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Primitifs italiens

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L'expression primitifs italiens désigne seulement les peintres, sur la période XIIIe – XVe siècle. Sienne et Florence aux XIIIe et XIVe siècles ont favorisé un grand nombre de ces créations, mais le reste de la péninsule ne doit pas être oublié. Ce sont aussi les peintres de la Pré-Renaissance italienne (XIIIe et XIVe siècles), période qui est gothique jusqu'aux années 1400, puis, avec le sculpteur Lorenzo Ghiberti le siècle entre, à Florence, dans le Gothique international italien[1] (et les peintres Gentile da Fabriano, Lorenzo Monaco, Pisanello, ...). Le XVe siècle est aussi celui de la Première Renaissance avec une première génération, celle de Brunelleschi, Donatello et Masaccio dans les années 1400-1430, puis les générations suivantes jusqu'à Botticcelli et Antonello da Messina ou Luca Signorelli, ...[2]. À la fin du XVe siècle, de nombreuses peintures ne relèvent pas des Primitifs italiens : des peintres tels que Léonard de Vinci, Andrea Mantegna, Giovanni Bellini sont étudiés comme des figures majeures de la Haute Renaissance. Mais certaines peintures, quels qu’en soient les auteurs, proches de la fin du siècle, relèvent encore des Primitifs italiens comme celle représentant le mathématicien Luca Pacioli, vers 1490-1500 par Jacopo de Barbari.

Tous introduisent plusieurs nouveautés : l'humanisation des personnages, plus expressifs, l'imitation des formes, étudiées de manière plus naturaliste et l’espace représenté peut être construit suivant l'art de la géométrie[N 1]. Cette période passe, ainsi, d'un style dérivé du style italo-byzantin à des styles pré-Renaissance et de la Première Renaissance. On y rencontre des éléments provenant de l'étude de l'architecture gothique et de son décor, ainsi que de l'architecture romaine antique et de son décor, y compris la sculpture romaine.

Si cet art invente de nouveaux modes de représentation, il se développe majoritairement en tant qu'art au service de l'Église. Ceci dit, les principaux centres économiques de la péninsule (Milan, Venise, Florence, Rome, Naples) rayonnent alors sur de petits États, mais leurs élites s'affirment et rivalisent aux moyens de commandes artistiques prestigieuses et font appels aux artistes les plus renommés. Des écoles (de peinture) se distinguent, attachées à telle ou telle région comme l'Ombrie (Assise, Le Pérugin) ou les Marches, ou bien telle ville comme l'école de Ferrare, de Bologne ou de Rimini[3]. Interférant avec cette diversité d'expériences locales, les déplacements des artistes eux-mêmes viennent faire connaître des procédés, une sensibilité nouvelle, des concepts nouveaux comme ce fut le cas pour Giotto et Giusto de Menabuoi à Padoue[4].

« Le « primitivisme » des artistes italiens se caractérise par cette dualité artistique et mentale qui aboutit à une interrogation parfois tragique, parfois subreptice sur les « vérités » nouvelles »[5]. On entre ainsi dans l'esprit de la Renaissance qui traverse la Première Renaissance et la Haute Renaissance.

Petites galeries chronologiques

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La pratique du dessin, du moment où il a pu être conservé, nous renseigne sur le travail préparatoire à la peinture mais aussi comme moyen d'exploration du visible : où la nature est étudiée, à moins qu'il ne s'agisse d'études de conceptions géométriques, ou de réflexions graphiques détachées de tout projet de peinture. Alberti, dans son De pictura, envisage le dessin pour poser les bases d'une construction architecturale[6]. Ce qui peut donner lieu, ensuite, à sa mise en perspective. Peu de ces dessins ont survécu, et pour des raisons très diverses. L'esquisse vient du mot schizzo qui apparaît en Italie au XVe siècle dans les contrats entre artiste et commanditaire : c'est un dessin préparatoire qui donne un aperçu du projet. De tels esquisses sont mentionnées à partir du XIIIe siècle dans des contrats, au nord et au sud des Alpes[7].

La première idée a pu être murie graphiquement auparavant. Cette toute première étape va susciter d'autres formes de dessins. Mais avant cela, le dessin sert à apprendre à voir et à mettre en forme. Sous forme de dessins, Léonard a ainsi réalisé de nombreuses études de draperies au cours de ses années d'apprentissage dans l'atelier de Verrocchio (1469-1476), qui ont été conservées. Il utilisait, pour cela, des modèles en trois dimensions. On entend, dans ce cas précis, des modèles réduits en trois dimensions, utilisés déjà par Fra Bartholomeo et Pisanello[6]. Il s'agit de figures en cire ou en argile, habillées de chiffons recouverts de terre pour observer les parties du corps modelées par le tissus. L'esquisse, pour sa part, est la conséquence de cette phase préparatoire déterminée par le recours à différents modèles. Une esquisse apparaitrait pour la première fois sur un feuillet[N 2]de Pisanello, à la plume (conservé au Louvre) pour le retable Malaspina (perdu)[8]. La diffusion de ces esquisses sur feuillets autonomes apparaît dans l'atelier de Gentile da Fabriano et de Pisanello, vers 1420-1430. Après cela, de la phase finale de préparation de la peinture, certains cartons ont survécu. Le carton étant un grand modello au format de la peinture[9],[10]

Les cahiers de modèles, disponibles dans l'atelier, contiennent souvent des copies de dessins existants, des détails de fresques ou des études de moulages en plâtre. Ces études, recopiées, étaient exécutées par les apprentis comme un exercice d’entraînement, afin de pouvoir reproduire les modèles du maître et de se les graver dans la mémoire.. Ce type de travail a été réalisé par d'autres peintres, comme Pisanello : ce sont des pages de carnet de voyage (taccuino di viaggio , ou travel sketchbook)[11]. Dans certains ateliers, notamment à Florence, des artistes comme Filippino Lippi privilégient l'étude du modèle sur le vif. Comme à la Renaissance, la fascination pour l'Antiquité et l'évocation plus ou moins directe de ses modèles sont palpables dans la majorité des dessins.

Dessins de Primitifs italiens en ligne

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Le site web de la Bibliothèque Ambrosienne offre, depuis 2019, une version interactive du Codex Atlanticus[12] qui permet d'en visualiser les 1 119 feuilles, organisées par sujet, année de rédaction et numéro de page. La Cité des Sciences a ouvert, en 2012, une page interactive sur les manuscrits de Léonard[13]. Le site du Louvre présente un dessin d'Antonello da Messina : Groupes de femmes en conversation devant des maisons à terrasses, scène de vie quotidienne dans un décor urbain[14].

Histoire et art

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Lippo Memmi, connu de 1317 à 1347. Sainte Madeleine. Peinture à l'œuf et fond d'or sur panneau rectangulaire, sommet en tiers point[N 3], arcade trilobée (manque une partie). Avignon, Musée du Petit Palais[15]
Vierge à l'Enfant, attribué à Sandro Botticelli jeune (1445-1510) ou Andrea Verrocchio, vers 1470.
Paris, Musée Jacquemart-André[16]

L’intérêt pour les « primitifs italiens » s’est développé en France à la fin du XVIII. Cette expression désignait les peintres ayant vécu avant Raphaël, l’artiste alors le plus estimé[17].

Louis Hautecœur, en 1931 évoque dans "Les Primitifs italiens"[18] une période qui couvre les XIIIe et XIVe siècles ainsi que la première moitié du XVe siècle, jusqu’à Piero della Francesca et "La naissance de Vénus" de Botticelli. Daniel Arasse, en 1979, donne deux repères datés : la mort de Giotto en 1337 et la première œuvre de Vinci en 1472 [19]. Michel Laclotte et Esther Mœnch, en 2012, reprennent cette liste et y ajoutent Crivelli, disparu en 1494/95 et Carpaccio disparu en 1525/26 mais dont l'œuvre essentielle est achevée en 1501-1503[20].

