Pipéronal

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Pipéronal
Image illustrative de l’article Pipéronal
Identification
Nom UICPA 1,3-benzodioxole-5-carbaldéhyde
Synonymes

héliotropine; 3,4-méthylènedioxybenzaldéhyde

No CAS 120-57-0
No ECHA 100.004.009
No CE 204-409-7
FEMA 2911
Propriétés chimiques
Formule C8H6O3  [Isomères]
Masse molaire[1] 150,131 4 ± 0,007 7 g/mol
C 64 %, H 4,03 %, O 31,97 %,
Propriétés physiques
fusion 35 à 37 °C[2]
ébullition 263 à 264 °C[2]
Solubilité 3,5 % dans l'eau,
miscible dans l'éthanol,
le propylène glycol et les huiles[2].
methanol: 0,1 g·mL-1
Point d’éclair 113 °C
Précautions
Directive 67/548/EEC
Irritant
Xi



Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Le pipéronal (aussi connu sous le nom d’héliotropine) est un aldéhyde aromatique doté d'une senteur agréable et caractéristique, à la fois fruitée et vanillée. Il est structurellement proche d'autres aldéhydes aromatiques naturels tels que le benzaldéhyde ou la vanilline. Peu présent dans les matières naturelles, sa synthèse est néanmoins facile à partir de l'isosafrole, de la vanilline ou encore du catéchol.

Le pipéronal est un intermédiaire de synthèse polyvalent dont les dérivés comportent des médicaments mais aussi des substances psychotropes telles que la MDMA et d'autres composés apparentés. En France et en Europe c'est une substance soumise à d'importants contrôles au titre de la législation européenne concernant les précurseurs de stupéfiants.

Occurrence naturelle[modifier | modifier le code]

L'héliotropine se retrouve naturellement dans diverses plantes, par exemple dans l'aneth, la vanille, les fleurs violettes et le poivre noir[réf. nécessaire].

Chimie[modifier | modifier le code]

Synthèse[modifier | modifier le code]

Le pipéronal s'obtient facilement à partir de l'isosafrole (lui-même dérivé du safrole abondant dans l'huile essentielle de sassafras) par coupure oxydante de la double liaison éthylénique, typiquement par ozonolyse (avec un rendement rapporté de 96%)[3] ou encore sous l'effet de l'acide chromique (solution de dichromate de potassium dans l'acide sulfurique)[4]. Une approche similaire consiste à oxyder par ozonolyse la pipérine extraite du poivre noir ou blanc[5].

Un autre précurseur direct est le protocatéchualdéhyde dont la méthylénation en position 3,4 donne le pipéronal. La transformation, généralement considérée comme difficile, peut néanmoins s'accomplir de plusieurs manières :

Cette voie de synthèse peut être abordée en formant d'abord le protocatéchualdéhyde à partir du catéchol (ou pryocatéchol), qui est un composé d'importance industrielle ; la fonction aldéhyde est alors introduite par une formylation telle que la réaction de Vilsmeier-Haack. La déméthylation de la vanilline est une autre manière d'obtenir le protocatéchualdéhyde.

Réactions[modifier | modifier le code]

Le groupement aldéhyde donne les réactions caractéristiques de ce groupe fonctionnel, notamment la réduction en alcool primaire (alcool pipéronylique) et l'oxydation en acide carboxylique (acide pipéronylique). Les réactions de condensation telles que l'aldolisation, la réaction de Knoevenagel, la réaction de Henry etc. permettent d'allonger et de fonctionnaliser la chaîne carbonée portée par le cycle benzénique.

Usages[modifier | modifier le code]

Utilisation en parfumerie[modifier | modifier le code]

L'héliotropine est une molécule très utilisée en parfumerie, on la trouve dans l’« Heure Bleue » de Guerlain (1912) et « Gucci, Eau de Parfum » de Gucci (2002)[11].

L'héliotropine est Fema GRAS (nombre FEMA 3101) et rentre dans la composition des arômes alimentaires.

Le pipéronal a une odeur florale qui est communément décrite comme étant similaire à celle de la vanilline ou de la cerise. Pour cette raison, il est couramment utilisé dans les parfums et les arômes artificiels. Le composé a été nommé Héliotropine après les notes de «tarte aux cerises» trouvées dans le parfum de la fleur d'héliotrope (même si le produit chimique n'est pas présent dans le véritable arôme de la fleur)[12]. Les parfumeurs ont commencé à utiliser le parfum pour la première fois au début des années 1880[13]. Il est couramment utilisé pour ajouter des nuances de vanille ou d'amande, conférant généralement des aspects balsamiques, poudrés et floraux au caractère d'un parfum.

L'acétate de pipéronyle est un arôme de cerise synthétique[14].

Précurseur en synthèse en organique[modifier | modifier le code]

C'est un substrat de synthèse organique utile à la fabrication de médicaments tels que le tadalafil[15] (utilisé dans les troubles de l'érection et de l'HTAP), la L-DOPA [16] (servant au traitement de la maladie de Parkinson) et l'atrasentan[17] (traitement expérimental proposé dans différents cancers et dans la néphropathie diabétique).

