Charité

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Guido Reni, La Charité, palais Pitti.

Dans le langage ordinaire, la charité est une vertu qui porte à désirer et à faire le bien d'autrui. C'est donc un acte inspiré par l'amour du prochain[1]. Dans le langage des théologiens, elle désigne à la fois l'amour de Dieu pour lui-même et du prochain comme créature de Dieu[1]. La première encyclique du pape Benoît XVI s'intitule ainsi Deus caritas est (« Dieu est amour »), en référence à la Première épître de Jean. La charité est en outre définie comme l'une des trois vertus théologales du christianisme (aux côtés de la foi et de l'espérance).

Enfin, dans son sens dérivé, « la Charité » est le nom donné à certains hôpitaux ou hospices religieux, dans lesquels ces œuvres de bienfaisance sont réalisées.

Étymologie

Le mot « charité » est la francisation du latin caritas, -atis, signifiant d'abord cherté, puis amour (et dont le mot anglais care, qui signifie le soin au sens le plus large, est l'un des dérivés). Cicéron, par exemple, prônait la « caritas generis humani », ce qu'on peut traduire par « amour du genre humain [2]». C'est par caritas que saint Jérôme, dans sa traduction latine (dite Vulgate) de la Bible, rend le mot grec agapè du Nouveau Testament. Le terme hébreu correspondant est hesed (חסד), que le dictionnaire Brown-Driver-Briggs traduit par « amour ». Le concept de hesed (charité, bonté, amour de Dieu et du prochain) apparaît à de nombreuses reprises dans l'Ancien Testament.

Vertu théologale

Deux des trois vertus théologales représentées sous la chaire de la cathédrale Notre-Dame d'Amiens. La charité est à gauche de l'illustration.

La charité est la vertu reine des vertus: l'amour de Dieu et du prochain. Dans une perspective chrétienne, elle est la vertu théologale par laquelle on aime Dieu par-dessus toute chose pour lui-même, et son prochain comme soi-même pour l’amour de Dieu. Elle assure et purifie la puissance humaine d’aimer et l’élève à la perfection surnaturelle de l’amour divin. Saint Paul en a donné une définition: “La charité prend patience, la charité rend service, elle ne jalouse pas, elle ne plastronne pas, elle ne s’enfle pas d’orgueil, elle ne fait rien de laid, elle ne cherche pas son intérêt, elle ne s’irrite pas, elle n’entretient pas de rancune, elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle trouve sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle endure tout. [...] Les trois demeurent: la foi, l’espérance et la charité. Mais la charité est la plus grande.” (I Co 13, 1-7. 13). Supérieure à ces deux vertus, elle constitue le “lien de la perfection”[3]. Thomas d'Aquin ira jusqu'à dire qu'elle est la forme suprême de toutes les vertus théologales, commentant un verset de saint Paul[4] ; la foi et l'espérance seraient rendues caduques par le retour de Dieu parmi les hommes, ne laissant de place qu’à l'exercice de la charité: “Maintenant donc demeurent foi, espérance, charité, ces trois choses, mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité”. Dès le XIIe siècle, dans un monde confronté à l’urbanisation, la charité s’organise en même temps qu’émerge la réalité sociale des pauvres; l’on distingue dès lors plusieurs catégories de pauvreté. Du point de vue théologique se généralise la notion de pauvreté volontaire (paupertas spontanea), adoptée par les moines dans un souci d’humilité et de vie apostolique. Cette pauvreté volontaire s’inscrit dans une démarche plus large d’imitation du Christ qui entraîne le développement de l’assistance pour une double raison: l’imitation des actes du Christ et la révération des pauvres considérés comme des reflets de l’image de Jésus[5] . Ainsi, la charité constitue l’une des questions philosophiques centrales dès le XIIe siècle, puisque Bernard de Clairvaux, Aelred de Riévaulx, Guillaume de Saint-Thierry, Richard de Saint-Victor ou encore Pierre de Blois y consacrent d’amples réflexions. Cette reflexion théorique aboutit à une classification des œuvres de miséricorde, codifiées au XIIe siècle comme suit[6]: nourrir les affamés, désaltérer les assoiffés, vêtir les démunis, soigner les malades, visiter les prisonniers, enterrer les morts, selon ce que préconise l’Evangile[7] .Ces six formes de don charitable représentent un devoir pour chaque chrétien, cependant le Moyen Âge voit les ordres religieux s’en emparer jusqu’à s’en faire une règle pour certains. Ainsi, les Antonins, les Trinitaires, les frères du Saint Esprit et bien entendu les Hospitaliers pratiquent cette charité et la transforment en une pratique d’assistance collective dès le XIIe siècle.