Le Triomphe de la Mort, après restauration
Buonamico Buffalmacco. L. 15 m. Camposanto. Pise
vers 1355 [21]

L'histoire de l'Italie à cette époque, du XIIIe au XVe siècle, peut être sommairement découpée : le XIIIe siècle, période de prospérité puis l'effondrement du XIVe siècle - frappée indirectement par la Guerre de Cent Ans et très directement par la peste noire, en plusieurs passages - et enfin, le XVe siècle, où la république de Florence voit la montée en puissance des Médicis, puissance qui repose surtout sur la plus importante banque européenne de l'époque, la leur. La péninsule est alors constituée d'une mosaïque de territoires ayant leur mode de gouvernement propre.

Avec la Renaissance florentine dans les arts figuratifs, toute l'Italie des cités est parcourue d'une intense activité intellectuelle, qui manifeste l'humanisme de la Renaissance. Cette activité intellectuelle redouble avec l'arrivée des textes antiques depuis l'Empire Byzantin, suite au concile de Florence (1438/39) et à la chute de Constantinople en 1453. De très nombreuses commandes architecturales et artistiques, dont la sculpture de la Renaissance, témoignent d'un esprit d'émulation et de rivalités aussi. La peinture se développe dans ce cadre.

Le travail du peintre du XIIIe au XVe siècle

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Au début de cette période les peintres sont encore des artisans exécutant une commande, et les sujets, la taille de l'objet commandé, les pigments et matières utilisées sont choisis également pour eux, en fonction des codes en usage. Ceci est moins visible au XVe siècle[22].

Les peintres de cette période pratiquent la fresque et la peinture à tempera sur panneaux de bois. À Florence dès les années 1420, la peinture à l'huile sur panneau de bois a pu être utilisée quelques fois[N 4], dont la prédelle de L’Adoration des Mages par Gentile da Fabriano. À partir des années 1480 l’usage de la peinture à l’huile, sur bois puis sur toile, est de plus en plus fréquent, d'abord à Naples (Antonello de Messine), puis à Ferrare et Venise[23]. Il est très probable que Rogier van der Weyden - l'un des Primitifs flamands à maîtriser l'huile à la perfection - ait fait plusieurs séjours entre Rome et Florence au milieu du siècle et qu'il ait pu transmettre une partie de son savoir-faire à ces occasions. Parmi les premiers italiens, Giovanni Bellini a pu réaliser sa « Transfiguration » vers 1478-79 à l'huile sur panneau. Le procédé commence à se généraliser seulement vers la fin du siècle.

La peinture à l'huile ne concerne donc quasiment pas les Primitifs italiens. La peinture à tempera, suit précisément un dessin (le designo florentin) aux contours nets, ce à quoi s'opposera Léonard de Vinci par ses esquisses informes, où la main cherche cherche la forme et par son usage du sfumato et des matières picturales transparentes comme l'huile employée pour La Joconde au début du XVIe siècle[N 5]. Mais ce n'est pas des moyens picturaux dont il est surtout question, c'est aussi une conception nouvelle de l'art lui-même qui apparaît à cette époque : si cet artiste nouveau reste soumis à une pratique qui délimite les conditions de sa liberté, le prestige qui s'attache à la « belle image », à l'importance de la figure humaine, grandit et conduit aux premiers comportements excentriques de l'artiste « original », hors du commun et dont la renommée est recherchée par les élites. Une tradition de grande peinture s'installe ainsi dans les cités où l'on célèbre les premiers « génies » au début du XVe siècle avec Masaccio, Fra Angelico, Fra Filippo Lippi ...[24].

Les peintres reconnus qui obtiennent les commandes importantes ont un atelier qui rassemble des ouvriers artisans chargés des différentes activités nécessaires pour faire fonctionner la boutique : ceux qui réalisent les panneaux, la charpenterie des polyptiques et les cadres, ceux qui broient les couleurs, étalent les enduits et les poncent, ceux qui posent la dorure et souvent plusieurs peintres, parfois hautement qualifiés. Le maître se réserve la conception de l'œuvre et les parties les plus délicates. Les assistants participent parfois à l'exécution de peintures reproduites en séries. Les assistants réalisent alors, d'après le modèle qui plait, des versions qui en sont dérivées et de qualité fluctuante. Mais les œuvres de cette époque peuvent aussi avoir été très fortement remaniées, avoir été réduites d'une partie importante, repeintes et revernies[25]. En raison de leur succès depuis la fin du XVIIIe siècle, les experts actuels ne cessent de découvrir de nombreux faux en nettoyant des peintures apparemment anciennes[26].

Polyptyque à la Vierge et l'Enfant. Giovanni da Milano. Tempera, or / bois, 87 x 55 cm., vers 1355. Rome. Palais Corsini

Les formats sont extrêmement variés et le dispositif "d'encadrement" permet d'intégrer, initialement, la peinture dans le lieu pour laquelle elle a été commandée : architecture gothique ou Renaissance. Dans les églises, la forme du polyptyque avec prédelle est souvent retenue pour les retables d'autel. La prédelle apparaît, d'ailleurs, vers la fin du XIIIe siècle, une innovation commandée à Cimabue, le plus célèbre des premiers Primitifs italiens. Le polyptyque peut être de petite taille. Cimabue a peint sur ces petits formats, qui restèrent encore pratiqué bien plus tard pour la dévotion privée - comme celui de Giovanni da Milano, vers 1355, dans un style hérité de Giotto.

L'atelier chargé du projet réalise tous les éléments : cadre sculpté et doré, éléments centraux et prédelle peints. Parfois il est nécessaire de faire appel à un second atelier qui vient achever le travail ; ce qui fut le cas pour la Descente de Croix (Fra Angelico et Lorenzo Monaco) dans la sacristie, dite chapelle Strozzi, de la Basilique Santa Trinita (Florence). La commande avait été passée par Palla Strozzi (1372-1462), banquier, homme politique, homme de lettres, philosophe et philologue italien de la première Renaissance.

Dans le cas de cette Descente de Croix, qui peut servir d'exemple, le premier à travailler sur ce retable a été le moine Lorenzo Monaco (1370-1424) pour la prédelle et les trois cuspides[N 6], la partie centrale et les piliers ayant été peints, ensuite, par le moine dominicain : Fra Angelico (vers 1395 - 1455). Une puissante structure de bois tient le tout, ensemble. Elle reprend les éléments de l'architecture du lieu. Dans le cas présent : quatre piliers, trois arcs à décor de feuillage du gothique tardif et trois cuspides, donc, en forme de gâbles.

Une œuvre commune : le retable de la chapelle Strozzi. Tempera et or sur bois. 1432-1434
Descente de croix, œuvre commune : Fra Angelico pour le panneau central ainsi que les piliers ; trois panneaux en forme de gâble et (ci dessous) trois panneaux de prédelle, de Lorenzo Monaco[27].

Origines de la peinture de chevalet au XVe siècle

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Les joueurs d'échecs. Liberale da Verona, vers 1475. Panneau de cassone. 33.3 x 40.3 cm. The Met

Art et vie privée se rencontrent d'abord sur les coffres de mariage ("cassoni") dont le fiancé offrait une paire à sa future épouse. Leurs panneaux présentaient un espace en longueur au peintre qui pouvait l'occuper soit avec une grande scène, comme une ville en fête, ou plusieurs scènes successives mais dans le même espace, ou bien encore par la juxtaposition de scènes séparées. Liberale da Verona, un brillant enlumineur au troisième quart du XVe siècle à Sienne, a peint deux de ces panneaux qui proviennent de la face avant d’un coffre (cassone). Ils montrent deux épisodes d’une histoire non identifiée, ou novella. Dans l’un, un jeune homme est épris d’une jeune fille qui apparaît à une fenêtre et semble lui faire signe de la rejoindre à l’intérieur. Dans l’autre, ils se livrent à une partie d’échecs chargée d’érotisme où elle est sur le point de perdre. Les regards, infimes détails, sont saisis avec une remarquable subtilité. Ces deux thèmes étaient courants dans la littérature amoureuse de la Renaissance. Les cheveux blonds décolorés et crépus des personnages étaient à la mode à Sienne au XVe siècle[28].

