Mode queer
La mode queer est la mode propre aux personnes queer et non binaires allant au-delà des normes de style courantes qui associent généralement certaines couleurs et formes à l'un des deux genres. La mode queer vise à être perçue par les consommateurs comme un style de mode promouvant le choix de vêtements en fonction des différentes formes corporelles des personnes plutôt qu'en fonction des normes vestimentaires déterminées par le genre.
Le style queer
[modifier | modifier le code]Le style « queer » désigne une identité qui ne se conforme pas aux normes culturelles et sociétales propres au genre à travers l'expression de la mode, généralement par la combinaison (mais pas systématiquement) de vêtements et d'accessoires conçus à l'origine pour les hommes et/ou les femmes. Même si l'expression d'une identité queer ou non binaire à travers la mode procède généralement d'une volonté d'expression de soi, elle peut être considérée comme un acte politique dans la société et la culture au sein desquelles s'inscrit la personne queer[1].
La différenciation des normes de genre au travers des vêtements a pris davantage d'importance au XIXe siècle, principalement par l'utilisation de tissus, de garnitures et de formes distincts en fonction du genre[2][réf. incomplète]. Ces distinctions visaient à refléter les rôles de genre dans la société : les vêtements masculins se voulaient pratiques, tandis que la mode féminine était perçue comme purement esthétique[2] . Malgré l'enracinement des liens entre la mode et l'identité de genre, l'expression de genre est aujourd'hui reconnue par la communauté LGBT comme un comportement très personnel et subjectif ; le style queer est donc intrinsèquement lié à l'identité et, à ce titre, comprend une vaste gamme d'esthétiques[3][réf. incomplète]. Cette expression du genre par la mode est considérée comme un aspect fondamental aussi bien dans la perception que dans la réalisation de soi[4],[5].
Cependant, la présentation d'une identité non binaire ou queer par la mode pose souvent problème dans les sociétés où les vêtements sont produits de manière fortement genrée, reflétant ainsi l'interprétation de l'identité de genre par ces mêmes sociétés. Par conséquent, l'expression d'une identité queer est souvent politisée et restreinte. Dans un article à propos de l'écrivain et artiste-performeur non binaire Alok Vaid-Menon[6], Vaid-Menon a supposé que la mode représentait un ensemble de revendications politiques propre à une personne, en particulier pour les personnes queer et transgenres, dont l'existence est souvent politisée. C'est notamment le cas des personnes assignées de sexe masculin à la naissance, pour qui le fait de se présenter sous une apparence dite féminine, par le port de robes et de maquillage, est susceptible d'attirer une attention non voulue[6].
Il y a une conséquence concrète pour moi à me présenter sous une apparence féminine, et il n'y a pas de conséquence concrète pour moi à me présenter sous une apparence masculine, à la minute où je porte du rouge à lèvres, ou à la minute où je me mets des boucles d'oreilles, ou à la minute où je porte une jupe, toute ma réalité change[6].
Le nombre plus important de difficultés rencontrées par les personnes non binaires assignées de sexe masculin à la naissance et revendiquant leur identité à travers la mode a été souligné dans une étude de 2017 par Davidson Skylar. Cette dernière montre que les personnes non binaires assignées de sexe masculin à la naissance rencontrent des perspectives d'emploi moins favorables que les personnes non binaires assignées de sexe féminin à la naissance[7], phénomène considéré comme un aspect de la transmisogynie[8].
Nouveaux créateurs
[modifier | modifier le code]La plupart des magasins traditionnels séparent les vêtements pour hommes des vêtements pour femmes dans des sections distinctes, ce qui rend difficile pour les personnes queer de trouver des vêtements qui leur correspondent. Les créateurs queer tentent de construire des associations entre la mode masculine et la mode féminine en répondant aux besoins vestimentaires de toutes les identités. Par exemple, la marque de vêtements No Sesso se spécialise dans l'utilisation de différents imprimés, tissus et matériaux reconstitués pour habiller différentes morphologies et identités de genre[9].
Sharpe Suiting est une marque de mode qui, grâce à une campagne Kickstarter, a pu fabriquer des vêtements sur mesure ainsi qu'une ligne de prêt-à-porter masculine et androgyne[10]. Sa particularité réside dans le développement de techniques innovantes de mesures et de coutures effaçant les courbes féminines des personnes qui ne s'identifient pas comme des femmes. Cette méthode est appelée andropométrique et constitue une alternative androgyne à la méthode anthropométrique standard utilisée par la plupart des fabricants[11].
