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« Migrations préhistoriques vers les Philippines » : différence entre les versions

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=== Sortie de Taiwan ===
=== Sortie de Taiwan ===
[[Fichier:Likely routes of early rice transfer, and possible language family homelands (archaeological sites in China and SE Asia shown).png|vignette|redresse=2|L'île de [[Taïwan]] est en bleu. Premières routes probables du riz en Asie du sud-est vers 5 500–2 500 ans avant le présent, en jaune. Cliquer pour agrandir]]
[[Fichier:Likely routes of early rice transfer, and possible language family homelands (archaeological sites in China and SE Asia shown).png|vignette|redresse=2|L'île de [[Taïwan]] est en bleu. Premières routes probables du riz en Asie du sud-est vers 5 500–2 500 ans avant le présent<ref name="Bellwood2011">{{cite journal |last1=Bellwood |first1=Peter |s2cid=44675525 |title=The Checkered Prehistory of Rice Movement Southwards as a Domesticated Cereal—from the Yangzi to the Equator |journal=Rice |date=9 December 2011 |volume=4 |issue=3–4 |pages=93–103 |doi=10.1007/s12284-011-9068-9 |url=https://core.ac.uk/download/pdf/81529950.pdf |access-date=23 March 2019 |archive-date=24 January 2019 |archive-url=https://web.archive.org/web/20190124042141/https://core.ac.uk/download/pdf/81529950.pdf |url-status=live }}</ref>, en jaune. Cliquer pour agrandir]]
L'hypothèse la plus largement acceptée aujourd'hui est le modèle « [[Austronésiens|Out of Taiwan]] », proposée pour la première fois par [[Peter Bellwood]] et qui repose en grande partie sur la linguistique. Elle est proche du modèle de [[Robert Blust]] de l’histoire de la famille des [[langues austronésiennes]] et la complète avec des données archéologiques<ref>{{Lien conférence|prénom=Catherine T.|auteur=Flessen|titre=Bellwood and Solheim: Models of Neolithic movements of people in Southeast Asia and the Pacific (Paper)|titre livre=|pages=|éditeur=Norwegian University of Science and Technology (NTNU)|date=November 14, 2006|lieu=Trondheim, Sør-Trøndelag, Norway|url=https://www.itslearning.com/data/ntnu/44801/bellwood-solheim.pdf|doi=|id=|consulté le=5 février 2009}}{{Lien brisé|date=March 2018|bot=InternetArchiveBot}} citing {{Référence Harvard sans parenthèses|Bellwood|1997}}</ref>. Bien qu'à l'origine largement fondée sur des [[Langues austronésiennes|preuves linguistiques]], l'hypothèse "sortie de Taïwan" a été corroborée par des découvertes archéologiques, culturelles et génétiques plus tardives <ref name="Bellwood1">{{Ouvrage|prénom1=Peter|nom1=Bellwood|titre=The Global Prehistory of Human Migration|passage=213|date=2014}}</ref> incluant les données de séquençage du génome entier, plutôt que le séquençage de l'ADNmt invoqué par les partisans de "sortie du Sundaland" <ref name="Lipson2014" />.
L'hypothèse la plus largement acceptée aujourd'hui est le modèle « Out of Taiwan », proposée pour la première fois par [[Peter Bellwood]] et qui repose en grande partie sur la linguistique. Elle est proche du modèle de [[Robert Blust]] de l’histoire de la famille des [[langues austronésiennes]] et la complète avec des données archéologiques<ref>{{Lien conférence|prénom=Catherine T.|auteur=Flessen|titre=Bellwood and Solheim: Models of Neolithic movements of people in Southeast Asia and the Pacific (Paper)|titre livre=|pages=|éditeur=Norwegian University of Science and Technology (NTNU)|date=November 14, 2006|lieu=Trondheim, Sør-Trøndelag, Norway|url=https://www.itslearning.com/data/ntnu/44801/bellwood-solheim.pdf|doi=|id=|consulté le=5 février 2009}}{{Lien brisé|date=March 2018|bot=InternetArchiveBot}} citing {{Référence Harvard sans parenthèses|Bellwood|1997}}</ref>. Bien qu'à l'origine largement fondée sur des [[Langues austronésiennes|preuves linguistiques]], l'hypothèse "sortie de Taïwan" a été corroborée par des découvertes archéologiques, culturelles et génétiques plus tardives <ref name="Bellwood1">{{Ouvrage|prénom1=Peter|nom1=Bellwood|titre=The Global Prehistory of Human Migration|passage=213|date=2014}}</ref> incluant les données de séquençage du génome entier, plutôt que le séquençage de l'ADNmt invoqué par les partisans de "sortie du Sundaland" <ref name="Lipson2014" />.


