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Albertine, en cinq temps
Auteur Michel Tremblay
Genre Drame
Dates d'écriture 1983
Lieu de parution Montréal
Éditeur Leméac
Collection Théâtre
Date de parution 1984
Lieu de création en français
Compagnie théâtrale Théâtre du Rideau Vert (Montréal)
Metteur en scène André Brassard
Personnages principaux
Albertine à 30 ans
Albertine à 40 ans
Albertine à 50 ans
Albertine à 60 ans
Albertine à 70 ans
Madeleine, sœur d'Albertine

Albertine, en cinq temps est une pièce de théâtre de Michel Tremblay dont la première a lieu en 1984. Elle met en scène le personnage d'Albertine, un des personnages phares de l'univers de Tremblay.


Genèse[1][modifier | modifier le code]

Les romans[modifier | modifier le code]

Le personnage d'Albertine était déjà présent dans des romans écrits par Michel Tremblay. La grosse femme d'à coté est enceinte (1978) et Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges (1980) faisait déjà exister ce personnage. Cependant, il ne la faisait exister qu'au second plan.

Les différentes versions[modifier | modifier le code]

La création de la pièce a eu lieu en plusieurs étapes. Le premier travail d'écriture était de 40 pages, sans paratexte liminaire: il n'y avait donc ni titre, ni listes de personnages, ni indication du lieu et de la temporalité. La répartition des répliques étaient les initiales A et M avec le nom de famille Bartine en toutes lettres. Madeleine est un nouveau personnage mais par le nom de famille identique, le lien de parenté est compréhensible. La première ébauche datant de 1980 s'intitulait Une lumière au bord de la nuit.

Dans le cahier 8,9, l'histoire de Thérèse et Gerard Bleau (son suiveux) sont le déclencheur du désespoir d'Albertine. Cette relation entre Thérèse et son suiveux est déjà présente dans les romans cependant il n'y a pas de détails sur la réaction d'Albertine. Le personnage d'Albertine est au centre de la pièce et commence à se dessiner des thèmes tels que la rage, le désir que les femmes puissent s'épanouir en tant qu'individu à part entière. Un leitmotiv apparaît dans les résonances symboliques: le coucher du soleil, la nuit qui tombe, la plénitude de la nature.

Dans les tapuscrits 8,8 et 8,7, une mise au net dactylographiée du premier état de la pièce avec quelques modifications apportées : une correction dans le rythme. La présentation d'Albertine est plus détaillée: la découverte de la sexualité précoce de sa fille, sa crise explosive, son rapport avec autrui.

Dans le cahier 9,1, il y a un changement fondamental notamment l'ajout d'une Albertine multiple. Cette nouvelle ébauche amène une nouvelle idée de titre : Lune d'août. Ce nouveau titre amène donc un nouveau départ dans la thématique de la lumière et l'obscurité.

"Je pensais à tout et à rien, et subtilement au bord de 45 minutes, j'avais trouvé le moyen que je cherchais pour traiter d'Albertine. La structure était là. Albertine à cinq étapes de son existence" - Michel Tremblay dans La presse, le 10 novembre 1984, entrevue avec Raymond Bernatchez

Où se situe la pièce dans l'Œuvre de Michel Tremblay?[modifier | modifier le code]

Dans Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges (1980), Albertine a 30 ans et elle occupe un place de second plan: ce sont des portraits de mère et fille mettant en opposition les religieuses de l'Ecole Saint-Ange et les mères de la rue Fabre.

Dans Nouvelles d'Edouard (1982), c'est l'histoire d'une tentative d'évasion et la déception d'Edouard face à la réalité.

Dans La Duchesse et le roturier (1984), Albertine a 35 ans: l'œuvre est consacré à son frère cadet Edouard mais se dessine leur relation et apparaît la préoccupation de l'apparence et les préjugés qu'Albertine a intériorisés.

Argument[modifier | modifier le code]

Albertine a 70 ans. Arrivée dans une maison de retraite où on l'abandonne, elle devra faire face à un passé trouble, et revoir le chœur des femmes qu'elle a été : la femme passionnée et pleine d'espoir de ses 30 ans, la femme enragée et dépressive des 40 ans, la femme gourmande de la vie et souriante des 50 ans, et la femme démolie et droguée des 60 ans. Avec Madeleine, « leur » sœur, les cinq Albertine dialoguent entre elles et font le bilan d'une vie brisée par la rage et la déception.