Il peut aussi servir de précurseur indirect pour la synthèse de certaines phényléthylamines psychotropes telles que la MDA, la MDMA et la MDEA par exemple[18], qui sont classées comme stupéfiants dans la plupart des pays.

Statut légal[modifier | modifier le code]

En France le pipéronal n'est considéré ni comme un stupéfiant, ni comme un psychotrope, ni comme une substance vénéneuse au sens où il n'est pas inscrit aux annexes des arrêtés du 22 février 1990[19],[20],[21].

Par contre il est considéré par la législation européenne comme une « substance classifiée » en tant que substance de catégorie 1 visée à l'annexe I du règlement (CE) 273/2004 du 11 février 2004[22]. D'après le ministère français de l'économie, cette catégorie recense les substances qui « servent à la fabrication de drogues synthétiques et sont soumises à des contrôles plus stricts »[23]. À ce titre, toute activité y compris non lucrative impliquant cette substance (fabrication, détention, commercialisation etc.) est soumise à des obligations très strictes qui incluent notamment l'obtention préalable d'un agrément de la Mission Nationale de Contrôle des Précurseurs Chimiques (MNCPC), une déclaration d'usage, une déclaration annuelle des stocks et transactions, ainsi que des autorisations d'importation et d'exportation le cas échéant[24].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. a b et c SRC PhysProp Database
  3. Pappas JJ et al. « A new and convenient method for converting olefins to aldehydes » Tetrahedron Lett. 1966;17(36):4273-4278. https://doi.org/10.1016/S0040-4039(00)76049-7
  4. Nagai S « On the preparation of heliotropin from camphor oil » 1920;23(1):56-79 [article en Japonais]. https://doi.org/10.1246/nikkashi1898.23.56
  5. a et b Gallagher R, Shimmon R, McDonagh AM « Synthesis and impurity profiling of MDMA prepared from commonly available starting materials » Forensic Sci Internat. 2012;223:306-313. https://doi.org/10.1016/j.forsciint.2012.10.006
  6. (en) Bonthrone, W. & Cornforth, J., « "The methylenation of catechols". Journal of the Chemical Society (9) », 1969,‎ , p. 1202-1204
  7. Bashall AP & Collins JF « A convenient, high-yielding method for the methylenation of catechols » Tetrahedron Lett. 1975;16(40):3489-3490. https://doi.org/10.1016/S0040-4039(00)91391-1
  8. Clark JH, Holland HL, Miller JM « Hydrogen bonding in organic synthesis IV: A simple, high-yield method for the methylenation of catechols » Tetrahedron Lett. 1976;17(38):3361-3364. https://doi.org/10.1016/S0040-4039(00)93045-4
  9. Zelle RE & McLellan WJ « A simple, high-yielding method for the methylenation of catechols » Tetrahedron Lett. 1991;32(22);2461-2464. https://doi.org/10.1016/S0040-4039(00)74353-X
  10. Panserini P, Castelli G, Messori V «  Process for the preparation of aromatic compounds containing a heterocyclic system  » US patent 5936103 (10/08/1999). Accès libre
  11. [PDF] JP HALUK (2005) Les arbres à parfums. Bulletin de l'Académie Lorraine des Sciences 2005, 44 (1-4).
  12. (en) « Helichrysum »
  13. (en) « Global Perspectives from Early Modern to Contemporary Times By Beverly Lemire »
  14. Fenaroli's Handbook of Flavor Ingredients.
  15. (en) « Organic Communications »,
  16. (en) amada, Shun-Ichi; Fujii, Tozo; Shioiri, Takayuki, Chemical & Pharmaceutical Bulletin., (lire en ligne), "Studies on Optically Active Amino Acids. I. Preparation of 3-(3, 4-Methylenedioxyphenyl)-D-, and -L-alanine"
  17. (en) Winn, Martin; von Geldern, Thomas W.; Opgenorth, Terry J.; Jae, Hwan-Soo; Tasker, Andrew S.; Boyd, Steven A.; Kester, Jeffrey A.; Mantei, Robert A.; Bal, Radhika; Sorensen, Bryan K.; Wu-Wong, Jinshyun R.; Chiou, William J.; Dixon, Douglas B.; Novosad, Eugene I.; Hernandez, Lisa; Marsh, Kennan C., « "2,4-Diarylpyrrolidine-3-carboxylic AcidsPotent ETASelective Endothelin Receptor Antagonists. 1. Discovery of A-127722" », Journal of Medicinal Chemistry.,‎ , p. 39 (5): 1039–1048. (lire en ligne)
  18. [1] (site Erowid, consulté le 23/03/23
  19. Arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants (site Légifrance, consulté le 23/03/23)
  20. Arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances psychotropes (site Légifrance, consulté le 23/03/23)
  21. Arrêté du 22 février 1990 portant exonération à la réglementation des substances vénéneuses destinées à la médecine humaine (site Légifrance, consulté le 23/03/23)
  22. Règlement (CE) n° 273/2004 du 11 février 2004 relatif aux précurseurs de drogues (site EUR-Lex, consulté le 23/03/23)
  23. Les substances contrôlées (site du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, consulté le 23/03/23)
  24. Précurseurs de drogues – Synthèse de la réglementation (site du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, consulté le 23/03/23)