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En [[physique]], un '''phonon''' correspond à une excitation collective dans un arrangement périodique d'[[atome]]s constituant une [[cristal|structure cristalline]] ou [[Matière amorphe|amorphe]]. La déformation est [[Déformation élastique|élastique]]. L'onde qui se propage peut être assimilée à une [[quasi-particule]].
{{sources à lier|date=novembre 2015}}
[[Fichier:1D normal modes (280 kB).gif|thumb|[[Modes normaux de vibration]] progressifs de différentes [[fréquence]]s ''ν'' dans un [[cristal]]. En [[mécanique classique]], l'[[énergie]] emmagasinée dans chacun de ses modes peut varier continûment. En [[mécanique quantique]], chacun de ces modes possède une [[énergie]] quantifiée ''E'' = (''n''+1/2) ''hν'', où ''n'' est un [[nombre entier|entier]] indiquant le nombre de phonons ; les modes ne peuvent acquérir ou céder de l'énergie que par paquets de ''hν''.]]


Ils permettent d'expliquer les propriété physiques des solides :
En [[physique de la matière condensée]], un '''phonon''' (du [[grec ancien]] {{grec ancien|φωνή}} / ''phonê'', la voix) désigne un [[quantum]] d'[[énergie]] de [[vibration]] dans un [[État solide|solide]] [[cristal]]lin<ref>[http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/phonon/60353 Définition sur le site Larousse].</ref> : lorsqu'un mode de vibration du cristal de [[fréquence]] définie ''ν'' cède ou gagne de l'[[énergie]], il ne peut le faire que par paquets d'énergie ''hν'', ''h'' étant la [[constante de Planck]]. Ce paquet est considéré comme une ''[[quasi-particule]]'', à savoir une particule ''fictive'' appelée phonon. Le cristal est alors réputé échanger des phonons lorsqu'il perd ou gagne de l'énergie. Le concept permet une [[analogie]] avec la [[lumière]] qui possède des propriétés similaires : elle se manifeste tantôt comme une [[onde]], tantôt comme un paquet d'énergie ''hν'', qui correspond à une [[particule élémentaire]] appelée [[photon]].
* la [[capacité calorifique]] ;
* la [[conductivité thermique]] ;
* la capacité à propager le [[Son (physique)|son]] ;
* la [[dilatation thermique]] ;


== Définition ==
Le phonon est une notion de [[mécanique quantique]] faisant appel au concept de [[dualité onde-corpuscule]] : selon le contexte expérimental, il peut se manifester soit comme une onde, soit comme un paquet élémentaire. Si l'étude des phonons prend une part importante dans la physique de la matière condensée, c'est qu'ils jouent un rôle important dans un grand nombre de propriétés physiques des solides dont :
* la [[capacité calorifique]], ou capacité à stocker la [[transfert thermique|chaleur]] ;
* la [[conductivité thermique]], ou capacité à conduire la chaleur ;
* la [[conductivité électrique]], ou capacité à conduire le [[courant électrique]] ;
* la capacité à propager le son.
La [[mécanique classique]], qui ne prend en compte que l'aspect vibratoire, n'est pas capable d'expliquer en totalité ces propriétés.


Le concept de phonon<ref>{{article|langue=en|auteur=Alexei Kojevnikov|titre=Freedom, collectivism, and quasiparticles: Social metaphors in quantum physics|périodique=Historical Studies in the Physical and Biological Sciences |volume=29|numéro=2|date=1999|pages=295-331}}</ref> a été créé par [[Igor Tamm]] en 1930<ref>{{article|langue=de|auteur=[[Igor Tamm]]|titre=Über die Quantentheorie der molecularen in festen Cörpern|périodique=Zeitschrift für Physik|volume=60|date=1930|pages=345-363}}</ref> et le mot « phonon » (du [[grec ancien]] {{grec ancien|φωνή}} / ''phonê'', la voix) a été inventé en 1932 par [[Yakov Frenkel]]<ref>{{article|langue=en|auteur=[[Yakov Frenkel]]|titre=On the elementary derivation of some relations in the electron theory of metals|périodique=PZSU|date=1932|volume=2|pages=247-253}}</ref>. Le suffixe « -on », qui apparaît dans le nom de nombreuses entités de la physique de la matière condensée (excitons, magnons, etc.) a été calqué sur la fin du mot « électron » (mot inventé par [[George Stoney]] en 1891)<ref>{{article|langue=en|auteur1=C. T. Walker|auteur2=G. A. Slack|titre=Who named the -ON'S?|périodique=[[American Journal of Physics]]|volume=38|page=1380|date=1970}}</ref>.
== Introduction ==


Un phonon est la description [[mécanique quantique|quantique]] du mouvement [[vibration|vibratoire]] élémentaire dans lequel un [[réseau]] d'atomes ou d'[[Cristal ionique|ions]] oscille uniformément à une [[fréquence ]] donnée<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur=Steven Simon|titre=The Oxford Solid State Basics|date=2013|édition=[[Oxford University Press]]|isbn=978-0-19-968077-1|pages=82}}</ref>. En [[mécanique classique]] cela correspond à un [[mode normal]] de vibration. L'[[analyse de Fourier]] permet de décomposer toute vibration du réseau comme une [[principe de superposition|superposition]] de ces modes de vibration ''élémentaires''. Alors que les modes normaux de la mécanique classique sont traités comme des phénomènes [[onde|ondulatoires]], les phonons [[Dualité onde-corpuscule|peuvent être assimilés]] à une particule de la mécanique quantique.
=== Origine du mot « phonon » ===


== Dynamique du réseau cristallin ==
Le concept de phonon a été créé par [[Igor Tamm]] en 1930 et le mot « phonon » a été inventé en 1932 par [[Yakov Frenkel]]. Le suffixe « -on », qui apparaît dans le nom de nombreuses entités de la physique de la matière condensée (excitons, magnons, etc.) a été calqué sur la fin du mot « électron » (mot inventé par [[George Stoney]] en 1891)<ref>{{en}} C. T. Walker, G. A. Slack, « {{Langue|en|Who named the -ON'S?}} », ''{{Langue|en|Am. J. Phys.}}'' 38, 1380 (1970) ; https://dx.doi.org/10.1119/1.1976141.</ref>.


Dans un solide, il existe des forces d'interaction (essentiellement les [[liaison covalente|forces covalentes]] dans notre cas) qui maintiennent chaque atome près d'une position d'équilibre. L'interaction entre chaque paire d'atomes peut être caractérisée par une fonction d'[[énergie potentielle]] <math>\textstyle V_{ij}</math> qui ne dépend que de la distance <math>\textstyle r_{ij}</math> entre chacun des couples de ces <math>\textstyle N</math> atomes et de leur nature. L'énergie potentielle du réseau dans son ensemble est la somme des énergies potentielles d'interaction de chaque paire :
=== Solide cristallin en mécanique classique ===
Les '''phonons''' sont l'équivalent en [[mécanique quantique]] d'une catégorie particulière de mouvements vibratoires connus sous le nom de [[mode normal|modes normaux de vibration]] en [[mécanique classique]]. Un mode normal de vibration est un mode dans lequel chaque élément d'un réseau vibre à la même [[fréquence]]. Ces modes ont une grande importance, notamment parce que tout mouvement de type vibration dans un solide peut être représenté comme la superposition d'un certain nombre de modes normaux de vibrations de fréquences différentes : ils peuvent être compris comme les vibrations ''élémentaires'' du réseau.


::<math>E = \sum_{i=1}^N \sum_{j=i+1}^N V_{ij}(r_{ij})</math>
=== Quantification des modes de vibration ===
Bien que les modes normaux de vibration soient des entités de type ondulatoire, ils peuvent acquérir en partie un comportement de type particulaire quand le réseau est étudié au travers des lois de la mécanique quantique (du fait de la [[dualité onde-corpuscule]]). Ils sont alors nommés phonons. Les phonons sont des [[quasi-particule]]s de [[spin]] 0 ([[boson]]s qui obéissent donc à la [[statistique de Bose-Einstein]]).