Cette théorie suggère qu'entre 4500 avant JC et 4000 avant J.-C., les développements de la technologie agricole sur le [[plateau Yunnan-Guizhou]] en [[Chine]] ont créé une pression qui a poussé certains peuples à migrer vers [[Taïwan]]. Ces peuples avaient déjà commencé à développer leur propre langue, maintenant appelée [[proto-austronésien]] .
Cette théorie suggère qu'entre 4500 avant JC et 4000 avant J.-C., les développements de la technologie agricole sur le [[plateau Yunnan-Guizhou]] en [[Chine]] ont créé une pression qui a poussé certains peuples à migrer vers [[Taïwan]]. Ces peuples avaient déjà commencé à développer leur propre langue, maintenant appelée [[proto-austronésien]] .


Vers l'âge de {{nombre|3000|ans}} avant J.-C., ces groupes ont commencé la différenciation en trois ou quatre sous - cultures distinctes, et vers 2500-1500 avant J.-C., l' un de ces groupes a émigré vers le sud, vers les Philippines et l' [[Indonésie]], atteignant [[Bornéo]] et les [[Moluques]] vers 1500 avant J.-C.
Vers {{nombre|3000|ans}} avant J.-C., ces groupes ont commencé la différenciation en trois ou quatre sous - cultures distinctes, et vers 2500-1500 avant J.-C., l' un de ces groupes a émigré vers le sud, vers les Philippines et l' [[Indonésie]], atteignant [[Bornéo]] et les [[Moluques]] vers 1500 avant J.-C.


Dans cette hypothèse, les premiers Austronésiens partis de [[Taïwan]] ont atteint les Philippines vers 2200 avant JC, se sont installés dans les [[Batanes|îles Batanes]] et dans le [[Luçon (Philippines)|nord de Luzon]]. De là, ils se sont rapidement répandus vers le reste des îles des Philippines et d'[[Asie du Sud-Est]], et ont voyagé plus à l'est pour atteindre les [[îles Mariannes du Nord]] vers 1500 avant J.-C.<ref name="Chambers2013">{{Ouvrage|prénom1=Geoff|nom1=Chambers|titre=eLS|éditeur=John Wiley & Sons, Inc.|date=2013|isbn=978-0470016176|doi=10.1002/9780470015902.a0020808.pub2|titre chapitre=Genetics and the Origins of the Polynesians}}</ref>{{,}}<ref name="mijares2006">{{Article |auteur1=Mijares |prénom1=Armand Salvador B. |titre=The Early Austronesian Migration To Luzon: Perspectives From The Peñablanca Cave Sites |périodique=Bulletin of the Indo-Pacific Prehistory Association |numéro=26 |année=2006 |lire en ligne=http://ejournal.anu.edu.au/index.php/bippa/article/viewFile/10/9 |archiveurl=https://web.archive.org/web/20140707050814/http://ejournal.anu.edu.au/index.php/bippa/article/viewFile/10/9 |archivedate=July 7, 2014 |pages=72–78 }}</ref>{{,}}<ref name="Bellwood1" />. Ils ont assimilé les premiers groupes [[Négritos]] qui étaient arrivés au [[Paléolithique]], ce qui a abouti aux groupes ethniques philippins modernes qui affichent tous divers rapports de [[Brassage génétique|mélange génétique]] entre les groupes austronésiens et négritos<ref name="Lipson2014" />.
Dans cette hypothèse, les premiers Austronésiens partis de [[Taïwan]] ont atteint les Philippines vers 2200 avant JC, se sont installés dans les [[Batanes|îles Batanes]] et dans le [[Luçon (Philippines)|nord de Luzon]]. De là, ils se sont rapidement répandus vers le reste des îles des Philippines et d'[[Asie du Sud-Est]], et ont voyagé plus à l'est pour atteindre les [[îles Mariannes du Nord]] vers 1500 avant J.-C.<ref name="Chambers2013">{{Ouvrage|prénom1=Geoff|nom1=Chambers|titre=eLS|éditeur=John Wiley & Sons, Inc.|date=2013|isbn=978-0470016176|doi=10.1002/9780470015902.a0020808.pub2|titre chapitre=Genetics and the Origins of the Polynesians}}</ref>{{,}}<ref name="mijares2006">{{Article |auteur1=Mijares |prénom1=Armand Salvador B. |titre=The Early Austronesian Migration To Luzon: Perspectives From The Peñablanca Cave Sites |périodique=Bulletin of the Indo-Pacific Prehistory Association |numéro=26 |année=2006 |lire en ligne=http://ejournal.anu.edu.au/index.php/bippa/article/viewFile/10/9 |archiveurl=https://web.archive.org/web/20140707050814/http://ejournal.anu.edu.au/index.php/bippa/article/viewFile/10/9 |archivedate=July 7, 2014 |pages=72–78 }}</ref>{{,}}<ref name="Bellwood1" />. Ils ont assimilé les premiers groupes [[Négritos]] qui étaient arrivés au [[Paléolithique]], ce qui a abouti aux groupes ethniques philippins modernes qui affichent tous divers rapports de [[Brassage génétique|mélange génétique]] entre les groupes austronésiens et négritos<ref name="Lipson2014" />.

