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Le Journal vernaculaire du Tibet

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Le Journal vernaculaire du Tibet
Image illustrative de l’article Le Journal vernaculaire du Tibet
Couverture du n°21, août 1910

Pays Empire du Grand Qing (Chine) 1910-1911
Drapeau du Tibet Tibet (1912-1951)
Langue tibétain, chinois
Périodicité tous les dix jours
Diffusion 300-400 ex. (1909)
Fondateur Lian Yu
Date de fondation
Date du dernier numéro
Ville d’édition Lhassa

Directeur de publication Lian Yu et Zhang Yintang
Page en écriture tibétaine du journal.

Le Journal vernaculaire du Tibet, ou Le Journal en langue vernaculaire du Tibet (chinois simplifié : 西藏白话报 ; chinois traditionnel : 西藏白話報 ; pinyin : Xīzàng báihuà bào ; tibétain : ནུབ་བོད་ཀྱི་ཕལ་སྐད་ཚགས་པར, Wylie : nub bod kyi phal skad tshags par, THL : nub bö kyi pal ké tsakpar[1]), est le premier organe de presse à avoir vu le jour au Tibet. Périodique bilingue, rédigé à la fois en tibétain (藏文) et en chinois[2] vernaculaire (baihua, 白话), il fut créé à Lhassa en avril 1909 par l'amban Lian Yu et son adjoint Zhang Yintang, ce dernier envoyé au Tibet en par le gouvernement Qing[3] pour relever l'amban Youtai[4]. Le périodique cessa de paraître en 1911. La vocation du journal était principalement éducative, mais aussi de propagande.

Lian Yu et Zhang Yintang étaient d'avis que publier un journal en langue vernaculaire serait plus efficace pour la réussite de leurs réformes administratives que de prononcer des discours devant des auditoires restreints. Ils prirent pour modèles le journal du Sichuan Yun Bao ainsi que des journaux gouvernementaux d'autres provinces[5]. Comme à l'époque peu de Tibétains connaissaient le chinois et peu de Chinois connaissaient le tibétain, l'idée s'imposa d'une publication bilingue. Selon Bai Runsheng, le journal fut très bien accueilli par les Tibétains[6]. Selon Amy Holmes-Tagchungdarpa ou encore Françoise Robin (laquelle cite K. Dhondup, membre du gouvernement tibétain en exil), la vocation du journal était principalement éducative mais aussi de propagande[7],[8].

Impression, tirage, périodicité

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Le journal fut d'abord imprimé par procédé lithographique sur une machine apportée au Tibet par Zhang Yintang (en une journée on tirait moins de cent exemplaires). Par la suite, pour assurer des tirages plus importants, celui-ci fit venir des presses de Calcutta[9],[10].

Thubten Samphel, porte-parole du gouvernement tibétain en exil à Dharamsala, constate, à propos d'un article publié par Bai Runsheng dans la revue Tibet Studies en 1990 et ayant pour sujet le Journal vernaculaire, que le lieu d’impression au Tibet, le contenu, la périodicité et la diffusion de la publication ne sont pas indiqués[11]. Le même Bai Rusheng, dans un article publié sur le site du China Tibet Information Center, nous apprend que le journal paraît tous les dix jours et que chaque numéro est tiré à 300 ou 400 exemplaires[12].

Le journal cessa de paraître au Tibet en 1911[7], année du Soulèvement de Wuchang qui mène à la chute de la dynastie Qing et à la période du Tibet indépendant de facto (1912-1951).

Annonce de l'arrivée de l'armée de Zhao Erfeng

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L’Expédition militaire britannique au Tibet (1903-1904) depuis sa colonie indienne, et plus généralement des forces occidentales en Chine, dont les français au Yunnan, au Sud-Est du Tibet affaiblissent le pouvoir des Mandchous. Les britanniques, à Lhassa forcent un accord avec le gouvernement Tibétain, en l’absence du dalaï-lama réfugié en Mongolie-Extérieure, à Ourga (aujourd'hui Oulan-Bator)[13], alors protecteur spirituel de la Chine. L'Empire mandchou entreprend de siniser le Kham pour reprendre son pouvoir. Zhao Erfeng est chargé de cette sinisation[14].