Cette expression, caractéristique d'un [[Problème à N corps|problème à ''N'' corps]], ne se prête pas à une résolution que ce soit en [[mécanique classique]] ou en [[mécanique quantique]]. Il est donc nécessaire de procéder à des approximations pour poursuivre l'analyse. Les trois approximations généralement employées sont :
== Définition des phonons ==
* restreindre l'étude à un nombre limité d'atomes en utilisant des conditions aux limites périodiques. Cette simplification appelée [[Conditions de Born-von Karman|hypothèse de Born-von Kármán]] suppose implicitement que l'on saura traiter le cas <math>\textstyle N\to\infty</math>. Une conséquence peu mise en avant est le fait qu'un tel modèle est inapte à traiter les conditions au bord du solide<ref name=Klemens>{{ouvrage|title=Encyclopedia of Physics|series=Low Temperature Physics I |auteur=P. G. Klemens |chapter=Thermal Conductivity of Solids at Low Temperatures |pages=198-281 |date=1956 |publisher=Springer-Verlag|isbn=978-3-662-38851-8}}</ref> ;
Les phonons n'existent qu'au sein d'un [[structure cristalline|réseau cristallin]] comportant un grand nombre de particules et les seules structures physiques connues correspondant à cette définition sont les [[cristal|solides cristallins]]. Dans la suite nous ne traiterons donc des phonons que dans ce cadre et, pour la clarté de l'exposé, nous appellerons les particules constituant le réseau « [[atome]]s », bien qu'il puisse s'agir d'[[ion]]s dans un [[solide ionique]].
* restreindre la sommation aux atomes voisins (''approximation des voisins les plus proches''). En effet, bien que rigoureusement les forces électriques aient une portée infinie dans un solide réel, cette approximation est valide car les forces s'exerçant sur des atomes éloignés sont [[écrantage|écrantées]] et donc négligeables ;
* considérer que le potentiel V est un [[oscillateur harmonique|potentiel harmonique]], ce qui est valide lorsque les atomes restent proches de leurs positions d'équilibre. Formellement, cette hypothèse s'applique en effectuant un [[série de Taylor|développement de Taylor]] du potentiel autour de la valeur d'équilibre et en ne gardant que les termes jusqu'à l'ordre 2. Dans certains cas cette approximation est insuffisante et l'on doit monter en ordre au prix d'une plus grande complexité du problème.
Bien entendu l'analyse prend en compte le fait qu'il s'agit d'un [[cristallographie|réseau cristallin]] qui reproduit un certain nombre de cellules de base : le [[réseau de Bravais]].


Pour un potentiel <math>\textstyle V_{ij}</math> harmonique le potentiel global s'écrira en ne retenant que les interactions entre proches voisins (noté ''pv'') :
=== Aspects mécaniques : mouvement de particules dans un réseau ===
::<math>E = \frac{1}{2} \sum_{i=1}^N \sum_{pv} \mu_{ij}\omega_{ij}^2R_{ij}^2</math>
Dans un solide, il existe des forces d'interaction ([[force de van der Waals]], [[liaison covalente|forces covalentes]], etc.) qui maintiennent chaque atome près d'une position d'équilibre. Ce sont principalement des forces de type [[électrique]], les forces de type [[magnétique]] étant généralement négligeables. L'interaction entre chaque paire d'atomes peut être caractérisée par une fonction d'[[énergie potentielle]] V qui ne dépend que de la distance entre ces atomes et qui est la même pour toutes les paires d'atomes. L'énergie potentielle du réseau dans son ensemble est la somme des énergies potentielles d'interaction de chaque paire :
où :
* <math>\textstyle \mu_{ij}=\left(m_i^{-1}+m_j^{-1}\right)^{-1}</math> est la masse réduite ;
* <math>\textstyle \omega_{ij}</math> est la [[Fréquence|pulsation]] propre au couple (i,j) ;
* <math>\textstyle R_{ij}</math> est la distance <math>\textstyle r_{ij}</math> pour un réseau cristallin au repos.


== Réseau unidimensionnel ==
:<math>
[[Fichier:1D normal modes (280 kB).gif|thumb|Oscillations des premiers [[modes normaux de vibration]] dans un réseau unidimensionnel. Les déplacements sont exagérés pour une bonne visualisation.]]
E = \frac{1}{2} \sum_{i \ne j} V(r_i - r_j) \,
On traite ci-dessous le réseau à une seule dimension qui permet de comprendre les concepts du domaine.
</math>


=== Approche classique ===
où ''r<sub>i''</sub> est la position du ''i''{{e}} atome, et le facteur 1/2 compense le fait que chaque paire est comptée deux fois (comme (''i'', ''j'') et comme (''j'', ''i'')).
On étudie donc un tel réseau, homogène (un seul type d'atome), comportant N atomes de masse m positionnés en <math>\textstyle \;x_i\,,\; i=1..N\;</math> liés entre eux par un potentiel harmonique représenté par un ressort de [[constante élastique]] C. À l'équilibre la distance entre atomes est a. Avec l'approximation de périodicité et celle de la seule influence des voisins proches, on peut écrire la dynamique du système physique par le système d'équation [[cinématique]]s suivant :
::<math>m\frac{d^2 x_i}{dt^2}=C(x_{i+1}-x_{i-1})-2Cx_i\,,\quad i=1..N\,,\quad x_0=x_N\,,\;x_{N+1}=x_1</math>
La solution étant supposée oscillatoire on utilise pour obtenir un découplage des équations du système une [[transformation de Fourier discrète]]<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur=Richard D. Mattuck|titre=A Guide to Feyman Diagrams in the Many-Body Problem|éditeur=[[Dover Publications|Dover Books on Physics and Chemistry]]|date=1967|url=https://webéducation.com/wp-content/uploads/2018/12/A-Guide-to-Feynman-Diagrams-in-the-Many-Body-Problem.pdf}}</ref>. On définit les coordonnées normales :
::<math>Q_k=\sum_{i=1}^N x_i e^{-j\frac{2\pi}{N}ka} \;\Longleftrightarrow\; x_i = \sum_{k=1}^N Q_k e^{jkia}\,, \quad k = {n\pi \over Na}\,,\quad n = 1, ... , N</math>
où j est l'[[unité imaginaire]].


On obtient un système d'équations découplées<ref name=Misra/> :
Cette expression, caractéristique d'un [[Problème à N corps|problème à ''N'' corps]], ne se prête pas à une résolution que ce soit en [[mécanique classique]] ou en [[mécanique quantique]]. Il est donc nécessaire de procéder à des approximations pour poursuivre l'analyse. Les deux approximations généralement employées sont :
::<math>\frac{d^2 Q_k}{dt^2}=2\Omega^2(\cos ka-1)Q_k\,,\quad \Omega=\sqrt{\frac{C}{m}}</math>
* restreindre la sommation aux atomes voisins. En effet, bien que rigoureusement les forces électriques aient une portée infinie dans un solide réel, cette approximation est valide car les forces s'exerçant sur des atomes éloignés sont [[écrantage|écrantées]] et donc négligeables ;
La solution de chaque équation s'écrit comme une fonction sinusoïdale d'amplitude <math>\textstyle A_k</math> :
* considérer que le potentiel V est un [[oscillateur harmonique|potentiel harmonique]], ce qui est valide lorsque les atomes restent proches de leurs positions d'équilibre. (Formellement, cette hypothèse s'applique en effectuant un [[série de Taylor|développement de Taylor]] du potentiel V autour de la valeur d'équilibre et en ne gardant que le premier terme non-constant, qui est d'ordre 2.)
::<math>X_k=A_ke^{i\omega_k t}\,,\quad \omega_k=\Omega\sqrt{2(1-\cos ka)}=2\Omega\left|\sin\frac{ka}{2}\right|</math>
Il est possible de relâcher l'une ou l'autre des hypothèses, pour la première en considérant l'interaction avec des voisins plus éloignés et pour la deuxième en ajoutant des termes d'ordres supérieurs. Dans la plupart des cas, l'inclusion de ces termes ne modifie pas significativement la solution.
Elle constitue un [[mode normal]] de [[nombre d'onde]] k et de [[Fréquence|pulsation]] <math>\textstyle \omega_k</math>.


La relation <math>\textstyle k\to \omega_k</math> constitue la [[relation de dispersion]].
Le réseau peut être visualisé comme un système de balles liées par des [[ressort]]s. La figure ci-dessous illustre deux types de réseau décrits de cette manière. La figure de gauche montre un [[structure cristalline|réseau cubique]] (réseau correspondant à un nombre important de solides cristallins, dont notamment de nombreux [[métal|métaux]]). La figure de droite montre une chaîne linéaire, un réseau très simple permettant une approche aisée de la modélisation des phonons. Pour plus d'information sur les réseaux cristallins, voir l'article [[cristallographie]].


