Aller au contenu

Klebsiella

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
(Redirigé depuis Calymmatobacterium)
Klebsiella
Description de cette image, également commentée ci-après
Classification LPSN
Domaine Bacteria
Embranchement Pseudomonadota
Classe Gammaproteobacteria
Ordre Enterobacterales
Famille Enterobacteriaceae

Genre

Klebsiella
Trevisan 1885

Synonymes

  • Calymmatobacterium Aragão & Vianna 1913
  • Raoultella Drancourt et al., 2001

Klebsiella (en français les Klebsielles) est un genre de bacilles Gram négatifs de la famille des Enterobacteriaceae. Son nom fait référence au bactériologiste Edwin Klebs[1].

Ces bactéries causent jusqu'à 5 % des infections urinaires communautaires et 9 % des nosocomiales[2].

Caractères bactériologiques

[modifier | modifier le code]

Les Klebsiella sont des Enterobacteriaceae bacilles gram négatif, généralement considérées immobiles (cela dépend des espèces et des souches, en particulier K. aerogenes reclassé dans les Klebsiella)[3] et capsulées (sauf 6 % des souches de K. pneumoniae subsp. pneumoniae).

Elles font partie du groupe phénotypique "KESH" (Klebsiella, Enterobacter, Serratia et Hafnia). Elles fermentent le glucose par la voie du butane-2,3-diol avec production de gaz. ODC négative, ADH négative, TDA négative et PDA négative. VP positif caractère clé. Ce groupe n'a pas de sens taxonomique puisque ces bactéries n'appartiennent pas à la même famille (voir Enterobacterales)

Malgré la présence de flagelles pour les espèces K. aerogenes et K. michiganensis[4], les Klebsiella ont longtemps été considérées comme non mobiles et ce caractère a été considéré comme une des caractéristiques du genre[5]. La découverte de flagelles sur certaines souches de K. pneumoniae ainsi que la présence des gènes fliC, fliA et flgH démontre que certaines souches de Klebsiella considérées comme non-mobiles peuvent l'être[3].

Ce sont des bactéries ubiquitaires présentes dans le tube digestif et dans l'appareil respiratoire des animaux (dont l'Homme) en tant que bactéries commensales. Elles sont fréquentes dans les selles et peuvent être un indicateur d'une contamination fécale. Elles sont abondantes dans le sol, les eaux et peuvent être des fixateurs de l'azote atmosphérique.

Pouvoir pathogène

[modifier | modifier le code]

Klebsiella pneumoniae détermine de rares infections respiratoires (pneumonies, abcès pulmonaires, pleurésies), et surtout des infections du tractus urinaire. Elle a un effet cytotoxique sur les épithéliums des voies aériennes et peut être responsable d'infections nosocomiales.

Klebsiella pneumoniae hypervirulente est une souche hypervirulente de Klebsiella pneumoniae issue d'Asie responsable d'infections foudroyantes. Elle touche particulièrement le système nerveux central et l'œil (endophtalmie). Elle peut également être responsable d'abcès hépatiques. Son incidence est en augmentation. Le diagnostic microbiologique est fait grâce au string test, qui révèle le caractère hypermuqueux de cette souche. Le bilan d'extension et le traitement de cette infection ne font pas l'objet de recommandations et sont donc discutés au cas par cas[6].

Son pouvoir pathogène et sa virulence[7] seraient liés à plusieurs facteurs :

  • sa capsule de polysaccharides ; elle confère à Klebsiella pneumoniae un fort pouvoir invasif en protégeant les bactéries de la phagocytose et dans une certaine mesure de certains désinfectants. C'est cette capsule volumineuse de nature polysaccharidique qui explique l'aspect gluant et bombé des colonies sur les milieux usuels. Son rôle est encore mal compris, avec des résultats différents pour les études in vivo et in vitro [8] ;
  • une production de sidérophores ;
  • une production de lipopolysaccharide (LPS) ;
  • une production d'un complexe extracellulaire (toxique pour les tissus pulmonaires notamment). On sait que cet effet est lié à la capsule, car il disparaît en présence d'isolats de bactéries vivantes mais non capsulées. De plus, la cytotoxicité des souches non capsulées est restaurée par simple ajout de capsules extraites par purification d'un isolat capsulé[9] ;
  • une production d'adhésine lui permettant de produire des biofilms.