Représentations

La charité et ses enfants Metropolitan Museum Franco-Flamand milieu du XVIe siècle
  • Dans la tradition iconographique chrétienne, l'allégorie de la Charité est souvent celle d'une jeune femme allaitant des nourrissons. Les peintres italiens de la Renaissance représentent également la Charité sous les traits d'une jeune femme donnant le sein à un vieillard décharné. Ils reprennent ainsi le thème de la Charité romaine.
Image du Sacré-Cœur révélée à sainte Marguerite-Marie Alacoque.
  • Le mot Caritas est inscrit dans l'image du Sacré-Cœur révélée à sainte Marguerite-Marie Alacoque. Le Sacré-Cœur est par conséquent devenu dans la religion catholique le symbole de la charité chrétienne issue de Dieu. C'était, par exemple, la devise du Père de Foucauld, avec l'image du Sacré-Cœur brodé sur sa poitrine.
  • Dans les rituels maçonniques en particulier dans celui du 18ème degré Chevalier Rose Croix au Rite Écossais Ancien et Accepté (R.E.A.A.) il est fait mention des trois vertus théologales et le chevalier Rose Croix porte un bijou en sautoir représentant un pélican nourrissant ses petits, symbole de charité et d'amour.[réf. souhaitée]

Maisons de Charité au Moyen Âge

Depuis le Moyen Âge jusqu'au XIXe siècle ce sont les hospices qui accueillent les pauvres et les orphelins dans de nombreuses villes de France, gérées par des confréries ou les fabriques des paroisses ou par les filles de la charité (Sœurs de Saint Vincent de Paul) et ursulines) Elles s'organisent au niveau des paroisses en bureau de charité qui sont à l'origine des CCAS modernes (centre communal d'action social), et gèrent les Hôtels Dieu des communes et des villes Hôtels Dieu qui sont eux à l'origine de nos hôpitaux publics.

Les missions des Maisons de Charité

Prendre soin des "Pauvres du Christ" pour prendre soin de la société

À l'époque médiévale, les hôpitaux remplissent deux missions: celle d'accueillir les pauvres, les pèlerins de passage, pour une ou plusieurs nuits (c'est la fonction des hospices), et celle de fournir un refuge plus durable et des soins aux orphelins, femmes en couches ou malades (c'est la mission des Hôtels-Dieu)[8] . Les maisons de charité appartiennent à la seconde catégorie. Cependant, dans la pratique, ces hospices et maisons font partie de la même structure hospitalière, ce qui entraîne des confusions d'appellation et de missions. Ainsi les maisons de charité et autres maisons-Dieu accueillent-elles généralement indistinctement les malades, les pauvres, les enfants abandonnés, les pèlerins, qui sont tous réunis sous l'appellation "pauvres du Christ" (pauperes Christi). Ces pauvres rappellent le Christ de deux manières: ils reflètent l’humilité du Christ dans leur dénuement, mais sont également la représentation des épreuves physiques qu’il a traversées. Ils sont une image de Christus dolens. Leurs souffrances et leur pauvreté sont donc un exemple de vie apostolique, ce qui explique que les moines embrassent la pauvreté volontaire, mais leur confèrent également le statut d’intercesseurs auprès du Christ. Outre le devoir de charité dicté par la vertu théologale, prendre soin des pauvres du Christ signifie, au Moyen Âge, prendre soin de toute la société, celle-ci étant conçue comme un corps[9] ; venir en aide aux plus démunis grâce aux dons[10] (de temps ou de biens) des plus aisés permet d’assurer le salut des individus charitables, mais aussi de la société toute entière. Les individus charitables se préparent à leur jugement personnel par leurs actes, et le groupe des pauvres intercède favorablement en faveur du groupe social qui a pris soin d’eux. Cette question du salut se pose avec de plus en plus d’acuité à partir du XIIe siècle et particulièrement aux XIVe siècle et XVe siècle, au fur et à mesure que les inquiétudes liées aux difficultés (guerres, épidémies, pauvreté économique) s’exacerbent[11] . C’est durant cette période que les hôpitaux s’implantent et institutionnalisent l’assistance.

