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Amylocaïne

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Amylocaïne
Image illustrative de l’article Amylocaïne
Identification
Nom UICPA benzoate de [1-(diméthylaminométhyle)]-1-méthylpropyle
Synonymes

Stovaïne, amyléine

No CAS 644-26-8
No ECHA 100.010.375
No CE 232-262-9
Code ATC N01BC
PubChem 10767
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule C14H21NO2  [Isomères]
Masse molaire[1] 235,322 ± 0,013 5 g/mol
C 71,46 %, H 8,99 %, N 5,95 %, O 13,6 %,
Considérations thérapeutiques
Classe thérapeutique Anesthésique local

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Le chlorhydrate d'amylocaïne est le premier anesthésique local de synthèse médicalement exploitable. Il a été découvert en 1903 par Ernest Fourneau et breveté sous le nom de stovaïne[2]. L'amylocaïne est l'un des premiers médicaments de synthèse issus d'une approche chimiothérapeutique rationnelle : c'est un analogue simplifié de la cocaïne, dont il conserve les propriétés anesthésiques, mais avec une toxicité plus faible et des effets secondaires réduits.

En 1900, la plupart des médicaments synthétiques sont encore d’origine allemande. Fourneau et les établissements Poulenc frères veulent remédier à cet état de choses. En 1903, Fourneau prend donc la direction du laboratoire créé à son intention dans l'usine des frères Poulenc à Ivry et se lance aussitôt dans la recherche de succédanés de la cocaïne[3]. Il a travaillé chez Richard Willstätter sur la lupinine, alcaloïde voisin de la cocaïne[4], et il a rencontré Alfred Einhorn, qui a breveté trois dérivés de la cocaïne tandis que Georg Merling en synthétise d’autres à Berlin : les eucaïnes.

Dès octobre 1903, Poulenc frères et Fourneau déposent en France et en Allemagne des brevets sur la stovaïne, nouvel anesthésique local. Les essais cliniques, localement et en péridurale, sont confiés à Paul Reclus, initiateur en France de l’emploi de la cocaïne en chirurgie. Au bout de quelques mois d’essais, la stovaïne se montre bien supérieure à la cocaïne[5]. Henri Chaput[6] et Théodore Tuffier[7] en France, Eduard Sonnenburg[8] en Allemagne, confirment les conclusions de Reclus[9].

Certes, d'autres substituts de synthèse de la cocaïne ont été développés précédemment, mais ni l'eucaïne de Merling, lancée par Schering à Berlin en 1897, ni l'orthoforme et le néo-orthoforme d'Einhorn, ni sa nirvanine, produite en 1898 par les usines de colorants de Hoechst, ni même la benzocaïne, peu soluble, synthétisée chez Ritsert à Eberbach en 1902, ne se sont montrées véritablement exploitables en chirurgie. Quant à la novocaïne, découverte par Einhorn, elle ne sera brevetée que le , par Hoechst[10],[11], et introduite par Heinrich Braun l'année suivante, en 1905[12],[13]. Avant même l'introduction de la novocaïne, la stovaïne a remplacé la cocaïne dans tous ses usages. Les péridurales à la stovaïne seront pratiquées à grande échelle et avec grand succès pendant quarante ans, et le chlorydrate d'amylocaïne est encore utilisé en 2017, seul ou en association, comme anesthésique local externe[14].

La découverte et la mise au point de la stovaïne marquent une étape essentielle dans l'évolution de la pharmacologie en France, où elles inaugurent la chimie des médicaments de synthèse. Le cours de Béhal à l’École de pharmacie, professé selon la théorie atomique, vient d'avoir raison chez ses élèves de la sclérose intellectuelle dont, sous l'influence de Sainte-Claire Deville et surtout du très puissant Berthelot[15], l'université française a souffert dans le domaine de la chimie, pendant un demi-siècle au cours duquel l'Allemagne a pris une avance considérable dans la connaissance de la structure des molécules chimiques et dans ses applications industrielles. Et parmi les disciples enthousiastes de Béhal, Fourneau, pendant trois ans, s'abreuve à cette source. À son retour de Munich, en collaboration avec Tiffeneau, autre élève de Béhal, il applique les méthodes de recherche apprises de Curtius, Gattermann, Fischer ou Willstätter, et les frères Poulenc emploient les mêmes moyens industriels qui ont fait jusqu'alors la fortune et la gloire des seules entreprises allemandes. « Les dynamiques intellectuelle, industrielle et commerciale, animées par quelques acteurs concentrés autour du développement de la Stovaïne, ont donc permis à la France de pénétrer et de se positionner dans le domaine de la chimie des médicaments jusqu’alors dominée par les laboratoires et les industriels allemands[16]. »

