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Pont Grande-Duchesse Charlotte

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Pont Grande-Duchesse Charlotte
Pont Rouge
Le pont relie le Kirchberg (à droite) au Limpertsberg (à gauche).
Le pont relie le Kirchberg (à droite) au Limpertsberg (à gauche).
Géographie
Pays Drapeau du Luxembourg Luxembourg
Canton Luxembourg
Commune Luxembourg
Coordonnées géographiques 49° 37′ 04″ N, 6° 07′ 51″ E
Fonction
Franchit Alzette et quartier du Pfaffenthal
Fonction Viaduc routier et tramway
Itinéraire Nationale 51
Caractéristiques techniques
Type Pont à béquilles
Longueur 355 m
Portée principale 234,10 m
Largeur 26,58 m
Hauteur 75 m
Matériau(x) Acier
Construction
Construction 1962-1965
Mise en service
Architecte(s) Egon Jux

Carte

Le pont Grande-Duchesse Charlotte (en luxembourgeois Groussherzogin-Charlotte-Bréck, en allemand Großherzogin-Charlotte-Brücke) est situé à Luxembourg-Ville, dans le sud du Luxembourg. Il relie l'avenue John-F.-Kennedy (lb), au Kirchberg, au boulevard Robert-Schuman (lb), au Limpertsberg, et permet à la route nationale 51 ainsi qu'au tramway de Luxembourg de franchir la vallée de l'Alzette. Il est de ce fait la principale route reliant le centre-ville, la Ville-Haute, au Kirchberg, le quartier des institutions européennes.

Le pont est également connu sous le surnom de Pont Rouge (en luxembourgeois Rout Bréck, en allemand Rote Brücke) en référence à sa peinture rouge distinctive. Il est plus sinistrement connu pour la centaine de suicides recensés entre son ouverture et 1993, année où un garde-corps anti-suicide est installé.

Le pont est nommé d'après la grande-duchesse Charlotte de Luxembourg, de son vivant, le [Co 1].

Le pont vu du dessous.

Dès 1943, l'architecte allemand Hubert Ritter, officier d'urbanisme de la Ville de Luxembourg durant l'occupation nazie, envisage à cet emplacement la construction d'un pont qui aurait permis une connexion autoroutière entre Luxembourg et le Reich[1]. Son projet ne fut jamais réalisé, la ville de Luxembourg étant libérée par les Alliés en septembre 1944.

Le Luxembourg a été le siège provisoire de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) pendant plusieurs années et il était envisagé d'y installer définitivement les sièges des communautés européennes[Ki 1]. Dans ce but et afin de promouvoir le choix du grand-duché comme siège, le gouvernement luxembourgeois décide d'aménager le plateau du Kirchberg et lance en 1957 un concours international pour la réalisation d'un pont reliant le plateau au centre historique, auquel participent 69 concurrents dont le vainqueur est l'architecte allemand Egon Jux, qui marque l'importance de l'acier dans la prospérité du Grand Duché par une structure portante, et donc grandement visible, en acier.

Pour le financement, est crée en 1961 le Fonds pour l'aménagement et l'urbanisation du plateau du Kirchberg[Ki 2],[Ki 1]. Si durant la construction a été signé le traité de fusion des exécutifs communautaires ayant finalement envoyé la commission européenne à Bruxelles, le Luxembourg accueille malgré tout la cour de justice de l'Union européenne et le quartier a notamment vu l'implantation dans les années ou décennies qui suivirent de lieux importants comme Luxexpo ou D'Coque ainsi que de nombreux logements[Ki 1],[Ki 3]. De plus, le pont permet de franchir l'Alzette sans avoir à descendre au fond de la vallée et facilite ainsi les liaisons routières avec l'est du pays[Ki 3].

