Histoire Auguste

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L’Histoire Auguste (en latin Historia Augusta) est le nom que l'on donne couramment depuis le début du XVIIe siècle[1] à un recueil de biographies d'empereurs romains composé en latin au cours de l'Antiquité tardive, à la fin du IVe siècle.

Contenu

Ce recueil commence avec la vie d'Hadrien et s'achève avec celle de Numérien. Il couvre donc la période allant de 117 à 285 de l'ère chrétienne, avec cependant une lacune de seize ans, entre 244 et 260. S'apparentant à la continuation de l'œuvre de Suétone, cet ouvrage se présente comme une œuvre collective, rassemblant les travaux de six biographes : Aelius Spartianus, Julius Capitolinus, Vulcatius Gallicanus, Aelius Lampridius, Trebellius Pollio et Flavius Vopiscus. Diverses allusions placent explicitement la rédaction de ces biographies sous les règnes de Dioclétien et de Constantin Ier (284 à 337).

Longtemps ce recueil suscita un sentiment ambigu : d'un côté, il est l'une des sources les plus abondantes sur une période mal connue de l'empire, de l'autre, il accumule les erreurs apparentes, les informations triviales ou suspectes. D'une manière générale, les premières biographies sont bien meilleures et plus fiables que les biographies des empereurs plus tardifs et que les biographies des usurpateurs. Tout en qualifiant ces compilations d'œuvres d'écrivains médiocres, quasi nulles sur le plan littéraire et la vision historique, les lecteurs jusqu'au XIXe siècle leur accordèrent une certaine importance historique, comme étant à peu près les seuls documents couvrant une période confuse, malgré leurs défauts[2].

Une imposture ?

En 1889, l'historien allemand Hermann Dessau bouleverse définitivement la compréhension de ce recueil en montrant que la composition apparemment collective est une imposture[3]. Selon Dessau, il n'existe en réalité qu'un seul auteur anonyme qui a composé son œuvre à la fin du IVe siècle. Ce personnage inconnu a construit une imposture littéraire et historique de premier plan. Ce faisant, il a légué une source difficile d'accès pour les historiens — comment y distinguer le vrai du faux ? — mais aussi une énigme durable, celle de son identité.

D'abord extrêmement discutée, soutenue dès 1911 en Allemagne par Ernst Hohl (de), mais rejetée en France par Léon Homo en 1926[4], cette hypothèse révolutionnaire finit par s'imposer et constitue la base de tous les travaux scientifiques sur l’Histoire Auguste. Ces derniers sont désormais particulièrement nombreux et riches, notamment grâce à la succession de colloques internationaux à la fin du XXe siècle, d'abord tenus à Bonn puis dans de nombreuses capitales universitaires.

De très nombreux points restent obscurs et discutés, quant à la fiabilité de tel ou tel passage, quant à la date exacte de rédaction et à l'identité de l'auteur, quant à ses positions politiques et religieuses, en particulier par rapport au christianisme.

On s'accorde aujourd'hui assez généralement à situer l'origine de l’Histoire Auguste dans le milieu littéraire et social proche de Symmaque et des Nicomaques Flaviens. Certaines des dernières recherches en date, présentées dans le cadre de colloques universitaires internationaux autour de l'Histoire Auguste et les travaux de St. Ratti, professeur de langue et littérature latines à l'Université de Bourgogne, et professeur d'histoire ancienne à l'université de Franche-Comté tendraient à soutenir que l'auteur de l'Histoire Auguste n'est autre que Nicomaque Flavien Senior[5], idée déjà proposée par Émilienne Demougeot. Le nom de Nicomaque Flavien Junior avait été aussi avancé dès 1940 par W. Hartke et récemment reproposé par Michel Festy[6]. Si de telles hypothèses étaient confirmées, l'énigme séculaire de l'auteur de l'Histoire Auguste serait donc résolue : la preuve toutefois manque encore.

Ses sources anciennes

D'après André Chastagnol, l'auteur unique (perceptible dans l'unité de style et de vocabulaire) a écrit l’Histoire Auguste vers la fin du IVe siècle, et cet écrit a été terminé ou révisé plutôt après la date connue de la mort de Nicomaque Flavien Senior en 394. C'est au moins un siècle après la fin de la période racontée, et bien après le règne de Dioclétien, où, par imposture, l'auteur prétend se situer par ses fausses dédicaces.

Les biographies qu'il déroule s'appuient, lorsqu'elles ont une base historique, sur des auteurs historiques, dont bon nombre ont vécu après la date prétendue de la rédaction de l’Histoire Auguste, ce qui fait que l'auteur, pour cacher son imposture, lorsqu'il les cite, invente d'autres noms. Voici une liste non exhaustive de ces auteurs, cités nommément, sous un nom inventé ou même non cités :

  • Marius Maximus, biographe d'expression latine dont l'oeuvre n'est pas conservée, cité nommément
  • Dion Cassius, historien d'expression grecque, non cité
  • Hérodien, historien d'expression grecque, cité sous le nom inventé Arrien ou Arrianus
  • Dexippe, historien athénien, cité nommément
  • Aurélius Victor, abbréviateur latin, comme l'a remarqué l'historien Hermann Dessau
  • Eutrope, abbréviateur latin, remarqué aussi par l'historien Hermann Dessau
  • Rufius Festus abbréviateur latin, pour quelques points remarqués par W. Hartke

La partie de l'oeuvre d'Ammien Marcellin qui aurait pu être copiée a disparu, ce qui empêche d'apprécier s'il y a eu emprunts ou pas. On peut remarquer que beaucoup de sources de cet auteur de la même époque sont communes avec l’Histoire Auguste. l'Historien J. Straub a attiré l'attention sur plusieurs points communs.

