Consonance (musique)

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En musique, une consonance (lit. : sonner ensemble, ant. : dissonance) est une combinaison de sons, tels un accord ou un intervalle, perçue comme agréable à l'oreille[1]. La notion de consonance est relative : elle diffère selon les cultures, les époques et le contexte musical[2].

La consonance a évolué par rapport à l'intégration des rapports de fréquence acoustiquement simples (d'abord l'octave, puis la quinte...) et continue à s'élargir à des rapports de plus en plus complexes dans les œuvres contemporaines sous l'influence de la culture musicale.

La consonance d'un intervalle en tant que phénomène acoustique est liée à la pureté de cet intervalle, qui peut être défini par l'absence de battement audible ou par la correspondance des harmoniques des deux sons formant l'intervalle (rapports de fréquences simples)[3].

De cette notion originelle découlent :

Histoire

Avant les travaux en physique et en acoustique, la musique a intuitivement défini comme consonants des sons dont les fréquences fondamentales sont dans un rapport arithmétique simple l'une par rapport à l'autre. C'est ainsi que les intervalles purs d'octave (2/1) et de quinte (3/2) ont toujours été considérés comme des consonances parfaites.

Les anciens grecs n'admettaient comme consonants que les intervalles d'octave et de quinte. Ce n'est que depuis le Moyen Âge que les tierces, majeures (5/4) et mineures (6/5), ainsi que les sixtes sont aussi considérées comme consonances imparfaites[4]. C'est à partir de cette époque que se dégage la théorie de l'harmonie, qui étudie en priorité les accords obtenus par superposition de tierces. Gioseffo Zarlino fut le premier à reconnaître l'importance de la tierce majeure comme intervalle fondateur de l'harmonie.

Les intervalles consonants sont donc arrivés les uns après les autres dans l'ordre harmonique (rang 2 : octave, rang 3 : quinte et quarte, rang 5 : tierces, sixtes). La culture joue aussi de façon importante dans l'appréciation des intervalles (notions de « justesse »). Par exemple : nos oreilles contemporaines, vivant dans l'environnement de la gamme tempérée, peuvent trouver étrange, lorsqu'elles entendent pour la première fois, une tierce pure sur un instrument à clavier. Les philosophes, acousticiens, physiciens ou mathématiciens des XVIIe et XVIIIe siècles qui ont tenté de chercher une explication rationnelle au caractère agréable ou désagréable d'un accord ou d'un autre, ont ainsi parfois eu des succès divers.

La musique contemporaine explorant des voies nouvelles (micro-intervalles, sons inharmoniques), des intervalles plus éloignés que les premiers rapports simples rentrent peu à peu dans le champ des consonances musicales, mais comme des consonances relatives.

Pureté ou justesse

Il ne faut pas confondre pureté et justesse d'un intervalle :

  • La pureté d'un intervalle est une notion objective liée à l'absence de battement audible et à la correspondance des harmoniques.
  • La justesse d'un intervalle est une notion plus subjective, liée au cadre d'une gamme, d'un contexte musical ou historique.

La confusion entre ces deux termes rend parfois difficile une bonne compréhension de certains textes anciens (par exemple chez Rameau)[5].

Justesse, tradition et réalité

Si le rapport mathématique de l'intervalle joué sera le plus proche possible d'un rapport simple tel qu'exposé plus haut, une oreille musicienne éduquée ne fonctionnera pas uniquement en rapport à une réalité physique intangible tels que ces rapports simples, mais aussi par mimétisme de la musique qui l'entoure. Ainsi, un milieu musical pourra ne pas avoir la même définition de la tierce qu'un autre, pourtant similaire. Ainsi, dans le système occidental du tempérament égal, la tierce majeure tempérée est considérée comme consonante… alors que dans le système indien, l'intervalle équivalent à cette tierce sera plutôt considéré comme dissonant, car dans ce système subtil, il y a un autre intervalle très proche — la tierce pure (5/4) — qui sera lui considéré comme consonant.