D'autres types de peintures entrent donc dans l'espace privé ; on désigne ce type de peintures par le terme spalliere. Celles-ci décoraient aussi bien les coffres que les crédences et de grands coffres munis d'un dossier et servant de lit de jour. C'est sous cette forme qu'ont vu le jour un grand nombre d'œuvres aujourd'hui considérées comme des tableaux : Le Printemps de Botticelli était la spalliera d'un lettuccio installé dans l'antichambre de Lorenzo di Pierfrancesco de Médicis et en 1492, les trois panneaux de La Bataille de San Romano peints par Uccello servaient de spalliere au dessus du lettuccio placé dans la chambre de Laurent le Magnifique[29].

« Ces panneaux sont ainsi à l'origine de la peinture de chevalet moderne et ils ont apporté de nouveaux thèmes à la peinture : la mythologie antique, l'histoire romaine et la littérature moderne. Mais ils pouvaient se passer de thème littéraire, comme La Chasse de nuit de Paolo Uccello »[29].

Art religieux : les espaces

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Tout au long de la période, si les sujets religieux sont encore prédominants, la mythologie et l’histoire antique prennent une place grandissante. Le portrait se fait une place. Le paysage s’introduit dans l’arrière-plan et il enveloppe plus souvent la scène[19].

L’or signifie les figures sacrées par leur nimbe et, éventuellement, leur espace lumineux. L’architecture représentée selon divers procédés de perspective axonométrique et, au cours du XIVe siècle, à plusieurs points de fuite plus ou moins alignés verticalement, s’applique au monde des hommes.

La venue de François d'Assise et Dominique dans la culture religieuse crée de nouvelles attentes d'images, plus en accord avec le message du Nouveau Testament. Cimabue, Duccio et Giotto humanisent considérablement les acteurs des scènes religieuses afin d'en rendre visible le contenu le plus profond. Le modelé de leurs corps est plus subtil, mieux évoqué qu'avec l'art byzantin qui dominait l'art de la péninsule auparavant. Les physionomies se différencient nettement, les visages et les gestes deviennent plus expressifs. Giotto introduit aussi une gamme de couleurs plus variées, des éléments végétaux trouvent leur place. Duccio et Giotto, plus encore que Cimabue offrent des solutions simples et cohérentes pour évoquer plusieurs types d'espace architectural : la cité se développe dans l'espace, le bâtiment vu « en transparence » permet la rencontre de la vue extérieure et de l'intérieur, tout cela en maintenant une hiérarchie dans l'échelle des personnages en fonction de leur rôle dans la scène en question[30].

Trinité de Masaccio, v. 1427. Fresque. 6,67 × 3,17 m. Santa Maria Novella
Saint Sébastien. Antonello de Messine. Dresde, Gemäldegalerie Alte Meister. Huile sur bois transposée sur toile. 171 x 85 cm. Vers 1475-76 ou v. 1478.

La majorité des thèmes abordés sont donc ceux que commandent une population de croyants, gens d’église, confréries ou individus fortunés. Les images remplissent une double fonction : « émouvoir » l'ensemble des fidèles par le spectacle dépeint sous leurs yeux, et « rappeler » aux ignorants les vérités de la religion qui sont, par ailleurs, enseignées lors des prédications. Paradoxalement, « le goût de l’or, de la splendeur décorative est justifié par le caractère finalement moral du plaisir suscité ; l’art fait désirer le Paradis [...] ». Et une quantité immense d’images est peinte au cours de cette période en Italie, ayant un impact considérable sur les imaginations de l’époque[31].

La peste de 1348-1350 entraine un effondrement économique qui suspend les commandes artistiques. Florence et Sienne perdent leur rôle central mais d'autres centres apparaissent ensuite : dans les régions de Padoue, de Venise et en Émilie. Les pratiques introduites par Cimabue, Duccio et Giotto sont reprises ensuite avec des couleurs plus vives et des espaces, parfois construits méthodiquement, plus vastes (Pietro Lorenzetti : Naissance de la Vierge, 1342) ou bien, purement symboliques (Orcagna : retable Strozzi, 1354-57) suivant des procédés traditionnels[32].

Avec la Trinité de Masaccio (vers 1427) l'art se donne un but plus spirituel encore, il structure moralement la perception de l'œuvre : la ligne d'horizon du spectateur correspond au niveau des pieds des donateurs, il partage l'espace du squelette et son message : « Je fus ce que vous êtes ; et vous serez ce que je suis ». Au-dessus du spectateur, dans un espace construit rationnellement, à l'architecture classique et non gothique, se dresse un Dieu le Père immense. Si la radicalité de Masaccio ne fait pas école, alors, le traité humaniste d'Alberti va inspirer ce nouvel art de peindre où dans l'espace, rationnellement construit, « les figures et leurs mouvements composent avec clarté le récit ordonné de l'historia »[33]. Le terme d'historia s'applique à ce qu'illustre l'image : le lieu, les acteurs, l'action et ce qu'elle signifie.

Principes nouveaux de la représentation

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Annonciation. Nativité, sur la prédelle. Francesco del Cossa. 1471. Tempera/bois. 139 x 113,5 cm. Dresde, Gemäldegalerie[N 7].

Pour répondre aux nouvelles représentations des Ordres Mendiants, à partir du XIIIe siècle, surtout les dominicains et les franciscains, certains peintres essayent d'humaniser les personnes du Nouveau Testament et de la Bible, de rendre plus perceptible que dans la peinture byzantine leurs expressions, leurs douleurs éventuellement ; de représenter plus naturellement leur corps. La représentation de l'architecture sur les fresques et les retables pose des problèmes aux peintres qui expérimentent les solutions les plus diverses avant de s'appuyer uniquement sur les inventions de l'architecte Filippo Brunelleschi au début du XVe siècle ou sur la méthode rigoureuse mais trop théorique, de Leon Battista Alberti (De pictura, 1435) et plus tard celle de Piero della Francesca, plus pratique. Les paysages sont plus présents dans cet espace et souvent plus détaillés aussi. La perspective aérienne n'est pas encore nommée mais ses effets apparaissent localement. Les personnages reposent sur un sol matérialisé par des détails précis, et puis la végétation est aussi détaillée que la scène le nécessite. On passe donc de l'évocation d'une scène, à diverses solutions pour représenter cette scène au moyen de constructions géométrique et mathématique, en perspective linéaire ou, auparavant, par d'autres moyens, comme si cette scène était visible mais sous une forme parfaite : non seulement physique mais, pure construction de l'esprit, spirituelle[34].

La représentation des scènes tirées des Écritures doit se placer dans un cadre spirituel. Elle est basée sur l'histoire (historia) et non sur l'espace (spacium)[35], l'apparition de la perspective linéaire (dite aussi monofocale, centrée, à point de fuite) est très tardive (car complexe et nécessitant des connaissances et une théorisation mathématiques). Giotto di Bondone s'empare du problème à la suite des tentatives de Cimabue et de son atelier. Ce n'est qu'au cours de la Première Renaissance avec Piero della Francesca (De prospectiva pingendi, 1460/1480) que les peintres maîtrisent cette construction illusionniste, la perspective linéaire, et que les méthodes découvertes circulent d'atelier en atelier à travers la péninsule sous forme de manuscrits qui en répandent l'usage.

Cette évolution est soutenue par les représentants de l'Église et surtout les ordres mendiants qui veulent ouvrir les lieux de culte à une société étendue aux illettrés et aux pauvres, et c'est la peinture que l'on retient car moins coûteuse et plus rapide que la traditionnelle sculpture. Il faut pour cela une représentation issue de l'Ancien ou du Nouveau Testament mais aussi hagiographique : représentation des épisodes de la Passion du Christ, de la vie des saints, épisodes de leur vie, des miracles accomplis, de leur martyre (la Légende Dorée de Jacques de Voragine, écrite entre 1261 et 1266, raconte ainsi la vie de 180 saints, et sert de référence aux peintres). La prédelle « moderne » (panneau peint au bas du retable) est devenue le lieu où se déroule l'histoire des saints qui sont glorifiés au registre supérieur. L'invention d'Ercole de Roberti, sur l'Annonciation de Dresde, consiste à traiter la prédelle comme les cassoni (panneaux de coffres à linge, peints), en effet ces panneaux ont des formats très étirés en longueur et les cassoni reçoivent des peintures narratives qui sont une forme très "moderne" et cultivée, à cette époque[36]. Par contre, son invention n'aura pas de suite au delà des Primitifs italiens, car la prédelle disparaît à la Haute Renaissance, en particulier avec le choix du nouveau « tableau d'autel » par Giovanni Bellini - dont le Triptyque des Frari, huile sur bois de 1488 - Son choix sera suivi par les autres peintres vénitiens et au-delà. Le principe figuratif de ce nouveau tableau d'autel se met, en effet, en place au XVIe siècle et restera sans changements fondamentaux pour plus de trois siècles[37]. Le Polyptyque de saint Vincent Ferrier ne reprend pas la solution de la prédelle en longueur, il fragmente la narration en trois parties.

