Léonie de Bazelaire

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Léonie de Bazelaire
Léonie de Bazelaire dans son atelier à Saint-Dié, 1893
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Marie Léonie de Bazelaire de Ruppierre née à Sainte-Marguerite (Vosges)[1] le et morte au Cannet (Alpes-Maritimes) le est une femme de lettres et peintre française.

Famille[modifier | modifier le code]

Issue d'une ancienne famille lorraine venue au XVIe siècle du comté de Chiny s'établir dans les Vosges, Léonie de Bazelaire est la fille de Marie-Charles Sigisbert de Bazelaire de Saulcy (1812-1867) et de Marie Anne Victoire Louise Florentin (1814-1903)[2]. Elle a sept frères et sœurs aînés[3]. Elle grandit à Saulcy-sur-Meurthe puis étudie à Saint-Dié avant que son père ne soit nommé juge de paix à Ligny-en-Barrois.

Son oncle, Édouard de Bazelaire (1819-1853), homme de lettres[4], membre de l'Académie de Stanislas[5], chevalier de l'ordre de Saint-Grégoire-le-Grand[6], avait publié des Promenades dans les Vosges (1838)[7] et une biographie du bienheureux Pierre Fourier (1846)[8].

Une femme écrivain-voyageur[modifier | modifier le code]

En , avec un groupe de pèlerins, Léonie de Bazelaire se rend en bateau en Palestine[9]. Après une escale en Italie où elle visite Rome (elle raconte une audience auprès du pape Léon XIII), puis en Crète, le bateau qui amène les pèlerins jette l’ancre à Haïfa. Accompagnée de son frère Maurice (1840-1909), « curé d'un charmant village au milieu des sapins » et de sa sœur Isabelle (1847-1889), Léonie parcourt à cheval, pendant un mois, le pays tout entier. « Achille aux pieds légers », elle en tire un récit illustré par elle-même : Chevauchée en Palestine (1889)[10]. À la suite de ce voyage, elle publiera également Mois du Sacré-Cœur de Terre Sainte (1890)[11].

Deux ans plus tard, en 1890, elle se rend par chemin de fer en Haute-Bavière, pour assister au Jeu de la souffrance, la mort et la résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui se joue à Oberammergau depuis 1634 et, tous les dix ans, mobilise une grande partie de la population. Ce spectacle a été monté afin de rendre grâce à Dieu d’avoir épargné la ville de la peste lors de la guerre de Trente Ans. Avec un sens profond de la spiritualité dramatique qui le sous-tend, Léonie de Bazelaire décrit le Passionspiel en grand détail dans son ouvrage Le drame d’Oberammergau (1891)[12].

Léonie de Bazelaire voyagera également en Égypte et publiera Jérusalem, cinq ans après. Une fuite en Égypte (1893). Dans un compte-rendu du journal La Croix, on peut lire : « Dans la deuxième partie, les tableaux changent, mais l’écrivain sait leur donner un relief poétique et qui captive ; ce sont là, tour à tour, le canal de Suez, le Caire, le Nil, la ferme des Autruches, Matarieh, Héliopolis, les Pyramides et le Sphinx, Memphis, etc. tous les monuments enfin de ce sol fameux, qui défilent sous les yeux enchantés du lecteur[13]. » De retour de Khartoum, en 1907, elle rencontre l’écrivain Pierre Loti à Louxor[14]. En 1912, elle publiera ses Croquis d'Égypte et de Nubie, dont un compte-rendu est publié dans Les Annales politiques et littéraires[15].

Outre ces récits de voyages, Léonie de Bazelaire publiera un essai biographique sur Jeanne d’Arc, Figure Exquise (1895), « un tableau, sorte de triptyque » selon l'auteur[16], dans lequel « la fidélité historique n'a diminué en rien l’élan poétique[17] », ainsi que trois pièces de théâtre : L’idée de Colette (1897), Os de Poulet (1897) et Trèfle à quatre feuilles.

Au tournant du siècle, une femme journaliste[modifier | modifier le code]

Léonie de Bazelaire a une activité journalistique : elle sera directrice de la publication de La Chevauchée, une revue littéraire bimensuelle destinée aux femmes qu'elle a fondée à Paris et qui publiera 78 numéros entre 1900 et 1903[18]. La rédaction réunit des femmes écrivains ou artistes comme Jean Bertheroy, Virginie Demont-Breton[19], la princesse Hélène Vacaresco ou Jean Bach-Sisley[20]. Léonie de Bazelaire y publie notamment un article sur La femme au XIXe siècle[21], où, ainsi que le rapporte Rotraud von Kulessa, elle rappelle la nécessaire professionnalisation des femmes auteurs, et souligne « le rôle de la femme dans l’éducation et dans la famille, qu'elle peut remplir parfaitement en écrivant sans pour autant remettre en cause les valeurs de la famille[22] ».

