre une jeune femme en tunique légère, assise sur un croissant de lune, à gauche deux jeunes femmes dont l’une brandit au-dessus de sa tête une grosse étoile, un peu à la manière de La Liberté éclairant le monde de Bartholdi[5]. »

Copies pirates

Dans le monde entier, des copies contrefaites du Voyage dans la Lune sont distribuées dès la sortie du film et rapportent à leurs auteurs d'importants revenus qui devraient revenir à la Star Film. À l'époque, la propriété artistique est peu respectée. Les grandes sociétés de cinéma sont même à l'avant-garde de ce pillage organisé[6]. Ainsi, les "majors" américaines ont acheté en bonne et due forme à Méliès plusieurs dizaines de copies du Voyage dans la Lune, mais sans vergogne aucune, elles en tirent aussitôt de nombreuses copies illicites qu'elles exploitent à leur profit. Thomas Edison, par le moyen de l'Edison Manufacturing Company, tient déjà Méliès dans son collimateur, car le cinéaste français, pour alimenter sa caméra en pellicule de 35 mm de large, a tout simplement adopté le jeu de 4 perforations rectangulaires Edison de part et d'autre de chaque photogramme (breveté internationalement) sans entente préalable avec l'inventeur, commettant ainsi en premier une contrefaçon industrielle. « Edison fit accomplir au cinéma une étape décisive, en créant le film moderne de 35 mm, à quatre paires de perforations par image[7]. » L'inventeur et industriel américain entend se payer "sur la bête" l'utilisation frauduleuse de ses brevets. « Edison entreprit sans scrupule la contrefaçon, il estimait reprendre son bien : les films Méliès employaient la perforation qu'il avait inventée[8]. » et déposée. Les frères Lumière, ainsi que Léon Gaumont, au courant de ces brevets, ont adopté pour leur usage, des pellicules différentes : 2 perforations rondes de part et d'autre de chaque photogramme pour les frères lyonnais[9], pas de perforations du tout pour le 60 mm de Gaumont-Georges Demenÿ[10], deux formats qui disparaîtront par la suite. Un accord entre les deux hommes mettra fin à ce détournement de droits, quand Méliès entrera dans le trust créé par Edison pour contrôler la distribution des films (où il rejoindra son compatriote Charles Pathé et la plupart des sociétés de cinéma des États-Unis). Contrairement à une affirmation chauvine, Méliès n'a pas été ruiné en 1902 par le piratage de son film par Edison, mais en 1923, après l'interdiction des comédies lors de la Première guerre mondiale, qui donna un coup d'arrêt aux productions de la Star Film, et après des déboires auxquels son frère Gaston à qui il confia des responsabilités dépassant ses capacités d'organisation et flattant en revanche son goût pour les gros revenus, n'est pas étranger[11].

Il faut aussi remarquer que les nombreuses copies pirates du Voyage dans la Lune et d'autres ouvrages de Georges Méliès, disséminées dans le monde, ont participé au sauvetage de l'œuvre du Maître, dont lui-même avait vendu les négatifs au prix de la récupération des sels d'argent et du celluloïd. « Les copies pirates distribuées aux États-Unis et dans d’autres pays, qui avaient été parfaitement conservées, sauveront pour l’histoire l’essentiel de l’œuvre du maître français[12]. »

Distinction exceptionnelle

Restauration de la version coloriée

En 2010, Lobster Films, la Fondation Groupama Gan pour le cinéma et la Fondation Technicolor pour le patrimoine du cinéma engagent ensemble une restauration très coûteuse, environ 400 000 euros.

Georges Méliès avait colorié une version à la main. Longtemps donnée pour perdue, la bobine très endommagée a été retrouvée à Barcelone en 1993.

Près d'un an de travail fut nécessaire pour ré-assembler les fragments des 13 375 images du film de 1902 et les restaurer une à une, comme le permettent les avancées du numérique aujourd'hui. Une copie noir et blanc nitrate originale appartenant à la famille Méliès et un contretype nitrate appartenant au CNC ont été utilisés pour cette restauration. La numérisation de ces deux éléments a été réalisée aux Archives françaises du film.

Cette version colorisée restaurée est présentée pour la première fois en ouverture de la 64e édition du festival de Cannes, le 11 mai 2011. À l'époque de la sortie du film, les projections étaient toujours accompagnées d'un musicien sur scène qui jouait des airs « à la mode ». En 2011, c'est une bande-son originale, composée par le groupe Air, qui met en valeur ce film muet retrouvé[13].

Références

  1. Georges Sadoul, Histoire du cinéma mondial, des origines à nos jours, Paris, Flammarion, 1968, 719 pages, page 34
  2. Jeanne d'Alcy deviendra en 1925 l'épouse de Georges Méliès
  3. Georges Sadoul, Histoire du cinéma mondial, des origines à nos jours, op. cité, citation de la page 34
  4. Georges Sadoul, Histoire du cinéma mondial, des origines à nos jours, op. cité, page 30
  5. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, page 111, Paris, Nouveau Monde éditions, 2010 (ISBN 978-2-84736-458-3), 588 pages
  6. Georges Sadoul, Histoire du cinéma mondial, des origines à nos jours, op. cité, page 34
  7. Georges Sadoul, Histoire du cinéma mondial, des origines à nos jours, op. cité, page 11
  8. Georges Sadoul, Histoire du cinéma mondial, des origines à nos jours, op. cité, page 35
  9. (sous la direction de) Michelle Aubert et Jean-Claude Seguin, La Production cinématographique des frères Lumière, Paris, Bifi-éditions, Mémoires de cinéma, 1996 (ISBN 2-9509-048-1-5)
  10. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde éditions, 2010, (ISBN 978-2-84736-458-3), 588 pages, page 32
  11. Georges Sadoul, Histoire du cinéma mondial, des origines à nos jours, op. cité, page 39
  12. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, op. cité, page 60
  13. La restauration du film, sur le site de la Fondation Groupama Gan

Articles connexes

Liens externes

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