Humanisation

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Polyptyque de saint Vincent Ferrier. Giovanni Bellini, entre 1465 et 1475. Tempera / bois sculpté, doré : 275 × 194 cm. Basilique San Zanipolo. Au-dessus de la Pietà, il y avait à l'origine une lunette montrant Dieu le Père, vers laquelle Marie dirigeait son regard.

L'humanisation des scènes sacrées touche les regards par une gestuelle de tout le corps, et pas seulement du visage, qui manifeste la vie intérieure de tous les acteurs. Les animaux et les travaux des champs apparaissent au fond des tableaux sous l'influence des ordres prêcheurs religieux qui rencontrent le monde des hommes dans leur vie quotidienne. La prédication et l'évangélisation tente d'amener l'église à l'homme en renversant le processus précédent qui devait amener l'homme vers l'église.

Les représentations gigantesques du Christ pantocrator ou du Jugement dernier doivent passer à celles d'un « Christ fraternel » pour être entendues par les masses populaires et la taille du Christ dans les représentations de Duccio ou de Giotto, devient celle des autres personnages du tableau. Les trois Maestà (de la Salle des Maestà des Offices à Florence, de Cimabue, Duccio et Giotto) et [[Maestà (Martini)|celle plus tardive de Simone Martini]] au Palazzo Pubblico de Sienne montrent le passage d'un espace symbolique à un espace rationnel. Le Christ fraternel s'accompagne d'une Vierge qui a un corps féminin, avec des formes visibles sous les vêtements (impensable dans la peinture byzantine), les Vierges de l'Humilité sont terrestres, elles sont allongées sur l'herbe ou posées à terre et ne flottent plus dans les airs. La représentation est faite pour les yeux du spectateur et par un point de vue qui passe par ses yeux. Les Nativités démultiplient les éléments du récit proprement évangélique et les personnages divins sont saisis dans une intimité vécue qui est sans doute l'un des traits les plus caractéristiques de cette peinture « primitive ». Les images troublantes des martyres offrent parfois un spectacle dont la dimension morale n'est pas toujours la seule[39]. À la fin du Quattrocento, Le Pérugin et les tenants de la « grâce », ou Antonello da Messina, iront aussi loin que possible dans cette présentation de la nudité offerte aux coups du bourreau.


Le goût pour l'humanisation, la pression en faveur d'une animation de l'image par la prolifération de détails sont incontestables mais pas de manière égale partout. Les œuvres « populaires », fresques votives et œuvres peintes par des maîtres anonymes dans de petits centres régionaux, maintiennent longtemps les schémas déjà abandonnés par ceux qui travaillent dans les cités où se met au point la culture nouvelle : celle de la Première Renaissance. Mais l'originalité distingue parfois tel centre local du mouvement plus général qui traverse la péninsule, comme à Ferrare ou dans les Marches. Ce sont aussi des individus qui sortent des sentiers battus, comme lorsque Antonello da Messina (ou/et son commanditaire) choisi de peindre l'Annonciation (de Palerme), en 1475, non pas la vision mais uniquement l'émotion que produit cette apparition spirituelle, et seulement par un geste discret[40].

La juxtaposition de peintures contemporaines produit moins l'effet d'un "progrès" en marche qu'une diversité surprenante où la recherche de la distinction côtoie une volonté d'appliquer de nouvelles solutions, quand bien même elles seraient radicales. Trois peintures réalisées à seulement un an d'intervalle à Florence le montrent avec clarté : l'Adoration des Mages, de Gentile da Fabriano, commanditée par le richissime Palla Strozzi (commanditaire, aussi de la Descente de Croix, réalisée par Lorenzo Monaco et Fra Angelico). Cette Adoration des Mages accumule les joliesses, le luxe, un rêve chevaleresque de roman. Peinte en 1423 elle est suivie, à Florence même, par les fresques de Masolino et Masaccio pour la chapelle Brancacci : celle de Masolino, avec la recherche d'une fluidité narrative, un état de chaste et printanière dignité humaniste, et la vision de Masaccio avec la tragédie d'Adam et Ève, tordus de désespoir, non idéalisés avec leurs pieds épais, contraints de vivre dorénavant la dure condition humaine[41].

Gentile da Fabriano: Adoration des Mages, 1423. H. 3,01 m. Galerie des Offices. Masolino. 1423-25. Adam et Ève, le péché originel. H. 2,08 m. Masaccio. 1424-28. Adam et Ève chassés du Paradis. H. 2,08 m. Chapelle Brancacci, Église Santa Maria del Carmine (Florence). Francesco del Cossa: Le triomphe de Vénus. Détail de la fresque, 1469-70. Ferrare: Palais Schifanoia

L'École de Ferrare est un exemple parmi tant d'autres de cette diversité qui fait l'originalité des Primitifs italiens[42]. De cette école de Ferrare, le peintre Francesco del Cossa travaille justement à Ferrare au Palais Schifanoia, dans la salle des Mois, en 1469-70. Il ne travaille pas seul. Pour la partie qu'il aurait réalisée, le mois d'Avril, il place cette scène allégorique et joyeusement colorée sous le pouvoir d'une Vénus sur un trône de fantaisie. La divinité apparaît entourée de diverses évocations de la fécondité, de couples d'amants, et de la sculpture antique des Trois Grâces[43].

L'émergeance de l'individu se manifeste certainement par la naissance de l'« artiste » mais, bien plus généralement, au sein de la société, par la multiplication des portraits privés, extrêmement rares auparavant.

Pour ce qui est des artistes, Brunelleschi, au tout début du XVe siècle, serait le premier à se mettre hors du commun, un signe qui s'intègre à un processus général qui voit progressivement s'affirmer l'individualité de l'artiste. Il serait le premier, ainsi, à avoir désobéi aux règles de sa profession. Emprisonné, il est libéré en raison de sa notoriété et de sa responsabilité centrale dans la construction du dôme de la cathédrale de Florence, cela, précisément, grâce à son originalité et à des procédés jamais envisagés au sein de sa profession. Il aurait été aussi le premier à avoir formulé cette expression devenue proverbiale « Tout peintre se peint »[44]. À Florence, dans les dernières années de ce même Quattrocento, Piero di Cosimo est le plus célèbres des artistes qui se distinguent par leurs excentricités. Encore jeune peintre, il fait preuve, selon Vasari, d'une « puissance d'abstraction » et d'une « fertilité d'imagination » exceptionnelles.