Dans la limite du continu obtenue pour <math>\textstyle N\to\infty\,,a\to 0\,,Na=C^{ste}</math> on obtient un champ d'oscillateurs harmonique de pulsation <math>\textstyle \omega(k)=\Omega ak</math>.
<center>
[[Fichier:Cubic.svg]] &nbsp; &nbsp; &nbsp;
[[Fichier:chaine lineaire atomes.png]]
</center>


=== Approche quantique ===
L'énergie potentielle du réseau peut maintenant s'écrire :
L'[[hamiltonien]] du système [[oscillateur harmonique quantique|s'écrit]] :

::<math> \mathbf{H} = \sum_{i=1}^N {P_i^2 \over 2m} + {1\over 2} m \omega^2 \sum_{i=1}^N\sum_{pv} (X_i - X_j)^2 </math>
:<math>
E=\frac{1}{2}\sum_{i \ne j (pv)} {1\over2} m \omega^2 (R_i - R_j)^2
* <math>\textstyle X_i</math> est l'opérateur position pour l'atome i ;
</math>
* <math>\textstyle P_i</math> est l'opérateur [[impulsion (physique)|impulsion]].

* '''ω''' est la pulsation propre des potentiels harmoniques ;
* '''''m''''' est la masse des atomes ;
* '''''R<sub>i</sub>''''' est la coordonnée du ''i''{{e}} atome, considéré maintenant ''par rapport à sa position d'équilibre'' ;
* le symbole '''''pv''''' indique que la sommation est effectuée uniquement sur les plus proches voisins.

=== Ondes dans un réseau ===
[[Fichier:phonon dans un reseau.png|thumb|Phonon dans un réseau.]]
Du fait des [[Force (physique)|force]]s s'exerçant entre les différents [[atome]]s du [[structure cristalline|réseau cristallin]], le déplacement d'un ou plusieurs atomes autour de leur position d'équilibre entraînera une série d'[[onde]]s de vibrations se propageant dans le réseau. La figure ci-contre montre une onde de vibration dans un réseau. L'[[amplitude]] de l'onde est donnée par l'amplitude du déplacement des atomes autour de leur position d'équilibre. La [[longueur d'onde]] correspond au plus petit intervalle entre deux répétitions identiques de l'arrangement des atomes. Elle est notée λ sur la figure.

Toutes les longueurs d'onde de vibration ne sont pas possibles. Notamment, il existe une longueur d'onde minimale donnée par la distance entre les atomes ''a''. Nous verrons plus loin qu'une onde de longueur d'onde plus faible que ''a'' est en fait identique à une longueur d'onde plus grande que ''a''.

Toutes les vibrations possibles du réseau ne possèdent pas nécessairement une longueur d'onde (ou une [[fréquence]]) bien définie. C'est cependant le cas pour les [[mode normal|modes normaux]] de vibration (les vibrations élémentaires du réseau), que nous allons examiner plus en détail dans les paragraphes suivants.

=== Phonons dans un réseau 1D ===
Considérons une chaîne unidimensionnelle composée de ''N'' atomes pour lesquels les [[oscillateur harmonique|potentiels sont harmoniques]]. Ce système est le modèle le plus simple pour un [[structure cristalline|réseau cristallin]]. Le formalisme mathématique que nous allons développer dans la suite (dans le cadre de la [[mécanique quantique]]) est facilement généralisable à des systèmes à deux ou trois dimensions.

:<math> \mathbf{H} = \sum_{i=1}^N {P_i^2 \over 2m} + {1\over 2} m \omega^2 \sum_{\{ij\} (pv)} (X_i - X_j)^2
</math>

:* '''''m''''' est la masse des atomes.
:* '''''X<sub>i</sub>''''' est l'opérateur ''position''.
:* '''''P<sub>i</sub>''''' est l'opérateur ''[[impulsion (physique)|impulsion]]''.

Une description plus approfondie de cet [[opérateur hamiltonien|hamiltonien]] est donnée dans l'article [[oscillateur harmonique quantique]]


On définit :
On définit :

* 2''N''+1 « coordonnées normales » ''Q<sub>k</sub>'' définies comme les [[transformée de Fourier|transformées de Fourier]] des opérateurs position ''X<sub>i</sub>'' ;
* 2''N''+1 « coordonnées normales » ''Q<sub>k</sub>'' définies comme les [[transformée de Fourier|transformées de Fourier]] des opérateurs position ''X<sub>i</sub>'' ;
* 2''N''+1 « moments conjugués » Π<sub>''k''</sub> définis comme les [[transformée de Fourier|transformées de Fourier]] des opérateurs impulsion ''P<sub>i</sub>''.
* 2''N''+1 « moments conjugués » Π<sub>''k''</sub> définis comme les [[transformée de Fourier|transformées de Fourier]] des opérateurs impulsion ''P<sub>i</sub>''.
:<math>\begin{matrix}
::<math>\begin{matrix}
X_j &=& {1\over\sqrt{N}} \sum_{k} Q_k e^{ikja} \\
X_i &=& {1\over\sqrt{N}} \sum_{k} Q_k e^{jkia} &\,, \quad k = {n\pi \over Na}\,,
P_j &=& {1\over\sqrt{N}} \sum_{k} \Pi_k e^{-ikja} \\
\quad n = 0, \pm 1, \pm 2, ... , \pm N \\
P_i &=& {1\over\sqrt{N}} \sum_{k} \Pi_k e^{-jkia}& \\
\end{matrix}</math>
\end{matrix}</math>


''k'' est le [[nombre d'onde]] du phonon qui prend des valeurs quantifiées résultant du choix de la périodicité du système.
La quantité ''k'' est le [[nombre d'onde]] du phonon, c’est-à-dire 2π divisé par la [[longueur d'onde]]. Ce nombre prend des valeurs quantifiées parce que le nombre d'atomes du système est fini. La forme de la quantification dépend du choix des [[conditions aux limites]]. Par souci de simplification, nous imposons dans la suite des conditions aux limites [[fonction périodique|périodiques]] (aussi appelées conditions de Born von Karman), c’est-à-dire que nous considérons que l'atome ''N''+1 est équivalent au premier atome. Physiquement, cela correspond à former une boucle avec la chaîne en faisant se rejoindre les deux extrémités. Le résultat de la quantification est :
:<math> k = {n\pi \over Na}
\quad \hbox{pour}\ n = 0, \pm 1, \pm 2, ... , \pm N </math>


En inversant la [[transformée de Fourier]] pour exprimer les ''Q<sub>k''</sub> en fonction des ''X<sub>i''</sub> et les Π<sub>''k''</sub> en fonction des ''P<sub>i''</sub>, et en utilisant les relations de commutations canoniques entre les ''X<sub>i''</sub> et les ''P<sub>i''</sub> de la [[mécanique quantique]] :
La limite supérieure de ''n'' provient de la condition aux limites choisies (l'atome en position ''x''<sub>1</sub> est identique à l'atome en position ''x''<sub>''N''+1</sub>). ''k'' peut donc prendre 2''N''+1 valeurs.