« Albertine, en cinq temps est le chef-d’œuvre de l’auteur des Belles-Sœurs. On y trouve, dans le tissu d’un seul personnage, l’ensemble de la tragédie "tremblayenne", et si cette pièce est si forte, si importante – et reprise dans toute sa plénitude –, c’est que Tremblay a su avec une maestria prodigieuse (fantastique chassé-croisé d’une femme avec ses différentes elles-mêmes) arquer définitivement sa pièce entre la pureté de la tragédie grecque et la déliquescence de la tragédie beckettienne. »

— Robert Lévesque, Le Devoir, 11 octobre 1995.

Personnages[modifier | modifier le code]

Albertine, cinq voix[modifier | modifier le code]

Les cinq personnages principaux sont Albertine à différents âges: de 30 ans à 70 ans avec une intervalle de dix ans. Les différentes Albertine se rencontrent et entretiennent des dialogues allant parfois jusqu'à former un chœur. Des liens se créent entre les personnages, parfois avec un même sujet mais des regards différents puisqu'elles n'ont pas la même maturité. Albertine à 40 ans n'a pas la même vision que celle de 60 ans. Les personnages s'écoutent, se répondent, se contredisent et se soutiennent.

Exemples:

« Excuse-moi, mais c’est pas à toi que je parle » (page 40) [2]

Albertine à 70 ans s'adressant à Albertine à 40 ans, il y a une interaction entre les Albertine, l'adresse changeant parfois de destinataires.

"ALBERTINE A 40 ANS. Ca sert à rien! A'va juste te mépriser un peu plus… ALBERTINE A 30 ANS. J'ai failli tuer Thérèse, Madeleine…" (page 28)[2]

Albertine à 40 ans ne veut pas que Albertine à 30 ans révèle à Madeleine ce qu'il s'est passé avec Thérèse, il y a donc un désaccord entre ces deux représentations d'Albertine à différentes époques.

Le passé rencontre le présent: Albertine à 50 ans soutient Albertine à 40 ans qui reproche à Madeleine la manière dont elle a été traité plus jeune "Si vous m'aviez parlé sur un autre ton, j'aurais peut-être été capable de discuter". Les Albertine se consolent et ont des points de vue différents sur leur vécu et leur rapport aux autres, comme c'est le cas quand la réminiscence de la mère a lieu.

Albertine déploie une complexe partition entrecroisée. Duos, trios, échanges lapidaires à plusieurs, dialogues ou — parce que les Albertine ne s’écoutent pas toujours — soliloques courant en parallèle. Sans oublier de longs monologues/confessions où chacune a l’occasion de raconter un épisode majeur de son existence.[3] Michel Tremblay a donné un personnage distinct à chacun des âges d'Albertine permettant de créer différentes temporalités.


Madeleine[modifier | modifier le code]

Madeleine, nouveau personnage dans le paysage de Michel Tremblay. Elle n'a pas d'âge et "sert de confidente aux cinq Albertine"[2] Elle est une figure maternelle pour les cinq Albertine.

"Madeleine tend la tasse de lait à Albertine à trente ans, qui boit lentement."[2]

A la page 19, Madeleine tend une tasse à Albertine: geste tendre et maternel qui confirme sa figure de confidente voire de mère, ce qui permet à Albertine de confier ses états d'âme.

Personnages absents[modifier | modifier le code]

La mention d'autres personnages est faîtes durant la pièce notamment la famille d'Albertine: sa fille Thérèse dont on apprend le décès mais aussi de sa mère Victoire et de son frère Gabriel. En dehors de la famille, Pierrette la voisine et le docteur Sanregret sont aussi mentionnés. Ces personnages absents mais présents permettent de découvrir le cadre dans lequel a évolué Albertine, son passé et ses relations avec les autres.


Stylistique[4][modifier | modifier le code]

La pièce présente un dialogisme entre les cinq figures d'Albertine, mélangeant donc le passé, le présent et l'avenir. Tous les temps se manifestent sur un même plan: une nuit d'août en 1942. Il s'agit d'une auto-analyse qui débouche sur l'acceptation de la solitude et se transforme au final en une image de fusion à forte charge symbolique.

Construction[modifier | modifier le code]

Il n'y a pas d'actes, cependant des temporalités différentes se croisent. Il ne s'agit donc plus d'une dramaturgie scindée en scènes et en actes mais d'une dramaturgie reposant sur des temporalités différentes. Le titre, Albertine en cinq temps souligne cette importance de ces voix qui s'entrecroisent et se mêle à la trame du récit reposant sur la parole des personnages et de ce qu'elles racontent et non pas sur des actions.

