Scorie (métallurgie)

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Photo d'une coulée de scorie en fusion
Vidange d'une cuve à scories, issues de l'extraction du cuivre, à la Codelco.
Photo de blocs de scorie
Blocs de scorie produits par la métallurgie extractive de cuivre, composés de silicate de fer.

En métallurgie, les scories sont des sous-produits solides issus de la fusion, de l'affinage, du traitement ou de la mise en forme des métaux à haute température. Ce sont des mélanges d'oxydes divers qui surnagent sur le métal en fusion, ou s'en détachent lors de leur mise en œuvre à haute température.

Elles sont de compositions extrêmement variées suivant les époques, les procédés et les métaux traités. Qu'elles soient des déchets extrêmement polluants ou des coproduits appréciés, les scories métallurgiques représentent un enjeu écologique et économique essentiel dans la métallurgie extractive.

Dans le cas particulier de la métallurgie du fer, les scories pauvres en fer sont appelées laitier. Celui-ci représente, en volume, le type de scorie de loin le plus courant.

Compositions[modifier | modifier le code]

Laitiers sidérurgiques[modifier | modifier le code]

On appelle « laitiers » les scories exemptes de fer dans la métallurgie du fer et des ferroalliages[1]. Ils représentent, de loin, le type de scorie le plus courant. Ils sont le résultat des réactions chimiques liées à la production des composés du fer en fusion, sur lequel ils surnagent grâce à leur faible densité[2]..

Les laitiers modernes les plus courants sont issus de la fabrication de l'acier à partir de minerai de fer non phosphoreux (laitiers de haut fourneau ou de convertisseur), ou de la fusion de ferrailles au four à arc électrique. Hors production des aciers inoxydables, ces laitiers sidérurgiques ont généralement la composition suivante :

Compositions typiques de laitiers sidérurgiques (en % du poids)[3]
Type de laitier FeO / Fe2O3 MnO SiO2 Al2O3 CaO MgO P2O5 Cr2O3 S
Haut fourneau 0,1 - 0,5 33 - 39 9 - 13 39 - 42 6 - 9 1,2-1,4
Four à arc électrique 15 - 35 < 10 10 - 20 < 10 30 - 40 < 10 < 2 < 2 < 0,25
Convertisseur LD 15 - 35 3 - 10 9 - 13 0,5 - 3 42 - 52 1 - 8 1,5 - 4 ~ 2 ~ 0,25

Les laitiers issus de la production d'acier inoxydable contiennent entre 2,5 et 4,5 % de Cr2O3. Ils ont été considérés comme polluants à cause de la présence possible de chrome hexavalent, mais aussi de plomb et de cadmium. Cependant, en 2011, des chercheurs démontrent que le chrome contenu dans les scories issues de l’industrie de l’inox est stable sous forme oxydée (Cr2O3, trivalent) et n’est donc pas dangereux[3].

Scories de forge[modifier | modifier le code]

Ces scories sont liées à des procédés historiques de production de fer. Elles sont utiles à l'archéologie car elles permettent de comprendre les technologies et les matériaux mis en œuvre.

Riches en fer, elles sont un mélange de stériles, de calamine et d'oxydes issus de l'affinage des métaux. D'une composition complexe et variable, leur teneur en métal en fait souvent un sous-produit intéressant à recycler. Le terme crasse les désigne généralement, par opposition aux scories fusibles et totalement oxydées[4].

Pour les minerais phosphoreux, on retrouve souvent les compositions suivantes :

Compositions typiques de scories de forge (en % du poids, en fin d'opération) [5]
Type de scorie FeO / Fe2O3 MnO SiO2 Al2O3 CaO MgO P2O5 S
Production d'acier naturel Cas général 60 4 26 3 2 1 - 4 0,1
Méthode bergamasque (fin de fusion)[6] 45 29 23 1 2 1
Méthode bergamasque (fin d'affinage)[6] 80 8 3,5 0,5 7 0,5
Puddlage gras 70 5 16 1 0,7 4 0,3

Scories issues de l'extraction des métaux non ferreux[modifier | modifier le code]