Soulager d'abord l'âme, ensuite le corps

Les pauvres, lorsqu’ils sont admis dans ces maisons de charité, peuvent attendre plusieurs types de soins, physiques et moraux. Les premiers sont assez rudimentaires puisque les hôpitaux médiévaux ne sont pas peuplés de médecins, lesquels se trouvent démunis devant la plupart des affections touchant leurs patients, mais d’un personnel, laïc ou religieux, dévoué à la charité. Les besoins primordiaux des malades, orphelins, pèlerins ou encore vieillards sont donc pris en charge : ils se voient offrir un repas consistant plus une collation légère de type bouillon chaque jour, un lit, un toit et un chauffage, et parfois même des vêtements ou des chaussures, selon l’établissement où ils se trouvent, mais aussi la période de l’année (certaines dates comme Pâques sont en effet l’occasion pour les hôpitaux de faire des donations de vêtements et de nourriture supplémentaire par exemple). Cependant, l’accueil des maisons-Dieu consiste surtout à prodiguer des soins à l’âme des malades[12]. Les clercs œuvrant dans ces établissements ont pour mission première d’écouter les pécheurs et de recevoir leurs confessions. Il s’agit de remettre le pécheur dans le droit chemin, d’autant que son avenir est généralement incertain aux vues de sa condition socio-économique et de sa santé. La vocation des personnes travaillant dans ces établissements, qui sont avant tout des clercs ou des laïcs faisant œuvre de miséricorde, et non des médecins, explique en partie cette absence de soins physiques ; mais il y a également une raison théorique. Le XIIe siècle voit en effet se mettre en place, suite aux reflexions sur les corps sociaux[13] , des interdictions à l’encontre des clercs réguliers et séculiers. Afin que chaque corps social remplisse une fonction, l’exercice de la médecine est réservé aux laïcs (à l’exception des infirmeries de monastères, où les moines peuvent se soigner entre eux)[14] . Les conciles de Clermont (1130) et de Reims (1131) initient ce mouvement d’encadrement des pratiques qui touche toute la chrétienté. Les clercs continuent d’assumer la prise en charge des malades, mais le soin de l’âme prime sur celui du corps.

Le personnel et le mode de vie des Maisons de Charité

Une communauté de clercs au service du siècle

Les établissements hospitaliers sont peuplés dans leur majorité par des clercs qui appartiennent à des ordres pour lesquels la charité revêt une importance particulière (bénédictins, clunisiens, cisterciens, chartreux, hospitaliers)[15] . Ces personnels religieux vivent très souvent selon la règle bénédictine. Cela étant, des variations de règles de vie et de gestion existent selon les régions et les maisons. Ainsi, les dates de grande aumône où des vêtements sont par exemple distribués peuvent varier en fonction du saint patron de l’établissement, ou le nombre de repas offerts aux pauvres peut différer d’une maison à une autre (voir par exemple pour la région du Bas-Rhône l’abbaye de Saint-Gilles et le prieuré Saint-Pierre de Saint-Saturnin-du-Port). Hormis ces maisons-Dieu appartenant à des ordres réguliers, on trouve également des hôpitaux rattachés à l’église cathédrale d’une ville. Ils sont les héritiers des premières maisons épiscopales œuvrant pour les pauvres du IXe siècle au XIe siècle. Ces établissements ne sont donc pas soumis à la règle de saint Benoît, mais à celle de saint Augustin concernant les chanoines.