Dans un article sur La femme éducatrice[23], Léonie de Bazelaire écrit : « Il me semble plus honorable de prouver notre valeur personnelle par quelques actes intelligents et d’œuvrer toute notre vie, non seulement par l’aiguille, mais par la plume, par l’art, par l’enseignement, et ainsi le rôle de la femme éducatrice sera immense dans la société. »

En , avec la fusion de La Chevauchée avec La Revue du Bien dans la Vie et dans l'Art dirigée par Marc Legrand, Léonie de Bazelaire rejoint cette dernière revue où elle assure la rubrique Pages Féminines[24]. Elle y publie un article sur L'Art et la Femme qu'elle conclut ainsi : « L'art de la vie est partout, s'assimile à tout, si nous savons nous éclairer à cette lumière, si nous quittons le sol bas et boueux pour monter sur cette passerelle, d'où, respirant l'air pur et vivifiant, nous serons plus fortes, plus aimables et plus éprises de ce but de toute intelligence humaine : la Beauté[25]. »

Elle collabore également au magazine Femina, lancé en 1901 par Pierre Lafitte. Selon Claire Blandin, « Femina est avant tout le témoin de cet âge d'or de la presse française que représente la Belle Époque. Il est aussi le premier projet de presse féminine d'un des inventeurs de la presse illustrée française[26]. »

Une femme peintre[modifier | modifier le code]

Formée au dessin et à la peinture par Édouard de Mirbeck[27], à Saint-Dié, Léonie de Bazelaire sera l’élève des peintres Pierre-Eugène Grandsire, Carolus-Duran et Jean-Jacques Henner[28]. Son atelier « est situé sur le flanc méridional de la colline de Grattin, un des derniers contreforts de la Montagne d'Ormont, une des promenades les plus jolies et les plus fréquentées de la ville de Saint-Dié ». Un visiteur qu'elle y reçoit en 1893 décrit « la jeune artiste [dont la] physionomie mobile donne de la vie aux êtres inanimés qui l'environnent et qui semblent refléter la vivacité de ses traits et les saillies de son esprit[29]. »

Elle illustre le plus souvent ses récits de croquis (personnages, situations et lieux) qui viennent stimuler l’imagination de ses lecteurs. Ainsi, dans son récit Chevauchée en Palestine, trouve-t-on une vue sur Haifa et le mont Carmel. Mais elle peint aussi pour les yeux, fortement influencée par les paysages des Vosges où elle passa son enfance, et saura également rendre la lumière à la lumière de l’Orient et de la mer, surtout à partir de 1908, lorsqu’elle s’installera à Cannes, dans la villa Jeannette qu'elle a acquise quelques années auparavant[30].

Elle a peint des portraits et exposa régulièrement dans sa région natale, à Épinal, Remiremont et Saint-Dié ou à Cannes[31]. Ainsi présente-t-elle une « étude pleine de sentiment » intitulée Les Brouillards d'automne dans les Vosges à une exposition à Épinal en 1881[32].

En , elle présente au palais des Champs-Élysées, à Paris, son œuvre Sous-bois dans les Vosges[33].

Lors d'une exposition à Saint-Dié, en 1911, on peut voir trois tableaux de cette « Lorraine bien connue sur la Côte d'Azur[34] » : Tartanes au repos, Le Pont des Soupirs à Venise et Coucher de soleil à Cannes.

Parmi ses tableaux les plus connus, on citera :

Morte au Cannet, Léonie de Bazelaire avait servi pendant la Première Guerre mondiale comme infirmière-major et reçut à ce titre la croix de guerre[36]. Elle était chevalier de la Légion d'honneur[37]. Elle est inhumée à Saint-Dié le .

Œuvres[modifier | modifier le code]

Récits de voyages[modifier | modifier le code]

  • Chevauchée en Palestine, Alfred Mame, 1889 (7 rééditions).
  • Mois du Sacré Cœur de Terre Sainte, Wagner, 1890.
  • Le drame d’Oberammergau, P. Lethielleux, 1893.
  • Jérusalem cinq ans après ! Une fuite en Égypte, Éd. de l’Assomption, 1893.
  • Croquis d'Égypte et de Nubie, 1912.