Les scories issues de la métallurgie extractive du cuivre, qui consiste essentiellement à fondre les chalcopyrites et à affiner des mattes, sont des scories acides alors que les laitiers sidérurgiques sont basiques. Ce sont des silicates de fer :

Compositions typiques de scories issues de l'extraction du cuivre (en % du poids)
Type de scorie Cu SiO2 Fe total Fe3O4 CaO MgO Al2O3 S ZnO
Haut fourneau[7] 0,8 39 29 (FeO) 19 12[note 1]
Four de fusion flash[8] 1 - 3 31 - 34 36 - 43 4 - 16 0 - 5 0 - 1
Four à arc électrique de fusion[9] < 0,7 36 38 NC 2 NC
Four à réverbère de fusion[8] ~ 0,7 30 - 40 30 - 40 ~ 3 0 - 10 4 5 1
Convertisseur Peirce-Smith[10] 4 - 8 15 -30 35 - 50 20 - 25 0 - 10 0 - 5

L'extraction du nickel par des méthodes pyrométallurgiques dépend du type de minerai : latérite ou pyrite. Les latérites génèrent des scories peu acides car riches en magnésie. Les pyrites se traitent comme les minerais de cuivre et donnent donc des scories consistant en un mélange de silicates de fer.

Compositions typiques de scories issues de l'extraction du nickel (en % du poids)
Type de scorie Cu + Ni + Co SiO2 Fe total Fe3O4 FeO MgO CaO Al2O3
Four de fusion flash (pour pyrites)[11] 1 - 5 38 - 41 28 - 34
Four à arc électrique (pour latérites)[12] < 1 40 - 55 NC 5 - 20 20 - 35 1 - 7 1 - 2
Convertisseur Peirce-Smith[13] < 5 18 - 26 48 - 55 16 - 32

Risques[modifier | modifier le code]

Risques pour l'homme[modifier | modifier le code]

Les scories sont parfois très basiques (cas des laitiers de convertisseur) et le liquide résiduel de lessivage (lixiviat ou percolat) des scories est très alcalin, pouvant atteindre un pH de 10 [14]. Une protection adéquate est donc recommandée pour les travailleurs exposés selon la nature du travail (lunettes de sécurité, gants, visières, vêtements de protection, suivi médical,…). Hormis les laitiers, les scories sont généralement acides.

La silice libre cristalline provoque une pneumoconiose maligne (silicose). La calcination à haute température de terre de diatomée transforme celle-ci en silice très fibrogène (tridymite et cristobalite). Toutefois, les silicates combinés aux cations métalliques sont biologiquement moins réactives (à l'exception de l'asbeste et du talc) [Source: Lauwerys, cf. supra]. La silice retrouvée dans les scories est sous forme de silicates de chaux (laitiers) ou de fer (extraction du cuivre et du nickel).

Risques environnementaux[modifier | modifier le code]

La dangerosité des scories dépend essentiellement des métaux qu'elle contient. Dans les cas des laitiers sidérurgiques, la présences de métaux lourds, ou parfois de radionucléides, est exceptionnelle. Pour les scories issues de l'extraction ou de l’affinage de métaux non ferreux, les risques sont généralement bien plus importants.

Parfois, en présence de soufre et de certaines bactéries, un phénomène de forte acidification autoentretenu du substrat peut apparaitre, c'est le drainage acide (ou « drainage acide minier » dans le contexte de séquelles minières)[15]. Ce phénomène peut être accompagné d'une altération des scories, avec lessivage[16] avec relargage important de métaux toxiques qui peuvent alors être dispersés dans l'environnement.

Les métaux présents dans les scories ou d'autres contaminants adsorbés dans ces mêmes scories (dioxines, furanes, etc.) peuvent polluer l'air (émissions de vapeurs lors de la production, puis envols de poussières). Ils peuvent aussi polluer l'eau et les sols (via la percolation et la désorption surtout si les eaux sont acides et plutôt tièdes ou chaudes). Ces phénomènes peuvent se produire même à partir de déchets industriels dit « stabilisés »[17].

