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Changes flottants

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Le régime de changes flottants, ou régime de changes flexibles, est le régime de change où la valeur des monnaies — c'est-à-dire leur taux de change entre elles — varie librement sur un marché spécialisé. Les États ne déterminent donc pas directement leurs taux de change, et laissent la valeur de leur monnaie être déterminée par la rencontre de l'offre et de la demande.

Origines

Les monnaies ont pendant longtemps vu leur valeur être définie par rapport à un étalon métallique. Jusqu'à 1914, c'est l'étalon-or, c'est-à-dire la fixation d'une valeur de la monnaie par rapport à l'or, qui prédomine. Le système est abandonné dans les années qui suivent du fait de la difficulté d'accès à l'or. Le système de Bretton Woods, adopté en 1944, met en place un système monétaire international de changes fixes basés sur le dollar américain, qui, lui, disposait d'une valeur fixe de conversion face à l'or. Cela était d'autant plus pratique que les États-Unis disposaient à l'époque des trois quarts des réserves d'or du monde. Une once d'or valait 35 $.

Les changes étaient alors fixes mais ajustables : un pays pouvait dévaluer ou réévaluer sa monnaie, pourvu qu'un plan d'ajustement fût mis en œuvre et que les autres pays offrent leur accord. Le FMI était chargé de la supervision de ce mécanisme.

Dès lors que le stock de dollars détenu par les non-résidents est devenu supérieur au stock d'or américain (phénomène du dollar glut), les États-Unis ont dû abandonner le système de Bretton-Woods. Cela a été accéléré par la décision du Président de la République Charles de Gaulle de retirer l'or français des coffres américains, et de la Banque fédérale d'Allemagne d'arrêter d'accepter les dollars américains[1].

Les accords de la Jamaïque (1976) établissent un cadre juridique nécessaire à la mise en place d'un système de changes flottants[2]. Les changes flottants n'ont pas été un choix technique réfléchi de longue date et fruit d'un consensus entre économistes, mais une solution de facto[1].

À compter de ce jour, l'ensemble des monnaies du monde ont été des monnaies papier ou en compte dont la valeur varie au rythme des transactions sur le marché des changes. Ces valeurs et leurs variations ne sont, sans étalon monétaire mondial, mesurables qu'entre une monnaie et une autre. Les DTS (Droits de tirage spéciaux du FMI) ne peuvent jouer pleinement ce rôle d'étalon tant que leur valeur reste liée à un "panier" de monnaies.

L'absence de théorie générale des changes flottants lors de son introduction

Les changes flottants n'ont fait l'objet d'aucune étude ou publication durant la période classique et néoclassique, c'est-à-dire jusqu'en 1921. Le flottement était une singularité et presque un accident. L'étalon or n'était plus discuté depuis les années 1870, date de fin de l'Union latine et de la démonétisation de l'argent aux États-Unis (en 1873). Les désordres d'après guerre conduisirent à des situations monétaires variées. Le flottement des monnaies allemande et autrichienne accompagne une hyper-inflation douloureuse. La France essayait de rendre à sa monnaie la valeur qu'elle avait avant la guerre. La conférence d'Athènes s'empressa de reconstruire un système de changes fixes. Il fut balayé par la crise de 1929 et l'éclatement du système monétaire qui s'ensuivit, marqué par des dévaluations compétitives nombreuses, un contrôle des changes et un approfondissement de la crise. Personne ne recommandait les changes flottants. Au contraire : au retour de la paix, un nouveau système de changes fixes fut mis en place. Les manuels d'économie jusqu'à la fin des années 1960 traitaient ainsi le sujet par prétérition ou à travers quelques lignes péjoratives.

Par exemple, le manuel Dalloz de 1969 sur la monnaie rédigé par Henri Guitton, professeur alors de grande réputation, traite des changes flottants en une demi-page (sur 647) qui se contente de noter que l'expression « changes erratiques » laissait progressivement place, dans les quelques débats qui avait lieu sur le sujet, à l'expression de changes flexibles, plus descriptive, moins connotée. Il est vrai que, dans des traités universitaires comme celui de Paul Leroy-Beaulieu, l'on parle de « monnaies dépréciées au change erratique » pour les monnaies sans rattachement à l'or et donc « flottantes » dans les conditions de l'époque, où l'étalon-or était « le système des pays civilisés »[3]. Gottfried Haberler dans son ouvrage[4] évoque quant à lui les « changes libres » comme une curiosité, « un cas extrême dans notre échelle des relations possibles entre les monnaies des différents pays »[5]. « Nous n'entendons pas avancer qu'un tel système ait jamais existé ». C'est, selon lui, une bonne chose, car les mouvements de capitaux auraient des effets imprévisibles et un rôle déstabilisant et amplificateur des différents cycles.

Certains, comme Mundell, ont parlé de « pamphlets » à propos de ces textes plus que d'écrits économiques scientifiques[réf. souhaitée]. Robert Triffin était connu pour avoir théorisé la fin des accords de Bretton Woods par son dilemme de Triffin. D'autre part, le triangle de Mundell explique bien l'incompatibilité croissante entre mobilité des capitaux et change fixe.