Conséquences

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Début 1908, Zhao Erfeng alors vice-roi du Sichuan est nommé résident au Tibet, alors qu'il était détesté des Tibétains pour la vigueur, la capacité et la cruauté dont il fit preuve à l'Est du Tibet. À la suite de sa nomination, des articles anti-britanniques furent publiés dans un journal à Lhassa. La « honte » de 1904 était rappelée, et les Tibétains étaient invités à s'unir avec les Bhoutanais et les Népalais et à résister aux étrangers[15].

L'historien tibétain exilé K. Dhondup[16] écrit qu'un des premiers numéros du journal parut alors que le 13e dalaï-lama de retour à Lhassa après un premier exil n’allait pas tarder à devoir repartir[17]. Selon Elliot Sperling, le journal annonçait en août 1909 l'arrivée de l'armée de Zhao Erfeng en ces termes : « N'ayez pas peur de l'amban Chao et de ses soldats. Ils n'ont pas l'intention de blesser les Tibétains, mais d'autres peuples. En y réfléchissant, vous vous souviendrez combien vous vous êtes sentis honteux quand les soldats étrangers sont arrivés à Lhassa et vous ont tyrannisés. Nous devons tous être forts pour cette raison, sinon, notre religion sera détruite dans cent ou peut-être mille ans »[18].

Journaux en tibétain en Inde

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Françoise Robin mentionne le Ladakh-ki-Akbar (littéralement « Nouvelles du Ladhak »),  premier journal en langue tibétaine publié par des missionnaires moraves de 1904 à 1908 au Ladakh, territoire tibétophone du nord-ouest de l’Inde[2],[19]. Pour Thubten Samphel, secrétaire des affaires étrangères de l'administration centrale tibétaine d'Inde, « l'origine réelle » de la presse écrite du Tibet remonte au Miroir du Tibet, mensuel en tibétain lancé par Gergan Tharchin et diffusé à Kalimpong et Darjeeling, deux villes de l'Inde britannique, entre 1925 et 1963[20],[2].

Nouvelles en tibétain courant (République de Chine)

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Entre 1913 et 1916, le gouvernement républicain devait à son tour publier un journal bilingue en chinois et en tibétain (News in Colloquial Tibetan, littéralement « Nouvelles en tibétain courant (zh) ») mais, selon Amy Holmes-Tagchungdarpa, essentiellement propagandiste et destiné à renforcer le nationalisme chinois chez les Tibétains[21].