Parmi ces maisons de charité, certaines sont sous le contrôle de monastères féminins. Les moniales, cependant, n’ont sans doute pas joué le même rôle que les moines dans l’assistance aux pauvres. Une différenciation entre les sexes s’opère dès le XIIIe siècle. Déjà auparavant, les mentions d’œuvres de miséricorde effectuées au sein des monastères féminins étaient très rares[16] . Puis, en 1298, le pape Boniface VIII confine les moniales dans leurs monastères et les consacre à la contemplation plutôt qu’aux œuvres[17] . Elles ne s’impliquent donc pas personnellement dans les œuvres charitables, et délèguent leur pouvoir à un recteur masculin dans les établissements placés sous leur autorité.

Le mode de vie des clercs

Ces officiants des hôpitaux, des hommes obéissant à une règle, partagent donc leur vie entre les soins aux pauvres et la vie spirituelle inhérente à leur groupe social. Il s’agit de trouver le juste équilibre entre la vie active, tournée vers les œuvres de miséricorde, séculière, et la vie contemplative, tournée vers la prière et la réflexion spirituelle. Cette alternance doit protéger les clercs d’une trop grande contamination par le siècle et ses péchés, mais également leur apprendre l’humilité[18] . Le rôle des personnels des hôpitaux médiévaux est donc bien de prendre soin de leur prochain, mais aussi de prendre soin de leur groupe social en remplissant leur office de prières[19] .

La difficile cohabitation de l'éthique et de l'économique

Comment subvenir aux besoins de la communauté hospitalière

Les communautés des maisons-Dieu nécessitent un moyen de subsistance puisqu’elles doivent non seulement entretenir leur personnel mais surtout subvenir aux besoins des pauvres qu’elles accueillent. Elles trouvent donc leurs ressources dans les revenus des terres qui leur sont accordées à leur fondation. Elles peuvent également obtenir une rente monétaire lors de cette fondation actée par l’autorité ecclésiastique concernée (archevêque, Pape, abbé d’un couvent). Les maisons placées sous l’autorité du Pape bénéficient également de privilèges juridiques et fonciers: elles ne dépendent pas des autorités laïques mais relèvent uniquement de la juridiction du saint Siège, obtiennent un cimetière ou une chapelle privés[20] . En plus de ces revenus premiers, les hôpitaux médiévaux bénéficient de donations de laïcs. Dans le souci de veiller à son propre salut, l’individu peut en effet faire un don d’argent, ponctuel, ou bien de revenus fonciers perpétuels (donation de terre arable, de pièce de vignes)[21] . Les donateurs peuvent être importants (ducs, princes) et participer à la vie de l’établissement activement (construction d’une chapelle, rente annuelle), ou être humbles, mais tout de même donner certains biens (veuves donnant les biens ayant appartenu à leurs maris, par exemple) [21]. Les clercs vivant dans la communauté charitable sont eux-mêmes des donateurs qui font don de leur vie et de leur être à la maison de charité qu’ils intègrent. La dynamique du don est donc centrale pour ces établissements qui vivent eux-mêmes en grande partie de dons, qu’ils redistribuent à leurs pauvres. Une économie du don, au sens matériel comme au sens spirituel, se développe donc dans un souci individuel et collectif de salut. Ceci pose la question du rapport entre l’économie et la notion spirituelle de salut de l’âme, car sauver son âme nécessite des fonds ou des biens à distribuer[11] .