Version du 19 octobre 2020 à 22:06

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Carte des Philippines

Les migrations préhistoriques vers les Philippines remontent pour Homo sapiens à 50 000 ans avant le présent et demeurent mal connues. Cet article traite des migrations plus récentes des premières communautés austronésiennes qui ont diffusé la culture néolitique dans l'archipel, caractérisée par le développement de l'agriculture, des outils en pierre polie, de la poterie et des langues austronésiennes[1]. Le Néolithique philippin commence vers 6000 [2]-5000[3] avant J.-C. Les populations arrivées durant cette période, dans un archipel sans connexion avec le continent, maîtrisaient nécessairement la navigation[4].

Les plus anciennes traces de présence humaine aux Philippines sont datées de 709 000 ans avant le présent et se situent dans l'île de Luçon à Kalinga. Une lacune temporelle considérable sépare les vestiges du site de Kalinga et les premiers fossiles humains de l'archipel, datés de 67 000 ans, attribués à l'espèce Homo luzonensis. Le premier Homo sapiens des Philippines, vieux de 47 000 ans avant le présent, a été découvert à Palawan dans la grotte de Tabon.

Les Philippines étant peuplées aujourd'hui de locuteurs austronésiens, de nombreux chercheurs se sont interrogés sur l'origine géographique des premiers locuteurs austronésiens arrivés dans l'archipel. H. Otley Beyer a proposé une théorie dite de la « migration par vagues » vers les Philippines. D'autres spécialistes ont développé une théorie selon laquelle les proto-Austronésiens étaient des peuples autochtones qui avaient connu une longue période de développement interne. Le consensus scientifique actuel favorise l'hypothèse appelée « sortie de Taiwan », corroborée de manière générale par les preuves linguistiques, archéologiques et culturelles ; selon cette hypothèse, les premiers humains sont arrivés du nord (de Taiwan) et non pas du sud (de la Malaisie, de l'Indonésie et de Brunei) comme le voulait la théorie plus ancienne de Otley Beyer.

Théories anciennes

Théorie de la migration par vagues de Beyer

La théorie ancienne la plus connue du peuplement préhistorique des Philippines est celle de H. Otley Beyer, fondateur du Département d'anthropologie de l'Université des Philippines. Beyer a exercé une grande influence sur la première génération d'historiens et d'anthropologues philippins[5]. Selon son hypothèse, les ancêtres des Philippins sont venus par « vagues de migration » successives[6] de lieux ou patries multiples ; pour la période de l'Holocène, il y aurait eu quatre vagues dans l'ordre suivant[1] :

  1. Le groupe indonésien «A» maîtrisant la navigation et la technologie des outils en pierre serait arrivé il y a environ 5 000 à 6 000 ans ; il aurait été le premier groupe d'immigrants à atteindre les Philippines par voie maritime (et non par des ponts terrestres) ;
  2. Le groupe indonésien «B», caractérisé par son habileté à fabriquer le tissu d’écorce, serait arrivé dans l'archipel y a environ 2 500 ans ;
  3. Les proto-Malais qui maîtrisaient l'art de construire les terrasses et venaient d'Asie centrale seraient arrivés entre 800 et 500 avant J.-C. Les Malais marins et plus "civilisés" auraient apporté la culture de l' âge du fer ; ils auraient été les vrais colonisateurs et le groupe culturel dominant dans les Philippines préhispaniques.
  4. Les Deutéro-Malais seraient arrivés vers 300 à 400 ans avant J.-C. de l'Indonésie insulaire.