::<math>\left[ Q_k , \Pi_{k'} \right] = i \hbar \delta_{k k'} \,,\quad
En inversant la [[transformée de Fourier]] pour exprimer les ''Q<sub>k''</sub> en fonction des ''X<sub>i''</sub> et les Π<sub>''k''</sub> en fonction des ''P<sub>i''</sub>, et en utilisant les relations de commutations canoniques entre les ''X<sub>i''</sub> et les ''P<sub>i''</sub>, on peut montrer que (voir l'article « [[Mécanique quantique]] ») :
\quad \left[ Q_k , Q_{k'} \right] = \left[ \Pi_k , \Pi_{k'} \right] = 0</math>


En d'autres termes, les coordonnées normales ''Q<sub>k</sub>'' et leurs moments conjuguées Π''<sub>k</sub>'' obéissent aux mêmes relations de commutation que les opérateurs position ''X<sub>i</sub>'' et impulsion ''P<sub>i</sub>''. En fonction de ces grandeurs, l'hamiltonien s'écrit :
:<math>
\left[ Q_k , \Pi_{k'} \right] = i \hbar \delta_{k k'} \quad
;\quad \left[ Q_k , Q_{k'} \right] = \left[ \Pi_k , \Pi_{k'} \right] = 0
</math>


::<math> \mathbf{H} = \sum_k \left(
En d'autres termes, les coordonnées normales ''Q<sub>k</sub>'' et leurs moments conjuguées Π''<sub>k</sub>'' obéissent aux mêmes relations de commutation que les opérateurs position ''X<sub>i</sub>'' et impulsion ''P<sub>i</sub>''. En fonction de ces grandeurs, le hamiltonien s'écrit :
{ \Pi_k\Pi_{-k} \over 2m } + {1\over2} m \omega_k^2 Q_k Q_{-k}\right) </math>

:<math> \mathbf{H} = \sum_k \left(
{ \Pi_k\Pi_{-k} \over 2m } + {1\over2} m \omega_k^2 Q_k Q_{-k}
\right) </math>


avec
avec


:<math> \omega_k = \sqrt{2 \omega^2 (1 - \cos(ka))} </math>
::<math> \omega_k = \Omega\sqrt{2 (1 - \cos ka )}=2\Omega\left|\sin\frac{ka}{2}\right| </math>


Le couplage entre les variables positions a été transformé. Si les ''Q<sub>k</sub>'' et les ''Π<sub>k</sub>'' étaient [[hermitien]]s (ce qui n'est pas le cas), le hamiltonien transformé décrirait ''N'' oscillateurs harmoniques ''non couplées''. En fait, ce hamiltonien décrit une [[théorie quantique des champs]] de [[boson]]s non interagissant.
Le couplage entre les variables positions a été transformé. Si les ''Q<sub>k</sub>'' et les ''Π<sub>k</sub>'' étaient [[hermitien]]s (ce qui n'est pas le cas), l'hamiltonien transformé décrirait ''N'' oscillateurs harmoniques ''non couplées''. En fait, cet hamiltonien décrit une [[théorie quantique des champs]] de [[boson]]s découplés.


Le spectre des énergies propres de cet hamiltonien est obtenu en utilisant les opérateurs adjoints ''création'' et ''annihilation'' ''a<sub>k</sub>''<sup>†</sup> et ''a<sub>k</sub>'' définis comme :
Le spectre des énergies propres de cet hamiltonien est obtenu en utilisant les [[Oscillateur harmonique quantique|opérateurs adjoints ''création'' et ''annihilation'' de quantum d'énergie]] ''a<sub>k</sub>''<sup>†</sup> et ''a<sub>k</sub>'' définis comme :


:<math>\begin{matrix}
:<math>\begin{matrix}
Ligne 120 : Ligne 95 :
\end{matrix}</math>
\end{matrix}</math>


Ces opérateurs adjoints vérifient :
Pour plus de précisions, voir l'article [[Oscillateur harmonique quantique]].
Les opérateurs adjoints vérifient l'identité :


:<math>\mathbf{H} = \sum_k \hbar \omega_k \left(a_k^{\dagger}a_k + 1/2\right) </math>
::<math>\mathbf{H} = \sum_k \hbar \omega_k \left(a_k^{\dagger}a_k + 1/2\right) </math>
:<math>[a_k , a_{k'}^{\dagger} ] = \delta_{kk'}</math>
::<math>[a_k , a_{k'}^{\dagger} ] = \delta_{kk'}</math>
:<math>[a_k , a_{k'} ] = [a_k^{\dagger} , a_{k'}^{\dagger} ] = 0.</math>
::<math>[a_k , a_{k'} ] = [a_k^{\dagger} , a_{k'}^{\dagger} ] = 0.</math>


Comme dans le cas de l'[[oscillateur harmonique quantique]], on peut montrer que les opérateurs ''a<sub>k</sub>''<sup>†</sup> et ''a<sub>k</sub>'' correspondent respectivement à la création et l'annihilation d'une excitation d'énergie ℏω<sub>''k''</sub>. Cette excitation est un phonon.
Comme dans le cas de l'[[oscillateur harmonique quantique]], on peut montrer que les opérateurs ''a<sub>k</sub>''<sup>†</sup> et ''a<sub>k</sub>'' correspondent respectivement à la création et l'annihilation d'une excitation d'énergie ℏω<sub>''k''</sub>. Cette excitation est un phonon<ref>[http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/phonon/60353 Définition sur le site Larousse].</ref>, correspondant à l'intervalle d'énergie relative à un phonon entre deux niveaux du mode k :
::<math>E_n=\left(n+\tfrac12\right)\hbar \omega_k \,,\quad n=1,2,3...</math>


On peut immédiatement en déduire deux propriétés importantes des phonons. D'abord, les phonons sont des [[boson]]s : tout mode de vibration ''k'' peut voir son nombre d'excitation augmenter par l'application répétée de l'opérateur création ''a<sub>k</sub>''<sup>†</sup>. En second lieu, chaque phonon est un « mode collectif » correspondant au mouvement de la (quasi) totalité des atomes du réseau. Cette seconde conclusion se voit dans le fait que les opérateurs adjoints contiennent des sommations sur les positions et les impulsions de tous les atomes du réseau.
On peut immédiatement en déduire deux propriétés importantes des phonons. D'abord, les phonons sont des [[boson]]s : tout mode de vibration ''k'' peut voir son nombre d'excitation augmenter par l'application répétée de l'opérateur création ''a<sub>k</sub>''<sup>†</sup>. En second lieu, chaque phonon est un « mode collectif » correspondant au mouvement de la (quasi) totalité des atomes du réseau. Cette seconde conclusion se voit dans le fait que les opérateurs adjoints contiennent des sommations sur les positions et les impulsions de tous les atomes du réseau.


Il n'est pas évident ''a priori'' que les excitations générées par les opérateurs adjoints sont littéralement des ondes de déplacement d'atomes du réseau. On peut s'en convaincre en calculant la [[fonction de corrélation]] ''position-position''. Soit |''k''> un état pour lequel un seul quantum de mode ''k'' est excité, c’est-à-dire :
On peut voir que les excitations générées par les opérateurs adjoints sont des ondes de déplacement d'atomes du réseau en calculant la [[Autocorrélation|fonction de corrélation]] ''position-position''. Soit <math>\textstyle | k \rangle</math> un état pour lequel un seul quantum de mode ''k'' est excité, c’est-à-dire :


:<math>\begin{matrix}
::<math>\begin{matrix}
| k \rangle = a_k^\dagger | 0 \rangle
| k \rangle = a_k^\dagger | 0 \rangle
\end{matrix}</math>
\end{matrix}</math>
Ligne 139 : Ligne 114 :
On peut alors montrer que pour deux atomes ''i'' et ''j'' quelconques :
On peut alors montrer que pour deux atomes ''i'' et ''j'' quelconques :


:<math>\langle k | x_i(t) x_j(0) | k \rangle = \frac{\hbar}{Nm\omega_k} \cos \left[ k(i-j)a - \omega_k t \right] + \langle 0 | x_i(t) x_j(0) |0 \rangle </math>
::<math>\langle k | x_i(t) x_j(0) | k \rangle = \frac{\hbar}{Nm\omega_k} \cos \left[ k(i-j)a - \omega_k t \right] + \langle 0 | x_i(t) x_j(0) |0 \rangle </math>


ce qui est exactement le résultat attendu pour une onde du réseau de [[fréquence angulaire|pulsation]] ω<sub>''k''</sub> et de [[nombre d'onde]] ''k''.
ce qui décrit une onde du réseau de [[fréquence angulaire|pulsation]] ω<sub>''k''</sub> et de [[nombre d'onde]] ''k''.