Des établissements romains aux mains des pouvoirs laïcs locaux

Bien que présents, pour la France, dès l'époque franque, les établissements de charité connaissent leur essor au XIIe siècle. C'est une période faste pour les hôpitaux qui, non seulement se multiplient, mais, qui plus est,obtiennent le plus souvent la protection du Pape. Cette période de relative indépendance encadrée par l'Église (autorité directe du Pape, contrôle épiscopal ou régulier) va néanmoins connaître de rapides changements, car les biens des hôpitaux représentent une tentation pour les administrateurs laïcs et l'Église romaine rencontre des difficultés à contrôler son chapelet d’établissements disséminés géographiquement. Les autorités laïques s’immiscent progressivement, du XIIe siècle au XVe siècle, dans la gestion des maisons de charité. Le recteur est souvent un laïc, nommé à ce poste pour des raisons de clientélisme régional dont la papauté n’a pas toujours conscience. De même, des frères convers entrent dans ces établissements par dévotion mais aussi pour des raisons d’ordre social. Cette ingérence laïque fragilise les biens de l'Église qui sont ainsi parfois victimes de simonie. Cette administration laïque n’est pas systématiquement néfaste, puisqu’elle peut répondre à une incapacité de l’autorité pontificale à contrôler des établissements lointains et à un besoin de personnel qualifié dans des domaines concrets (administration économique) et non plus uniquement spirituels, mais le résultat est tout de même le glissement des maisons de charité vers le domaine laïc [20]. La hiérarchie ecclésiastique réagit en instaurant au XIVe siècle le système des visites épiscopales. L’évêque fait des visites régulières aux établissements situés dans son diocèse afin de vérifier que les personnels respectent les règles dans l’administration de leur communauté et l’accueil des malades [21]. Malgré cette tentative épiscopale, l'Église reste distante de la pratique charitable et de la tension de plus en plus vive qui s’instaure entre éthique et économie. Le contrôle de ces biens lui échappe, ce qui précipite la chute du système religieux d’assistance publique; aux XIVe et XVe siècles, les maisons de charité passent d’un brillant modèle religieux d'altruisme à une difficile question de faillite et d’impossible contrôle[22] . Dans les deux derniers siècles du Moyen Âge, les pouvoirs laïcs récupèrent le contrôle de ces établissements hospitaliers, qui deviendront à l'époque contemporaine nos hôpitaux publics, répondant parfois toujours à l'appellation d'Hôtels-Dieu.

Les Maisons de Charité de la Révolution à nos jours

La saisie des biens nationaux et la loi du 7 Frimaire an 5 (27 novembre 1796), provoquent la dissolution de toutes les fabriques, confréries, congrégations, et la gestion par les communes de la charité au travers du bureau de bienfaisance et des hospices civils (voir : Hospices civils de Lyon, conseil général des hospices de Paris APHP) Le Concordat de 1801 va rétablir partiellement l'intervention des œuvres religieuses. En permettant aux sœurs de revenir dans les hôpitaux mais sous le contrôle des municipalités, puis de l'État. Les bureaux de charité même quand ils gardent cette appellations vont rester sous le contrôle direct des municipalités. Les bureaux de charité et les bureaux de bienfaisance vont distribuer des aides en natures (nourriture, vêtement...) Cette activité étant au centre des préoccupations politiques au début du XIXe. Une des causes directes de la révolution de 1789 étant la crise frumentaire de 1788 ( le boulanger, la boulangère et le petit mitron ramenés de Versailles à Paris en 1792, chute de la royauté ). À la fin du XIXe, les aides en nature sont supprimées au profit des aides financières. Elles reprennent sous la forme moderne des restos du cœur de la banque alimentaire, des épiceries sociales, des soupes populaires.

Ambiguïté du concept

Dans le langage courant contemporain, le mot charité est à utiliser avec précaution car, selon certaines sensibilités, il peut être chargé de significations dérivées, éloignées du concept initial :

  • La charité est parfois considérée comme obligatoirement liée à une pratique religieuse, ce qui a pour effet de rendre l'utilisation du mot délicate dans le contexte des sociétés francophones contemporaines laïques;
  • La charité est également perçue, dans certains contextes, comme une relation inégale impliquant une situation humiliante pour la personne aidée, et non comme un comportement social réellement bienveillant et utile[23].

Ces dérives de sens ont entraîné d'importantes restrictions d'usage du mot charité, qui a notamment disparu du vocabulaire administratif où il est remplacé par des notions alternatives jugées plus neutres (comme solidarité, action sociale, etc), et qui est même souvent utilisé avec une connotation péjorative dans le discours public.