La construction des fondations a débuté le [Ki 3]. La construction du pont en lui-même a officiellement débuté le , en présence de la grande-duchesse Charlotte et du gouvernement[Ki 4], le pont est alors baptisé du nom de la grande-duchesse Charlotte[Co 1]. Les caissons, de 3 m par 13 m chacun, formant l'ouvrage ont été assemblés en Allemagne puis transportés par train puis par camion[Ki 4]. L'assemblage du pont se termine le , un seul accident grave ayant eu lieu durant tout le chantier[Ki 5]. Il est complètement terminé le [2]. Les tests de surcharge ont été effectués avec douze chars d'assaut M48 Patton de 42 tonnes chacun mis à disposition par l'armée belge[Ki 1]. Enfin, le pont a officiellement été ouvert à la circulation le par la grande-duchesse Charlotte[Ki 3].

Entre 1980 et 1985, la chaussée est renouvelée et en 1989 le pont est repeint pour la première fois[3].

En 2014, un projet de funiculaire prévoit la construction de la gare Arrêt Pont Rouge au pied du pont[4]. Le funiculaire entre en service en décembre 2017[5].

Entre 2015 et 2018, le pont est modifié dans le cadre de la construction du tramway de Luxembourg[6] : les encorbellements sont élargis et les garde-corps sont remplacés, la chaussée est réduite à deux voies par sens et les deux voies du tramway sont implantées côté nord entre 2016 et 2017. Le tablier est renforcé et le pont est, pour finir, repeint entre mi-2017 et début-2018. Le chantier coûte 40 millions d'euros et élargit le pont d'un mètre cinquante (de 25,07 à 26,58 m à l'issue des travaux[7])[8]. Autre changement, l'éclairage public, autrefois central et sur mât, est intégré dans le terre-plein central et est désormais indirect ; le tramway franchira le pont sur batteries[9].

En 2016, pour le cinquantenaire du pont, un timbre-poste réalisé par l'artiste allemande Anita Wünschmann et une pièce de 2  commémoratifs ont été émis[10],[11]. La nouvelle piste cyclable a été inaugurée le [12] et la pose des nouveaux joints définitifs a lieu en [13], en même temps que la pose des premiers rails de tramway[14] ; la ligne de tramway franchit le pont en service commercial depuis le .

Un tramway parcourant le pont.

Caractéristiques

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Le pont Grande-Duchesse Charlotte est un pont à béquilles d'une longueur de 355 mètres de long, la distance entre les points d'appui des béquilles est de 234,10 mètres[Ki 2]. Le tablier est composé de trois éléments longs respectivement de 95,42 m, 152,56 m et 107,02 m[Ki 2]. Le tablier, large à l'origine de 25,07 mètres, est placé au plus haut à 75 mètres au-dessus de l'Alzette et est composé d'une dalle orthotrope en acier supportée par deux caissons de six mètres de large placés aux deux extrémités[Ki 2]. Les encorbellements supportant les trottoirs font 2,1 m de large à l'origine[Ki 6] ; les travaux menés entre 2015 et 2018 ont porté leur largeur à 3,69 m côté sud (avec piste cyclable) et à 2,55 m côté nord. De nouveaux garde-corps anti-suicide portent la largeur totale à 26,58 m[8],[7].

Les béquilles sont de longueur inégale[Ki 2] : celles côté Limpertsberg mesurent 40,6 m tandis que celles côté Kirchberg mesurent 38,7 m de long. Le poids total du pont est d'environ 5 200 tonnes dont 4 785 tonnes d'acier[3],[Ki 2]. La couche de peinture extérieure est rouge, choix résultant de la volonté des décideurs que le pont se détache de son environnement même par temps maussade[Ki 6]. Vingt tonnes de peinture recouvrent le pont[15]. Elle vaut à l'ouvrage son surnom de Pont Rouge, largement utilisé[10]. En 2019, Nicoletta Lux, société historiquement chargée de la peinture du pont, fait faillite[16].

Pour permettre son entretien, le pont dispose d'un wagon de visite pouvant inspecter l'ensemble de l'ouvrage garé dans la culée côté Kirchberg[Ki 7]. La dilatation maximale du pont entre l'été et l'hiver est de 45 centimètres[3].