Selon l'historien des Philippines William Henry Scott « il est probablement prudent de dire qu'aucun anthropologue n'accepte aujourd'hui la théorie de la migration par vagues de Beyer » (en 1994)[7]. Les affirmations de Beyer selon lesquelles les Malais étaient les premiers colons des régions de plaine et les acteurs culturels dominants n'ont plus guère de crédit aujourd'hui.

Théorie du noyau de population homogène

Distribution des langues austronésiennes (Robert Blust, 1999)[8]

Une hypothèse concurrente de la migration par vagues est celle du noyau de population homogène proposée pour la première fois par l'anthropologue F. Landa Jocano de l'Université des Philippines[9]. Cette théorie soutient qu'il n'y a pas eu de vagues de migration ; les premiers habitants de l'Asie du Sud-Est appartenaient au même groupe ethnique, partageaient une même culture, et se sont différenciés ensuite les uns de autres par un processus graduel, attribuable à des facteurs environnementaux[10],[11],[12].

Selon Jocano ce peuple homogène ancien s'est dispersé « à travers les îles Philippines, Bornéo, la Nouvelle-Guinée, Java, la péninsule malaise, jusqu'en Australie, sans que l'on puisse déterminer son centre de départ »[13]. Les découvertes de fossiles d'Homo sapiens prouvent que les Philippines étaient habitées il y a des dizaines de milliers d'années. Une calotte crânienne et une partie de la mâchoire, attribuées à un Homo sapiens, ont été retrouvées dans la grotte de Tabon à Palawan en 1962[14]. Certains ont fait valoir que cela pourrait indiquer un peuplement des Philippines plus précoce que celui de la péninsule malaise[14],[13].

L'idée selon laquelle les Philippins actuels sont les produits d'un long processus interne d'évolution culturelle vaudrait également pour les Indonésiens et les Malais de Malaisie. Aucun de ces groupes n'est culturellement ou génétiquement dominant. Il n'est pas correct, affirme Jocano, d'attribuer à la culture philippine une orientation malaise[9]. Des anthropologues éminents comme Robert B. Fox, Alfredo E. Evangelista (en), Jesus Peralta, Zeus A. Salazar (en) et Ponciano L. Bennagen ont exprimé leur accord avec Jocano[15].

L'archéologue William Meacham (en) insiste également sur la période de développement interne qu'ont traversée des peuples situés dans un vaste triangle appelé « Austronesie » —  de Sumatra en Indonésie, sur l'angle sud-ouest, à Taiwan, au nord, et aux petites îles de la Sonde, au sud-est —, les évolutions locales des groupes humains pouvant expliquer les singularités linguistiques observables aujourd'hui en Asie du Sud-Est (1988 et 1995)[1].

Théories modernes

Le Sundaland : Sumatra moderne, Java, Bornéo et la péninsule malaise. Les Philippines sont au nord-ouest ; l'île de Palawan forme une sorte de pont entre le Sundaland et le reste de l'archipel philippin.

Les théories modernes du peuplement des îles des Philippines l'inscrivent dans le contexte des migrations des peuples austronésiens au sens large. Elles suivent deux orientations principales : l'une est l'hypothèse dite de la «sortie du Sundaland» (« Out of Sundaland »), l'autre, l'hypothèse de la «sortie de Taïwan» (« Out of Taïwan »). Des deux hypothèses, cependant, la plus largement acceptée est le modèle « sortie de Taiwan » : «l'origine taïwanaise de l'expansion des langues austronésiennes et de leurs locuteurs est bien étayée par des preuves linguistiques et archéologiques. Cependant, les preuves génétiques humaines sont plus controversées»[16].