Essais biographiques[modifier | modifier le code]

  • Figure exquise, Victor Retaux, 1895 (un triptyque sur Jeanne d’Arc : pastorale ; épopée ; le drame).
  • Préface à : Édouard de Bazelaire, Saint Pierre Fourier, surnommé le Bon Père de Mattaincourt, Nancy, Crépin Leblond, 1897.

Théâtre[modifier | modifier le code]

  • Os de Poulet, comédie en deux actes, Librairie théâtrale, 1897.
  • L’idée de Colette, comédie en un acte, Librairie théâtrale, 1897.
  • Trèfle à quatre feuilles.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Table décennale des naissances à Sainte-Marguerite consultable en ligne sur le site vosges-archives.
  2. Louis de La Roque (dir.), Bulletin héraldique de France, Volume X, Paris, 1891, p.18 (lire en ligne). En 1866, les enfants de Marie-Charles Sigisbert de Bazelaire furent autorisés à ajouter à leur nom patronymique celui de Ruppierre, du nom de sa mère Adélaïde Aurore, comtesse de Ruppierre, dernière du nom (cf. Borel d'Hauterive, Annuaire de la noblesse de France, 24e année, Paris, 1867 (lire en ligne)). Sous le nom d'Hippolyte de Bazelaire, Marie-Charles Sigisbert de Bazelaire publia un Manuel du Planteur, Vagner, Libraire-éditeur, Nancy, 1846 (lire en ligne).
  3. Léonie de Bazelaire, arbre généalogique. Parmi ceux-ci, Gonzalve (né en 1836) et Gabriel (né en 1842) seront capitaines au long cours; Maurice de Bazelaire (né en 1840) sera prêtre, secrétaire général de l'évêché de Saint-Dié; sa sœur, Clotilde de Bazelaire (née en 1845), sera religieuse carmélite.
  4. Otto Lorenz, Catalogue général de la librairie française, tome 1er, Paris, 1867, p.188 (lire en ligne)
  5. Archives de l'Académie de Stanislas. Voir également : Mémoires de l'Académie de Stanislas - 1853, Grimblot et Veuve Raybois, Imprimeurs-Libraires, Nancy, 1854, p.104 (lire en ligne)
  6. M. de Magny (dir.), Archives nobiliaires universelles, Paris, 1843 (lire en ligne).
  7. Édouard de Bazelaire, Promenades dans les Vosges, Paris, Debécourt, 1838 (extraits en ligne).
  8. Édouard de Bazelaire, Le Bienheureux Pierre Fourier, Paris, Sagnier et Bray, Libraires-Éditeurs, 1846 (lire en ligne). Une nouvelle édition corrigée et augmentée, avec une préface de Léonie de Bazelaire, a été publiée en 1897, à l'occasion de la canonisation de Pierre Fourier. Compte-rendu, in : Études, Tome 73, 34e année, Paris, 1897, p. 282 (lire en ligne).
  9. Francoise Lapeyre, Le roman des voyageuses françaises (1800-1900), Paris, Payot, 2007, p.24.
  10. Chevauchée en Palestine sur Gallica.
  11. Compte-rendu dans La Croix, 16 avril 1890.
  12. Le drame d’Oberammergau sur Gallica.
  13. La Croix, 14 septembre 1893.
  14. Alain Quella-Villéger, La politique méditerranéenne de la France 1870-1923. Un témoin : Pierre Loti, L'Harmattan, 1992, p.81.
  15. « Il est tout à fait réconfortant de voir combien les beautés de la nature et l'attirance du passé chantent, aujourd'hui, au cœur des voyageurs à l'esprit cultivé et aux impressions d'artistes […] Les croquis d'Égypte et de Nubie sont l'œuvre d'une femme intelligente qui remonte le Nil jusqu'à Khartoum, dessinant et racontant la vieille Égypte et la mystérieuse Nubie. » - Les Annales politiques et littéraires, n°1496, 25 février 1912, p.170.
  16. Léonie de Bazelaire, Figure Exquise, Paris, Victor Retaux, 1895, « Avis au lecteur », p.V.
  17. Charles Dubois, in: Henri Le Soudier, Bibliographie Française, Tome 9, Paris, 1900, p.38.
