Kisari Mohan Ganguli

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Kisari Mohan Ganguli
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 59 ans)
CalcuttaVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Kisari Mohan GanguliVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom court
K. M. GanguliVoir et modifier les données sur Wikidata
Formation
Activités

Kisari Mohan Ganguli, parfois désigné sous le nom K. M. Ganguli, né à Janai (en) au Bengale-Occidental le et mort le à Calcutta, est un avocat et journaliste indien connu principalement pour sa traduction intégrale en anglais du Mahabharata.

Biographie[modifier | modifier le code]

Kisari Mohan Ganguli, transcription anglicisée du bengali কিশোরী মোহন গঙ্গোপাধ্যায় (Kiśōrī Mōhana Gaṅgōpādhyāẏa)[1], est né dans une famille brahmane kulin (en)[2] modeste le à Janai (en), un village situé à quelques kilomètres de Calcutta qui faisait alors partie de la présidence du Bengale de l'Inde britannique. Il est le fils de Chandranath Ganguli, un sanskriste distingué qui parlait anglais et avait servi comme fonctionnaire, et de sa seconde épouse Durga Devi. Elle meurt en 1852 et Kisari Mohan est élevé avec son frère cadet Rajmohan par leurs grands-parents maternels Srinath Mukherjee et Kali Kumari Devi[3]. Il commence ses études à l'école élémentaire de son village puis continue jusqu'en 1864 dans une école d'inspiration anglaise fondée à Janai par son père et un oncle. Il passe cette année-là son examen d'entrée à l'université[4].

Il obtient son baccalauréat en arts du Presidency College de Calcutta en 1869[5],[note 1], mais il ne poursuit pas ses études et occupe différents postes pour gagner sa vie[7],[note 2]. Il prend ainsi la direction de l'école de Janai puis devient fonctionnaire commis à la correspondance dans le Département des travaux publics. Il quitte l'administration en 1875 pour se consacrer au journalisme[note 3]. Il dirige parallèlement la Calcutta Training Academy[note 4] entre 1876 et 1878 et passe un baccalauréat en droit en 1877[10]. Il exerce pendant cinq ans la profession d'avocat notamment au barreau d'Hoogly[1],[6], puis devient à partir de 1883 éditeur de l’hebdomadaire Reis and Rayyet. Il succède à la tête de ce journal à la mort de son directeur et fondateur Sambhu Chandra Mukherjee lorsque ce dernier meurt en 1894[7]. Il contribue également au mensuel The National Magazine entre 1890 et 1900[6],[note 5].

Sa maîtrise de l'anglais et du sanskrit lui permettent de traduire le Mahabharata en anglais dans son intégralité entre 1883 et 1896. Il entame aussi la traduction en anglais de la Charaka Samhita[6] publiée sous forme de fascicules à partir de 1890[11] mais il ne peut l'achever .

On lui attribue le titre honorifique de Pandit lorsqu'il devient public qu'il est l'auteur de la traduction du Mahabharata et une pétition est adressée en 1898 à Arthur Balfour, alors premier lord du Trésor, pour qu'il lui soit octroyé une pension civile en reconnaissance de son travail. Elle est signée par d'importantes personnalités telles que Monier-Williams, Edwin Arnold, George Birdwood (en), Edward Cowell et Roper Lethbridge (en)[12]. Le vice-roi Lord Elgin refuse, mais l'année suivante son successeur Lord Curzon lui accorde une rente annuelle de 600 roupies[13],[note 6].

Dans les dernières années de sa vie, Kisari Mohan Ganguli écrit de nombreuses pétitions et mémoranda qui influencent la législation et l'administration des autorités coloniales anglaises[7]. Il meurt à Calcutta d'une attaque de dysenterie[note 7] le . Il était veuf et avait un fils unique, Hari Charan Ganguli, comme lui juriste et sanskriste[6],[7].

Traduction du Mahabharata[modifier | modifier le code]

Page de couverture du Mahabharata traduit par Kisari Mohan Ganguli
Page de couverture du Mahabharata traduit par Kisari Mohan Ganguli (réimpression de 1884)

La publication de la traduction en anglais du Mahabharata est l'œuvre de Pratapa Chandra Roy, un libraire de Calcutta qui avait déjà distribué à titre gracieux une version en bengali depuis [14]. Il avait fait le projet de consacrer sa modeste fortune à faire connaître la littérature ancienne indienne, non seulement aux Indiens mais aussi aux colons britanniques. Dans cet esprit, il a fondé une association, la Datavya Bharat Karyalaya, et projetait de distribuer gratuitement un Mahabharata traduit en anglais sous forme de fascicules[15]. Pour réaliser la traduction, il choisit Kisari Mohan Ganguli qui en raconte l'histoire dans la postface qui accompagne le 100e et dernier fascicule[16].

