Bénédict Morel

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Bénédict Morel
Portrait de Bénédict Morel
Portrait de Bénédict Morel vers 1870
Biographie
Naissance
Vienne
Décès
Rouen
Sépulture Cimetière Saint-SeverVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité Drapeau de la France France
Thématique
Études Médecine, (psychiatrie)
Formation Hôpital de la Salpêtrière, Paris
Titres Docteur
Profession Psychiatre et médecinVoir et modifier les données sur Wikidata
Travaux Psychiatrie
Approche Psychiatrie
Idées remarquables Démence précoce
Théorie de la dégénérescence
Œuvres principales Traité des maladies mentales, 1852-1853 ; Traité des Dégénérescences, 1857
Distinctions Chevalier de la Légion d'honneur‎ (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Membre de Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen, Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie, Société médico-psychologique, Société libre d'émulation de la Seine-Maritime, Société d'émulation de l'Ain, Académie de Stanislas et Société de médecine de ParisVoir et modifier les données sur Wikidata
Auteurs associés
Influencé par Jean-Pierre Falret, Prosper Lucas
Partisans
(A influencé)
Valentin Magnan, Cesare Lombroso, Henry Maudsley, Max Nordau

Bénédict, Augustin Morel est un psychiatre français né le à Vienne (Autriche) et mort le à Rouen[1]. Il fut connu, au milieu du xixe siècle, par ses expertises sur l'état mental de criminels et la postérité a surtout retenu sa théorie de la dégénérescence.

Biographie[modifier | modifier le code]

Bénédict Morel est né le à Vienne (Autriche) d'un père français, Benoît Morel (1770-1832), fournisseur des armées impériales et d'une mère probablement austro-hongroise, Marie Saltinam de Ganÿi[2]. Ne disposant d'aucun acte de naissance ni de baptême, il présenta, pour son mariage à Bruxelles avec une fille naturelle de François-Joseph Talma, un acte de notoriété signé Jean-Pierre Falret, Laurent Cerise, Philippe Buchez, Charles Lasègue, et Victor Masson.

À la suite des guerres de la Sixième coalition, ses parents l'abandonnent aux soins d'un prêtre luxembourgeois, l'abbé François Dupont et de sa servante Marianne. Ceux-ci pourvoient à l'éducation et aux études du jeune homme[3].

Bénédict Morel étudie à Paris. Il y assure ses besoins en donnant des leçons d'anglais et d'allemand. Il est reçu docteur en médecine en 1839 et devient deux ans après assistant du psychiatre Jean-Pierre Falret à la Salpêtrière et élève de Charles Lasègue et de Claude Bernard[4].

L'intérêt de Morel pour la psychiatrie se précise après ses visites de plusieurs asiles pour malades mentaux à travers l'Europe. En 1848, il est nommé médecin en chef à l'asile d'aliénés de Maréville, près de Nancy[5]. Il y introduit des réformes pour le bien-être des aliénés et y réduisant, en particulier, les pratiques de contention. En médecine légale, il est le premier à demander que le sujet d'une expertise psychiatrique soit observé non en prison, mais à l'asile d'aliénés. Il étudie l'histoire ses handicapés mentaux et de leurs familles, la pauvreté et les maladies infantiles. En 1856, il est nommé médecin en chef à l'asile du manoir de Saint-Yon à Rouen[6].

Morel, influencé par diverses théories pré-darwiniennes de l'évolution, celles, en particulier qui accordent un grand poids à l'acclimatation, conçoit la déficience mentale comme le dernier stade d'un processus de détérioration. Dans les années 1850, il élabore une théorie où la dégénération mentale se développe de l'enfance à l'âge adulte.

Il publie, en 1857, un Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l'espèce humaine et des causes qui produisent ces variétés maladives, dans lequel il explique la nature, les causes et les indications de la dégénération humaine. Morel recherche les causes des maladies dans l'hérédité bien qu'il ait plus tard pointé l'alcoolisme et l'usage de drogues comme des causes de l'affaiblissement mental. Morel s'inscrit dans le mouvement intellectuel dominant au milieu du xixe siècle pour lequel, dans la mouvance du darwinisme, la dégénérescence de l'espèce humaine constitue un facteur majeurs en matière sanitaire, social, éducative, voire raciale.

Il est élu le à l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie, avec pour titre académique Correspondant[7].