Deux auteurs principalement, de courants économiques opposés, défendirent les changes flottants : l'économiste libéral Milton Friedman, et le socialiste Meade. Pour le premier, la monnaie est une marchandise comme une autre. Le prix des devises doit donc s'apprécier librement sur un marché libre. Le pays qui se laissera aller au laxisme budgétaire et l'impression inflationniste de monnaie aura une monnaie faible, de sorte que les acteurs économiques lui préféreront d'autres monnaies. À l'inverse, les vertueux auront une monnaie forte. C'est ainsi que, dans un cadre de changes flottants, les mécanismes du marché sanctionneraient spontanément les mauvaises politiques monétaires. À l'inverse, dans un système de changes fixes, le pays fort peut mener une politique inflationniste et des dépenses somptuaires tout en vendant ses billets au-dessus de leur valeur à des pays qui ne peuvent les refuser, de sorte que le puissant impose sa loi au faible. C'est ce qui s'est produit dans les relations entre les États-Unis et l'Allemagne après la guerre, lorsque les États-Unis imprimaient de la monnaie qu'ils vendaient aux Allemands à taux fixe.

James Edward Meade (1907 - 1995) était un auteur socialiste anglais réputé extrême qui souhaitait que les salaires soient fixés par le gouvernement sans se préoccuper du taux de change. Son traité : The Balance of Payments (1951) est une œuvre majeure.

Aucun des deux auteurs n'avait réellement convaincu de l'opportunité de remettre en cause la situation existante. Lorsque les changes flottants se sont imposés au courant des années 1970, les milieux économiques et financiers accueillirent la nouveauté avec beaucoup de réticence. Les Européens cherchèrent à créer des mécanismes de stabilité entre eux. Ce fut l'ECU puis l'euro, que Milton Friedman estima politiquement irréaliste et moins à même de favoriser l'unification européenne que des changes flottants. L'administration américaine elle-même n'avait renoncé aux accords de Bretton Woods qu'à leur stock d'or défendant. Le président de la Fed en 1980, Paul Volcker, n'hésitait pas à affirmer : « à une économie mondiale il faut une monnaie mondiale »[réf. nécessaire], suggérant que l'agitation brownienne de dizaines de monnaies ne saurait faire un véritable système monétaire international. Mais en conservant le dollar comme monnaie mondiale et en permettant de fait aux seuls États-Unis de payer leurs déficits dans leur propre monnaie, le système continuait à offrir un avantage aux États-Unis.

Faible théorisation de la pratique des changes flottants depuis 1971

À la suite de Milton Friedman, quelques éléments de doctrine des changes flottants se sont dégagés autour des idées suivantes :

Avantages inhérents au change flottant

  • Limitation spontanée de la spéculation. Les modèles de Robert Mundell et Marcus Fleming montrent la faiblesse d'un régime de changes fixes par l'épuisement des réserves de change, qui servent aux banques centrales à maintenir le cours de leur monnaie. Le change flottant ne permet plus aux marchés financiers, et à la spéculation, de parier sur l'effondrement d'un régime de change, comme l'avait fait avec succès George Soros en 1992 avec la livre Sterling d'Angleterre. Cela s'explique par l'extrême mobilité des capitaux liée à la déréglementation, et par le décloisonnement des marchés dans les années 1970.
  • Les changes flottants donnent toute latitude à chaque gouvernement de mener les politiques monétaires et d'expansion économique qui lui conviennent. La contrainte de change est levée. L'exemple du Canada en matière de flottaison est fréquemment citée. Il montre qu'une banque centrale se libère de cette tâche pour se consacrer pleinement à sa politique interne, comme la maîtrise des taux d'intérêt en intervenant sur le marché interbancaire, ou la contraction de sa masse monétaire afin de minimiser l'inflation.
  • Ajustement automatique de la balance des paiements, chaque déficit sur la balance courante se soldant par une entrée nette de capitaux. Il ne faut pas perdre de vue que dans une économie internationale, un déficit de la balance courante résulte d'un différentiel entre épargne et absorption. Un déficit entraînera une dépréciation de la monnaie domestique qui permettra une amélioration de la compétitivité des prix[6].
  • Le fait que les réserves de change ne soient plus utilisées pour maintenir un régime de fixité permet aux banques centrales dont la balance courante est excédentaire de transformer ces réserves en fonds souverains : ce qui pose un problème politique, car la rationalité traditionnelle de l'agent économique disparait au profit d'intérêts politiques. La Chine est connue pour accumuler des réserves de changes qu'elle transforme en fonds souverains et rachète des bons du trésor américains.
  • Selon certains, l'étalon-or a fait son temps : on ne peut revenir aujourd'hui à un système indexé sur l'or par son manque en quantité. Keynes la qualifiait de « relique barbare ».