Notes et références

  1. a et b Encyclopédie Larousse, 1992
  2. « In omni autem honesto, de quo loquimur, nihil est tam illustre nec quod latius pateat quam coniunctio inter homines hominum et quasi quaedam societas et communicatio utilitatum et ipsa caritas generis humani. Quae nata a primo satu, quod a procreatoribus nati diliguntur et tota domus coniugio et stirpe coniungitur, serpit sensim foras, cognationibus primum, tum affinitatibus, deinde amicitiis, post vicinitatibus, tum civibus et iis, qui publice socii atque amici sunt, deinde totius complexu gentis humanae.» Cicéron, De finibus, livre 5 (chap. 23), § 65, mis en ligne par l'université de Nice. « Mais de tout ce qui est honnête, rien n'a plus d'éclat et ne s'étend plus loin que l'union des hommes avec leurs semblables; cette société et cette communauté d'intérêts, cet amour de l'humanité, amour qui naît avec la tendresse des pères pour leurs enfants, se développe dans les liens du mariage, au milieu des nœuds les plus sacrés, puis coule insensiblement au dehors, s'étend aux parents, aux alliés, aux amis, aux relations de voisinage, grandit avec le titre de citoyen, se répand sur les nations alliées et attachées à la nôtre, enfin est consommé par l'union de tout le genre humain. » (Traduction française par Guyau, Paris, 1875, en ligne.)
  3. Col 3, 14.
  4. I Co 13, 13.
  5. Mollat, Michel, Les pauvres au Moyen Âge, Paris : 1978, Hachette, coll. « Littérature et sciences humaines », p. 12
  6. Mollat, Michel, "Les moines et les pauvres", in Etudes sur l'économie et la société de l'Occident médiéval, Londres : 1977, Varirorum reprints, p. 193-215
  7. Mt 25, 31-46
  8. Gauvard, Claude (dir.), Dictionnaire du Moyen Âge, Paris : 2004, PUF, notices « hôpital » et « charité » de D. Le Blévec
  9. Duby, Georges, Les trois ordres ou l’imaginaire du féodalisme, Paris : 1991, Gallimard
  10. Magnani, Eliana, « Le don au Moyen Âge : pratiques sociales et représentations. Perspectives de recherche », revue du MAUSS, no 19, 2002, p. 309-322
  11. a et b Chiffoleau, Jacques, La comptabilité de l’au-delà, Paris : 2011, Albin Michel
  12. Le Blévec, Daniel, La part du pauvre : l’assistance dans les pays du Bas-Rhône du XIIe siècle au milieu du XVe siècle, vol. 1, EfR, 2000, p. 48-54
  13. Duby, Georges, Les trois ordres ou l’imaginaire du féodalisme, Paris : 1991, Gallimard, et pour une source médiévale ayant théorisé la division en trois ordres de la société voir Adalbéron de Laon ou Gérard de Cambrai
  14. Le Blévec, Daniel, La part du pauvre : l’assistance dans les pays du Bas-Rhône du XIIe siècle au milieu du XVe siècle, vol. 1, EfR, 2000, p. 52
  15. Touati, F-O, “Les groupes de laïcs dans les hôpitaux et les léproseries au Moyen Âge”, dans Les mouvances laïques des ordres religieux, Saint Étienne: CERCOR-Publications de l’Université de Saint Étienne, 1986, p. 137-162
  16. Bulle de Célestin III du 10 mai 1194 : Gall. Christ. Nov. Arles, dans Die Bulle des Papstes Bonifacius VIII. gegen die Cardinäle Jacob und Peter von Colonna vom 10 mai 1294, dans Historisches Jahrbuch 19, 1879, p. 192-199
  17. Bulle Periculoso ac detestabili, dans Sextus Liber Decretalium, l. III, t. XVI, in Corpus Iuris Canonici, éd. Lipsia, 1922
  18. Trottmann, Christian, "Vie active et vie contemplative dans le commentaire de Benoît XII sur l’évangile de saint Matthieu",dans Vie active et vie contemplative au Moyen Âge et au seuil de la Renaissance,Ch. Trottmann ed., Rome (Collection de l’École Française, 423), 2009, p. 291-316. CNRS, Université François Rabelais de Tours
  19. Mollat, Michel, Les pauvres au Moyen Âge, Paris : 1978, Hachette, coll. « Littérature et sciences humaines », p. 61
  20. a et b Imbert, J., Histoire des hôpitaux en France, Toulouse : 1982, Privat
  21. a b et c Archives départementales de Côte d’Or, dépôt hospitalier 239 1.G
  22. Imbert, J., Histoire des hôpitaux en France, Toulouse : 1982, Privat
  23. Contre la charité, par Gérard Mordillat L'Humanité 05/10/2012

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Voir aussi

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