Le pont a été à l'origine conçu au gabarit autoroutier (2 × 3 voies) et comporte, selon les gabarits d'origine[7] :

  • deux trottoirs en encorbellement de 2,1 m chacun ;
  • deux chasse-roues de 65 centimètres de large séparant trottoirs et chaussées ;
  • six voies de circulation de 3 m de large chacune regroupées en deux chaussées de 9 m de large ;
  • un terre-plein de 1,50 m de large.

À l'issue de sa rénovation le pont comprendra, du nord au sud[7] :

  • un trottoir de 2,55 m de large ;
  • une plate-forme tramway comprenant deux voies, utilisable par les véhicules de secours, d'une largeur totale de 6,60 m de large ;
  • une chaussée composée de deux voies de circulation de 3 m de large chacune ;
  • un terre-plein d'1 m de large et une bande dérasée de 40 cm ;
  • une chaussée composée de deux voies de circulation de 3 m de large chacune ;
  • un trottoir de 3,69 m de large accueillant une piste cyclable.

En 2015, 14 600 véhicules transitaient chaque jour par le pont[9].

Le garde-corps anti-suicide d'origine.

Au fil du temps, le pont Grande-Duchesse Charlotte est devenu de plus en plus connu pour ses suicides. Si les riverains habitant au fond de la vallée voyaient habituellement dans leur jardin divers détritus jetés du pont[11],[17], ils virent aussi des chiens tomber et, entre 1966 et 1993, plus d'une centaine de personnes se suicidèrent en se jetant du pont, soit environ un suicide tous les trois mois durant 26 ans[11],[17].

À un moment, des panneaux avait été placés avertissant la population de chutes de corps (sic), atterrissant sur le trottoir, dans les jardins voire sur le toit des maisons en contrebas[17],[18]. Il a fallu attendre jusqu'en 1991, lorsque la réalisatrice luxembourgeoise Geneviève Mersch (lb) tourne un court documentaire de 21 minutes nommé Le Pont rouge (lb), dans lequel des familles qui vivaient sous le pont ont été suivies et interrogées pendant un temps, en racontant leurs macabres expériences avec le pont, pour que quelque chose soit fait pour prévenir ces suicides[17]. Un an après la diffusion de ce documentaire, en 1993, le gouvernement luxembourgeois a décidé d'ériger une barrière de sécurité en Plexiglas, au sommet courbé vers l'intérieur, pour empêcher les suicides[17]. Début 2017, de nouvelles barrières de 2,70 m de haut, constituées de lamelles en inox plus sécurisées tout en rappelant le garde-corps d'origine, sont mises en place[19],[9],[20]. Malgré cela, le , une jeune fille l'escalade et se jette dans le vide[20].

L'histoire du sans-domicile fixe considéré comme le « clochard le plus connu du Luxembourg », Adalbert Boros (lb), né le en Hongrie et mort le à Echternach, à l'âge de 82 ans, est liée à ces nombreux suicides[21]. Il avait travaillé sur la construction du pont en tant qu'ingénieur — il a aussi travaillé sur le barrage d'Esch-sur-Sûre — et il aurait décidé de vivre dans la rue car il ne supportait pas que des personnes se suicident depuis le pont qu'il avait contribué à construire[21].

Notes et références

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Références bibliographiques

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  • Ferdinand Kinnen, Concours du Pont Grande-Duchesse Charlotte, Revue technique luxembourgeoise, (lire en ligne)
  1. a et b Concours, 1964, p. 192
  • Ferdinand Kinnen, Construction du Pont Grande-Duchesse Charlotte à Luxembourg, Revue technique luxembourgeoise, (lire en ligne)
  1. a b c et d Kinnen, 1967, p. 12
  2. a b c d e et f Kinnen, 1967, p. 1
  3. a b c et d Kinnen, 1967, p. 13
  4. a et b Kinnen, 1967, p. 6
  5. Kinnen, 1967, p. 8
  6. a et b Kinnen, 1967, p. 10
  7. Kinnen, 1967, p. 11