Klebsiella ozenae n'est pas l'agent de l'ozène mais peut être pathogène dans les voies respiratoires et leurs annexes.

Klebsiella rhinoscleromatis est l'agent spécifique du rhinosclérome.

Klebsiella granulomatis est l'agent de du granulome inguinal ou donovanose.

Traitements

[modifier | modifier le code]

Antibiotiques

[modifier | modifier le code]

Le genre Klebsiella est naturellement sécréteur d'une pénicillinase chromosomique de bas niveau ce qui le rend naturellement résistant aux Pénicillines A (Amoxicilline) et aux carboxypénicilines et uréidopénicillines (ticarcilline, pipéracilline).

Comme toutes les Enterobacteriaceae, Klebsiella peut acquérir de nombreux mécanismes de résistance aux autres antibiotiques (pénicillinases plasmidiques, céphalosporinases, enzyme TRI, Bétalactamase à spectre élargie, etc.)

Préparations bactériophagiques

[modifier | modifier le code]

En Russie et en Géorgie, le traitement des klebsielles par phagothérapie est commun. Le médicament existe sous forme liquide ou en pulvérisateur. Il existe des cocktails bactériophagiques contenant exclusivement des bactériophages spécifiques aux klebsielles, et des cocktails contenant plus largement des phages spécifiques aux germes présents dans telle ou telle pathologie. Des phages anti-klebsielles figurent par exemple dans les cocktails pour les infections gynécologiques[10],[11].

Des recherches sont en cours ailleurs dans les pays occidentaux pour développer des bactériophagiques efficaces contre les Klebsiella pneumoniae productrices de carbapenemases KPC (KPC-KP)[12].

En France la phagothérapie ne peut être utilisée que dans les cas les plus graves, avec des phages produits en France et dans le cadre dit compassionnel défini par l'ANSM. Des associations de patients se sont montées pour faciliter l'accès aux bactériophagiques étrangers[13],[14],[15],[16].

Systématique

[modifier | modifier le code]

Liste des espèces

[modifier | modifier le code]

Selon la LPSN (1er novembre 2022.)[17] :

En 2001, des analyses phylogénétiques d'espèces du genre Klebsiella, ainsi que d'espèces parmi d'autres genres de la famille des Enterobacteriaceae, et portant sur deux gènes semblent indiquer que le genre Klebsiella est hétérogène[18]. Ce genre est alors scindé en deux et les auteurs proposant la reconnaissance d'un nouveau genre, Raoultella dédié au microbiologiste Didier Raoult. Les espèces K. ornithinolytica, K. planticola, K. trevisanii (synonyme de K. planticola) et K. terrigena y sont alors placées par les descripteurs du genre. En 2014, une nouvelle espèce de bactérie est isolée et caractérisée comme appartenant au genre Raoultella. Elle est nommée R. electrica[19]. En 2014, la pertinence du genre Raoultella est remise en question par une analyse phylogénétique des klebsielles plus poussée, utilisant des génomes complets (2,93 Mpb) plutôt que deux gènes seulement. Cette analyse montre que R. ornithinolytica est nichée au milieu de l'arbre phylogénétique de klebsielles, sur une branche proche de K. oxytoca. L'analyse conclut que le genre Raoultella devrait être abandonné[20]. La synonymie avec Klebsiella est explicitement demandée à nouveau par Ma et al. en 2021[21]. Depuis, la List of Prokaryotic names with Standing in Nomenclature (LPSN), retransmettant les décisions de l'ICNP faisant autorité en nomenclature bactérienne, a acté la synonymisation de Raoultella avec Klebsiella[22].

