Rex Bulgarorum et Blachorum

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Rex Bulgarorum et Blachorum (« roi des Bulgares et des Valaques ») est, dans les sources occidentales (chancellerie du pape Innocent III, Geoffroi de Villehardouin et Robert de Clari)[1] le titre, aux XIIe et XIIIe siècles, des souverains de l’État médiéval que l’historiographie moderne désigne comme Second Empire bulgare[2].

Étendue et populations

Des Alpes de Transylvanie et de la Morava serbe aux mers Adriatique, Égée et Noire, cet État multiethnique s’étendait sur des territoires aujourd’hui bulgares, macédoniens, grecs, turcs, serbes, roumains, moldaves et ukrainiens ; la toponymie et l’anthroponymie ainsi que la linguistique balkanique montrent que des populations slaves, romanes et grecques y vivaient : les premières, surtout agricoles, dominant dans les plaines (Σκλαβινίαι, Склавинии, « sklavinies »), les deuxièmes, surtout pastorales sur les piémonts (Βλαχίες, Влахии, « valachies ») et les troisièmes, surtout urbaines, marchandes et maritimes dans les grandes villes et sur les côtes (κεφαλίες, кефалии, « céphalies »)[3].

Regnum Bulgarorum et Blachorum aux XIIe et XIIIe siècles.
Le tsar Ioan Asan/Ivan Assen II (Iωάн en haut à gauche de la fresque originale du monastère bulgare de Zografou, Mont Athos).

Sources

Cet État médiéval est issu, selon les sources byzantines (Georges Cédrène, Anne Comnène, Nicétas Choniatès et Jean Skylitzès) de plusieurs révoltes des Valaques des Balkans qui nomment cet état Amirãria Vlaho-Vãryarã (« monarchie valaquo-bulgare »)[4].

Ces révoltes sont menées successivement par Drãgaș, par Niculițã Delfinul (Δραγγάς et Νικουλιτζάς Δελφινάς dans ces sources) puis, en 1185, par trois frères valaques : Asan, Ioaniţã Caloian et Petru Deleanu (Επανάσταση του Πέτρου Δελεάνου dans ces sources)[5].

Historiographie moderne

L’historiographie moderne roumaine appelle cet État « tsarat Valaquo-Bulgare (1186-1280) »[6], du moins jusqu’au remplacement des dynastes valaques par des bulgares (soit de Ioan Asen III par Georgi Ier Terter). Cette distinction est purement conventionnelle en l’absence de toute statistique ethnique, alors que les nations modernes n’étaient pas encore définies, que « bulgare » et « valaque » étaient à l’époque polysémiques et que les alliances et liens de parenté dans l’aristocratie bulgaro-valaque de boyards et de joupans rendent arbitraire toute attribution exclusive à l’une ou l’autre de ces origines. Mal étayée, l’historiographie roumaine n’est pas suivie dans cette voie par l’historiographie internationale.

L’historiographie moderne bulgare (Deuxième état bulgare) n’est pas moins nationaliste : elle occulte ou minimise le caractère multiethnique de cet État, ne met en lumière que sa composante slave, nomme « révoltes bulgares contre l’Empire byzantin (1040-1041) » les révoltes désignées comme valaques par Cédrène, Comnène, Choniatès et Skylitzès, et slavise a posteriori les noms des lieux, des personnages et des rois (par exemple Joanisse roy de Blaquie et de Bougrie[7], Ioaniţã Asenu en valaque[8], devient « Ivan Assen II »[9]). Malgré cela, l’historiographie bulgare est généralement suivie dans cette voie par l’historiographie internationale.

Voir aussi

Références

  1. Geoffroi de Villehardouin (chapitres 78 et 79) écrit « Roy de Blaquie et de Bougrie » cité dans Historiens et Chroniqueurs du Moyen Âge, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris 1952 : La Conquête de Constantinople, Chapitre LXXVIII et chap. Pénétration romaine en Bulgarie de [1]
  2. (en)Jean W. Sedlar, East Central Europe in the Middle Ages, 1000–1500 [« L’Europe Centrale et de l’Est au Moyen Âge »], University of Washington Press, 2011 (ISBN 0-295-97291-2), p. 404.
  3. Stelian Brezeanu : Toponymie et réalités ethniques sur le bas-Danube au Xe siècle ; Vladislav Popović, “La descente des Koutrigours, des Slaves et des Avars vers la mer Égée : le témoignage de l'archéologie“, in|Comptes-rendus des séances de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, volume 12, 1978, pp. 596-648 sur [2] ; Jordanès, Getica : “…Sclavini a civitate nova et Sclavino Rumunense et lacu qui appellantur Mursianus…“ sur : De rebus Geticis citant le manuscrit de Vienne ; Raymond Detrez, Historical Dictionary of Bulgaria, 2-nd ed. 2006 (ISBN 9780810849013) ; Alain Ducellier, Michel Kaplan, Bernadette Martin et Françoise Micheau, Le Moyen Âge en Orient, Paris, 2014 ; Éric Limousin, Le Monde byzantin du milieu du VIIIe siècle à 1204 : économie et société, ed. Bréal 2007 (ISBN 9782749506326) ; Arnold Toynbee, Nevil Forbes et al., The Balkans : a history of Bulgaria, Serbia, Greece, Rumania, Turkey, ed. Clarendon Press, Oxford 1916, 407 p.
  4. Tache Papahagi, (ro) Românii din punct de vedere istoric, cultural și politic (« Les roumains du point de vue historique, culturel et politique »), Bucarest 1915.
  5. John V.A. Fine Jr., The Late Medieval Balkans, Ann Arbor publ., 1987 et Niketas Choniates, Nicetae Choniatae Historia, Bonn, 1835.
  6. Constantin et Dinu C. Giurescu, (ro) Istoria românilor din cele mai vechi timpuri până astăzi (« Histoire des Roumains des plus anciens temps à nos jours »), Bucarest 1975.
  7. Geoffroi de Villehardouin déjà cité dans La Pléïade 1952.
  8. Tache Papahagi 1915 déjà cité.
  9. R. L. Wolff, (en) The Second Bulgarian Empire, its origin and history to 1204 Speculum 24, pp. 167-206, ed. Kroraina, Sofia 2008.