Jim Clark (shérif)

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Jim Clark
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Fonction
Shérif
-
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 84 ans)
ElbaVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom dans la langue maternelle
James Gardner Clark Jr.Voir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activités
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Idéologie
Ségrégationnisme (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Arme
Conflit
Condamné pour
Trafic de stupéfiants en bande organisée (d) ()Voir et modifier les données sur Wikidata

James Gardner Clark Jr. (1922-2007), plus communément connu sous le nom de Jim Clark, est le shériff du comté de Dallas, en Alabama, célèbre pour sa défense de la ségrégation[1],[2],[3].

Biographie[modifier | modifier le code]

Premières années[modifier | modifier le code]

James Gardner Clark Jr. est né le fils de James Gardner, agriculteur, et d'Ettie Lee Clark, femme au foyer, résidant tous deux à Elba (Alabama), dans le comté de Coffee[4],[5].

Inscrit à l'Université de l'Alabama, il abandonne ses études pour s’enrôler dans l'aviation, servant durant la campagne des îles Aléoutiennes en tant que mécanicien et tireur sur un bombardier; il devient d'ailleurs membre de la American Legion.

Après la guerre, il reprend ses études puis devient éleveur de bétail dans le comté de Dallas. Il est également commissaire adjoint au Trésor de l'Alabama, chargé de percevoir les contributions[6].

Shériff de Dallas[modifier | modifier le code]

Nomination et premières mesures[modifier | modifier le code]

En 1955, à la mort du précédent titulaire, le gouverneur James Folsom, Sr., un ami d'enfance, le nomme shérif du comté de Dallas. Les premières années sont difficiles car il n'est pas né dans le comté, mais il réussit à gagner, peu à peu, le respect de la population blanche (qui est pratiquement la seule à pouvoir voter[Note 1]) et est réélu deux fois[1].

Il prend en charge le groupe de volontaires ou posse, originellement créé après la guerre pour lutter contre le mouvement syndical et qui s'est étendu à la lutte contre les catastrophes naturelles. Il leur fournit des badges, des uniformes kaki, des casques de chantier, et leur fournit des armes telles que des fusils à pompe, des pistolets, des aiguillons électriques pour bétail et des manches de hache; certains d'entre eux sont montés. Les dernières années, ces 200 auxiliaires sont recrutés parmi les membres d'organisations telles que le Ku Klux Klan[7].

Il est vice president de la National Sheriffs Association et président de l'Alabama Sheriffs Association[1].

Lutte contre le mouvement des droits civiques[modifier | modifier le code]

Clark, comme la plupart des membres de l'establishment de l'Alabama, soutient la ségrégation et considère le mouvement des droits civiques comme étant sous influence communiste[Note 2]; il mobilise donc son posse contre ce mouvement, dans le comté de Dallas comme à l'extérieur: en 1961 il envoie ses hommes "accueillir" les freedom riders à Montgomery, l'année suivante il les fait quitter l'état pour aller à Oxford, au Mississippi, pour essayer d'empêcher l'inscription de James Meredith à Ole Miss, et l'année d'après, sur la demande de Bull Connor, il les envoie à Birmingham contre le mouvement local[7]. Il est lui-même fréquemment observé portant un casque à la Patton ainsi qu'un badge "Never!" ("Jamais!")[9].

Dans le comté même, et particulièrement à Selma, il se fait remarquer pour sa brutalité envers les militants, bien que le maire Joseph Smitherman lui demande de faire preuve de modération afin d'éviter une publicité négative nuisible à l'attraction d'industries à Selma : ainsi, en 1963, il entre de force avec ses hommes dans le Tabernacle Baptist Church, où devait se tenir les funérailles de Sam Boynton, opposé à la ségrégation, menaçant de photographier toute personne venant y assister, sachant que des inscriptions sur les listes électorales y ont été prévues[2],[7],[10],[11],[12].

Le , il s'illustre en forçant plusieurs jeunes militants, qui s'étaient rassemblés devant le tribunal, à effectuer une marche forcée dans la campagne, ses hommes utilisant des aiguillons électriques sur les récalcitrants pour les forcer à bouger[13],[14],[15].

Il fait preuve de brutalité lors d'autres occasions: il renverse Annie Lee Cooper sur le sol avant de la battre avec sa matraque[16], arrête brutalement Amelia Boynton Robinson et frappe avec sa matraque le pasteur C. T. Vivian, laissant son visage ensanglanté[9],[17],[18].

Sa violence est un facteur important pour rendre le public plus sympathique envers les militants : Ralph Abernathy propose sa nomination comme membre d'honneur de la Dallas County Voters League pour services rendus[Note 3]. Certains ségrégationnistes modérés manifestèrent une certaine opposition à la brutalité de Clark.