Portrait de Leonello d'Este. Pisanello. 1441. Tempera/ bois. H. 28 cm. Accademia Carrara
Tête d'un berger. Giotto. Fresque, v. 1300. Visage individualisé, d'un cycle sur la Vie de la Vierge. Badia Fiorentina. Galleria dell'Accademia

Les premiers portraits, où la personne est identifiable, nommable, étaient réservés aux personnalités exceptionnelles qui pouvaient servir d'exemple moral pour les générations futures ou en raison de leur fonction sociale. Mais les acteurs des différentes scènes religieuses depuis la fin du XIIIe siècle témoignent de visages individualisés, reflets de personnes réelles. À la fin du XIVe siècle les portraits de donateurs dévots sont tolérés (malgré les protestations de certains prédicateurs), mais minuscules, aux pieds des saints dont, pour leur propre salut, ils avaient commandé l'image. C'est, traditionnellement, un portrait de profil sur le modèle des médailles antiques (et modernes de l'époque). Au sein même des églises les portraits mémoriels, tridimensionnels, et les ex-voto peuvent prendre la forme de moulages, vêtus, éventuellement équestres suspendus au plafond des églises, et de masques mortuaires - on a conservé celui de Brunelleschi. Au début du XVe siècle les portraits sculptés de Donatello restent étonnants de naturalisme, poussant le détail jusqu'à rivaliser avec l'empreinte relevée sur le vivant. Le portrait peint suit la même veine naturaliste, individualisée, par exemple avec les portraits équestres de Donatello puis Verrocchio. C'est tout un groupe social qui s'auto-célèbre, et qui se met, éventuellement, sous la protection de saintes figures sur le même tableau, dans le même espace de l'image[45]. Au cours des trente dernières années du XVe siècle, avec Antonello da Messina, l'individualisation dans le tableau parvient à révéler la vie psychique du portraituré. Sa formation complétée auprès de la peintres flamands, avec la maîtrise de l'huile et la caractérisation du personnage, Antonello isole alors sa figure sur un fond sombre qui le détache, ainsi, d'un lieu, végétal ou architectural traditionnel à la peinture italienne. Ce procédé va avoir un réel succès auprès des peintres vénitiens qu'il rencontre vers 1475[46].

Détails naturalistes et références antiques

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Monument équestre à Niccolò da Tolentino. Andrea del Castagno 1456. Fresque, H. 8,33 m. Santa Maria del Fiore

La peinture offre aussi des indications sur la culture de cette époque. Si la culture religieuse est, au début de cette période et seulement en partie, motivée par les ordres mendiants, les rivalités entre confréries et entre cités est souvent perceptible dans certains choix comme la taille des retables et le déploiement de l'or sur de larges surfaces. Les relations étroites entre Pise et Florence avec les Flandres apporte le goût du détail naturaliste cher aux Primitifs flamands (dont Robert Campin, Jan van Eyck et Rogier van der Weyden), qui se renforce avec l'arrivée en Italie de leurs peintures à l'huile, aux détails fascinants de précision. La maîtrise du dessin permet d'analyser les formes nommables dont on s'efforce de saisir les contours précis : ainsi de la musculature du cheval dans les fresques peintes par Piero della Francesca à San Francesco d'Arrezzo, et qui faisaient l'admiration de Vasari : « trop beaux et trop parfaits pour l'époque »[47].

Détail de "La victoire de Constantin contre Maxence". Piero della Francesca. Fresque entre 1452 et 1466. Basilique San Francesco d'Arezzo

Au cours, mais surtout à la fin du XVe siècle, la redécouverte du patrimoine antique qui est partout encore présent, ruiné ou intégré dans les monuments ou dans l'habitat, encore visible sur les monnaies découvertes ou transmises, réapparait dans les peintures. L'architecture antique, dont le plafond à caisson au Panthéon de Rome toujours en bon état à l'époque, témoignait des qualités exemplaires du monde romain. Cette architecture romaine avait fait un très large usage du chapiteau corinthien et de la colonne cannelée, mais les autres ordres aussi, moins prestigieux, ont permis à la Renaissance de repenser la façade des immeubles en construction dès le XVe siècle. Cela se retrouve aussi par de nouvelles commandes d'images où des commanditaires sont soucieux de marquer leur appartenance à une élite cultivée, de culture humaniste, imprégnée de textes d'auteurs antiques comme les proches, par exemple, de Federico da Montefeltro à Urbino. Ainsi, sur la Flagellation du Christ par Piero della Francesca, datée entre 1459 et 1460, la galerie de style classique n'est pas inspirée par une préoccupation archéologique de reconstruction du prétoire de Ponce Pilate mais, plutôt - pour des humanistes comme Bessarion (en costume et coiffure byzantins) - le fait que la prise de Constantinople par les Turcs en 1453 signifiait la disparition du dernier témoignage de la Grèce classique[48].

Un détail de la fresque de Francesco del Cossa ayant pour thème « Le triomphe de Vénus », nous présente, au mois d'Avril, des festivités en lien avec le printemps comme temps des amours sous la protection de la déesse romaine, Vénus. La sculpture, célèbre depuis l'Antiquité hellénistique, « Les trois Grâces », est aussi présente dans cet espace : trois figures de jeunes femmes nues, enlacées de dos et de face, qui tiennent des pommes. Cette sculpture antique était connue dans le milieu des humanistes : la bibliothèque de la cathédrale de Sienne conservait à cette époque un groupe similaire, identifié comme « les trois Grâces »[N 8].

Cette époque a donc été aussi celle des premières grandes collections d'antiques, dont les innombrables bustes romains, preuves, à l'époque, de la longévité supérieure de la sculpture sur la peinture. Ces portraits de l'Antiquité favorisaient les commandes de portraits sculptés au XVe siècle, et les portraits peints, moins onéreux que leurs rivales et appréciés, voire préférés en raison du jeu, plus naturel, des couleurs. Ainsi, après des siècles durant lesquels la représentation générique avait été la norme, des portraits aux traits distinctifs, naturalistes, ont commencé à réapparaître en Europe au XVe siècle. Ce changement reflétait un regain d'intérêt pour la vie quotidienne et l'identité individuelle ainsi qu'un renouveau des coutumes gréco-romaines[49].

Le monument équestre à Niccolò da Tolentino prétend se placer dans la lignée glorieuse des monuments équestres sculptés les plus célèbres : le Gattamelata de Donatello, en bronze, de 3,40 m., dressé à Padoue en 1450, et son modèle romain, la statue équestre de Marc Aurèle en bronze, de 3,40 m., encore à l'est du Palais du Latran à Rome avant d'être déplacée sur la place du Capitole en 1538 comme un modèle d'excellence. Ces portraits renouvellent profondément la tradition aristocratique par une autocélèbration qui veut s'enraciner dans une tradition millénaire[45].

La perspective et ses fonctions dans la culture nouvelle

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Domenico Veneziano. Pala de sainte Lucie. 1445. Tempera/bois, 2,09 x 2,16 m. Galerie des Offices[50]

Florence, dès le début de cette période, avec Cimabue puis Giotto, est un centre essentiel dans le domaine artistique mais aussi culturel et politique. Ailleurs, un grand nombre de centres dispersés dans toute la péninsule ne cesseront de se distinguer au XVe siècle. Les cours locales utilisent partout la dimension politique de leurs commandes. À Florence, le mécénat des Médicis s'impose au XIVe siècle puis au XVe siècle.

La culture nouvelle, une culture classique, humaniste, Daniel Arasse la présente comme une alternative - dans les années 1440-1460 - qui s'oppose alors à la tradition fondée sur les solutions découvertes par Giotto et bien ancrées à Florence, le « néo-giottisme » florentin. Le terme d'humanisme que l'on utilise pour évoquer cette nouvelle culture trouve son origine dans le jargon des étudiants qui suivaient un enseignement (les studia humanitatis) : grammaire et rhétorique, histoire, poésie et philosophie morale : l'unité et la cohérence de la culture antique. Cet enseignement s'opposait à l'ensignement scolastique et sa succession hiérarchisée : le Trivium (grammaire, rhétorique, dialectique) et le Quadrivium (arithmétique, géométrie, musique, astronomie). Au sein de l'enseignement nouveau, l'histoire possède une place exceptionnelle, où elle est, comme disait Cicéron, Lumière de la vérité et maîtraisse de vie. D'où découle une nouvelle conscience historique et le sentiment d'une rupture entre mondre Moderne et Antiquité.[51].