Autres références

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  1. (de) Christian Aschman, Joanna Grodeckt et Robert L. Philippart, Lëtzebuerg Moderne: Liebeserklärung an die Hauptstadt, Luxembourg, Maison Moderne, , p. 310
  2. « Pont Grande-Duchesse Charlotte », sur structurae.info (consulté le ).
  3. a b et c « Le ministre Claude Wiseler invite à la visite de l'intérieur du pont Grande-Duchesse Charlotte (dit "pont rouge") »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur gouvernement.lu, (consulté le ).
  4. « Projet d’infrastructure – La gare Pont Rouge bientôt sur les rails », sur L'essentiel, (consulté le ).
  5. « Les nouvelles cabines du funiculaire sont là ! », sur Luxemburger Wort - Edition francophone, (consulté le ).
  6. « Réhabilitation et transformation du pont Grande-Duchesse Charlotte », sur pch.public.lu (consulté le ).
  7. a b c et d « Rénovation du Pont Rouge », sur developpement-durable-infrastructures.public.lu (consulté le ).
  8. a et b « Pont rouge : c’est parti pour deux ans de travaux », sur lequotidien.lu, (consulté le ).
  9. a b et c Jean-Michel Hennebert, « Un Pont Rouge en travaux jusqu’en juin 2017 »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur paperjam.lu, (consulté le ).
  10. a et b « [Luxemburgensia] Le pont rouge a 50 ans », sur lequotidien.lu, (consulté le ).
  11. a b et c « Numismatique de l’euro : le pont Grande-Duchesse Charlotte », sur noblesseetroyautes.com, (consulté le ).
  12. « Pont rouge : la piste cyclable inaugurée », sur lequotidien.lu, (consulté le ).
  13. « Circulation perturbée sur le pont rouge en raison de travaux », sur lequotidien.lu, (consulté le ).
  14. Jean-Michel Hennebert, « Un pas de plus vers un premier tronçon plus long »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur paperjam.lu, (consulté le ).
  15. « Découvrez les dessous du Pont Rouge », sur Luxemburger Wort - Edition francophone, (consulté le ).
  16. « Une faillite reporte les travaux du Pont Rouge », sur Luxemburger Wort - Edition francophone, (consulté le ).
  17. a b c d et e (en) Mickael Therer, « Le pont rouge, a suicide bridge », sur worldwidepanorama.org, (consulté le ).
  18. Fernand Letist, « Filmer à tout prix sur Télé 21 le pont aux suicidés : Rouge, métallique et situé à Luxembourg »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur lesoir.be, (consulté le ).
  19. « Montage d'un garde-corps anti-suicide », sur 5minutes.rtl.lu, (consulté le ).
  20. a et b « Une jeune femme s'est jetée du Pont Rouge »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur http://5minutes.rtl.lu, (consulté le ).
  21. a et b Marc Vanacker, « Adalbert Boros, le clochard le plus connu du Luxembourg est mort », sur virgule.lu, (consulté le )

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

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Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Ferdinand Kinnen, « Concours du Pont Grande-Duchesse Charlotte », Revue technique luxembourgeoise, vol. 4,‎ (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Ferdinand Kinnen, « Construction de Pont Grande-Duchesse Charlotte », Revue technique luxembourgeoise, vol. 4,‎ (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • « Un grand pont métallique à Luxembourg », Acier = Stahl = Steel, Centre Belgo-luxembourgeois d'information de l'acier, vol. 26,‎
  • Robert Hagon, « Le pont Grande-Duchesse Charlotte à Luxembourg », Acier = Stahl = Steel, Centre Belgo-luxembourgeois d'information de l'acier, vol. 30,‎
  • Arnaud Quaranta et Pascal Willems, Le passage, Everest Communication, , 191 p. (ISBN 978-2-87996-976-3), pages 132-133
  • (en) Leonardo Fernyyndez Troyano, Bridge Engineering : A Global Perspective, Royaume-Uni, ICE Publishing, , 800 p. (ISBN 978-0-7277-3215-6, lire en ligne), page 456

Articles connexes

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Liens externes

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