Il recevait 200 lettres par jour, qu'elles soient pour le soutenir (70 % du courrier) ou le critiquer. Disant avoir reçu des menaces, il fait vivre sa famille dans la prison cantonale[2],[9].

Il s'illustre particulièrement lors de la marche de Selma à Montgomery organisée par Martin Luther King: le il poste ses hommes sur le pont Edmund Pettus pour empêcher les 600 marcheurs de passer; aux côtés des agents de la Alabama Highway Patrol (surnommés les Alabama Troopers), ses hommes chargent brutalement sur les manifestants, causant 60 hospitalisations, bien que Clark ait nié qu'il y ait eu des blessés[19],[9],[20],[12]. Il est entendu répondre, à quelqu'un s'inquiétant de l'état de santé d'Amelia Boynton, battue par la police, que "s'il y avait des morts, que les vautours les mangent"[21],[22]. Ces violences provoquent des critiques, y compris du gouverneur ségrégationniste George Wallace[23];

Sur cette période, il écrit en 1966 le livre The Jim Clark Story: I Saw Selma Raped ("L'histoire de Jim Clark : j'ai vu Selma être violée"), dont il prétend, plusieurs années plus tard, qu'il a été écrit par un autre[9],[24],[25].

Élection de 1966[modifier | modifier le code]

Le jour de la primaire démocrate, en , à la suite du Voting Rights Act de 1965, 70% des Noirs éligibles, soit 10 300, sont inscrits sur les listes électorales; et à part quelques dissidents, les Free Voters, voulant créer leur propre parti, la majorité d'entre eux s'inscrivent au parti démocrate afin de voter contre Clark et pour Wilson Baker, chef de la police de Selma, bien plus modéré. Baker gagne l'élection, bien que Clark ait contesté en justice la validité de la plupart des bulletins, et devient le candidat officiel démocrate pour le poste de shérif du comté[26],[27],[28],[29].

Clark décide alors de se présenter comme candidat sans étiquette, avec le soutien des blancs résidant dans les zones rurales du comté, mais perd le grâce au vote des noirs[26].

Après son mandat[modifier | modifier le code]

Après sa défaite, il devient vendeur de mobile homes[14]. Il est également conférencier pour la John Birch Society[30] et fit plusieurs petits jobs[31].

En 1978, avec six autres personnes, il est condamné, par un tribunal fédéral à Montgomery, à une peine de deux ans, dont il purge neuf mois, pour association de malfaiteurs en vue d'importer de la marijuana depuis la Colombie[2].

Au cours d'une interview en 2006, il n'exprime aucun regret par rapport à ses actions et affirme qu'il referait ce qu'il avait fait, affirmant qu'il n'avait fait qu'appliquer la loi[9]; il reprend cette opinion à d'autres occasions, affirmant qu'il n'y avait aucune tension entre les races à Selma[32]:

« Basically, I'd do the same thing today if I had to do it all over again. »

« Dans les faits, je referais la même chose aujourd'hui si j'avais à recommencer de nouveau. »

Cependant, en 1994, lors de l'élection de Harris Huffman, premier shérif noir du comté de Dallas, il lui fait un appel téléphonique pour le féliciter pour la nouvelle ère qui venait de s'ouvrir[1],[33].

Décès[modifier | modifier le code]

Le , il meurt à Elba, en maison de retraite, après plusieurs années à souffrir de problèmes cardiaques[33],[34].

Amelia Boynton Robinson assiste à ses funérailles[35].

Vie privée[modifier | modifier le code]

Marié avec Louise, il divorce en 1980. Ensemble, ils ont cinq enfants[2].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

  • (en) Charles Kenneth Roberts, « James G. "Jim" Clark Jr. », sur Encyclopedia of Alabama, (consulté le )