== Réseau tridimensionnel ==
=== Phonons dans un réseau 3D ===
La généralisation à trois dimensions du modèle unidimensionnel précédent est aisée (mais assez lourde). Le [[nombre d'onde]] ''k'' est remplacé par un vecteur à trois dimensions, le [[nombre d'onde|vecteur d'onde]] <math> \vec k </math>. De plus, <math> \vec k </math>, est maintenant associé à ''trois'' coordonnées normales. L’hamiltonien a la forme :
La généralisation à trois dimensions du modèle unidimensionnel précédent est aisée (mais assez lourde). Le [[nombre d'onde]] ''k'' est remplacé par un vecteur à trois dimensions, le [[nombre d'onde|vecteur d'onde]] <math> \vec k </math>. De plus, <math> \vec k </math> est maintenant associé à ''trois'' coordonnées normales. L’hamiltonien a la forme :


:<math>
::<math>
\mathbf{H} = \sum_k \sum_{s=1}^3 \hbar \, \omega_{k,s}
\mathbf{H} = \sum_k \sum_{s=1}^3 \hbar \, \omega_{k,s}
\left( a_{k,s}^{\dagger}a_{k,s} + \frac{1}{2} \right)
\left( a_{k,s}^{\dagger}a_{k,s} + \frac{1}{2} \right)
</math>
</math>


Le nouvel indice ''s'' = 1, 2, 3 correspond à la [[Polarisation (optique)|polarisation]] des phonons. En effet, dans un modèle unidimensionnel, les atomes ne peuvent vibrer que sur une ligne, et tous les phonons correspondent à une [[ondes mécaniques progressives|onde longitudinale]]. En revanche en trois dimensions, la vibration ne se fait plus uniquement dans la direction de propagation, mais peut également lui être perpendiculaire. Elle correspond alors à une [[ondes mécaniques progressives|onde transverse]]. Cela donne naissance à des coordonnées normales supplémentaires, qui comme l'expression du hamiltonien l'indique, correspondent à des espèces indépendantes de phonons.
Le nouvel indice ''s'' = 1, 2, 3 correspond à la [[Polarisation (optique)|polarisation]] des phonons. En effet, dans un modèle unidimensionnel, les atomes ne peuvent vibrer que sur une ligne, et tous les phonons correspondent à une [[ondes mécaniques progressives|onde longitudinale]]. En revanche en trois dimensions, la vibration ne se fait plus uniquement dans la direction de propagation, mais peut également lui être perpendiculaire. Elle correspond alors à une [[ondes mécaniques progressives|onde transverse]]. Cela donne naissance à des coordonnées normales supplémentaires, qui comme l'expression de l'hamiltonien l'indique, correspondent à des espèces indépendantes de phonons.


== Courbe de dispersion ==
== Comportement et propriétés des phonons ==
[[File:Relation dispersion monomere et dimere.jpg|thumb|Relations de dispersion pour des chaînes monoatomique et diatomique linéaires (cas <math>\textstyle m_1=m\;,m_2=2m</math>)]]
=== Courbe de dispersion ===
Dans le cas d'un réseau monoatomique la relation de dispersion <math>\textstyle \omega=f(k)</math> est périodique, de période <math>\textstyle \frac{2\pi}{a}</math>. Elle est nulle en <math>\textstyle k=0</math> et approximativement linéaire à partir de ce point pour les faibles valeurs de k. Dans cette région les [[Vitesse d'une onde|vitesses de phase et de groupe]] sont égales <math>\textstyle \frac{d\omega}{dk}=\frac{\omega}{k}=\Omega a</math>. La valeur <math>\textstyle k=0</math> correspond à une longueur d'onde infinie : le réseau cristallin de déplace en bloc.
[[Fichier:Monoatomic_chain_phonon_dispersion.svg|thumb|Courbe de dispersion.]]
Dans la discussion des phonons dans un modèle unidimensionnel, nous avons obtenu une équation liant la pulsation d'un phonon ω<sub>k</sub> à son nombre d'onde ''k'' :


Dans le cas général il existe plusieurs atomes différents dans le réseau. On peut calculer la relation de dispersion analytiquement dans les cas d'un réseau unidimensionnel alterné à deux atomes de masses <math>\textstyle m_1</math> et <math>\textstyle m_2</math><ref name=Misra>{{ouvrage |titre=Physics of Condensed Matter |auteur=Prasanta Kumar Misra |url=https://books.google.fr/books?id=J6rMISLVCmcC&pg=PA44&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false |pages=44-47 |chapitre=§2.1.2 et 2.1.3 |publisher=[[Academic Press]] |isbn=978-0-12-384954-0 |date=2010}}</ref> :
:<math> \omega_k = \sqrt{2 \omega^2 (1 - \cos(ka))} </math>
::<math>\omega_\pm^2 = C\left(\frac{1}{m_1} +\frac{1}{m_2}\right) \pm C \sqrt{\left(\frac{1}{m_1} +\frac{1}{m_2}\right)^2-\frac{4\sin^2\frac{ka}{2}}{m_1 m_2}}</math>
Il existe deux branches :
* la branche inférieure, analogue à celle de la chaîne monoatomique et correspondante aux grandes longueurs d'onde est appelée branche acoustique ;
* la branche supérieure est appelée branche optique car elle correspond à des longueurs d'onde dans l'infrarouge. Cette branche correspondant à des oscillations en opposition de phase des voisins, elle est apte à générer un dipôle électrique oscillant dans un [[Cristal ionique|réseau ionique]], donc à une interaction avec un photon.
Cette configuration est générale et permet d'établir une nomenclature des phonons suivant que ceux-ci sont acoustiques (A) ou optiques (O), polarisés longitudinalement (L) ou transversalement (T). D'où les appellations : LA, LO, TA et TO.


La présence de [[Théorie des bandes|bandes de fréquences interdites]] est une caractéristiques de la physique des solides.
Cette équation est connue sous le nom de [[relation de dispersion]]. La courbe ci-contre décrit son comportement.


== Le phonon comme pseudo-particule ==
La vitesse de propagation d'un phonon dans le réseau, qui correspond notamment à la [[vitesse du son|vitesse de propagation du son]] dans un solide, est donnée par la pente de la relation de dispersion : ∂ω<sub>k</sub>/∂k. Avec de faibles valeurs de k (c’est-à-dire aux grandes longueurs d'onde), la relation de dispersion est presque linéaire, et la vitesse du son est proche de ωa, indépendamment de la fréquence du phonon. En conséquence, un paquet de phonons de longueurs d'onde différentes (mais grandes) peut se propager sur de longues distances dans un réseau sans que les phonons se séparent. C'est la raison pour laquelle le [[son (physique)|son]] se propage dans les solides sans distorsion significative (en quelque sorte, les ondes de grande longueur d'onde ne sont pas influencées par la structure microscopique du matériau). Ce comportement n'est plus vrai pour de grandes valeurs de k (c’est-à-dire des longueurs d'onde courtes), pour lesquelles la vitesse de propagation dépend de manière significative de la longueur d'onde.


=== Pseudo-quantité de mouvement ===
La physique du son dans les solides est très différente de la physique du son dans l'[[air]], bien qu'il s'agisse dans les deux cas d'ondes de vibration. Ceci est dû au fait que dans l'air, le son se propage dans un [[gaz]] formé de [[molécule]]s animées de mouvement aléatoires, et non pas dans un réseau organisé.


Il est tentant de considérer un phonon de [[nombre d'onde|vecteur d'onde]] <math>\textstyle \,\vec k\, </math> comme s'il possédait une [[quantité de mouvement]] <math>\textstyle \,\hbar\vec k\,</math>, par analogie avec les [[photon]]s, ou toutes les ondes correspondant à un corpuscule ([[dualité onde-corpuscule]]). Ce n'est pas tout à fait correct, car <math>\textstyle \, \hbar\vec k\, </math> n'est pas réellement une quantité de mouvement physique. Il est nommé ''pseudo- quantité de mouvement'' ou ''« impulsion » de vibration''. Ceci est dû au fait que <math>\textstyle \, \vec k \,</math> n'est déterminé qu'à un multiple de vecteur constant près, le vecteur <math>\textstyle \, \vec K \,</math> du [[réseau réciproque]]. Par exemple les coordonnées normales Q et Π sont définies de telle manière que :
=== Phonons acoustiques et phonons optiques ===
Dans un solide réel, il y a deux types de phonons : des phonons "'''acoustiques'''" et "'''optiques'''". Les phonons acoustiques, qui sont ceux que nous avons décrits dans les parties précédentes, correspondent typiquement aux ondes sonores dans le réseau. Les phonons acoustiques de type longitudinaux et transverses sont souvent écrits de manières abrégée LA et TA respectivement.