Sortie du Sundaland

Hypothèse générale 

Les diverses hypothèses "Out of Sundaland", proposées par une minorité d'auteurs modernes et différant légèrement dans les détails, sont similaires à l'hypothèse du noyau de population homogène de F. Landa Jocano. Cependant, les tenants de cette nouvelle théorie attribuent un centre de départ aux peuples austronésiens qu'ils supposent originaires de la masse terrestre en partie engloutie, à l'époque actuelle, du Sundaland (Sumatra moderne, Java, Bornéo et la péninsule malaise). On a reproché à ce modèle de reposer uniquement sur les données génétiques de l'ADNmt sans tenir compte des événements de mélange ; ses résultats combineraient à tort les populations de Négritos paléolithiques beaucoup plus anciennes et les nouveaux peuples austronésiens néolithiques[17],[18].

Réseau de commerce et de communication maritime de Nusantao

Un modèle notable qui s'inscrit dans la configuration théorique de la « sortie du Sundaland » est le « Nusantao Maritime Trading and Communication Network », le réseau de communication et d'échange de Nusantao de Wilhelm Solheim II (1988, 2002). Selon cet auteur, durant la période néolithique certains traits culturels sont communs aux peuples de l'Asie-Pacifique ; « si ces éléments culturels avaient été diffusés par les migrations, cette diffusion aurait présenté une direction particulière » ; comme ce n'est pas le cas, l'auteur l'explique par l'existence de réseaux commerciaux. Son modèle alternatif est ainsi fondé sur le mouvement maritime des personnes dans différentes directions et sur des itinéraires multiples.

Solheim se fonde sur des découvertes archéologiques de poterie et d’outils en coquillages pour affirmer que le réseau commercial « Nusantao » serait originaire des régions bordant la mer de Célèbes - le nord-est de Bornéo, le nord des Célèbes et le sud-ouest de Mindanao. Vers 5 000 ans avant J.-C., les premières communautés de Nusantao auraient navigué vers le nord et, en suivant les courants marins dominants, se seraient dirigées vers Taiwan pour y faire du commerce. D'autres navigateurs se seraient simultanément répandus dans le reste de l'Asie du Sud-Est, vers la Wallacée, les îles du Pacifique (dont les Philippines) et l'Indochine.

À l'appui de cette idée, Solheim note qu'il y a peu ou pas de preuve que le pré- ou proto-malayo-polynésien était présent à Taiwan. Selon Solheim, "la seule chose que je suis sûr de dire est que tous les Asiatiques du Sud-Est sont étroitement liés culturellement, génétiquement et dans une moindre mesure linguistiquement." [19],[20],[21],[22].

Les théories de Solheim ont obtenu le soutien du généticien Stephen Oppenheimer (en 2001)[1].

Sortie de Taiwan

L'île de Taïwan est en bleu. Premières routes probables du riz en Asie du sud-est vers 5 500–2 500 ans avant le présent[23], en jaune. Cliquer pour agrandir

L'hypothèse la plus largement acceptée aujourd'hui est le modèle « Out of Taiwan », proposée pour la première fois par Peter Bellwood et qui repose en grande partie sur la linguistique. Elle est proche du modèle de Robert Blust de l’histoire de la famille des langues austronésiennes et la complète avec des données archéologiques[24]. Bien qu'à l'origine largement fondée sur des preuves linguistiques, l'hypothèse "sortie de Taïwan" a été corroborée par des découvertes archéologiques, culturelles et génétiques plus tardives [25] incluant les données de séquençage du génome entier, plutôt que le séquençage de l'ADNmt invoqué par les partisans de "sortie du Sundaland" [22].

Cette théorie suggère qu'entre 4500 avant JC et 4000 avant J.-C., les développements de la technologie agricole sur le plateau Yunnan-Guizhou en Chine ont créé une pression qui a poussé certains peuples à migrer vers Taïwan. Ces peuples avaient déjà commencé à développer leur propre langue, maintenant appelée proto-austronésien .

Vers 3 000 ans avant J.-C., ces groupes ont commencé la différenciation en trois ou quatre sous - cultures distinctes, et vers 2500-1500 avant J.-C., l' un de ces groupes a émigré vers le sud, vers les Philippines et l' Indonésie, atteignant Bornéo et les Moluques vers 1500 avant J.-C.