Pratapa Chandra Roy est venu le voir avec Durga Charan Banerjee[note 8], probablement vers la fin de 1882 à Shibpur où il était en convalescence, pour le convaincre de traduire le Mahabharata en anglais. Inquiet face à la difficulté et l'ampleur de la tâche[note 9], Kisari Mohan Ganguli consulte son ami Sambhu Chandra Mukherjee. Ce dernier lui propose d'évaluer la faisabilité de la traduction en comparant son travail avec un exemple fourni par Max Müller. La douzaine de pages qu'il produit sont soumises à des orientalistes de renoms qui tous la valident. Le projet peut alors commencer mais pensant ne pas être en mesure de terminer la traduction, il demande à rester anonyme[note 10]. Son nom est donc absent de la préface du premier fascicule paru en [17] et ce n'est qu'à la fin, 13 années plus tard, qu'il apparaît enfin dans la postface du dernier publié en [16],[18].

La traduction est entièrement l'œuvre de Kisari Mohan Ganguli si ce n'est quelques passages où il est accompagné par Sambhu Chandra Mukherjee et par Krishna Kamal Bhattacharyya (bn)[note 11]. Son texte est constitué à partir des deux principales versions sanskrites du Mahabharata disponibles à l'époque : l'édition dite de Calcutta en quatre volumes publiée entre 1834 et 1839 par l'Asiatic Society of Bengal, et l'édition dite de Bombay en 18 volumes incluant les commentaires de Nilakantha (en) publiée une première fois entre 1862 et 1863 par Gaṇapata Kṛṣṇājī's Press. S'il se base en général sur la version de Calcutta pour la première partie de sa traduction et sur la version de Bombay pour la seconde, il utilise aussi marginalement les trois versions bengali à sa disposition. Il lui arrive également d'intervertir l'ordre des vers pour tenter de retrouver une séquence originelle qui se serait perdue. Mais pour éviter les erreurs d'interprétation, il s'appuie sur les commentaires Nilakantha et sollicite l'aide de sanskristes renommés de Calcutta parmi lesquels Ram Nath Tarkaratna[note 12] et Shyama Charan Kaviratna[23].

Juste avant sa mort qui survient en , Pratapa Chandra Roy fait promettre à Kisari Mohan Ganguli d'achever la traduction. La publication des fascicules se poursuit donc sous la supervision de sa veuve, Sundari Bala Roy, qui y consacre jusqu'à sa dot[24],[16].