Le grand chantier pour le dôme de Santa Maria del Fiore, posait de tels problèmes que l'architecte qui en a été chargé, Filippo Brunelleschi a dû ne plus reproduire les solutions traditionnelles mais trouver un ensemble de solutions nouvelles. Cet esprit novateur a été aussi capable, vers 1425, de produire une représentation illusionniste du baptistère de Florence gâce à sa maîtrise de la perspective linéaire. En 1435 Alberti écrit le De pictura (De la peinture) qui rend la méthode de Brunelleschi plus flexible. C'est avec ces bases nouvelles que Masaccio construit l'espace de sa Trinité à Santa Maria Novella en 1524. Le texte d'Alberti influencera théoriquement des artistes tels que Piero della Francesca et Léonard de Vinci - dans la dédicace de son livre à Brunelleschi, Alberti envisage, d'ailleurs, une « renaissance » de l'Antiquité. Piero della Francesca rédige, de son côté, un traité d'un usage plus pratique le De prospectiva pingendi (de la perspective en peinture), entre les années 1460 et 1480 et ce texte circule, sous forme de manuscrits, dans les ateliers de la péninsule. Ceci dit, la réalité culturelle en Italie était beaucoup plus confuse et pleine de contradictions que cette distinction en deux blocs opposés : au moment du De Pictura c'est Pisanello qui était le plus loué par les humanistes, il offrait un grand nombre de détails aux capacités de l'orateur. Alors que sa La Vision de saint Eustache ou l'Histoire de Bohort à Mantoue[52] ne décrit pas le monde de l'histoire mais celui de la fable chevaleresque et courtoise[53].

Par ailleurs, la promotion de Domenico Veneziano et sa Pala de sainte Lucie (1445) marque une autre rupture : s'il s'agit bien, toujours, d'un tableau d'autel, celui-ci marque cependant l'émergence du format rectangulaire - la tavola quadrata - et donc l'abandon du style du gothique international (fin XIVe et début XV e siècle), qui transposait dans la forme du tableau d'autel les arcs brisés et le décor de l'architecture religieuse gothique. Domenico Veneziano fait plus, en ce qui concerne la perspective : « en abaissant le point de vue et en resserrant le cadrage de l'image, la construction perspective permet de monumentaliser simultanément l'architecture et les figures, tout en faisant surgir ces dernières vers le spectateur »[54].

Piero della Francesca. La Flagellation du Christ
1459 -1460. Tempera/bois, 58,4 × 81,5 cm. Galleria Nazionale delle Marche. Urbino

La Flagellation d'Urbino, de Piero della Francesca, avec ces trois personnages, contemporains du peintre, au premier plan, est un excellent exemple de l'usage de la construction d'un espace architectural antique comme tableau pour un usage privé, et ici, à la mémoire d'un disparu. Selon l'interprétation de l'historien Carlo Ginzburg, la flagellation du Christ est mise en scène avec les portraits de trois représentants de l'élite, contemporains du peintre. Il s'agit, dans les trois personnages du premier plan, d'un jeune homme aux pieds nus : le fils du duc d'Urbino et comte, Frédéric III de Montefeltro, et des représentants, au plus haut niveau, des hiérarchies religieuses en Occident et en Orient. La parfaite maîtrise dont fait preuve l'artiste lui sert à construire une image chargée de significations qui ont moins à voir avec une pratique dévotionnelle qu'avec la politique internationale de cette époque et la mémoire, au sein d'une petite élite, pour un jeune humaniste comparé à Pic de la Mirandole, et disparu dans la fleur de l'âge - pour évoquer sa disparition il est présent dans le tableau, pieds nus[N 9].

À l'inverse de ces intentions cachées dans l'image, Daniel Arasse a montré que le travail de Paolo Uccello, sa recherche passionnée en matière de perspective, était étroitement liée à une conception rationnelle de l'histoire, l' historia, que rappelait l'image. En trois panneaux il rassemble ainsi les moments clés de la Bataille de San Romano qui avait opposé, en 1432, les Siennois aux Florentins. Ces panneaux ont été vraisemblablement commandés par un certain Lionardo Bartolini Salimbeni (1404-1479) pour décorer une pièce de son palais florentin[55]. La bataille est saisie en trois moments permettant, grâce à la composition de chaque image, une parfaite intelligibilité des faits : l'engagement du combat, l'arrivée décisive des renforts, enfin, la défaite décisive des Siennois. La structure des compositions organise, chaque fois, cette lecture en trois séquences logiquement construites[56].

Des exemples similaires à ce tableau existent tout au long de la période. La complexité des questions que ces tableaux soulèvent montre au moins une chose : la grande diversité des commanditaires pour chaque peintre interdit d'en déduire que telle forme d'art ou tel style servirait les intérêts d'un groupe particulier. Pour prendre un autre exemple, Piero della Francesca, dans les fresques consacrées à l'Histoire de la Vraie Croix, introduisit un motif jamais représenté : la mort d'Adam. Cette nouveauté s'est révélée avoir été expressément demandée par le commanditaire qui, en faisant décorer la chapelle, réalisait lui-même un vœux de son père mourant[57].

Piero della Francesca, né dans le petit bourg de Sansepolcro, a peint régulièrement des œuvres importantes dans sa région d'origine, mais il a travaillé aussi pour les cours les plus prestigieuses : les Este à Ferrare, pour Federico da Montefeltro à Urbino, pour Sigismond Malatesta à Rimini et pour Nicolas V à Rome[47]. Mais, comme on vient de le voir, dans l'Histoire de la Vraie Croix, il pouvait aussi travailler pour des personnalités bien moiuns connues. En fait, Piero della Francesca fait partie de cette nouvelle tradition artistique qui s'oppose à celle attachée au « néo-giottisme florentin ». Il s'agissait, alors, de deux traditions littéraires et humanistes différentes alors que dans le même moment la culture, elle même, devenait le « troisième pouvoir »[58]. Moins d'un demi-siècle plus tard Ercole d'Este décide de « moderniser » son palais et les fresques réalisées par Piero pour Borso d'Este au Palazzo Schifanoia autour de 1450, sont détruites. La « modernité » de Piero della Francesca n'était plus moderne[47]. Ce moment correspond au passage de la Première Renaissance à la Haute Renaissance.

Nouveaux paysages

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Lieux imaginés

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Pietro Lorenzetti : Arrivée du Christ à Jérusalem, Assise entre 1320 et 1330
Ville au bord de la mer. Sassetta. Tempera / bois. H. 22,8 cm. P.N. Sienne
Début XVe siècle. Élément d'armoire. Premier « paysage pur » (?)[59]

Les paysages sont le cadre des activités humaines, et le tableau cadre un espace reconnaissable qui se construit selon des codes plus réguliers. Les lieux pour être ainsi représentés sont puisés dans le quotidien : ainsi lorsque le Christ entre dans Jérusalem, chez Duccio, cela se traduit par une représentation de la ville de Sienne : Jésus entre dans Sienne. Les différents paysages apparaissent, comme le paysage naturel autour de Sienne. villes, campagnes, mais aussi déserts, montagnes, et Giotto qui peint la Vie de saint François d'Assise rappelle que sa sainteté s'inscrit dans les paysages de l'Ombrie avec ses détails, arbres, ruisseaux, ravins, villages sur les collines. La scène de la Nativité (à l'initiative de saint François qui invente la Crèche), se situe dans une vraie grotte adossée à des rochers, et les scènes de l'Adoration des bergers ou du cortège des mages s'accompagnent de détails qui nous éclairent aujourd'hui encore sur les us et coutumes de l'époque du peintre, habits, métiers, animaux exotiques présents dans le cortège.

Représentations du pouvoir au sein du paysage : des programmes politiques

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Quelques exemples témoignent de l'usage du paysage naturel et urbain dans la peinture des Primitifs italiens comme lieux où se manifeste l'exercice du pouvoir politique.