Paradoxalement certains sites très pollués par des scories de métallurgie ont été classés et sont protégés pour les espèces rares qu'ils abritent (quelques espèces protégées, dites « métallophytes » ou « métallorésistantes ») qu'il est utile de conserver car elles contribuent - dans une certaine mesure - à la phytostabilisation des polluants qui en leur présence sont moins susceptibles d'être mobilisés par l'érosion éolienne ou hydrique.
C'est le cas par exemple de la friche industrielle de Mortagne-du-Nord dans le nord de la France[18],[19], dont en France à partir de scories d'Usinor à titre de test avec le Laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC)[20].

Stabilisation, inertage[modifier | modifier le code]

Par divers procédés, on cherche à mieux comprendre les comportements de lixiviation des déchets ou des matériaux, de manière à être en mesure de mieux les stabiliser ou inerter[21], ce qui permettrait de les réutiliser plus facilement.

Usages[modifier | modifier le code]

  • Elles sont parfois recyclées dans le processus de fabrication de l'usine métallurgique, ou réutilisées dans le domaine de la construction (dans des ciments ou bétons) ou encore comme matériaux routier, couche de fondation[22], voire de roulement (dans des bétons bitumineux ou enduits superficiels[23])
  • Selon certaines recherches, utilisées dans des barrages filtrants, les scories d'acier[pas clair] pourraient éliminer de 75 % à 90 % du phosphore dissout dans les eaux de certains cours, réduisant ainsi la prolifération de cyanobactéries en zone marécageuse[24].
  • Les scories métallurgiques étant des artefacts humains (les plus anciennes ont souvent pour origine la métallurgie du fer et du bronze), elles sont aussi des marqueurs d’anthropisation de l'environnement, et des indices archéologiques intéressants. Des dépôts anciens de scories, dont la date de production est connue ont aussi été utilisés pour mesurer la vitesse de déplacement de substrats caillouteux de fond de cours d'eau (par exemple dans le lit de rivières sud-ardennaises à partir de dépôts faits trois siècles plus tôt… [25] (plus de 3 km par siècle dans ce cas[25]).
  • Les laitiers d’aciérie de conversion peuvent être utilisés en amendement agricole (purs ou mélangés avec d'autres composants).
  • En mélangeant du laitier de haut fourneau, du laitier d’aciérie de conversion et du gypse nous obtenons un liant hydraulique routier appelé Sidmix (marque déposée)