La qualité (très variable) des biographies sur les différents empereurs et les principaux usurpateurs a pu être vérifiée non seulement en s'appuyant sur d'autres textes historiques anciens, mais aussi sur les inscriptions gravées sur les monuments, stèles et bornes qui donnent la titulature de ces dirigeants.

Citations, Style et pastiches

Même si son style est assez plat, l'auteur cite ou fait des emprunts (plus ou moins déformés, lorsqu'il s'amuse à les pasticher) à de nombreux auteurs comme Perse, Stace, Martial, Florus, Aulu-Gelle, Apulée, Suétone, Lactance, les recettes d'Apicius, Juvénal, Ausone, et même Végèce qui était de son époque. Des morceaux entiers sont des pastiches de parties de l'oeuvre de Saint Jérôme datées de 385 à 398.

Études

En France, le nom d'André Chastagnol reste attaché à celui de l’Histoire Auguste en raison des nombreuses études qu'il a consacrées à ce recueil et de la traduction commentée qu'il a publiée en 1994.

En langue anglaise, Ronald Syme a publié quatre livres et de nombreux articles sur l’Histoire Auguste. Il est convaincu de la nature frauduleuse de cet ouvrage, et qualifie l'auteur de « grammairien escroc » (« rogue grammarian »)[7].

Depuis 1963, des colloques annuels sur le thème de l’Histoire Auguste sont organisés à Bonn, dont les Actes sont publiés sous le nom de Bonner Historia-Augusta-Colloquium (B.H.A.C.).

Éditions en français

Notes et références

  1. Depuis 1603 précisément : c'est l'humaniste protestant et bibliothécaire d'Henri IV Isaac Casaubon qui l'a publiée pour la première fois sous ce titre (cf. André Chastagnol dans sa présentation de l'Histoire Auguste, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », p. XI).
  2. Albert Paul, Histoire de la littérature latine, 1871, livre V, chapitre II, 2 lire en ligne
  3. Hermann Dessau, « Über Zeit und Persönlichkeït der Scriptores historiae Augustae », Hermes, 24, 1889, p. 337–392
  4. Léon Homo, Les documents de l'Histoire Auguste et leur valeur historique, Revue Historique, 1926
  5. Stéphane Ratti, « Nicomaque Flavien senior auteur de l'Histoire Auguste », dans G. Bonamente et H. Brandt (ed.) Historiae Augustae Colloquium Bambergense, Bari, 2007, p. 305-317.
  6. Michel Festy, « Les Nicomaques, auteurs de l'Histoire auguste. La jalousie des méchants », CRAI, 148-2, 2004, p. 757-767Lire en ligne
  7. Ronald Syme, Emperors and Biography, Oxford, 1971, p. 263

Annexes

Bibliographie

  • André Balland, « Un taureau dans un arbre », Mélanges offerts à Pierre Boyancé, Publications de l'Ecole française de Rome, Rome, 1974, p. 39-56 Lire en ligne.
  • André Chastagnol, « Rencontres entre l'Histoire Auguste et Cicéron », Mélanges de l'École française de Rome. Antiquité, 1987, 2, p. 905-919. [lire en ligne]
  • François Chausson, Stemmata aurea : Constantin, Justine, Théodose. Revendications généalogiques et idéologie impériale au IVe s. ap. J.-C., L'Erma di Bretschneider, 2007.
  • Paul-Albert Février , L'Histoire Auguste et le Maghreb, article in Antiquités africaines, 22, 1986. pp. 115-128, Consultable sur Persée
  • Stéphane Ratti, « D'Eutrope et Nicomaque Flavien à l'Histoire Auguste : bilans et propositions », D.H.A., 25-2, 1999, p. 247-260 Lire en ligne.
  • Stéphane Ratti, « L'énigme de l'Histoire Auguste : autopsie d'un faussaire », Les Dossiers de l'Archéologie, Numéro Spécial "Les faux dans l'Antiquité", dir. H. Duchêne, avril 2006, p. 64-69.
  • Stéphane Ratti, « Nicomaque Flavien senior auteur de l'Histoire Auguste », dans G. Bonamente et H. Brandt (ed.) Historiae Augustae Colloquium Bambergense, Bari, 2007, p. 305-317.
  • Johannes Straub (de), Andreas Alföldi, K. Rose, Bonner Historia-Augusta-Colloquium (BHAC), 13 vol., Bonn, 1964-1991 (Antiquitas Reihe 4. Beiträge zur Historia-Augusta-Forschung).
  • Ronald Syme, Ammianus and the Historia Augusta, Clarendon Press, Oxford 1968.
  • Ronald Syme, Emperors and Biography. Studies in the Historia Augusta, Clarendon Press, Oxford 1971.
  • Ronald Syme, Historia Augusta Papers, Clarendon Press, Oxford 1983, ISBN 0-19-814853-4.

Articles connexes

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