Vote populaire dans les élections présidentielles américaines

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Le vote populaire dans les élections présidentielles américaines désigne la somme des votes de chaque citoyen américain. Les citoyens de chaque État des États-Unis votent pour désigner les grands électeurs de leur État, et l'ensemble des grands électeurs constitue le collège électoral. Seul le vote du collège électoral compte pour désigner le président des États-Unis et le vice-président des États-Unis. Le vote populaire, lui, désigne donc le nombre total de citoyens ayant voté pour tel ou tel candidat par l'intermédiaire des grands électeurs auxquels ils ont apporté leur suffrage.

En résumé, même si le vote populaire permet un décompte indicatif du nombre de citoyens américains ayant voté pour tel ou tel candidat aux élections présidentielles américaines, ce n'est pas ainsi qu'est élu le président des États-Unis, cette élection se faisant État par État au travers de la désignation des grands électeurs.

Origine[modifier | modifier le code]

Les six premiers présidents des États-Unis ont été élus par des réunions (des « caucus ») du Congrès. Cependant, à la suite de l'élection controversée de 1800, les grands électeurs chargés de désigner le président ont peu à peu été systématiquement désignés par l'assemblée de chacun des États fédérés. Puis, à partir de 1864, les grands électeurs de chaque État ont été désignés par le suffrage universel direct de ces États et non plus par leurs assemblées. C'est ce vote direct pour désigner les grands électeurs que l'on connait sous le terme de « vote populaire »[1].

Si la Constitution des États-Unis — dans son article II modifié par le douzième amendement — a prévu que le président soit élu par des grands électeurs désignés État par État, et non directement par un vote populaire au niveau fédéral, c'est parce que les fondateurs de la nation ont vu dans ce processus un compromis entre l'élection directe du président par le vote populaire et son élection par le Congrès[2]. Selon Pierre Guerlain, professeur émérite de civilisation américaine, « L'objectif du système des grands électeurs était d'éviter la domination de certains États puissants et très peuplés »[3].

Selon le site américain Snopes, ce type d'élection permet d'éviter que des candidats ayant une grande popularité dans quelques États a forte densité de population ne puissent dominer les élections nationales : ce « système électoral exige que les candidats à la présidentielle obtiennent un large soutien national et ne se contentent pas de dégager des marges énormes dans un nombre relativement réduit de centres fortement peuplés ». Selon Snopes, la tendance moderne est que les candidats démocrates tendent à être largement gagnants dans les zones urbaines fortement peuplées comme en Californie ou dans l'État de New York, tandis que les candidats républicains l'emportent dans les États plus grands géographiquement mais moins peuplés[4].

Discordance entre l'élection par les grands électeurs et le vote populaire[modifier | modifier le code]

Ce sont donc les grands électeurs, désignés au début du mois de novembre au travers du « vote populaire » État par État, qui, au mois de décembre[2], élisent à la majorité le « president-elect », le prochain président des États-Unis[5]. De ce fait, le président choisi par ces grands électeurs peut différer de celui qui aurait été désigné si les institutions américaines avaient prévu, non un suffrage universel indirect État par État, mais une élection directe du président au niveau de l'ensemble des États-Unis.

C'est pourquoi on oppose parfois le résultat théorique de ce vote populaire (c'est-à-dire la somme des votes individuels en faveur de tel ou tel candidat) à celui résultant de l'élection par la majorité des grands électeurs[6],[7].

La discordance entre le résultat d'une élection présidentielle américaine fondée sur le vote des grands électeurs et celui qui résulterait d'un « vote populaire » peut être considérablement accrue par la règle dite « winner-takes-all » selon laquelle la totalité des voix des grands électeurs d'un État est acquise au candidat vainqueur dans cet État. Cette règle s'applique en effet dans tous les États des États-Unis à l'exception du Maine et du Nebraska, qui répartissent leurs grands électeurs sur une base proportionnelle. Ainsi par exemple, selon cette règle du « winner-takes-all », le candidat aux élections présidentielles arrivé en tête en Floride obtiendra les voix des 29 grands électeurs de l'État, qu'il gagne par deux millions de voix d'écart ou seulement par vingt voix[8].

Portée du vote populaire[modifier | modifier le code]

Il se peut qu'un président américain élu sans avoir « remporté » le vote populaire soit considéré comme « mal élu »[9],[10].

Cependant, selon le quotidien The Washington Post, le vote populaire ne donne pas d'indication sur le résultat qu'auraient pu obtenir les candidats à la présidence si l'élection avait été réalisée par suffrages directs. Le journal américain indique qu'en cas de suffrages directs, les stratégies électorales des candidats seraient complètement différentes. En effet, dans le système actuel, les candidats concentrent leurs efforts dans les États où ils sont au coude à coude (« swing states »), car remporter la victoire dans un État revient à emporter la totalité des grands électeurs de cet État, selon la règle dite « winner-takes-all » (appliquée partout sauf dans le Maine et au Nebraska). Dans un système à suffrages directs, les candidats feraient campagne dans tous les États (alors qu'en 2016, par exemple, environ 90 % de leurs efforts de campagne se sont concentrés sur une douzaine d'États) et les électeurs républicains domiciliés dans un État acquis aux démocrates (Californie, NYC,…) iraient voter en plus grand nombre, alors que beaucoup s'abstiennent car ils savent que leur État sera démocrate (et vice versa)[11],[12],[13].