Les fresques d’Ambrogio Lorenzetti sur les Effets du bon et du mauvais gouvernement, présentent des scènes allégoriques sur les vertus du pouvoir{sfn|Daniel Arasse, 2008|p=303}}

La Chambre des Époux, au palais ducal de Mantoue, est décorée à la gloire du Marquis Ludovico II Gonzaga et de son épouse à la demande de leur fils ainé. Il s'agit d'une vaste pièce voûtée, cubique de, environ, huit mètres de côté. Elle est couverte de fresques et de reliefs peints. Au plafond, un oculus en trompe-l'œil, donne aux acteurs de ces scènes l'impression d'être observés - ces figures ont été repeintes à la nouvelle mode, au siècle suivant. Les deux scènes principales représentent deux évènements survenus le même jour, le 1er janvier 1462. Sur la paroi ouest, le paysage donne l'occasion de voir des initiatives du Marquis : plantation d'orangers et édification de forteresses. Puis le Marquis fait La Rencontre - dans un paysage antique reconstitué - de ses fils, Federico, son héritier, et Francesco, cardinal, qui revenaient de Milan où ils étaient allé remercier Francesco Sforza du rôle qu'il avait joué dans la nomination de Francesco au titre de cardinal. « La Cour s'inspire de la réception à Mantoue de la lettre par laquelle la duchesse Bianca Maria Visconti appelle le marquis Ludovico II Gonzaga [père du commanditaire] à se rendre le plus rapidement possible à Milan afin de "donner un ordre qui sera nécessaire à la conservation de cet État" mis en péril par la maladie de Francesco Sforza » [chef de guerre, devenu duc de Milan]. Le peintre, érudit et lecteur de textes antiques, aurait fait allusion à un texte de Pline le Jeune, le Panégyrique de Trajan, où le Marquis est ainsi le représentant moderne de l'empereur Trajan, vu comme le prince juste, dans l'Antiquité - son bon gouvernement est constaté (de l'"extérieur") par les observatrices depuis l'oculus. Un programme politique, donc, en accord avec la pratique du pouvoir tel que l'exerce le marquis de Mantoue[61]. Cet ensemble est un des premiers depuis l'Antiquité consacrés à la gloire du Prince. Notons aussi que cet ensemble est signé de l'auteur[62] qui a glissé son portrait au sein du décor, des pratiques nouvelles au XVe siècle.

Architectures complexes

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Attribué à Giotto : Le Miracle du Crucifix, Assise entre 1297 et 1299. H. 2,70 m[N 10].
Contre-plongée, placée en hauteur. Vincenzo Foppa. Annonciation. Chapelle Portinari. 1464-68. Sant'Eustrogio. Milan

Si la représentation des paysages et ses éléments naturels, des personnages dans leur poses convenues par les textes, même adaptées aux contraintes terrestres est simple, la représentation crédible et cohérente des édifices se heurte à la complexité architecturale dans le tableau. Seul Giotto y parvient réellement même avec une perspective empirique[N 11] (fresques d'Assise) en évocant un monument que les habitants d'Assise connaissent : la chapelle Saint-Damien d'Assise. Il utilise même, pour cela, une sorte de vue éclatée de la chapelle qui semble détruite, pour appuyer le propos de la révélation de François, transposant au propre le figuré de l'impératif divin (reconstruire l'Église).

La représentation des détails architectoniques fait l'objet d'expérimentation car souvent les tableaux sont placés haut devant des spectateurs qui doivent hausser le regard et ne pas apercevoir de distorsions inacceptables dans leur perception des voûtes d'ogives, colonnes, plafonds à caissons ; le problème de la vue en contre-plongée se pose et les solutions s'affrontent. On passe également de la simple représentation en perspective empirique d'un seul bâtiment à la totalité d'une ville, avec ses palais, maisons, remparts, avec souvent un sol (carrelé à l'intérieur) pour appuyer et marquer son exactitude. Les ombres également sont soumises à l'exactitude de l'éclairage ainsi que les dégradés des teintes entre ombre et lumière.

Antonello da Messina. Saint Jérôme dans son étude. 1474/1475. Huile sur bois, 45,7 × 36,2 cm. National Gallery

Primitifs italiens : liste non exhaustive

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Par ordre chronologique de naissance : Cimabue v.1220-1302 ; Duccio v.1260-v.1318 ; Giotto v.1266-1337 ; Simone Martini 1284-1344 ; Maso di Banco actif v.1335–1350 ; Lippo Memmi 1291 - 1356 ; Bernardo Daddi v. 1290-1348 ; Pietro Lorenzetti 1280-1348 et Ambrogio Lorenzetti v. 1290-1348 ; Paolo Veneziano v.1290-1358/1362 ; Taddeo Gaddi v.1300-1366 ; Giusto de Menabuoi 1330-1387/91 ; Bartolo di Fredi 1330-1410 ; Agnolo Gaddi 1350-1396 ; Lorenzo Monaco 1370-1424 ; Gentile da Fabriano v.1370-1427 ; Jacobello del Fiore v.1370-v.1439 ; Masolino da Panicale 1383-v.1447 ; Sassetta 1392-1450 ; Francesco Squarcione 1394/97-1468/74 ; Paolo Uccello 1397-1475 ; Jacopo Bellini 1400-1470 ; Domenico di Bartolo v.1400/1404-v.1445/1447 ; Masaccio 1401-1428 ; Fra Angelico 1387/1395-1455 ; Domenico Veneziano v.1400-1461 ; Fra Filippo Lippi 1406-1469 ; Piero della Francesca 1412/1420-1492 ; Cosmè Tura 1420/30-1495 ; Andrea del Castagno 1421-1457 ; Giovanni Bellini 1425/1433-1516 ; Vincenzo Foppa 1425/30-1515/16 ; Antonio Pollaiuolo 1429-1498 ; Gentile Bellini 1429-1507 ; Desiderio da Settignano v.1430-1464 ; Antonello de Messine 1430-1479 ; Carlo Crivelli (peintre) 1430/35-1494/95 ; Andrea Mantegna v.1431-1506 ; Marco Zoppo 1433-1478 ; Andrea del Verrocchio 1435-1488 ; Francesco del Cossa 1436-1477/1478 ; Francesco di Giorgio Martini 1439-1501 ; Sandro Botticelli 1445-1510 ; Pietro Perugino 1448-1523 ; Leonard de Vinci 1452-1519 ; Filippino Lippi 1457-1504

Plusieurs peintres d'entre eux, dont Giovanni Bellini, Andrea Mantegna, Pietro Perugino et Leonard de Vinci sont aussi des artistes majeurs de la Haute Renaissance. Leurs toute premières œuvres appartiennent néanmoins à la Première Renaissance et à ce titre ils sont considérés comme primitifs italiens.

Postérité

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Annonciation
Ambrogio Lorenzetti
Fresque irrégulièrement conservée
Ermitage de Montesiepi
Vers 1334-36

Le goût pour l'art primitif italien s'est tari jusqu'au XVIIIe siècle. Sa redécouverte, progressive, a accompagné les mutations qui ont suivi, dans le champ artistique. En France, Seroux d'Agincourt achève en 1789 une Histoire de l'art dont la partie consacrée à l'art médiéval suscite un renouveau d'intérêt sur cette période[63]. En 1809, Napoléon supprime les congrégations religieuses italiennes, permettant ainsi la dispersion de très nombreuses œuvres et la constitution de collections privées. Le cardinal Joseph Fesch amasse ainsi nombre de primitifs, mais pas exclusivement. Artaud de Montor en fait, lui, une collection spécialisée qu'il fait découvrir aux artistes de son temps, dont Ingres.

De nombreuses collections privées se sont ainsi constituées dès le XVIIIe siècle qui comportent des peintures de primitifs italiens. Parmi les plus célèbres : en Allemagne par Bernhard von Lindenau (1779-1864), ce qui constitue aujourd'hui la collection d'Altenbourg ; en France la partie de la collection constituée par Nélie Jacquemart à partir des années 1880, actuellement au musée Jacquemart-André ; aux États Unis, The Frick Collection de New York, fondée par Henry Clay Frick (1849-1919), dont la fille Helen Clay Frick (en) (1888–1984) se passionnait pour les Primitifs italiens, tout particulièrement dans les années 1920 et 1930.

Un immense travail, depuis la fin du XVIIIe siècle, est réalisé par les historiens et historiennes de l'art pour rechercher ou/et découvrir les peintures, dispersées depuis leur création, souvent très dégradées, identifier les peintres - longtemps très mal connus pour les plus anciens - et avec les restauratrices et restaurateurs retrouver un aspect satisfaisant, avec les moyens disponibles, pour les peintures sur panneaux et les fresques qui ont vécues jusqu'à nous ; et, enfin, les présenter au public, publier les recherches comme à l'occasion de l'exposition Cimabue de 2025 au Louvre - « Aux origines de la peinture moderne en Occident » - après la découverte et la restauration d'un panneau de polyptique et la restauration de la grande Maestà de Pise, conservée au Louvre[64].