Il est domicilié au no 47 rue d'Elbeuf à Rouen. Ses obsèques sont célébrées dans l'église Saint-Sever de Rouen.

Démence précoce[modifier | modifier le code]

Dans le premier tome de ses Études cliniques (1852), Morel utilise à l'occasion le terme démence précoce pour décrire les caractéristiques de certains jeunes patients[8],[9]

Morel utilise le terme de façon descriptive et non pour définir une nouvelle entité nosographique. Il désigne ainsi un groupe de jeune sujets atteints d'une forme de stupeur[10]. Leur état se caractérise par une torpeur, une énervation, un désordre de la volonté et ce qu'on reliait alors à la mélancolie. Morel a une compréhension traditionnelle de la [démence] : a contrario des conceptions actuelles, il ne la conçoit pas comme irréversible[11].

Bien qu'on ait pu voir dans les observations de Morel sur la démence précoce une préfiguration du diagnostic de la schizophrénie[10], d'autres ont montré de façon convaincante que les descriptions de Morel ne peuvent en aucune manière en faire un précurseur du concept de dementia praecox caractérisé par le psychiatre allemand Emil Kraepelin[12].

Leurs concepts respectifs de démence diffèrent de façon significative. Kreapelin utilise le terme dans le sens presque moderne de Schizophrenie alors que Morel ne décrit en aucune manière une catégorie nosographique. Le terme de démence précoce utilisé par Morel avait totalement disparu avant les études d'Arnold Pick et Emil Kraepelin et il est à peu près certain que ceux-ci n'en eurent même connaissance que longtemps après la publication de leurs travaux sur une maladie portant le même nom[13]. Comme l'a dit simplement Eugène Minkowski ; « Un abyme sépare la démence précoce de Morel de celle de Kraepelin. »[14]

Distinctions[modifier | modifier le code]

Bibliographie partielle[modifier | modifier le code]

  • Études cliniques : traité, théorique et pratique des maladies mentales, Nancy et Paris, Grimblot et Victor Masson, (lire en ligne)
  • Traité des maladies mentales, Paris, 1852—1853
  • Influence de la constitution géologique du sol sur la production du crétinisme, Paris, V. Masson,
  • Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles, et morales de l'espèce humaine, Paris, Arno Press, , 693 p. (lire en ligne)
  • Traité des maladies mentales, Paris, Victor Masson, , 2e éd., 866 p. (lire en ligne)
    Dans la seconde édition, Morel crée le terme démence précoce pour désigner la dégénération mentale.
  • Le non-restraint ou de l’abolition des moyens coercitifs dans le traitement de la folie, Paris, Masson, , 107 p.
  • Du goître et du crétinisme, étiologie, prophylaxie, etc., Paris, Asselin,
  • De la formation des types dans les variétés dégénérées, Paris, J.-B. Baillière,

Notes[modifier | modifier le code]