Les inconvénients

  • La persistance de déséquilibres externes : la théorie monétariste affirme qu'un pays ayant une balance courante déficitaire provoque une dépréciation de la monnaie qui, in fine, permettrait une correction de la balance courante. En pratique, les déséquilibres persistent, notamment aux États-Unis qui accumulent les créances vers le reste du monde.
  • Une illusoire autonomie des politiques monétaires. Les monétaristes croyaient que le change flottant permettrait de donner une liberté de manœuvre pour mener des politiques monétaires. Mais, pour mener une politique monétaire, il faut s'assurer d'avoir une monnaie crédible aux yeux des agents économiques. Ainsi, quand le Zimbabwe mène une politique monétaire, elle n'aura aucune incidence du fait d'une hyperinflation, alors que la Fed peut, elle, mener des politiques efficaces. Pour cette raison, beaucoup de pays comme la France ont abandonné leur crédibilité monétaire pour emprunter celle de leur voisin, notamment celle du Deutsch Mark dans les années 1970.
  • L'épaississement de la sphère financière, notamment avec des hedge funds qui dépassent en taille le PIB d'un pays, font relativiser la notion d'un prix de marché pour la monnaie d'un petit pays. La dollarisation est apparue comme solution efficace pour éviter tout problème inhérent à la spéculation.
  • Les changes flottants devaient, selon Milton Friedman, réduire les besoins de réserves des États. La réalité montre qu'ils n'ont jamais été si importants.

Cette vulgate a fini par s'imposer dans la presse qui évite généralement d'aborder ces questions considérées comme trop techniques et ennuyeuses. Mais elle a été très vivement critiquée, presque immédiatement par Jacques Rueff et, après plusieurs années d'exercice, par le prix Nobel d'économie Milton Friedman.

Les critiques

Robert Mundell dans The case for a world currency[7], article écrit en 2005, a dressé un réquisitoire contre la plupart des arguments en faveur des changes flottants.

Il y affirme :

  • Qu'il n'y a jamais eu de stabilité des changes mais plutôt, au contraire, une dramatique volatilité ;
  • Qu'il n'y a pas eu non plus de convergence des taux d'intérêt ;
  • Que les réserves ont fortement augmenté. Voir la confirmation par Maurice Obstfeld [8] : « Depuis la fin de l'ère Bretton Woods, le niveau des réserves globales est passé de 2 % du PIB global à 6 % en 1999 ». Ce taux a encore augmenté avec l'accroissement massif des réserves chinoises entre 1999 et 2008 ;
  • Que c'est la spéculation qui s'est installée, avec de nombreuses attaques erratiques contre les monnaies, analyse confirmée par d'autres économistes[9],[6],[10] ;
  • Que les chocs n'ont pas été atténués mais aggravés par les changes flottants ;
  • Que les changes flottants provoquent une instabilité financière endogène ;
  • Que l'indépendance des politiques monétaires n'est utile que si le monde est dans le désordre, mais que cette indépendance ne doit absolument pas devenir un objectif.

Il observe les très nombreuses crises monétaires et financières qui se sont succédé depuis 1971 et craint des épisodes encore plus graves.

La contestation de Maurice Allais est plus radicale encore. Dans La Crise mondiale aujourd'hui[11], il soutient que les changes flottants créent les conditions d'un désordre généralisé, qu'ils accroissent les risques sur chaque opération commerciale ou financière internationale, et qu'ils ne peuvent déboucher que sur une crise mondiale de type 1929.

Jacques de Larosière, ancien directeur du Fonds monétaire international (FMI) dénonce également les conséquences de l'effondrement du système mis en place avec les accords de Bretton Woods. L'avènement des changes flottants de 1971 sont, selon lui, à l’origine des déséquilibres structurels actuels qui pèsent sur l'économie mondiale. Il critique la création monétaire illimitée qui lui est consécutive et qui « n’est tout au plus qu’un palliatif lui-même source de dangers ». Il pointe du doigt la fuite en avant des politiques actuels qui ne laissent « aux générations futures que le choix entre payer une dette trop lourde ou la renier »[12].

Références

  1. a et b Il y a quarante ans, le début des changes flottants, lemonde.fr, 22 avril 2013
  2. Marc Montoussé, Analyse économique et historique des sociétés contemporaines, Breal, 2009, p.112
  3. Traité d'économie politique tome 4 p. 178
  4. Haberler 1943
  5. Haberler 1943, p. 501
  6. a et b Hafid Idoukharaz, Libéralisation des changes... comment dire bonjour à l'instabilité monétaire, leseco.ma, 5 avril 2018
  7. The case for a world currency
  8. Financial Stability, the Trilemma, and International Reserves
  9. Dominique PLIHON, La spéculation a changé de nature et de dimension avec le globalisation financière, universalis.fr
  10. Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak, La globalisation financière en crise, Revue de l'OFCE, 2009/3 (n° 110), Les éditions du Net, p.13-73
  11. (La Crise mondiale aujourd'hui|auteur=Maurice Allais|éditeur=Clément Juglar|Année:1999)
  12. Le système de change actuel ruine la société, letemps.ch, 9 mai 2016

Bibliographie


Articles connexes