On peut remarquer des différences légères d'intonation entre deux orchestres jouant à la même époque. Un grand soliste remarquable (type Pablo Casals) pourra également introduire (sciemment dans son cas) de nouveaux types d'intonation. Le fait d'évaluer s'il joue « juste » ou « faux » ne tient nullement à des critères objectifs, mais seulement à l'acceptation de son génie, à son droit de cité, pourrait-on dire. Même si Pablo Casals représente certainement un cas extrême, d'autres musiciens peuvent avoir joué un rôle non négligeable, par le biais des écoles d'instruments, dans l'évolution de la justesse pratique, telle qu'elle est connue à l'heure actuelle.

D'autre part, les traditions extra-européennes ou traditionnelles peuvent avoir des références qui tiennent aux caractéristiques acoustiques d'instruments traditionnels. Ainsi, le cor des Alpes utilise uniquement la série des harmoniques naturels pour jouer ses mélodies, et bien que ces intervalles soient unanimement considérés comme « faux » par des musiciens classiques (en particulier le fameux harmonique de rang 7, généralement peu apprécié dans la musique occidentale), ils n'en constituent pas moins une référence utilisée dans ce style de musique.

Consonance acoustique des intervalles

Étude physique

La théorie de la consonance fut étudiée au XIXe siècle par le physicien Hermann Ludwig von Helmholtz à partir du phénomène de résonance. Helmholtz utilisait des sphères creuses (appelées depuis résonateurs d'Helmholtz) munies de deux cols courts tubulaires diamétralement opposés. Lorsque le son contenait un harmonique de fréquence égale à la fréquence de résonance de la cavité du résonateur (ou voisine de celle-ci), cet harmonique était amplifié, ce qui permettait de l'isoler. Grâce à une série de résonateurs de ce type, Helmholtz put déterminer l'intensité des harmoniques d'un son naturel. Dans sa Théorie physiologique de la musique, Helmholtz développa l'idée que la consonance d'un intervalle était d'autant plus grande que les battements entre harmoniques proches l'une de l'autre étaient peu rapides.

Consonance et acoustique

On peut définir la consonance par l'état dans lequel la sonorité d'un intervalle musical montre le moindre trouble, ou encore le minimum d'effet sonore — état de pureté acoustique. Il est facile de constater que cet état ne peut être atteint que lorsque les deux sons sont dans un rapport simple de fréquences. Par exemple, si le rapport entre les vibrations de deux sons est de 3 à 2 (soit 3/2), on entendra une quinte ; si le rapport est de 5 à 4 (soit 5/4), ce sera une tierce ; etc. Si ce rapport n'est pas très exactement précis, des perturbations se produiront dans la sonorité, et la sensation de perdre cette pureté acoustique, qui est un phénomène acoustique remarquable, sera vive.

Pureté et battements

La pureté d'un intervalle est définie par l'absence de battement audible (ou par le battement le plus faible possible, voir la tierce) — notion de minimum d'effet sonore. Cela peut se produire seulement si les deux notes sont dans un rapport de fréquences simple et, dans ce cas, sans inharmonicité :

  • Le rapport le plus simple est l'octave (2/1), et la consonance est si parfaite que l'on peut souvent douter de la présence de deux notes. En effet, tous les harmoniques de la note du haut sont déjà présents dans la note du bas.
  • La quinte (3/2) est l'intervalle distinct le plus consonant, c'est pourquoi il est à la base de la musique.
  • La quarte est le renversement de la quinte (4/3) et est légèrement moins consonante.
  • La tierce majeure pure est d'un rapport 5/4, tandis que la tierce pythagoricienne, d'un rapport 81/64, n'est pas pure, sa « consonance » étant très éloignée du rapport naturel 5/4. La tierce majeure du tempérament égal est d'un rapport  , qui est un peu moins éloigné du rapport naturel 5/4 (voir : Justesse des tierces).
  • La sixte majeure pure est d'un rapport 5/3, la tierce mineure pure, d'un rapport 6/5, la sixte mineure pure, d'un rapport 8/5.
  • pour les intervalles suivants, il devient difficile de parler de pureté, un battement relativement audible subsistant toujours, même pour des rapports simples rigoureux tels que 9/8 (ton majeur) ou 10/9 (ton mineur).

Néanmoins, une autre considération entre en ligne de compte : la proximité du rapport de l'intervalle avec un rapport simple. On peut reconnaître que la consonance stricte (c'est-à-dire pure) est en fait présente, mais altérée, et cela donne naissance au battement, qui est presque imperceptible si le rapport est proche. La conjonction des deux sons d'un intervalle produit également le phénomène du son différentiel, troisième son dont la fréquence est la différence de fréquence des deux sons de l'intervalle.