  1. À son domicile, no 47 rue d'Elbeuf.
  2. Jean-Claude Féray, Une criminelle expertise : l'affaire Jeanson, Paris, Quintes-feuilles, , 150 p. (ISBN 978-2-492602-00-9), p. 57-61 (Chapitre 10 - Bénédict Augustin Morel)
  3. Pick 1993, p. 44.
  4. Pick 1993, p. 44-45.
  5. René Semelaigne, Les pionniers de la psychiatrie française, avant et après Pinel, Paris, Baillère, 1930-1932
  6. Journal de Rouen, 26 août 1856, p. 2.
  7. « État des Membres de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Savoie depuis sa fondation (1820) jusqu'à 1909 », sur le site de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie et « Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie », sur le site du Comité des travaux historiques et scientifiques - cths.fr.
  8. (Hoenig, 1995, p=337) ; (Boyle, 2002 , p=46). Berrios, Luque et Villagran prétendent, dans leur article de 2003 sur la schizophrénie, que Morel n'utilisa le terme qu'en 1860, dans son ouvrage Traité des maladies mentales (Berrios, Luque, Villagran, 2003, p=117) ; (Morel, 1860). Dowbiggin prétend incorrectement que Morel utilisa le terme à la page 234 du premier volume de ses Études cliniques de 1852 (Dowbiggin, 1996, p=388) ; (Morel, 1852, p=234). Dans ses Études cliniques de 1852, Morel évoque la démence juvénile pour dire qu'il n'y a pas d'âge pour la sénilité et que, dans son expérience clinique, il y a autant de cas de sénilité parmi les jeunes que parmi les vieillards (Morel, 1852, p=235). De plus Hoenig indique, avec raison, que Morel utilise le terme deux fois dans son traité de 1852, aux pages 282 et 361 (Hoenig, 1995, p=337) : (Morel, 1852, pp=282, 361). Dans le premier cas, il s'agit de jeunes filles affectées d'asthénie qui ont été plusieurs fois affectées de typhoïde. Il s'agit donc d'un terne descriptif et non d'un diagnostic. Le terme est utilisé, dans le second cas, pour préciser que la maladie des maniaques n'évolue pas nécessairement vers une forme précoce de démence
  9. Berrios, Luque et Villagran (2003) page 117. Le terne Démence précoce n'est utilisé qu'une seule fois par Morel dans son Traité des dégénérescence physiques, intellectuelles, et morales de l'espèce humaine de 1857. (Morel, 1857, p=391), et sept fois dans son livre Traité des maladies mentales : (Morel, 1860, pp=119, 279, 516, 526, 532, 536, 552).
  10. a et b Dowbiggin 1996, p. 388.
  11. Berrios, Luque et Villagran 2003, p. 118.
  12. Berrios, Luque et Villagran 2003, p. 117.
  13. Alors que Barrios, Luque et Villagran plaident en ce sens, voir page 117 de Berrios, Luque et Villagran en 2003, d'autres prétendent, sans preuve, que Krepelin a été inspira par Morel. Par exemple Stone 2006, p. 1.
  14. Cité dans Berrios, Luque et Villagran 2003, p. 117.
  15. Journal de Rouen, 31 mars 1873, p. 2.

Sources[modifier | modifier le code]

  • (en) German E. Berrios, Rogelio Luque et Jose M. Villagran, « Schizophrenia: a conceptual history », International Journal of Psychology and Psychological Therapy, vol. 3,‎ , p. 111–140 (lire en ligne)
  • (en) Mary Boyle, Schizophrenia : A Scientific Delusion?, Londres, , 2e éd. (lire en ligne)
  • (en) Norberto Aldo Conti, « Benedict Augustin Morel and the origin of the term dementia praecox », Vertex (Buenos Aires, Argentina), Argentine, vol. 14, no 53,‎ , p. 227–31 (PMID 14569313)
  • (en) Ian Dowbiggin, « Back to the future: Valentin Magnan, French psychiatry, and the classification of mental diseases, 1885-1925 », Social History of Medicine, vol. 9, no 3,‎ , p. 383–408 (PMID 11618728, DOI 10.1093/shm/9.3.383)
  • (en) J Hoenig, A History of Clinical Psychiatry : The Origin and History of Psychiatric Disorders, Londres, Berrios, German E., , 336–48 p. (ISBN 0-485-24011-4), « Schizophrenia: clinical section »
  • (en) M Lund, « On Morel's 'épilepsie larvée: the first Danish epileptologist Frederik Hallager's opposition in 1884 against Morel's psychical epileptic equivalents », Journal of the history of the neurosciences, Netherlands, vol. 5, no 3,‎ , p. 241–53 (PMID 11618744, DOI 10.1080/09647049609525673, lire en ligne)
  • (en) Eduardo Luis Mahieu, « On Morel and dementia praecox », Vertex (Buenos Aires, Argentina), Argentine, vol. 15, no 55,‎ , p. 73–5 (PMID 15085229)
  • (en) B.A. Morel (Vol. 1), Études cliniques : traité, théorique et pratique des maladies mentales, Nancy, (lire en ligne)
  • B.A. Morel, Traité des dégénérescence physiques, intellectuelles, et morales de l'espèce humaine, Paris, J.B. Balliere, (lire en ligne)
  • (en) B.A. Morel, Traité des maladies mentales, Paris, (lire en ligne)
  • (en) Daniel Pick, Faces of degeneration : a Europeam disorder, c. 1848-c. 1918, Cambridge, Cambridge University Press, , 1re éd. (ISBN 0-521-45753-X)
  • (en) Michael H. Stone, « History of schizophrenia and its antecedents », dans Jeffrey A. Lieberman, T. Scott Stroup et Diana O. Perkins, The American Psychiatric Publishing Textbook of Schizophrenia, Arlington, , 1–15 p. (lire en ligne)
  • « Obsèques de M. le docteur Morel », Journal de Rouen,‎ , p. 2

Liens externes[modifier | modifier le code]

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