Notes et références

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  1. Fabienne Jagou, Les traductions tibétaines des discours politiques chinois de Sun Yat-sen sur les « Trois principes du peuple » en tant qu’exemples de traductions modernes d’un texte politique, in Édition, Éditions : L'écrit Au Tibet, Évolution et Devenir, Volume 3 de Collectanea Himalayica, Anne Chayet, Éditeur Indus, 2010, (ISBN 3940659029 et 9783940659026), p. 169 : « Au Tibet, à Lhasa, l'amban Lian Yu lança Le Journal en langue vernaculaire du Tibet [...] en version bilingue en 1909 ».
  2. a b et c Françoise Robin, Le monde au reflet du Tibet : le journal Le Miroir des nouvelles au Collège de France, La lettre du Collège de France, décembre 2013 : « il faut attendre 1904 pour voir apparaître au Ladakh, zone tibétophone du nord-ouest de l’Inde, le premier journal en langue tibétaine, le Ladakh-ki-akbar  ; encore sa parution resta-t-elle irrégulière. Un peu plus tard, entre 1909 et 1911, les amban (les représentants mandchous de l’empire des Qing stationnés à Lhasa) firent paraître un périodique bilingue chinois-tibétain. Enfin, deux journaux en langue tibétaine virent le jour en Chine au début de la période républicaine, entre 1913 et 1915. Le Miroir des nouvelles, qui parut de 1925 à 1963, a donc eu des antécédents, mais contrairement à eux il a joui d’une longévité remarquable et a accompagné l’histoire mouvementée du Tibet pendant près de quatre décennies, tout en se signalant par la qualité de son contenu. »
  3. (en) Thubten Samphel, Virtual Tibet: The Media, in Exile as challenge: the Tibetan diaspora, sous la direction de Dagmar Bernstorff, Hubertus von Welck), Orient Blackswan, 2003, 488 pages, en part. pp. 171-172, (ISBN 81-250-2555-3 et 978-81-250-2555-9) : « Tibet's first newspaper, Vernacular Paper, was started by the Manchu amban, Lian Yu, and his deputy, Zhang Yintong in April 1909. The newspaper was bilingual, in Tibetan and Chinese ».
  4. (en) Bai Runsheng, The earliest Tibetan newspaper in Tibet, China Tibet Information Center, 2005-07-01 : « The Qing government sent Zhang Yintang to Tibet in April, 1906. Zhang was appointed as the Deputy Amban and concurrently the Deputy Commander-in-chief in Tibet, and he was to investigate and take charge of Tibetan affairs and bring order out of chaos. One of the first things Zhang yintang did in Tibet was to impeach Amban You Tai and a dozen Manchu and Han officials on charges of corruption and a non-resistance attitude with regard to the British invasion ».
  5. Bai Runsheng, op. cit. : « But in Tibet the old customs had taken such a deep root that it was difficult to get effective results through administrative reformation. So Lian Yu and Zhang Yintang thought that to publish a newspaper in the vernacular language would get better results than to make speeches in narrow spheres. This was why they founded the "Vernacular Paper in Tibet." Aiming at educating people in patriotism and intelligence. The paper took "Xun Bao", a newspaper of Sichuan, and other government-funded newspaper of other provinces as its models, It was the first modern newspaper in Tibetan areas. »
  6. Bai Runsheng, op. cit. : « At that time few Tibetans knew Chinese, and the same was true for the Chinese. So the newspaper was published in Tibetan and Chinese. The bilingual newspaper was warmly welcomed by the Tibetan people. It was said that many readers came to buy the newspaper. »
  7. a et b (en) Amy Holmes-Tagchungdarpa, Representations of Religion in The Tibet Mirror, in History and Material Culture in Asian Religions: Text, Image, Object, eds. Benjamin Fleming, Richard Mann, p. 77 : « The intention of the newspaper was primarily educational, but also propagandistic ».
  8. Françoise Robin, Le vers libre au Tibet : une forme littéraire de l'intime au service d'un projet collectif, dans D'un Orient l'autre, actes des 3es journées de l'Orient, Bordeaux, 2-4 octobre 2002 (sous la direction de Jean-Louis Bacqué-Grammont, A. Pino, S. Khoury), Peeters Publishers, 2005, 606 p., pp. 573-601, en part. p. 583, note 31 : « un journal de propagande publié à Lhas[s]a par les autorités mandchoues à la fin de 1909 (Dhondup 1976: 33) ».
  9. (en) Xinhua, Protection and Development of Tibetan Culture (White Paper), China Daily, 25-09-2008, p. 7 : « Old Tibet had only one lithographically printed newspaper in the Tibetan language in the last years of the Qing Dynasty (1644-1911), titled The Tibet Vernacular Newspaper, and its print-run was fewer than 100 copies a day ».
  10. Bai Runsheng, op. cit. : « The first issue of the paper was printed with the stone printing machine brought to Tibet by the deputy amban Zhang Yintang. In order to run the newspaper for long, Lian Yu sent men to Calcutta to buy printing machines. »
  11. (en) Thubten Samphel, Virtual Tibet: The Media, sur le site Tibet Writes, 27 décembre 2007 : « However, in the 1990 issue of Tibet Studies, a scholarly journal published from Tibet, a three-page article by Bai Runsheng claims that Tibet’s first newspaper, Vernacular Paper, was started by the Manchu amban, Lian Yu, and his deputy, Zhang Yintang, in April 1909. The article does not mention where in Tibet Vernacular Paper was printed, its content, frequency and circulation. »