Dans cette hypothèse, les premiers Austronésiens partis de Taïwan ont atteint les Philippines vers 2200 avant JC, se sont installés dans les îles Batanes et dans le nord de Luzon. De là, ils se sont rapidement répandus vers le reste des îles des Philippines et d'Asie du Sud-Est, et ont voyagé plus à l'est pour atteindre les îles Mariannes du Nord vers 1500 avant J.-C.[26],[27],[25]. Ils ont assimilé les premiers groupes Négritos qui étaient arrivés au Paléolithique, ce qui a abouti aux groupes ethniques philippins modernes qui affichent tous divers rapports de mélange génétique entre les groupes austronésiens et négritos[22].

Autres

Le linguiste américain Isidore Dyen (en) observe dans les années 1960 que l'on trouve dans une région de la Mélanésie, entre l'archipel Bismarck et les Nouvelles-Hébrides, une diversité linguistique maximale, et en déduit que les proto-Austronésiens seraient originaires de cette zone située au nord de l'Australie ; ils auraient migré en direction des Philippines et de l'Asie continentale vers 3 500 ans avant J.-C.[1]. Cette théorie de la patrie mélanésienne des premiers Austronésiens demeure cependant marginale[1].

Dans leur synthèse des théories sur les migrations austronésiennes vers les Philippines publiée en 2015, Jean-Christophe Gaillard et Joel Mallari proposent de les classer non pas selon la zone géographique d'origine des Austronésiens (Indonésie, Malaisie, le Sundaland, Taïwan, la Mélanésie), mais en fonction de la distinction entre « patries multiples » et « patrie unique » des premiers Austronésiens. La théorie de H. Otley Beyer offre la meilleure illustration de l'hypothèse des « patries multiples », tandis que les sorties du Sundaland, de Taïwan et de la Mélanésie constituent des déclinaisons différentes de l'hypothèse d'une « patrie unique » des proto-Austronésiens[1].

Répartition actuelle des langues austronésiennes. Les Philippines sont entourées en bleu (Luzon, Palawan, Mindanao ; cliquer pour agrandir)