Jusqu'en 2016 le genre Klebsiella était rattaché par des critères phénotypiques à la famille des Enterobacteriaceae. Malgré la refonte de l'ordre des Enterobacterales par Adeolu et al. en 2016 à l'aide des techniques de phylogénétique moléculaire, Klebsiella reste dans la famille des Enterobacteriaceae dont le périmètre redéfini compte néanmoins beaucoup moins de genres qu'auparavant[23].

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. Trevisan V, Atti della Accademia Fisica-Medica-Stastistica di Milano, 1885(ser 4);3:92-107. (pas de DOI).
  2. Bactériologie médicale: techniques usuelles. Par François Denis,Marie-Cécile Ploy. ECBU, page 139. Elsevier Masson, 2007 - 573 pages..
  3. a et b (en) Alejandro Carabarin-Lima, Libia León-Izurieta, Rosa Del Carmen Rocha-Gracia, Miguel Castañeda-Lucio, Carmen Torres, Zita Gutiérrez-Cazarez, Sirenia González-Posos, Claudia F Martínez de la Peña, Ygnacio Martinez-Laguna et Patricia Lozano-Zarain, « First evidence of polar flagella in Klebsiella pneumoniae isolated from a patient with neonatal sepsis », J Med Microbiol., vol. 65, no 8,‎ , p. 729-737 (DOI 10.1099/jmm.0.000291).
  4. (en) R. Saha, C. E. Farrance, B. Verghese, S. Hong et R. S. Donofrio, « Klebsiella michiganensis sp. nov., a new bacterium isolated from a tooth brush holder. », Curr Microbiol, vol. 66,‎ , p. 72–78 (PMID 27283194, DOI 10.1099/jmm.0.000291).
  5. (en) W. H. Ewing, Edwards and Ewing's Identification of Enterobacteriaceae, New York, Elsevier Science Publishing Co. Inc, , 4e éd., 536 p. (ISBN 9780444009814).
  6. (en) Thomas A. Russo et Candace M. Marr, « Hypervirulent Klebsiella pneumoniae », Clinical Microbiology Reviews, vol. 32, no 3,‎ (ISSN 0893-8512 et 1098-6618, PMID 31092506, DOI 10.1128/CMR.00001-19, lire en ligne, consulté le ).
  7. Lawlor MS, Hsu J, Rick PD, Miller VL: Identification of Klebsiella pneumoniae virulence determinants using an intranasal infection model. Mol Microbiol 2005, 58:1054-1073. Résumé PubMed .
  8. Struve C, Krogfelt KA ; : Role of capsule in Klebsiella pneumoniae virulence: lack of correlation between in vitro and in vivo studies. FEMS Microbiol Lett 2003, 218:149-154. (Résumé PubMed).
  9. Victoria Cano et al. ; Klebsiella pneumoniae triggers a cytotoxic effect on airway epithelial cells ; BMC Microbiology 2009, 9:156doi:10.1186/1471-2180-9-156 ; on line: 2009/08/03 ; (Résumé).
  10. Alexander Sulakvelidze, Zemphira Alavidze et J. Glenn Morris, « Bacteriophage Therapy », Antimicrobial Agents and Chemotherapy, vol. 45, no 3,‎ , p. 649–659 (ISSN 0066-4804, PMID 11181338, DOI 10.1128/AAC.45.3.649-659.2001, lire en ligne, consulté le ).
  11. Gilles Bourdin, Armando Navarro, Shafiqul A Sarker et Anne-C Pittet, « Coverage of diarrhoea-associated Escherichia coli isolates from different origins with two types of phage cocktails », Microbial Biotechnology, vol. 7, no 2,‎ , p. 165–176 (ISSN 1751-7915, PMID 24528873, PMCID PMC3937720, DOI 10.1111/1751-7915.12113, lire en ligne, consulté le ).