  12. Bai Rusheng, op. cit. : « The "Vernacular Paper in Tiber" was a publication appearing once every ten days, with 300 to 400 copies per issue. »
  13. Auguste Desgodins (1826-1913), La fin de l'expédition anglaise à Lhassa
  14. Tiphaine Ferry, « La Chine et l’intervention britannique au Tibet, 1902-1912 », Bulletin de l'Institut Pierre Renouvin, no 37,‎ , p. 85-96 (DOI 10.3917/bipr.037.0085, lire en ligne)
  15. (en) Hugh Richardson, Michael Aris, High peaks, pure earth: collected writings on Tibetan history and culture, Serindia Publications, 1998, p. 539 : « Early in 1908 Chao Erh-feng, acting Viceroy in Szechuan, was appointed Resident in Tibet, with large powers, and instructions to develop the resources of the country, to increase the number of Chinese officials, and to reform the administration. Chao had displayed vigour, ability and ruthlessness in Eastern Tibet since 1905 [...] So, by the time of his appointment as Resident in Tibet, he was already a hated figure to Tibetans. After his appointment anti-British articles began to appear in a newspaper published at Lhasa and circulated throughout Tibet. The "shame" of 1904 was recalled, and the Tibetans were urged to unite with the Nepalese and Bhutanese to resist foreigners. »
  16. (en) H. Louis Fader, Called from Obscurity: The Life and Times of a True Son of Tibet, God's Humble Servant from Poo, Gergan Dorje Tharchin : with Particular Attention Given to His Good Friend and Illustrious Co-laborer in the Gospel Sadhu Sundar Singh of India, Tibet Mirror Press, 2004, p. 279 : « In his volume on the history of the Thirteenth Dalai Lama published in 1996, Tibetan historian K. Dhondup »
  17. (en) K. Dhondup, The water-bird and other years: a history of the Thirteenth Dalai Lama and after, 1986, Rangwang Publishers, p. 33 « But his stay in Lhasa was to be short. A second exile was in front of him. As a prelude to this, there appeared in Lhasa for the first time a newspaper published by the Chinese in Tibetan. One of the issues said: "Do not be afraid of Amban Chao and his army. They will not harm Tibetans, but other people. If you recollect, you will remember how ashamed you felt when the foreign soldiers arrived in Lhasa and oppressed you with much tyranny. We must all be strong for this purpose, otherwise our religion will be destroyed." »
  18. (en) Elliot Sperling, The Chinese Venture into K'am, 1904–11 and the Role of Chao Erhfeng, Tibet Journal (The Tibet journal, Vol. 1, No. 2 (Dharamsala, April/June 1976), pp. 10-36, reproduit in The History of Tibet: The modern period:1895-1959, the encounter with modernity, ed. Alex McKay, p. 81 : « In August, a newspaper published by the Chinese in Lhasa, carried the following item in anticipation of Chao's arrival there: "Don't be afraid of Amban Chao and his soldiers. They are not intended to do harm to Tibetans, but to other people. If you consider, you will remember how you felt ashamed when the foreign soldiers arrived in Lhasa and oppressed you with much tyranny. We must all be strengthen ourselves on this account, otherwise our religion will be destroyed in 100 or perhaps 1,000 years." » Elliot Sperling cite en référence à cette citation Chang Chi-yun (en), ed., Ch'ing Shih, vol. 7, p. 5726.
  19. (en) Amy Holmes-Tagchungdarpa, op. cit., p. 76 : « The first Tibetan newspaper was La dvags kyi akhbar (The Ladakh News, later La dvags pho nya), published from 1904 until 1908 by Moravian missionaries in Ladakh using a lithographic press (Bray 1988) ».
  20. Thubten Samphel, op. cit. : « However, in the 1990 issue of Tibet Studies, a scholarly journal published from Tibet, a three-page article by Bai Runsheng claims that Tibet’s first newspaper, Vernacular Paper, was started by the Manchu amban, Lian Yu, and his deputy, Zhang Yintang, in April 1909. The article does not mention where in Tibet Vernacular Paper was printed, its content, frequency and circulation. But the true origins of Tibet’s print media lies in the birth of Tibet Mirror, a monthly Tibetan-language newspaper, started by Gergan Tharchin, or Tharchin Babu, as he is fondly remembered by the Tibetan emigre community of Kalimpong and Darjeeling. ».
  21. Amy Holmes-Tagchungdarpa, op. cit., p. 77 : « Later, between 1913 and 1916, the Republican Government also printed a bilingual Chinese and Tibetan newspaper called the Bod yig phal skad kyi gsar 'gyur (News in Colloquial Tibetan) (Manen 1926), but again, the content was primarily propagandistic and intended to strengthen Chinese nationalism among Tibeans ».
  • Bai Runsheng, Abrégé de l’histoire de (la) presse chinoise, Editions de Chine Nouvelle, 1998
  • Memorials from Tibet by Lian Yu – On the Subject of Launching a Newspaper in Vernacular and Founding a Training School in Tibetan and Chinese, Tibetan People’s Publishing House, 1979

Lien interne

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