  18. La Chevauchée, Organe littéraire des femmes. La revue avait son siège 45 rue Saint-Placide, à Paris. Dans le premier numéro, Léonie de Bazelaire écrit un article qui précise le programme de la revue : « Lorsqu'une femme de génie paraît, place et honneur à elle; elle vaut l'homme de génie. Si une femme exceptionnellement douée se sent attirée vers une carrière spéciale: médecine, agriculture, même si la chicane a des attraits pour elle et que la nécessité l'oblige à chercher une position lucrative, pourquoi cette femme n'aurait-elle pas le droit d'exercer autant qu'un médecin ou qu'un avocat, puisqu'elle a le savoir ? Toujours nous encouragerons ces énergiques exceptions ; mais ne poussons pas en masse notre sexe faible vers les carrières viriles. Ne soyons pas des outrancières du féminisme. » (cf. L'Est Républicain, 11 octobre 1900, sur le site Limédia Kiosque [1]).
  19. « Dans l'article sur La femme dans l'art du , Virginie Demont-Breton appelle à l'union des femmes contre les préjugés concernant son activité dans le domaine artistique. […] Elle réclame d'ailleurs une meilleure éducation des filles. » (cf. Rotraud von Kulessa, Entre reconnaissance et exclusion : la position de l'autrice dans le champ littéraire en France et en Italie à l’époque 1900, Henri Champion éditeur, 2011, p.194.
  20. Jean Bach-Sisley (1864-1949), poète, dramaturge, critique litteraire. Pseudonyme de Jeanne Sisley, de la famille du peintre Alfred Sisley. Voir : Données de la BnF. Sur la rédaction de la revue, voir : La Revue du Midi, 16e année, Nimes, janvier 1902, p.65.
  21. La Chevauchée, Revue littéraire des femmes, , pages 85 et suiv.
  22. Rotraud von Kulessa, op. cit., p.194.
  23. La Chevauchée, Revue littéraire des femmes, 15 février 1901, p.109.
  24. Son premier article publié dans cette revue est intitulé Le Bien par la Femme (cf. La Revue du Bien dans la Vie et dans l'Art, janvier 1904, p.8 (en ligne sur Gallica).
  25. La Revue du Bien dans la Vie et dans l'Art, mars 1904, p.8 (en ligne sur Gallica).
  26. Claire Blandin, « Histoire@Politique », compte-rendu de Claire Cosnier, Les dames de Femina, un féminisme démystifié, Rennes, PUR, 2009 ([PDF] en ligne).
  27. Biographie d'Édouard de Mirbeck sur le site de la Ville de Blâmont.
  28. L. Houdard Casalta, Musée municipal de la ville de Saint-Dizier - Catalogue (3e édition), Saint-Dizier, 1905, p.16 (lire en ligne)
  29. La Lorraine-Artiste, 11e année, n°11, 12 mars 1893, p.167 - 168. On trouve en derniere page, dans le même numéro de cette revue, une photographie de l'artiste dans son atelier (cf. kiosque.limedia.fr).
  30. La Revue de Cannes et du Littoral, 10 novembre 1903.
  31. Dictionnaire des Vosgiens célèbres.
  32. La Gazette des Femmes, Revue du Progrès des Femmes, 10 juillet 1881.
  33. Explication des ouvrages de peinture, sculpture… exposés au Palais des Champs-Élysées le , Paris, Charles de Mourgues, 1882 (en ligne).
  34. Bulletin de la Société Philomatique vosgienne, 37e année (1911-1912), p.166.
  35. Musée de l'Ermitage, Mountainous landscape in Vosges, Léonie de Bazelaire (1893) (notice en ligne).
  36. Le Gaulois, 29 juillet 1926.
  37. Le Journal des débats - 30 juillet 1926.

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Guy Galazka, À la redécouverte de la Palestine : le regard sur l'Autre dans les récits de voyage français en Terre sainte au XIXe siècle, thèse de doctorat, université Paris-Sorbonne (Paris IV), ([PDF] en ligne).
  • Rotraud von Kulessa, Entre reconnaissance et exclusion: la position de l'autrice dans le champ littéraire en France et en Italie à l’époque 1900, Henri Champion éditeur, 2011.
  • Albert Ronsin, « Léonie de Bazelaire de Rupierre », in: Les Vosgiens célèbres. Dictionnaire biographique illustré, Vagney, Éditions Gérard Louis, 1990, pp. 39-40 (ISBN 2-907016-09-1).

Article connexe[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]