Le scrutin municipal indirect de Paris, Lyon et Marseille ressemble au scrutin présidentiel indirect des États-Unis[11],[14],[15].

En France, le système des élections présidentielles avec un deuxième tour comportant seulement deux candidats garantit que le président soit élu avec une majorité. Aux États-Unis, il peut y avoir plus de deux candidats et les présidents peuvent être élus sans majorité. Entre 1824 et 2008, sur les 47 élections présidentielles américaines, dix-huit vainqueurs ont obtenu un résultat minoritaire, ne recueillant qu’une majorité relative, inférieure à 50 %. Par exemple, lors de l'élection de 1860, Abraham Lincoln est élu par le Collège électoral, mais n’obtient que 39,3 % du vote populaire[16]. Plus récemment, Richard Nixon n'obtient que 43,4 % du vote populaire lors de l'élection présidentielle américaine de 1968 du fait des 13,5 % obtenus par le troisième homme, George Wallace ; et Bill Clinton, avec 49,24 % du vote populaire lors de l'élection présidentielle américaine de 1996, échoue à atteindre la majorité des voix, Ross Perot ayant obtenu 8,40 % du vote populaire.

Élections avec vainqueur minoritaire au vote populaire[modifier | modifier le code]

Comme précisé plus haut, il faut comprendre « avoir perdu le vote populaire » comme signifiant « ne pas avoir obtenu la majorité relative du vote populaire », et non « ne pas avoir obtenu la majorité absolue du vote populaire » (cas beaucoup plus fréquent du fait qu'il n'y a pas forcément uniquement deux candidats en lice).

Élection Vainqueur, et son parti Collège électoral Vote populaire Candidat arrivé en second, et son parti Participation
Votes % Votes Marge % Marge %
1824 Adams,John Quincy Adams DR 84/261 32,18 % 113 122 −38 149 30,92 % − 10,44 pts Jackson,Andrew Jackson DR 26,9 %
1876 Hayes,Rutherford B. Hayes R 185/369 50,14 % 4 034 311 −254 235 47,92 % − 3,02 pts Tilden,Samuel J. Tilden D 81,8 %
1888 Harrison,Benjamin Harrison R 233/401 58,10 % 5 443 892 −90 596 47,80 % − 0,79 pt Cleveland,Grover Cleveland D 79,3 %
2000 Bush,George W. Bush R 271/538 50,37 % 50 456 002 −543 895 47,87 % − 0,51 pt Gore,Al Gore D 51,2 %
2016 Trump,Donald Trump R 304/538 55,50 % 62 984 828 −2 868 686 46,09 % − 2,09 pts Clinton,Hillary Clinton D 55,7 %

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Vallet 2005, p. 43-45.
  2. a et b (en) Presidential Election Process - Electoral College - USA.gov. « The idea of using electors comes from the Constitution. The nation’s founders saw it as a compromise between electing the president by a popular vote among citizens and electing the president in Congress. »
  3. Hillary Clinton perd alors qu'elle recueille plus de voix que Donald Trump: les dessous d'un système électoral archaïque - HuffPost, 10 novembre 2016.
  4. (en) « Fact Check: Hillary Clinton's Popular Vote Win Came Entirely from California », Snopes, (consulté le ).
  5. (en) United States Presidential Election Results - Encyclopaedia Britannica (consulté le 24 novembre 2018).
  6. Élisabeth Vallet, La Présidence Des États-Unis, PUQ, , 392 p. (ISBN 978-2-7605-2164-3, lire en ligne).
  7. Pascal Boniface et Charlotte Lepri, 50 idées reçues sur les États-Unis, Hachette Littératures, , 230 p. (ISBN 978-2-01-237838-4, lire en ligne).
  8. (en) Why Do Maine and Nebraska Split Their Electoral Votes? - Carrie Dann, NBC News, (consulté le 26 novembre 2018).
  9. « Presidentielle américaine: la prime au sortant », HuffPost, (consulté le ).
  10. « L'Amérique craint le scénario d'un président mal élu », Le Figaro, (consulté le ).
  11. a et b Trump/Clinton : l’argument du nombre de voix ne tient pas - Contrepoints, 13 novembre 2016.
  12. Non, Clinton n'aurait pas forcément battu Trump au suffrage universel direct - 20 minutes, 16 novembre 2016.
  13. (en) Rashed Mian, « National Popular Vote Movement Closer To Changing Presidential Elections », sur The Long Island Press, .
  14. À Paris, une difficile campagne « à l'américaine » attend la droite - Slate, 18 septembre 2012.
  15. Paris-Lyon-Marseille : un système à l’américaine ? - Facta Media, 26 mars 2014.
  16. Arnaud Coutant, « Les Présidents minoritaires aux États-Unis », Cairn.info, .

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]