  12. Marco Maria D’Andrea, Pasquale Marmo, Lucia Henrici De Angelis et Mattia Palmieri, « φBO1E, a newly discovered lytic bacteriophage targeting carbapenemase-producing Klebsiella pneumoniae of the pandemic Clonal Group 258 clade II lineage », Scientific Reports, vol. 7,‎ (ISSN 2045-2322, PMID 28572684, PMCID PMC5453958, DOI 10.1038/s41598-017-02788-9, lire en ligne, consulté le ).
  13. « AVIBEP - Association pour la Phagothérapie », sur AVIBEP - Phagothérapie (consulté le ).
  14. « Phages-Sans-Frontières – Ensemble nous pouvons tenter de changer le destin ! », sur phages-sans-frontieres.com (consulté le ).
  15. « Association PHAG ESPOIRS », sur Association PHAG ESPOIRS (consulté le ).
  16. « EuroPhages - Sauver les vies de milliers de Français grâce aux bactériophagiques », sur EuroPhages (consulté le ).
  17. List of Prokaryotic names with Standing in Nomenclature (LPSN), consulté le 1er novembre 2022.
  18. (en) Michel Drancourt, Claude Bollet, Anne Carta et Patricia Rousselier, « Phylogenetic analyses of Klebsiella species delineate Klebsiella and Raoultella gen. nov., with description of Raoultella ornithinolytica comb. nov., Raoultella terrigena comb. nov. and Raoultella planticola comb. nov. », International Journal of Systematic and Evolutionary Microbiology, Society for General Microbiology (d), vol. 51, no 3,‎ , p. 925-932 (ISSN 1466-5026 et 1466-5034, OCLC 807119723, PMID 11411716, DOI 10.1099/00207713-51-3-925).Voir et modifier les données sur Wikidata.
  19. (en) Zen-ichiro Kimura, Kyung Mi Chung, Hiroaki Itoh, Akira Hiraishi et Satoshi Okabe, « Raoultella electrica sp. nov., isolated from anodic biofilms of a glucose-fed microbial fuel cell », International Journal of Systematic and Evolutionary Microbiology, Society for General Microbiology (d), vol. 64, no 4,‎ , p. 1384-1388 (ISSN 1466-5026 et 1466-5034, OCLC 807119723, PMID 24449794, DOI 10.1099/IJS.0.058826-0).Voir et modifier les données sur Wikidata.
  20. (en) Corey M Hudson, Zachary W. Bent, Robert J. Meagher et Kelly P. Williams, « Resistance determinants and mobile genetic elements of an NDM-1-encoding Klebsiella pneumoniae strain », PLOS One, PLoS, vol. 9, no 6,‎ , e99209 (ISSN 1932-6203, OCLC 228234657, PMID 24905728, PMCID 4048246, DOI 10.1371/JOURNAL.PONE.0099209).Voir et modifier les données sur Wikidata.
  21. (en) Yuanyuan Ma, Xiuqin Wu, Shuying Li, Lie Tang, Mingyue Chen et Qianli An, « Proposal for reunification of the genus Raoultella with the genus Klebsiella and reclassification of Raoultella electrica as Klebsiella electrica comb. nov. », Research in Microbiology, Elsevier, vol. 172, no 6,‎ , p. 103851 (ISSN 0923-2508 et 1769-7123, OCLC 476143244, DOI 10.1016/J.RESMIC.2021.103851).Voir et modifier les données sur Wikidata.
  22. (en) « Raoultella », sur List of Prokaryotic names with Standing in Nomenclature (consulté le ).
  23. Adeolu M et al. « Genome-based phylogeny and taxonomy of the ‘Enterobacteriales’: proposal for Enterobacterales ord. nov. divided into the families Enterobacteriaceae, Erwiniaceae fam. nov., Pectobacteriaceae fam. nov., Yersiniaceae fam. nov., Hafniaceae fam. nov., Morganellaceae fam. nov., and Budviciaceae fam. nov. » Int J Syst Evol Microbiol. 2016;66(12):5575-5599. Accès libre.