:<math>\mathrm{Q}_\vec{k} \equiv \mathrm{Q}_{\vec{k} + \vec{K}} \quad;\quad \Pi_\vec{k} \equiv \Pi_{\vec{k} + \vec{K}}</math>
Les phonons optiques sont présents dans les solides qui comportent plusieurs [[atome]]s par [[Maille (cristallographie)|maille]]. Ils sont appelés "optiques" parce que dans les [[cristal|cristaux ioniques]] (comme le chlorure de sodium) ils sont très facilement excités par des ondes lumineuses (dans le domaine de l'infrarouge). Ceci est dû au fait qu'ils correspondent à des modes de vibration pour lesquels les [[ion]]s positifs et négatifs situés sur des sites adjacents du réseau se rapprochent et s'éloignent les uns des autres en créant un [[moment dipolaire]] électrique oscillant avec le temps. Les phonons optiques qui interagissent de cette manière avec la lumière sont dits actifs dans l'[[infrarouge]]. Les phonons optiques qui sont actifs en [[Diffusion Raman#Application à la spectroscopie Raman|spectrométrie Raman]] peuvent aussi interagir avec la lumière au travers de la [[diffusion Raman]]. Les phonons optiques de type longitudinaux et transverses sont souvent écrits de manières abrégée LO et TO respectivement.


Pour un réseau unidimensionnel <math>\textstyle \;K = 2n\pi/a\,,\;n=1,2,3...</math>. Un phonon de nombre d'onde ''k'' est donc équivalent à un nombre infini d'autres phonons de la même famille de nombres d'onde ''k'' ± 2π/''a'', ''k'' ± 4π/''a'', ''etc''.
Il est possible de trouver plus de renseignements sur les modes de vibration dans des articles traitant de la [[Groupe (mathématiques)|théorie de groupes]].


Généralement, on ne considère que les phonons de vecteurs d'onde <math> \vec k </math> de chaque famille possédant le plus « petit » vecteur <math> \vec k </math>. L'ensemble de ces vecteurs définit la première [[zone de Brillouin]]. D'autres zones de Brillouin peuvent être définies comme des copies de la première zone, décalées d'un multiple de vecteurs du réseau réciproque.
=== Pseudo-impulsion ===
Il est tentant de considérer un phonon de [[nombre d'onde|vecteur d'onde]] <math> \vec k </math> comme s'il possédait une [[quantité de mouvement]] (ou impulsion) <math> \hbar\vec k </math>, par analogie avec les [[photon]]s, ou toutes les ondes correspondant à un corpuscule ([[dualité onde-corpuscule]]). Ce n'est pas tout à fait correct, car <math> \hbar\vec k </math> n'est pas réellement une impulsion physique. Il est nommé ''pseudo-impulsion'' ou ''impulsion de vibration''. Ceci est dû au fait que <math> \vec k </math> n'est déterminé qu'à un multiple de vecteur constant près, vecteur du [[réseau réciproque]]. Par exemple, dans un modèle unidimensionnel, les coordonnées normales Q et Π sont définies de telle manière que :


=== Thermodynamique ===
:<math>
L'ensemble des phonons présents dans un cristal peut être considéré comme un gaz, au même titre que le [[gaz de photons]]. Les phonons étant des [[boson]]s leur distribution statistique obéit à la [[statistique de Bose-Einstein]] :
\mathrm{Q}_k \equiv \mathrm{Q}_{k + \mathrm{K}} \quad;\quad \Pi_k \equiv \Pi_{k + \mathrm{K}} \quad
\mbox{avec}\; \mathrm{K} = 2n\pi/a
</math>


::<math>n_{k,s} = \frac{1}{\exp\left(\dfrac{\hbar\omega_{k,s}}{k_\mathrm{B}T}\right) - 1}</math>
quel que soit le nombre entier ''n''. Un phonon de nombre d'onde ''k'' est donc équivalent à un nombre infini d'autres phonons de la même famille de nombres d'onde ''k'' ± 2π/''a'', ''k'' ± 4π/''a'' (etc). Les [[onde de Bloch|électrons de Bloch]] obéissent au même type de restrictions.


L'énergie du milieu est donc :
Généralement, on ne considère que les phonons de vecteurs d'onde <math> \vec k </math> de chaque famille possédant le plus « petit » vecteur <math> \vec k </math>. L'ensemble de ces vecteurs définit la première [[zone de Brillouin]]. D'autres zones de Brillouin peuvent être définies comme des copies de la première zone, décalées d'un multiple de vecteurs du réseau réciproque.
::<math>E=\sum_k \sum_{s=1}^3 \left(n_{k,s}+\tfrac12\right)\hbar \omega_k </math>


À partir de la fonction de partition <math>\textstyle \,Z=\Pi_k\Pi_{s=1}^3n_{k,s}e^{-\frac{\hbar\omega_{k,s}}{2k_\mathrm{B}T}}\,</math> la [[physique statistique]] permet de calculer toutes les propriétés thermodynamiques.
{{Article détaillé|Umklapp}}


=== Propriétés thermodynamiques ===
=== Interactions des phonons ===
Un [[structure cristalline|réseau cristallin]] au [[zéro absolu]] est dans son état de base, et aucun mode de phonon n'est excité. D'après les lois de la [[thermodynamique]], lorsqu'un réseau cristallin est à une température supérieure au zéro absolu, son énergie n'est pas constante mais elle fluctue de manière aléatoire autour d'une valeur moyenne. Ces fluctuations d'énergie sont dues à des vibrations aléatoire du réseau, qui peuvent être vues comme un ''gaz de phonons'' (le mouvement aléatoire des [[atome]]s du réseau correspond à la [[transfert thermique|chaleur]]). Comme ces phonons sont liés à la température du réseau, ils sont parfois nommés « phonons thermiques ».


Les phonons peuvent interagir<ref name=Kittel>{{ouvrage|langue=en|auteur=[[Charles Kittel]]|titre=Introduction to Solid State Physics|éditeur=[[John Wiley & Sons]]|date=1953|url=https://web.nit.ac.ir/~m.gholipour/Nanoelectronics/Charles%20Kittel%20-%20Introduction%20to%20Solid%20State%20Physics-Wiley%20%282004%29-8Ed.pdf}}</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur=[[Joseph Callaway]]|titre=Quantum Theory of the Solid State, Part B|éditeur=[[Academic Press]]|date=1974|isbn=0121552020}}</ref>{{,}}<ref name=Klemens/> avec une singularité du réseau cristallin (atome étranger ou [[isotope]], [[Lacune (cristallographie)|lacune]], [[dislocation]] ou autre défaut). Il en résulte une diffusion qui ne conserve pas la quantité de mouvement.
Contrairement aux molécules qui forment un [[gaz]] ordinaire, les phonons thermiques peuvent être créés ou annihilés par des fluctuations d'énergies aléatoires. Leur comportement est similaire au [[gaz de photons]] produit par une [[cavité électromagnétique]], pour laquelle les photons peuvent être absorbés ou émis par les parois de la cavité. Cette similitude n'est pas une coïncidence : le [[champ électromagnétique]] se comporte en effet comme un groupe d'oscillateurs harmoniques (voir rayonnement du [[corps noir]]). Les deux gaz obéissent à la [[statistique de Bose-Einstein]], c’est-à-dire qu'à l'équilibre thermique, le nombre moyen de phonons ou de photons dans un état donné est :


Ils peuvent aussi réagir avec un autre phonon ; deux cas sont possibles :
:<math>
* la somme des deux vecteurs d'onde est telle que leur somme reste dans la [[zone de Brillouin]] et le vecteur d'onde résultant a cette somme ;
\langle n_{k,s} \rangle = \frac{1}{\exp(\hbar\omega_{k,s}/k_BT) - 1}
* dans le cas contraire on a affaire à un [[Diffusion Umklapp|processus ''umklapp'']] (''umklappprozeß'') qui ne conserve pas la quantité de mouvement pour le phonon résultant, l'excédent étant transféré au réseau dans son ensemble. Il faut noter que ce phénomène anharmonique est lié au terme d'ordre 3 dans le développement du potentiel interatomique du milieu.
</math>

Une interaction est aussi possible avec les électrons lorsque ceux-ci sont loin de l'équilibre thermodynamique. Le schéma d'interaction est analogue à l'interaction phonon-phonon et peut conduire à une diffusion ''umklapp''.

Enfin on a déjà mentionné plus haut l'interaction photon-phonon pour la branche optique des cristaux ioniques. Une interaction faible peut également se produire avec les branches acoustiques ([[diffusion Brillouin]]).