La critique de la fin du XIXe siècle, tant indienne qu'émanant d'orientalistes occidentaux, est élogieuse. La plupart louent la fluidité et la fidélité de la traduction[25]. Tout au plus, certains comme Auguste Barth regrettent l'absence d'index, de numérotation qui permette de faire la correspondance avec l'édition de Calcutta, et la transcription sans diacritiques des noms propres[15]. George Grierson (en) note aussi que des passages sont traduits du bengali et non du sanskrit[26]. La critique moderne, telle qu'incarnée par les traducteurs français Schaufelberger et Vincent note cependant que « cette traduction victorienne se remarque par son goût pour les périphrases, par ses omissions quand il s'agit de difficultés du texte et par ses interprétations systématiquement brâmhanisantes […] »[27].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Sur la base des informations fournies par son fils, Hermann Jacobi indique que K. M. Ganguli est devenu Bachelor of Arts une année plus tôt, en 1868[6].
  2. Auguste Barth laisse entendre dans la notice nécrologique qu'il consacre en 1908 à K. M. Ganguli que la perte de ses parents l'a empêché d'accéder aux études supérieures. Or dans une lettre datée du , Sambhu Chandra Mukherjee demande à K. M. Ganguli des nouvelles de son père qu'il connaissait et dont il appréciait la conversation[8].
  3. Il pourrait avoir contribué dès 1873 à Halisahar Patrika, un journal en bengali du village de Halisahar (en)[1],[9].
  4. La Calcutta Training Academy était alors un établissement d'enseignement privé géré par les Indiens et recevant à cette époque environ 350 élèves. Il avait accueilli brièvement le petit Rabindranath Tagore vers 1868, peut-être au moment où Sambhu Chandra Mukherjee en était le proviseur.
  5. Asiaticus qui fait dans le National Magazine une liste des nombreux périodiques auxquels il a contribué souvent de manière anonyme indique qu'il a travaillé comme éditeur de ce mensuel dès 1875[9].
  6. Ce fut la première fois qu'une telle faveur fut accordée à un Indien[6]. Le montant de cette rente correspond à peu près au salaire d'un enseignant débutant du second degré.
  7. Hermann Jacobi indique dans la rubrique nécrologique qu'il lui consacre en 1908 que K. M. Ganguli est mort d'une fièvre typhoïde[6].
  8. Durga Charan Banerjee avait traduit le Mahabharata en bengali et était le bras-droit de Pratapa Chandra Roy dans son association, la Datavya Bharat Karyalaya[14].
  9. La traduction de Kisari Mohan Ganguli contient environ 2,5 millions de mots. À titre de comparaison, c'est par exemple environ huit fois plus que les traductions par Alexander Pope de l’Iliade et de l’Odyssée réunies. C'est également plus de deux fois le nombre de mots de la saga Harry Potter par J. K. Rowling et un peu moins de deux fois celui de la traduction en anglais de À la Recherche du Temps Perdu par Charles Kenneth Scott Moncrieff et Sydney Schiff (en).
  10. Son nom n'a pas été initialement publié, mais il était connu de tous les orientalistes qui comme Auguste Barth ont suivi depuis le début le travail de traduction.
  11. Krishna Kamal Bhattacharyya (bn) (1840-1932) avait été professeur au Presidency College et proviseur du Ripon College entre 1891 et 1903[19]. Brahmane et brillant sanskriste, il faisait également partie du cercle culturel de Sambhu Chandra Mukherjee[20].
  12. Ram Nath Tarkaratna est un brahmane lettré originaire de Shantipur connu pour avoir écrit un poème en sanskrit composé de 18 chants titré Vasudeva Vijaya. Il avait travaillé pour la Société asiatique de Calcutta pendant près de 20 ans à collecter des manuscrits sanskrits dans les régions les plus reculées d'Inde, mais il semble qu'il se soit créé de puissantes inimitiés car il a été licencié en 1892 dès que Sir Alfred Croft (en) en a quitté la direction. Cette éviction brutale, peut-être liée à un commentaire favorable de Ram Nath Tarkaratna sur une loi anglaise interdisant le mariage des enfants, a fait grand bruit dans les cercles culturels de Calcutta et dans les colonnes du Reis and Rayyet auquel contribuait Kisari Mohan Ganguli[21],[22].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c বিদ্যালঙ্কার 1920, p. 115-116.
  2. Asiaticus 1909, p. 48.
  3. Asiaticus 1909, p. 157-161.
  4. Asiaticus 1909, p. 429-437.
  5. University of Calcutta 1870, p. 214.
  6. a b c d e f et g Jacobi 1908, p. 132-133.
  7. a b c et d Barth 1908, p. 357.
  8. Skirine 1895, p. 170-172.
  9. a et b Asiaticus 1913, p. 156.
  10. University of Calcutta 1881, p. 172.
  11. Kaviratna 1890, p. VIII.
  12. The Oriental University Institute 1898, p. 195.
  13. The Literary World 1899, p. 161.
  14. a et b Ray 1905, p. 8.
  15. a et b Barth 1884, p. 164-166.
  16. a b et c Barth 1896, p. 383.
  17. Ray 1905, p. 31.
  18. Roy 1896, p. 1-3.
  19. Bhattacharyya 1992, p. 175-190.
  20. Skirine 1895, p. 32.
  21. Barth 1895, p. 357-363.
  22. Skirine 1895, p. 383-387.
  23. Roy 1896, p. 3-4.
  24. Lal 1895.
  25. Sanyal 1896, p. 344-345.
  26. Grierson 1908, p. 549-550.
  27. Schaufelberger et Vincent 2004, p. 132.

Documentation[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (bn) শশিভূষণ বিদ্যালঙ্কার, « জীবনীকোষ : দ্বিতীয় খণ্ড », Calcutta, দেবব্রত চক্রবর্তী,‎ (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Auguste Barth, « Kisori Mohan Ganguli », Revue critique d'histoire et de littérature, Paris, Ernest Leroux, vol. LXV, no 18,‎ (lire en ligne, consulté le ). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
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  • (en) Francis Henry Bennett Skirine, An Indian journalist : being the life, letters and correspondence of Dr. Sambhu C. Mookerjee, late editor of Reis and rayyet, Calcutta, Calcutta, Thacker, Spink & Co., (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
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  • (en) Pratap Chandra Roy, The Mahabharata of Krishna-Dwaipayana Vyasa, Calcutta, Bharata press, (OCLC 963754158, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
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  • (en) George Abraham Grierson, « P. C. Ray's English Translation of the Mahābhārata », Journal Of The Royal Asiatic Society Of Great Britain And Ireland, Londres, The Society,‎ (lire en ligne, consulté le ). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Gilles Schaufelberger et Guy Vincent, Le Mahābhārata : La genèse du monde, Laval, Les Presses de L'université Laval, (ISBN 978-2-7637-8089-4, OCLC 491549863, lire en ligne), « Introduction Générale ». Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Première édition de The Mahabharata of Krishna-Dwaipayana Vyasa Translated into English Prose :