Les lignes de vêtements pour femmes enceintes incluent souvent des éléments féminins stéréotypés, aussi bien pour les formes que les motifs, car la maternité et la féminité sont généralement considérées comme allant de pair. Une alternative a été proposée par la start-up butchbaby & co, la première ligne de vêtements pour les personnes enceintes queer[12],[13].
Marques de vêtements mondiales
[modifier | modifier le code]Les styles de mode non genrés sont mieux acceptés par un public de plus en plus large ; pour cette raison, des marques telles que Zara et H&M tentent de proposer des lignes de vêtements unisexes aux consommateurs en lançant des collections non genrées[14].
Cependant, ces collections sont représentées par des modèles exclusivement féminins ou masculins[15]. En outre, ces produits unisexes affichent une esthétique typiquement considérée comme masculine, tant dans les formes que dans les couleurs (gris, beige et marron)[16].
Créateurs
[modifier | modifier le code]La mode queer est de plus en plus reconnue par les créateurs qui l'intègrent désormais à leurs défilés. Par exemple, lors du défilé de mode masculine et féminine de Moschino à l'automne 2018, Jeremy Scott a présenté une tenue non genrée portée par le mannequin non binaire Oslo Grace et la drag queen queer Violet Chachki. Selon Violet Chachki : « Il est très important d'avoir une représentation visuelle, pour montrer que les queers sont importants, que les queers sont puissants, que les queers sont magnifiques, que les queers sont valides, et qu'on ne peut pas nous effacer »[17].
De plus, les agences de mannequinat commencent à recruter des modèles non binaires[18]. C'est le cas de My Friend Ned, une agence sud-africaine qui divise officiellement ses modèles en sections masculine, féminine et non binaire.
Des exemples de modèles queer/non binaires sont Casey Legler, qualifié de premier « modèle masculin féminin » au monde, Elliott Sailors, Rain Dove, Stas Fedyanin et Erika Linder[19].
Badge de pronoms
[modifier | modifier le code]Les badges affichant des pronoms ou des drapeaux LGBTQIA+ constituent des accessoires courants de la mode queer de la fin des années 2010 [20] et du début des années 2020 [21]. Après un procès avec l'ACLU, Alaska Airlines est devenue la première compagnie aérienne américaine à ajouter des badges de pronoms à ses uniformes de travail en avril 2022 [22].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) Kira Brekke, « Queer Fashion Is Not A Trend, It's A Social Movement », Huffington Post,
- Yuniya Kawamura, Fashion-ology: an introduction to fashion studies, Bloomsbury Academy, 2015, p. 124.
- « Op-ed: How Queer Fashion Is Changing the World »,
- Judith Butler, « Performative Acts and Gender Constitution: An Essay in Phenomenology and Feminist Theory », Theatre Journal, vol. 40, no 4, , p. 519–531 (DOI 10.2307/3207893, JSTOR 3207893)
- B. Fine et E. Leopold, The World of Consumption, Londres, Routledge, 1993[réf. incomplète].
- (en) Meg Zulch, « Why My Outfit Choice Is Always Political », bustle.com,
- S. Davidson, Gender Inequality: Nonbinary Transgender People in the Workplace, University of Massachusetts Amherst, 2016.
- Serano, « Trans-misogyny primer », juliaserano.com (consulté le )
- (en) « No Sesso Is The Nonbinary Clothing Brand We're Stoked About »
- (en) James Michael Nichols, « Fabrications: Meet Queer Fashion Designer Leon Wu Of Sharpe Suiting »,
- (en) James Michael Nichols, « Sharpe Suiting To Design Clothing For Butch, Androgynous And Masculine-Of-Center Individuals »,
- (en) « Designing Maternity Clothes for Genderqueer Parents »,
- (en) « What Do Genderqueer Maternity Clothes Look Like? »,
- « H&M Is Defying Gender Norms With Their New Unisex Denim Line »,
- « Zara joins the gender fluid movement with new unisex range », Independent.co.uk,
- « In Fashion, Gender Lines Are Blurring », The New York Times, (lire en ligne)
- (en) Steff Yotka, « Violet Chachki on Walking the Moschino Runway and the Importance of Queer Visibility », sur Vogue,
- (en) Sian Ferguson, « The Fashion Industry Needs to Stop Ignoring Non-Binary Models »,
- (en) « Models crossing gender lines in the fashion industry », New York Daily News
- (en) Sarah Shepherd, « She her hers: Pronoun pins handed out at University of Kansas », NBC News, (consulté le )
- (en-US) Sierra Ross Richer, « Changing campus culture one button at a time », The Record, (consulté le )
- (en) Rachel Belle, « Alaska Airlines is the first US carrier to introduce gender neutral uniforms », Kiro News Radio, (consulté le )