Tous ces phénomènes conservent l'énergie.
:* ω<sub>''k'',''s''</sub> est la pulsation du phonon ou du photon dans l'état ;
:* ''k<sub>B</sub>'' est la constante de Boltzmann ;
:* ''T'' est la température absolue (en [[kelvin]]s).


=== Conduction thermique ===
On peut remarquer que le potentiel chimique d'un [[gaz de photons]] ou de phonons est nul.
Il est possible d'écrire une équation cinétique pour la population <math>\textstyle n_{\mathbf{k},s}</math>, c'est l'[[équation de Boltzmann-Peierls]]. Plus générale que l'[[équation de la chaleur]], elle permet le calcul des échanges thermiques au niveau microscopique, par exemple en microélectronique.


La [[capacité calorifique]] d'un matériau cristallin est accessible par le [[modèle de Debye]], issu des méthodes décrites ci-dessus.
Ce type de considérations a mené au [[modèle de Debye]] décrivant le comportement de la [[capacité thermique]] des solides cristallins grâce aux phonons qu'ils contiennent. Ce modèle présente un meilleur accord avec les résultats expérimentaux que les précédents modèles : la [[loi de Dulong et Petit]] et le [[modèle d'Einstein]].


La [[conductivité thermique]] λ qui peut être reliée<ref name=Kittel/> à la [[Capacité thermique massique|chaleur spécifique]] C<sub>V</sub> et au libre parcours moyen dans le milieu l par l'expression <math>\textstyle \lambda=\frac{1}{3}C_V l</math> mais qui en pratique est issue de l'expérience.
== Notes et références ==
{{Références|colonnes=2}}


== Références ==
{{Références}}
== Voir aussi ==
== Voir aussi ==
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}}
}}
=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
* [[Mécanique quantique]]
* [[Physique des particules]]
* [[Physique des particules]]
* [[Physique statistique]]
* [[Cristallographie]]
* [[Cristallographie]]
* [[Liste de particules#Matière condensée|Liste de particules]]
* [[Liste de particules#Matière condensée|Liste de particules]]

Version du 21 septembre 2022 à 15:20

En physique, un phonon correspond à une excitation collective dans un arrangement périodique d'atomes constituant une structure cristalline ou amorphe. La déformation est élastique. L'onde qui se propage peut être assimilée à une quasi-particule.

Ils permettent d'expliquer les propriété physiques des solides :

Définition

Le concept de phonon[1] a été créé par Igor Tamm en 1930[2] et le mot « phonon » (du grec ancien φωνή / phonê, la voix) a été inventé en 1932 par Yakov Frenkel[3]. Le suffixe « -on », qui apparaît dans le nom de nombreuses entités de la physique de la matière condensée (excitons, magnons, etc.) a été calqué sur la fin du mot « électron » (mot inventé par George Stoney en 1891)[4].

Un phonon est la description quantique du mouvement vibratoire élémentaire dans lequel un réseau d'atomes ou d'ions oscille uniformément à une fréquence donnée[5]. En mécanique classique cela correspond à un mode normal de vibration. L'analyse de Fourier permet de décomposer toute vibration du réseau comme une superposition de ces modes de vibration élémentaires. Alors que les modes normaux de la mécanique classique sont traités comme des phénomènes ondulatoires, les phonons peuvent être assimilés à une particule de la mécanique quantique.

Dynamique du réseau cristallin

Dans un solide, il existe des forces d'interaction (essentiellement les forces covalentes dans notre cas) qui maintiennent chaque atome près d'une position d'équilibre. L'interaction entre chaque paire d'atomes peut être caractérisée par une fonction d'énergie potentielle qui ne dépend que de la distance entre chacun des couples de ces atomes et de leur nature. L'énergie potentielle du réseau dans son ensemble est la somme des énergies potentielles d'interaction de chaque paire :

Cette expression, caractéristique d'un problème à N corps, ne se prête pas à une résolution que ce soit en mécanique classique ou en mécanique quantique. Il est donc nécessaire de procéder à des approximations pour poursuivre l'analyse. Les trois approximations généralement employées sont :

  • restreindre l'étude à un nombre limité d'atomes en utilisant des conditions aux limites périodiques. Cette simplification appelée hypothèse de Born-von Kármán suppose implicitement que l'on saura traiter le cas . Une conséquence peu mise en avant est le fait qu'un tel modèle est inapte à traiter les conditions au bord du solide[6] ;
  • restreindre la sommation aux atomes voisins (approximation des voisins les plus proches). En effet, bien que rigoureusement les forces électriques aient une portée infinie dans un solide réel, cette approximation est valide car les forces s'exerçant sur des atomes éloignés sont écrantées et donc négligeables ;
  • considérer que le potentiel V est un potentiel harmonique, ce qui est valide lorsque les atomes restent proches de leurs positions d'équilibre. Formellement, cette hypothèse s'applique en effectuant un développement de Taylor du potentiel autour de la valeur d'équilibre et en ne gardant que les termes jusqu'à l'ordre 2. Dans certains cas cette approximation est insuffisante et l'on doit monter en ordre au prix d'une plus grande complexité du problème.

Bien entendu l'analyse prend en compte le fait qu'il s'agit d'un réseau cristallin qui reproduit un certain nombre de cellules de base : le réseau de Bravais.

Pour un potentiel harmonique le potentiel global s'écrira en ne retenant que les interactions entre proches voisins (noté pv) :

où :

  • est la masse réduite ;
  • est la pulsation propre au couple (i,j) ;
  • est la distance pour un réseau cristallin au repos.

Réseau unidimensionnel

Oscillations des premiers modes normaux de vibration dans un réseau unidimensionnel. Les déplacements sont exagérés pour une bonne visualisation.

On traite ci-dessous le réseau à une seule dimension qui permet de comprendre les concepts du domaine.

Approche classique

On étudie donc un tel réseau, homogène (un seul type d'atome), comportant N atomes de masse m positionnés en liés entre eux par un potentiel harmonique représenté par un ressort de constante élastique C. À l'équilibre la distance entre atomes est a. Avec l'approximation de périodicité et celle de la seule influence des voisins proches, on peut écrire la dynamique du système physique par le système d'équation cinématiques suivant :

La solution étant supposée oscillatoire on utilise pour obtenir un découplage des équations du système une transformation de Fourier discrète[7]. On définit les coordonnées normales :

où j est l'unité imaginaire.

On obtient un système d'équations découplées[8] :

La solution de chaque équation s'écrit comme une fonction sinusoïdale d'amplitude  :

Elle constitue un mode normal de nombre d'onde k et de pulsation .

La relation constitue la relation de dispersion.

Dans la limite du continu obtenue pour on obtient un champ d'oscillateurs harmonique de pulsation .

Approche quantique

L'hamiltonien du système s'écrit :

  • est l'opérateur position pour l'atome i ;
  • est l'opérateur impulsion.

On définit :

k est le nombre d'onde du phonon qui prend des valeurs quantifiées résultant du choix de la périodicité du système.

En inversant la transformée de Fourier pour exprimer les Qk en fonction des Xi et les Πk en fonction des Pi, et en utilisant les relations de commutations canoniques entre les Xi et les Pi de la mécanique quantique :

En d'autres termes, les coordonnées normales Qk et leurs moments conjuguées Πk obéissent aux mêmes relations de commutation que les opérateurs position Xi et impulsion Pi. En fonction de ces grandeurs, l'hamiltonien s'écrit :

avec

Le couplage entre les variables positions a été transformé. Si les Qk et les Πk étaient hermitiens (ce qui n'est pas le cas), l'hamiltonien transformé décrirait N oscillateurs harmoniques non couplées. En fait, cet hamiltonien décrit une théorie quantique des champs de bosons découplés.

Le spectre des énergies propres de cet hamiltonien est obtenu en utilisant les opérateurs adjoints création et annihilation de quantum d'énergie ak et ak définis comme :

Ces opérateurs adjoints vérifient :

Comme dans le cas de l'oscillateur harmonique quantique, on peut montrer que les opérateurs ak et ak correspondent respectivement à la création et l'annihilation d'une excitation d'énergie ℏωk. Cette excitation est un phonon[9], correspondant à l'intervalle d'énergie relative à un phonon entre deux niveaux du mode k :

On peut immédiatement en déduire deux propriétés importantes des phonons. D'abord, les phonons sont des bosons : tout mode de vibration k peut voir son nombre d'excitation augmenter par l'application répétée de l'opérateur création ak. En second lieu, chaque phonon est un « mode collectif » correspondant au mouvement de la (quasi) totalité des atomes du réseau. Cette seconde conclusion se voit dans le fait que les opérateurs adjoints contiennent des sommations sur les positions et les impulsions de tous les atomes du réseau.