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. En 1961, sur les 15,000 afro-américains d'age électoral du comté, seuls 130 sont inscrits sur les listes électorales[7].
  2. Bruce Hartford, militant pour les droits civiques, affirma que, lorsqu'il fut arrêté, il lui demanda pourquoi il le traitait de "communiste", question à laquelle Clark répondit qu'"un communiste, c'est un foutu youpin de New York qui veut que nos négros s'inscrivent sur les listes électorales!" (A communist is a damn New York kike that wants our nigrahs to register!)[8].
  3. Selon Wilson Baker, lorsque Clark apprit cette boutade, il s'écria que l'on ne le reprendrait pas de sitôt à faire preuve de violence, avant de recommencer le lendemain de plus belle[12].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d « Remembering Jim Clark », sur The Selma Times‑Journal, (consulté le )
  2. a b c d et e (en-US) Margalit Fox, « Jim Clark, Sheriff Who Enforced Segregation, Dies at 84 », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  3. (en) « Clark, James Gardner », sur The Martin Luther King, Jr., Research and Education Institute, (consulté le )
  4. https://www.legacy.com/obituaries/montgomeryadvertiser/obituary.aspx?n=james-gardner-clark&pid=156236495
  5. (en) Kenneth T. Jackson, The Scribner Encyclopedia of American Lives: 2006-2008, Charles Scribner's Sons, (ISBN 978-0-684-31575-1, lire en ligne), p. 83
  6. (en) John D'Emilio, The Civil Rights Struggle: Leaders in Profile, Facts on File, (ISBN 978-0-87196-460-1, lire en ligne), p. 40
  7. a b c et d « Veterans of the Civil Rights Movement -- History & Timeline, 1963 (Jan-June) », sur www.crmvet.org (consulté le )
  8. (en) « Interview, Bruce Hartford », sur www.crmvet.org, (consulté le )
  9. a b c d e et f (en) « Sheriff died believing he was right », sur The Montgomery Advertiser (consulté le )
  10. (en) Robert A. Pratt, Selma’s Bloody Sunday: Protest, Voting Rights, and the Struggle for Racial Equality, JHU Press, (ISBN 978-1-4214-2159-9, lire en ligne), p. 128
  11. (en-US) « Dallas County Voters League », sur Civil Rights Teaching (consulté le )
  12. a b et c « Civil Rights Movement 1955-1965: Birmingham », sur www.watson.org (consulté le )
  13. « Les policiers de Selma (Alabama) obligent cent soixante-dix écoliers noirs à courir sur plusieurs kilomètres pour les punir d'avoir manifesté », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. a et b (en) Roy Reed, Beware of Limbo Dancers: A Correspondent’s Adventures with the New York Times, University of Arkansas Press, (ISBN 978-1-61075-502-3, lire en ligne)
  15. (en-US) Roy Reed, « 165 Selma Negro Youths Taken on Forced March; 165 NEGRO YOUTHS FORCED TO MARCH », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  16. « Annie Lee Cooper, civil rights legend, dies », sur The Selma Times‑Journal, (consulté le )
  17. (en) « Rev C. T. Vivian talks about his encounter with Sheriff Jim Clark in Selma », sur ajc (consulté le )
  18. (en) Christopher M. Richardson et Ralph E. Luker, Historical Dictionary of the Civil Rights Movement, Rowman & Littlefield, (ISBN 978-0-8108-8037-5, lire en ligne), p. 29
  19. « LA POLICE DE SELMA (Alabama) DISPERSE une manifestation de plusieurs centaines de Noirs Une nouvelle " marche sur Montgomery " prévue pour mardi Une réaction de l'Amérique " honnête " ? », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. (en-US) Roy Reed, « ALABAMA POLICE USE GAS AND CLUBS TO ROUT NEGROES; 57 Are Injured at Selma as Troopers Break Up Rights Walk in Montgomery », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  21. (en) « Voices of the Selma march, 50 years ago », sur CBS News, (consulté le )
  22. (en) Frye Gaillard, Cradle of Freedom: Alabama and the Movement That Changed America, University of Alabama Press, (ISBN 978-0-8173-5298-1, lire en ligne), p. 381
  23. (en-US) Adam Bernstein, « Ala. Sheriff James Clark; Embodied Violent Bigotry », The Washington Post,‎ (ISSN 0190-8286, lire en ligne, consulté le )
  24. James G Clark, The Jim Clark story : I saw Selma raped, Birmingham, Ala. : Selma Enterprises : distributed by the Sizemore Agency, [1966] ©1966, [1966] (lire en ligne)
  25. (en) Chris Preitauer, « RARE SHERIFF JIM CLARK BOOK “I SAW SELMA RAPED” 1966 », sur The Preitauer Black History Collection, (consulté le )
  26. a et b « Civil Rights Movement History & Timeline, 1966 », sur www.crmvet.org (consulté le )
  27. « Les " élections primaires " de l'Alabama marquent la fin d'une époque », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  28. (en-US) « SELMA VOTE AIDES TESTIFY ON ERRORS; Negro Poll Workers Term Mistakes Unintentional », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  29. (en) Karlyn Forner, Why the Vote Wasn't Enough for Selma, Duke University Press, (ISBN 978-0-8223-7223-3, lire en ligne)
  30. (en) Benjamin R. Epstein et Arnold Forster, Report on the John Birch Society: 1966, Vintage Books, (lire en ligne), p. 95
  31. (en-US) Roy Reed, « Five Years After, Selma Cannot Forget Historic Rights March », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  32. « Interview with James Clark », sur repository.wustl.edu (consulté le )
  33. a et b (en-GB) Michael Carlson, « Obituary: Jim Clark », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
  34. (en) AP, « Sheriff Jim Clark, segregationist icon, dies at 84 », sur msnbc.com, (consulté le )
  35. (en-US) Matt Schudel, « Amelia Boynton Robinson, activist beaten on Selma bridge, dies at 104 », Washington Post,‎ (ISSN 0190-8286, lire en ligne, consulté le )