Notes et références

  1. a b c d e f et g (en) Jean-Christophe Gaillard et Joel P. Mallari, « The peopling of the Philippines: A cartographic synthesis », Hukay: Journal of the University of the Philippines Archaeological Studies Program, vol. 6,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. (en) Survey Report on the Protection of Cultural Heritage in Republic of the Philippines, , 120 p., p. 8
  3. (en) Grace Barretto-Tesoro, « Burial Goods in the Philippines », Southeast Asian Studies,‎ (lire en ligne)
  4. Thomas Ingicco, « La colonisation de l'archipel philippin par l'Homme », sur youtube,
  5. Zaide 1999, p. 32, citing Beyer Memorial Issue on the Prehistory of the Philippines in Philippine Studies, Vol. 15:No. 1 (January 1967).
  6. Zaide 1999, p. 32–34.
  7. Scott, William H. Barangay: Sixteenth-century Philippine Culture and Society, p. 11. Manila University Press (Manila), 1994. (ISBN 971-550-135-4). Accessed 14 May 2009.
  8. (en) Blust, Robert A., Selected Papers from the Eighth International Conference on Austronesian Linguistics, Institute of Linguistics (Preparatory Office), Academia Sinica, , 31–94 p., « Subgrouping, circularity and extinction: some issues in Austronesian comparative linguistics »
  9. a et b Antonio, Turning Points I, Rex Bookstore, Inc., (ISBN 978-971-23-4538-8, lire en ligne), p. 65
  10. Halili, Maria Christine N., Philippine History, Rex Bookstore, , 34–35 p. (ISBN 978-971-23-3934-9, lire en ligne)
  11. Rowthorn, Chris, Monique Choy, Michael Grosberg, Steven Martin, and Sonia Orchard., Philippines, Lonely Planet, (ISBN 978-1-74059-210-9, lire en ligne), 12
  12. Samuel K. Tan, A History of the Philippines, UP Press, (ISBN 978-971-542-568-1, lire en ligne), p. 30
  13. a et b Marc Mangin, Les Philippines, KARTHALA Editions, (ISBN 978-2-86537-350-5, lire en ligne), p. 13
  14. a et b Rosario S. Sagmit et Nora N. Soriano, Geography in the Changing World, Rex Bookstore, Inc., (ISBN 978-971-23-2451-2, lire en ligne), p. 68
  15. S. Lily Mendoza, Between law and culture: relocating legal studies, University of Minnesota Press, (ISBN 978-0-8166-3380-7), « Nuancing Anti-Essentialism: A Critical Genealogy of Philippine Experiments in National Identity Formation », p. 230
  16. Albert Min-Shan Ko, Chung-Yu Chen, Qiaomei Fu et Frederick Delfin, « Early Austronesians: Into and Out Of Taiwan », American Journal of Human Genetics, vol. 94, no 3,‎ , p. 426–436 (ISSN 0002-9297, PMID 24607387, PMCID 3951936, DOI 10.1016/j.ajhg.2014.02.003, lire en ligne, consulté le )
  17. Austronesian Diaspora and the Ethnogeneses of People in Indonesian Archipelago: Proceedings of the International Symposium, Indonesian Institute of Sciences, (ISBN 9789792624366, lire en ligne), p. 107
  18. Blench, Roger, Austronesian Diaspora: A New Perspective, Gadjah Mada University Press, (ISBN 9786023862023), « Splitting up Proto-Malayopolynesian: New Models of Dispersal from Taiwan »
  19. Wilhelm G. Solheim II, Origins of the Filipinos and Their Languages, (lire en ligne)
  20. {{Article}} : paramètre « titre » manquant, paramètre « périodique » manquant,‎
  21. Lipson, Loh, Patterson et Moorjani, « Reconstructing Austronesian population history in Island Southeast Asia », Nature Communications, vol. 5, no 1,‎ , p. 4689 (PMID 25137359, PMCID 4143916, DOI 10.1038/ncomms5689, Bibcode 2014NatCo...5.4689L)
  22. a b et c Lipson, Loh, Patterson et Moorjani, « Reconstructing Austronesian population history in Island Southeast Asia », Nature Communications, vol. 5, no 1,‎ , p. 4689 (PMID 25137359, PMCID 4143916, DOI 10.1038/ncomms5689, Bibcode 2014NatCo...5.4689L, lire en ligne)
  23. Peter Bellwood, « The Checkered Prehistory of Rice Movement Southwards as a Domesticated Cereal—from the Yangzi to the Equator », Rice, vol. 4, nos 3–4,‎ , p. 93–103 (DOI 10.1007/s12284-011-9068-9, S2CID 44675525, lire en ligne [archive du ], consulté le )
  24. Catherine T. Flessen « Bellwood and Solheim: Models of Neolithic movements of people in Southeast Asia and the Pacific (Paper) » () (lire en ligne, consulté le )Modèle {{Lien brisé}} : paramètres « url » et « titre » manquants. , citing Bellwood 1997
  25. a et b Peter Bellwood, The Global Prehistory of Human Migration, , p. 213
  26. Geoff Chambers, eLS, John Wiley & Sons, Inc., (ISBN 978-0470016176, DOI 10.1002/9780470015902.a0020808.pub2), « Genetics and the Origins of the Polynesians »
  27. Mijares, « The Early Austronesian Migration To Luzon: Perspectives From The Peñablanca Cave Sites », Bulletin of the Indo-Pacific Prehistory Association, no 26,‎ , p. 72–78 (lire en ligne [archive du ])

Annexes

Sources

  • (en) Jean-Christophe Gaillard et Joel P. Mallari, « The peopling of the Philippines: A cartographic synthesis », Hukay: Journal of the University of the Philippines Archaeological Studies Program, vol. 6,‎ (lire en ligne, consulté le )
  • William Henry Scott (1984), Prehispanic Source Materials for the Study of Philippine History, New Day Publishers, (ISBN 978-971-10-0226-8), récupéré le 2008-08-05.
  • Sonia M. Zaide (1999), The Philippines: A Unique Nation (Second ed.), All-Nations Publishing, (ISBN 978-971-642-071-5).

Lectures complémentaires

  • (en) Peter Bellwood, « The Batanes Archaeological Project and the "Out of Taiwan" Hypothesis for Austronesian Dispersal », Journal of Austronesian Studies,‎ (lire en ligne).
  • Peter Bellwood, James J. Fox et Darrell Tryon (Eds.) (1995). The Austronesians – Historical and Comparative Perspectives . Département d'anthropologie dans le cadre du projet comparatif austronésien, École de recherche sur les études pacifiques et asiatiques, Université nationale australienne. (ISBN 0-7315-1578-1). Récupéré le 04/03/2011
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