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Poids de ZnO correspondant aux 10 % de zinc pur pris en compte dans la bibliographie.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Pierre Blazy et El-Aid Jdid, « Introduction à la métallurgie extractive », dans Techniques de l'ingénieur, Éditions techniques de l'ingénieur, (lire en ligne)
  2. Jean Chawlowski, « Scories métallurgiques », dans Encyclopædia Universalis
  3. a et b (en) Zulfiadi Zulhan, « Iron and steelmaking slags: are they hazardous waste? », Institut technologique de Bandung,
  4. Jacques Corbion (préf. Yvon Lamy), Le Savoir… fer — Glossaire du haut fourneau : Le langage… (savoureux, parfois) des hommes du fer et de la zone fonte, du mineur au… cokier d'hier et d'aujourd'hui, , 5e éd. [détail des éditions] (lire en ligne), § Crasse
  5. (en) F.D. Richardson et J.H.E. Jeffes, « Sydney Thomas invention and its later impact », MASCA research papers in science and achaeology, vol. 6 « History of technology: the role of metals »,‎ (lire en ligne)
  6. a et b Ed. Audibert, « Notice sur l'affinage du fer par la méthode bergamasque dans les usines de Lombardie », Annales des Mines, Carilian-Gœury et Dalmont, 4e série, t. 1,‎ , p. 670 (lire en ligne)
  7. (en) M. K. Snyder et F. D. Shobe, Source Category Survey : Secondary Copper Smelting and Refining Industry, EPA, (lire en ligne), p. 26
  8. a et b (en) Marc E. Schlesinger, Matthew J. King, A. K. Biswas et William G. I. Davenport, Extractive Metallurgy of Copper, Oxford/New York/Tokyo, Pergamon, , 4e éd., 432 p. (ISBN 0-08-044029-0), p. 61
  9. (en) Marc E. Schlesinger, Matthew J. King, Kathryn C. Sole et William G. I. Davenport, Extractive Metallurgy of Copper, Elsevier, , 5e éd., 455 p. (ISBN 978-0-08-096789-9, lire en ligne), p. 76-77
  10. Schlesinger et al. 2002, p. 140
  11. Krundwell et al. 2011, p. 218
  12. (en) Frank K. Krundwell, Michael S. Moats, Venkoba Ramachandran, Timothy G. Robinson et William G. Davenport, Extractive Metallurgy of Nickel, Cobalt and Platinum Group Metals, Elsevier, , 610 p. (ISBN 978-0-08-096809-4, lire en ligne), p. 74
  13. Krundwell et al. 2011, p. 235
  14. [sources: Lewis, 1980 et Zulhan, 2013, cf. section composition]
  15. Bigham J.M.,S Chwertman U.,Carlsons L.& Murad E. (1990). A poorly crystallized oxyhydroxy sulfate of iron formed by bacterial oxidation of Fe(II) in acid mine waters. Geochim. Cosmochim. Acta , 54 , 2743-2758.
  16. S Sinaj J, E Frossard, JC Fardeau, F Lhote… (1994) Observation directe de l'altération de scories de déphosphoration après incorporation dans un sol acide cultivé = Direct observation of the alteration of Thomas slags after incorporation in a cultivated acid soil Comptes rendus de l'Académie des sciences. Série 2. Sciences de la terre et des planètes, vol. 319, no 10, p. 1207-1214 (11 ref.) [résumé avec Inist/CNRS])
  17. Valérie Canivet et Jean-François Fruget (2002) « Écocompatibilité des eaux de percolation de déchets stabilisés évaluation écotoxique au laboratoire et étude expérimentale en canaux artificiels extérieurs »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?) Déchets - Revue francophone d’écologie industrielle no 28 - 4e trimestre 2002
  18. M Thiry, S Huet-Taillanter, JM Schmitt (2002) La friche industrielle de Mortagne-du-Nord (59)-I-Prospection du site, composition des scories, hydrochimie, hydrologie et estimation des flux ([résumé Inist/Cnrs])
  19. Schmitt J.-M., Huet -Taillanter S. & Thiry M. (2002). La friche industrielle de Montagne-du-Nord (59)– II – Altération oxydante de scories, hydrochimie, modélisation géochimique, essais de lixiviation et proposition de remédiation.– Bull.Soc.Géol.Fr., 173, 4, pp
  20. J. Bonnot, du laboratoire Central des Ponts et Chaussées (LCPC) & L Dussart d'Usinor (1978) Utilisation des scories LD - Expériences françaises (Communication à la 6e journée internationale de la sidérurgie) ; Use of LD Dross : Experience in France, mai 1978
  21. HR Bae (1998) Thèse : Stabilisation/Solification des déchets : évaluation environnementale des perspectives d'utilisation de scories Waelz en BTP ; Institut national des sciences appliquées de Lyon, Villeurbanne, 197 p. (bibl.: 105 ref.) CNRS/Inist.fr
  22. GH Thomas (BRITISH STEEL CORP) (1978) Expériences britanniques d'utilisation des scories LD comme revêtements routiers ; REV METALL no 5, (ISSN 0035-1563), avec trid.trb.org
  23. LES BETONS BITUMINEUX ET EN ENDUITS SUPERFICIELS.
  24. « Cyanobactéries : Les scories d'acier pourraient régler le problème », sur radio-canada.ca (consulté le )
  25. a et b P Sluse, F Petit (1998) Évaluation de la vitesse de déplacement de la charge de fond caillouteuse dans le lit de rivières ardennaises au cours des trois derniers siècles, à partir de l'étude des scories ; Géographie physique et Quaternaire, 1998 PDF avec Erudit.org] ; DOI: 10.7202/004869ar

Articles connexes[modifier | modifier le code]