En 2024 il est possible d'avoir accès au Répertoire des tableaux italiens dans les collections publiques françaises (XIIIe-XIXe siècles), le RETIF, en ligne[65].

Bibliographie et sources en ligne, ordre chronologique

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Compléments:

  • Louis Hautecœur (60 planches hors texte), Les Primitifs italiens, Laurens, , 292 p. (SUDOC 064649466).
  • Les travaux d'Ugo Procacci au sein du Gabinetto di restauro dei dipinti de Florence (redécouverte des primitifs), principales publications (it) 1958-1975.
  • La collection privée d'Alexis François Artaud de Montor, Peintres primitifs, collection de tableaux rapportée d'Italie par M. le Chevalier Artaud de Montor, Paris, 1843 (cf. J.-B. Challamel), Base Joconde. Lire en ligne sur Gallica : [9], et sur Internet Archive : [10]
  • Erwin Panofsky, Idea : contribution à l'histoire du concept de l'ancienne théorie de l'art, Gallimard, (1re éd. 1924 ((de))) (SUDOC 001520784) et (SUDOC 005187346).
  • Anna Jameson, Joseph Archer Crowe et Giovanni Battista Cavalcaselle (Copie de deux écrits de 1864, l'un par Anna Brownell Jameson, l'autre par Arthur Crowe (1825 - 1896)[66] et Giovanni Cavalcaselle (1820 – 1897)), Les Primitifs italiens, Parkstone, cop. 2011, 199 p., 29 cm (ISBN 978-1-84484-866-9, SUDOC 159007356).

Art et société:

Notes et références

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  1. Que ce soit Paolo Uccello ou Piero della Francesca, Léonard de Vinci et tant d'autres, ces artistes font un usage constant de la géométrie considérée comme un art au XVe siècle ; en cela ils font tout comme leurs collègues Français, dont Jean Fouquet : « L’art de géométrie », sur Bnf Les Essentiels (consulté le ).
  2. Feuillet : portion de la feuille obtenue après pliage.
  3. L'arc en tiers-point est un arc dans lequel s'inscrit un triangle équilatéral.
  4. La Pala Barbadori, au Louvre, est indiquée sur le site des Collections comme une « huile (?) sur bois (peuplier) » [1]. Quant à la « Madonne de la Mer », de la Galleria dell'Accademia de Florence, bien qu'elle apparaisse dans Renaissance Florence, the Age of Lorenzo de Medici ( 1993, (SUDOC 011757396)) comme peinture non datée, à l'huile, n'apparaît plus ainsi sur le site de la Web Gallery of Art, WGA, mais comme tempera sur bois daté 1477 [2].
  5. Sur les termes disegno et sfumato voir : Carlo Pedretti (trad. de l'italien par Renaud Temperini), Léonard de Vinci : L'art du dessin [« Leonardo, l'arte del disegno »], Citadelles et Mazenot, (1re éd. 2014), 240 p. (ISBN 9782850887253).
  6. Un cuspide désigne le panneau en forme de gâbles dans un polyptyque. (Stephane Mendelssohn, « Cuspide », sur Guie artistique de la Province de Sienne, (consulté le ).)
  7. Daniel Arasse 1992, p. 176 s'attarde, un instant sur l'escargot, qui surprend dans ce tableau. Il appelle « détail icônique » ce type de fragment de peinture, peint « jusqu'au moindre détail » qui invite le regard à s'approcher. Il remarque dans « Histoires de peintures » que l'escargot, qui semble, dans l'espace de l'image - l'Annonciation - énorme, est peint comme s'il était sur le rebord du cadre de la prédelle - donc dans notre monde - et à cet endroit il n'est pas plus gros qu'un réel escargot de Bourgogne. L'escargot serait ainsi un moyen, pour nous, d'entrer dans le monde de l'image. Et Daniel Arasse découvre ce message supplémentaire : « Le tableau ne représente pas la vérité de l'Annonciation, il n'est qu'une représentation de l'Annonciation » : Francesco del Cossa énonce tout simplement sa conscience du non-réalisme de la peinture alors que ce tableau est ultra-sophistiqué. Ce qui montre sa très haute conscience de ce qu'est peindre au XVe siècle. Du côté du symbole, le spectateur peut constater que l'ange ne peut voir la Vierge, car la colonne est précisément placée entre eux deux. Mais l'ange - en tant que messager de Dieu - peut voir à travers cette colonne, « surtout que cette colonne est l'image du Christ ». Ce qui doit nous rappeler ce qu'est une image, dans la culture catholique d'après le deuxième concile de Nicée, contre les iconoclastes. Voir aussi : Daniel Arasse, 1999, p. 199-206
  8. Une copie romaine de l'original hellénistique représentant les trois Grâces - ou les Charites (sing. Charis) - du IIe siècle avant l'ère commune, appartenait à Francesco Todeschini, archevêque de Sienne et cardinal en 1460, puis pape Pie III. Il la fit placer dans la bibliothèque de la cathédrale qui conservait la précieuse collection de manuscrits du pape Pie II, pape dont il était le neveu. (Stephane Mendelssohn, « Copia romana da originale ellenistico del III secolo, « Tre Grazie » », sur Province de Sienne, (consulté le ). L'original des Trois Grâces aurait été réalisé « par un sculpteur au goût éclectique comme le fameux Pasitélès ». Elle offrent des variantes de l'Aphrodite de Cnide, mais avec un allongement des corps disposés sur un plan qui joue avec la conception du corps en deux faces. (Marc Bormand, Beatrice Paolozzi Strozzi et Francesca Tasso, dir., Le corps et l'âme : de Donatello à Michel-Ange : sculptures italiennes de la Renaissance [exposition], Louvre éditions et Officina libraria, (ISBN 978-2-35031-697-0, SUDOC 250229188), p. 146).
  9. Cette peinture, selon Daniel Arasse, condense ce que l'on a appelé la civilisation mathématique d'Urbino, réunie autour du duc Frédéric de Montefeltro. Et puis il y a aussi ce que l'on ne voit plus : en effet, on pouvait lire encore au siècle dernier, sur le cadre, l’inscription Convenerunt in unum (latin, traduction : « Ils se sont réunis comme un seul » ou « Ils se mirent d’accord et s’allièrent »). Ces quelques mots sont énigmatiques. Mais dans le contexte du tableau, Daniel Arasse, comme Carlo Ginzburg, retient la possible allusion à un évènement contemporain dans ce Convenerunt in unum : le concile de 1439 à Florence, qui précéda la chute de Constantinople en 1453 (Daniel Arasse, 2008, p. 206-207). Celle-ci aurait été pressentie auparavant par les douleurs infligées à la chrétienté d'Orient - l'Empire byzantin était attaqué depuis longtemps - représentées dans le tableau sous la forme symbolique de la Flagellation du Christ. La figure de Ponce Pilate porte un chapeau byzantin : l'empereur en serait tenu responsable.(Carlo Ginzburg, 1983)
  10. "Comme le bienheureux saint François priait devant l'image du crucifix, une voix lui vint de la croix qui, par trois fois, lui dit, faisant allusion à l'église de Rome : "François va, sauve ma maison qui toute se détruit". L'édifice représente la chapelle San Damiano (Saint Damien) près d'Assise, comme si elle était en ruine. Jacques Le Goff, « Chapitre II. À la recherche du vrai saint François », dans Jacques Le Goff, Saint François d'Assise, Gallimard, (SUDOC 04787273X, lire en ligne), p. 38 à 119.
  11. Dans ce cas on entend par "perspective empirique" le fait que les lignes de fuites se croisent approximativement dans la même région de l'image, et qu'il n'y ait pas de ligne d'horizon, figurée ou théorique. Daniel Arasse fait allusion à « l'emploi, empirique mais convaincant, d'une « perspective » centralisée. » (Daniel Arasse, 1997, p. 248)

Références

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  2. Daniel Arasse, 2008, p. 104.
  3. Daniel Arasse, 2008, p. 102-106.
  4. Daniel Arasse, 2008, p. 107.
  5. Daniel Arasse, 2008, p. 319.
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Articles connexes

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Rappel des périodes définies par les historiens de l'art

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