On peut voir que les excitations générées par les opérateurs adjoints sont des ondes de déplacement d'atomes du réseau en calculant la fonction de corrélation position-position. Soit un état pour lequel un seul quantum de mode k est excité, c’est-à-dire :

On peut alors montrer que pour deux atomes i et j quelconques :

ce qui décrit une onde du réseau de pulsation ωk et de nombre d'onde k.

Réseau tridimensionnel

La généralisation à trois dimensions du modèle unidimensionnel précédent est aisée (mais assez lourde). Le nombre d'onde k est remplacé par un vecteur à trois dimensions, le vecteur d'onde . De plus, est maintenant associé à trois coordonnées normales. L’hamiltonien a la forme :

Le nouvel indice s = 1, 2, 3 correspond à la polarisation des phonons. En effet, dans un modèle unidimensionnel, les atomes ne peuvent vibrer que sur une ligne, et tous les phonons correspondent à une onde longitudinale. En revanche en trois dimensions, la vibration ne se fait plus uniquement dans la direction de propagation, mais peut également lui être perpendiculaire. Elle correspond alors à une onde transverse. Cela donne naissance à des coordonnées normales supplémentaires, qui comme l'expression de l'hamiltonien l'indique, correspondent à des espèces indépendantes de phonons.

Courbe de dispersion

Relations de dispersion pour des chaînes monoatomique et diatomique linéaires (cas )

Dans le cas d'un réseau monoatomique la relation de dispersion est périodique, de période . Elle est nulle en et approximativement linéaire à partir de ce point pour les faibles valeurs de k. Dans cette région les vitesses de phase et de groupe sont égales . La valeur correspond à une longueur d'onde infinie : le réseau cristallin de déplace en bloc.

Dans le cas général il existe plusieurs atomes différents dans le réseau. On peut calculer la relation de dispersion analytiquement dans les cas d'un réseau unidimensionnel alterné à deux atomes de masses et [8] :

Il existe deux branches :

  • la branche inférieure, analogue à celle de la chaîne monoatomique et correspondante aux grandes longueurs d'onde est appelée branche acoustique ;
  • la branche supérieure est appelée branche optique car elle correspond à des longueurs d'onde dans l'infrarouge. Cette branche correspondant à des oscillations en opposition de phase des voisins, elle est apte à générer un dipôle électrique oscillant dans un réseau ionique, donc à une interaction avec un photon.

Cette configuration est générale et permet d'établir une nomenclature des phonons suivant que ceux-ci sont acoustiques (A) ou optiques (O), polarisés longitudinalement (L) ou transversalement (T). D'où les appellations : LA, LO, TA et TO.

La présence de bandes de fréquences interdites est une caractéristiques de la physique des solides.

Le phonon comme pseudo-particule

Pseudo-quantité de mouvement

Il est tentant de considérer un phonon de vecteur d'onde comme s'il possédait une quantité de mouvement , par analogie avec les photons, ou toutes les ondes correspondant à un corpuscule (dualité onde-corpuscule). Ce n'est pas tout à fait correct, car n'est pas réellement une quantité de mouvement physique. Il est nommé pseudo- quantité de mouvement ou « impulsion » de vibration. Ceci est dû au fait que n'est déterminé qu'à un multiple de vecteur constant près, le vecteur du réseau réciproque. Par exemple les coordonnées normales Q et Π sont définies de telle manière que :

Pour un réseau unidimensionnel . Un phonon de nombre d'onde k est donc équivalent à un nombre infini d'autres phonons de la même famille de nombres d'onde k ± 2π/a, k ± 4π/a, etc.

Généralement, on ne considère que les phonons de vecteurs d'onde de chaque famille possédant le plus « petit » vecteur . L'ensemble de ces vecteurs définit la première zone de Brillouin. D'autres zones de Brillouin peuvent être définies comme des copies de la première zone, décalées d'un multiple de vecteurs du réseau réciproque.

Thermodynamique

L'ensemble des phonons présents dans un cristal peut être considéré comme un gaz, au même titre que le gaz de photons. Les phonons étant des bosons leur distribution statistique obéit à la statistique de Bose-Einstein :

L'énergie du milieu est donc :

À partir de la fonction de partition la physique statistique permet de calculer toutes les propriétés thermodynamiques.

Interactions des phonons

Les phonons peuvent interagir[10],[11],[6] avec une singularité du réseau cristallin (atome étranger ou isotope, lacune, dislocation ou autre défaut). Il en résulte une diffusion qui ne conserve pas la quantité de mouvement.

Ils peuvent aussi réagir avec un autre phonon ; deux cas sont possibles :

  • la somme des deux vecteurs d'onde est telle que leur somme reste dans la zone de Brillouin et le vecteur d'onde résultant a cette somme ;
  • dans le cas contraire on a affaire à un processus umklapp (umklappprozeß) qui ne conserve pas la quantité de mouvement pour le phonon résultant, l'excédent étant transféré au réseau dans son ensemble. Il faut noter que ce phénomène anharmonique est lié au terme d'ordre 3 dans le développement du potentiel interatomique du milieu.

Une interaction est aussi possible avec les électrons lorsque ceux-ci sont loin de l'équilibre thermodynamique. Le schéma d'interaction est analogue à l'interaction phonon-phonon et peut conduire à une diffusion umklapp.

Enfin on a déjà mentionné plus haut l'interaction photon-phonon pour la branche optique des cristaux ioniques. Une interaction faible peut également se produire avec les branches acoustiques (diffusion Brillouin).

Tous ces phénomènes conservent l'énergie.

Conduction thermique

Il est possible d'écrire une équation cinétique pour la population , c'est l'équation de Boltzmann-Peierls. Plus générale que l'équation de la chaleur, elle permet le calcul des échanges thermiques au niveau microscopique, par exemple en microélectronique.

La capacité calorifique d'un matériau cristallin est accessible par le modèle de Debye, issu des méthodes décrites ci-dessus.

La conductivité thermique λ qui peut être reliée[10] à la chaleur spécifique CV et au libre parcours moyen dans le milieu l par l'expression mais qui en pratique est issue de l'expérience.

Références

  1. (en) Alexei Kojevnikov, « Freedom, collectivism, and quasiparticles: Social metaphors in quantum physics », Historical Studies in the Physical and Biological Sciences, vol. 29, no 2,‎ , p. 295-331
  2. (de) Igor Tamm, « Über die Quantentheorie der molecularen in festen Cörpern », Zeitschrift für Physik, vol. 60,‎ , p. 345-363
  3. (en) Yakov Frenkel, « On the elementary derivation of some relations in the electron theory of metals », PZSU, vol. 2,‎ , p. 247-253
  4. (en) C. T. Walker et G. A. Slack, « Who named the -ON'S? », American Journal of Physics, vol. 38,‎ , p. 1380
  5. (en) Steven Simon, The Oxford Solid State Basics, Oxford University Press, , 82 p. (ISBN 978-0-19-968077-1)
  6. a et b P. G. Klemens, Encyclopedia of Physics, Springer-Verlag, coll. « Low Temperature Physics I », , 198-281 p. (ISBN 978-3-662-38851-8), « Thermal Conductivity of Solids at Low Temperatures »
  7. (en) Richard D. Mattuck, A Guide to Feyman Diagrams in the Many-Body Problem, Dover Books on Physics and Chemistry, (lire en ligne)
  8. a et b Prasanta Kumar Misra, Physics of Condensed Matter, Academic Press, , 44-47 p. (ISBN 978-0-12-384954-0, lire en ligne), « §2.1.2 et 2.1.3 »
  9. Définition sur le site Larousse.
  10. a et b (en) Charles Kittel, Introduction to Solid State Physics, John Wiley & Sons, (lire en ligne)
  11. (en) Joseph Callaway, Quantum Theory of the Solid State, Part B, Academic Press, (ISBN 0121552020)

Voir aussi

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