Temporalité[modifier | modifier le code]

Une didascalie, au début du texte, nous indique les différents lieux et temps dans lesquels sont les cinq figures. Albertine (30 ans) est à Duhamel en 1942, Albertine (40 ans) est sur le balcon rue Fabre en 1952. Albertine (50 ans) est accoudée au comptoir du restaurant du parc Lafontaine en 1962. Albertine (60 ans) rôde autour de son lit en 1972 et Albertine (70 ans) vient d'arriver dans un centre d'accueil pour vieillards.

Le temps est aussi un sujet important et fait partie intégrante du champ lexical: différents temps de conjugaison sont employés et Albertine fait référence au temps. Elle n'a pas le temps et trouve ses journées mornes et nous fait parfois part de regrets.

Polyphonie[modifier | modifier le code]

Les cinq Albertine prennent la parole toutes ensemble, créant alors un chœur de cinq femmes. La didascalie "LES CINQ ALBERTINE" indique qu'elles prennent la parole ensemble. Il y a aussi des mouvements similaires où elles font le même geste , ce qui apporte également à cette idée de chœur: "Les cinq Albertine lèvent très lentement le bras vers la lune"[2]. Un geste collectif qui finit la pièce et qui fait écho au second titre que Michel Tremblay voulait donner à la pièce "Lune d'août".

Comme le dit Martine Beaulne, la structure de la pièce "évoque la composition du chœur grec. C'est une pièce magnifiquement écrite de laquelle se dégage un rythme musical particulier."[5] Ces cinq figures représentent un individu à différentes périodes de sa vie, il y a donc une conservation de l'unité du personnage malgré les paroles diverses et la polyphonie amenée par la stylistique de la pièce.

Première création[modifier | modifier le code]

Albertine, en cinq temps est créée le par le Centre national des arts à Ottawa, en collaboration avec le Théâtre du Rideau Vert, dans une mise en scène de André Brassard.

Distribution[modifier | modifier le code]

Albertine à 30 ans: Paule Marier

Albertine à 40 ans : Rita Lafontaine

Albertine à 50 ans: Amulette Garneau

Albertine à 60 ans: Gisèle Schmidt

Albertine à 70 ans: Huguette Oligny

Madeleine, sœur d'Albertine: Murielle Dutil


Décor: Guy Neveu Costumes: François Barbeau

Eclairages: Michel Beaulieu Régie: Lou Fortier


Avec à nouveau une mise en scène d'André Brassard, elle est jouée au Studio des Champs-Elysées à Paris en 1988.


Mot de l'auteur

"Je pensais depuis longtemps à décrire le destin tragique d'une femme à travers cinq époques importantes de sa vie et à faire incarner cinq époques par des comédiennes différentes. Dans Albertine en cinq temps, j'ai poussé mon idée jusqu'à réunir sur scène ces cinq versions d'un même personnage et de les faire se contacter, discuter, communier dans un cérémonial très lyrique qui a pour racine la rage, l'impuissance, l'ignorance"[4]

Adaptation télévisuelle[modifier | modifier le code]

En 2000, après le succès de la nouvelle production de 1995 à l'Espace Go, la pièce fait l'objet d'une adaptation télévisuelle, mise en scène par Martine Beaulne et réalisée par André Melançon. La distribution est la suivante :


Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Rachel Killick, « Albertine en cinq temps, Genèse et mise en scène Edition génétique et analyse », sur BNM, Les presses par l'Université de Montréal, (consulté le )
  2. a b c d et e Tremblay, Michel, 1942-, Albertine, en cinq temps, Leméac, (ISBN 9782760927162, 2760927164 et 9782742771233, OCLC 173248194, lire en ligne), Page 58
  3. Marie Labrecque, « Dossier de presse, Albertine en 5 temps De Michel Tremblay, mise en scène de Lorraine Pintal », du 5 au 7 novembre 2017
  4. a et b Gilbert David, « Albertine, en cinq temps Un chœur, plusieurs voix », sur BAnQ numérique, Revue théâtre, page 5, (consulté le )
  5. Eza Paventi, « Albertine, en cinq voix », sur erudit.org, Jeu, 15 mars 2010, version numérique (consulté le )

Source[modifier | modifier le code]

Tremblay Michel, Albertine, en cinq temps, Léméac Éditeur, 1999, 102 p.

Killick Rachel, Albertine en cinq temps, Genèse et mise en scène Edition génétique et analyse, sur BNM, Les presses par l'Université de Montréal, 2018

Pruner, Michel, L'analyse du texte de théâtre, Edition Armand Colin, 2017


Liens externes[modifier | modifier le code]

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