Les harmoniques et les intervalles les plus simples

L'harmonique le plus simple d'un son de fréquence F est l'octave, de fréquence 2×F, le double de la fondamentale. Il est appelé harmonique « de rang 2 ».

Pour les intervalles qui suivent, le principe d'équivalence des octaves nous permet de ne considérer que les harmoniques dont la fréquence est comprise entre la fréquence fondamentale F (souvent notée f0) et celle de l'octave supérieure 2×F.

La fréquence 3×F sera ainsi « ramenée » dans l'intervalle 1 à 2 en la divisant par 2, c'est-à-dire en descendant d'une octave pour obtenir la fréquence F×3/2. Cet intervalle, correspondant à un rapport de fréquences 3/2 (ou 1,5), est le plus simple après l'octave et a une importance primordiale dans la musique occidentale. On l'appelle l'intervalle de « quinte ».

Les musiciens de l'Antiquité et du Moyen Âge considéraient que seuls étaient « consonants », c'est-à-dire parfaitement harmonieux, les intervalles d'octave et de quinte.

L'octave étant l'intervalle entre deux notes dont le rapport est 2/1, et la quinte, l'intervalle entre deux notes dont le rapport est 3/2, l'intervalle qui les sépare correspond à un rapport de 4/3 nommé « quarte »  :

  • (2/1) / (3/2) = 4/3 → Octave – Quinte = Quarte

Ainsi, la quarte est le « renversement » de la quinte, car elle est le complément de celle-ci par rapport à l'octave : Quinte + Quarte = Octave → (3/2) × (4/3) = 2/1

L'intervalle entre la quinte et la quarte correspond au rapport de fréquences 9/8 nommé « ton majeur » ou « seconde majeure » :

  • (3/2) / (4/3) = 9/8 → Quinte – Quarte = Ton majeur

La consonance affectée par l'inharmonicité

La pureté d'un son musical (ou plus précisément de son timbre) est elle aussi définie par une consonance, celle des harmoniques qui le constituent entre eux. Là aussi, un battement peut apparaître si le son n'est pas pur. Cette altération de la pureté du timbre se mesure par l'inharmonicité. Les instruments de musique sont généralement très peu inharmoniques.

Le piano est connu pour son inharmonicité, ce qui a conduit à des aménagements du système d'accord (écartement des octaves) que Serge Cordier a théorisé dans son Tempérament égal à quintes justes.

Les cloches sont très fortement inharmoniques, mais dans une telle proportion que cela permet de retrouver d'autres consonances, ce qui constitue tout l'art du fondeur de cloches.

Notes et références

  1. Chailley 1977, p. 17
  2. Gouttenoire 2006, p. 32
  3. Bailhache 2011, p. 133
    « Selon Helmholtz, la consonance est un accord sans battement remarquable, la dissonance au contraire est un accord qui devient rude du fait des battements engendrés. »
  4. Voir L'écriture musicale, volume I, §2, par Olivier Miquel
  5. Pierre-Yves Asselin, Musique et tempéraments (Québec), éditions Jobert, 2000

À noter que l'orthographe de ce mot est valable également avec deux « n » : consonnance (cf. http://www.cnrtl.fr/definition/consonnance), mais un seul « n » est recommandé depuis 1990.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

  • IRCAM-Assayag Voir l'encadré : Une brève histoire de la consonance, au milieu de l'article.
  • consonance et dissonance Une explication simplifiée du phénomène de consonance/dissonance.

Bibliographie

  • Jacques Chailley, Traité historique d’analyse harmonique, Paris, Alphonse Leduc, , 156 p. (ISBN 978-2-85689-037-0)
  • Patrice Bailhache, Antonia Soulez et Céline Vautrin, Helmholtz du son à la musique, Librairie philosophique J. Vrin, , 253 p. (ISBN 978-2-7116-2337-2)
  • Pierre-Yves Asselin, Musique et Tempérament, Jobert, Paris, 2000 (ISBN 2905335009)
  • Philippe Gouttenoire et Jean-Philippe Guye, Vocabulaire pratique d'analyse musicale, DELATOUR FRANCE, , 128 p. (ISBN 978-2-7521-0020-7)