Bibliographie

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  • (en) Christine M. Ball et Rod N. Westhorpe, « Local Anaesthesia after Cocaine », Anaesthesia and Intensive Care, vol. 32, no 2,‎ , p. 157 (PMID 15957711).
  • Marie-Thérèse Cousin (préf. Maurice Cara), L'Anesthésie réanimation en France : Des origines à 1965, L'Harmattan, coll. « Sciences et société », , p. 313.
  • Christine Debue-Barazer, « Les Implications scientifiques et industrielles du succès de la stovaïne : Ernest Fourneau (1872-1949) et la chimie des médicaments en France », Gesnerus, vol. 64, nos 1-2,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  • Léon Kendirdjy, L'Anesthésie chirurgicale par la stovaïne, Masson, (lire en ligne).
  • François Tillequin et François-Hugues Porée, De la plante au médicament (conférence prononcée à la faculté de pharmacie de Paris le 22 janvier 2007), ESPCI (lire en ligne), « La Coca ».

Notes et références

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  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. E. Fourneau, « Stovaïne, anesthésique local », Bull. Sc. Pharmacolog., vol. 10, 1904, p. 141.
  3. (en) Viviane Quirke, Collaboration in the Pharmaceutical Industry : Changing Relationships in Britain and France, 1935-1965, New-York et Londres, Routledge, , 368 p. (ISBN 978-0-415-30982-0 et 0-415-30982-4, lire en ligne), p. 56-57.
  4. (de) Richard Willstätter et Ernest Fourneau, « Ueber Lupinin », Ber. d. Chem. Ges., vol. 35,‎ , p. 1910-1926.
  5. Paul Reclus, « L'Analgésie locale par la stovaïne », Bull. Acad. méd.,‎ .
  6. Henri Chaput, « L’Anesthésie rachidienne à la stovaïne », Bulletins et mémoires de la Société de chirurgie de Paris, vol. 30,‎ , p. 835-853.
  7. Théodore Tuffier, « Chirurgie de l’estomac », dans Alfred Ricard (dir.) et Eugène Rochard (dir.), Bibliothèque de chirurgie contemporaine, Paris, O. Doin, .
  8. (de) Eduard Sonnenburg, « Die Rückenmarks Anästhesie mittels Stovain », Deutsche medizinische Wochenschrift, vol. 31, no 9,‎ , p. 329-333 (DOI 10.1055/s-0029-1188003)
  9. Jean-Pierre Fourneau, « Ernest Fourneau (1872-1949) », Compte rendu de la séance publique annuelle de l'Académie nationale de pharmacie, 1986, p. 61-62.
  10. (de) A. Einhorn, « Procain » [La Procaïne], Liebigs Ann., vol. 371, 1909, p. 125.
  11. Jean-Pierre Fourneau, « Ernest Fourneau (1872-1949) », Compte rendu de la séance publique annuelle de l'Académie nationale de pharmacie, Paris, 1986, p. 60-61.
  12. (de) Heinrich Braun, « Ueber einige neue örtliche Anaesthetica (Stovain, Alypin, Novocain) [Sur quelques nouveaux anesthésiques locaux (Stovaïne, Alypine et Novocaïne)] », Deutsche Medizinische Wochenschrift, vol. 31,‎ , p. 1667-1671.
  13. (de) Heinrich Braun, Die Lokalanästhesie, ihre wissenschaftlichen Grundlagen und praktische Anwendung [L'Anesthésie locale, ses fondements scientifiques et son application pratique], Leipzig, J. A. Barth, .
  14. « Amyléine chlorydrate » sur Eureka Santé [lire en ligne (page consultée le 7 août 2017)].
  15. C. Debue-Barazer, p. 29-30.
  16. C. Debue-Barazer, p. 51.