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Liberté d'accès aux documents administratifs

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La liberté d'accès aux documents administratifs (ou transparence des documents administratifs) désigne la possibilité, pour un citoyen, d'avoir accès à tout document administratif l'intéressant, éventuellement par la déclassification d'information classifiée. On parle aussi, en anglais, de « sunshine laws » (cf. par exemple Government in the Sunshine Act de 1976 aux États-Unis - littéralement: « Loi sur le Gouvernement exposé à la lumière du Soleil »). Fondamentalement, c'est l'idéal de la transparence démocratique que l'on encourage ainsi. L'un des prototypes de la législation concernant le droit à l'information et l'accès aux archives est le Freedom of Information Act (FOIA) américain de 1966. Soixante-quinze pays ont aujourd'hui une procédure similaire d'accès aux documents administratifs[1], dont la Suède (depuis 1776), les Pays-Bas (Wet Openbaarheid van Bestuur ou WOB de 1980), l'Inde (Right to Information Act de 2005[2]), le Royaume-Uni (FOIA de 2005 également), la Bulgarie, la Roumanie, etc.[1] La directive européenne concernant la réutilisation des informations du secteur public de 2003 est directement concernée par cet enjeu.

La France dispose depuis 1978 d'une loi permettant l'accès aux documents administratifs par l'intermédiaire de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), mais, de fait, cet accès est limité[1]. Comme aux États-Unis, beaucoup de demandes ayant un rapport avec la sécurité nationale ou susceptibles de porter atteinte à la vie privée sont rejetées[1]. La CADA refuse aussi l'accès aux télégrammes diplomatiques — c'est ce type de document qui a permis à l'ONG National Security Archive de prouver l'implication des États-Unis dans l'Opération Condor, via une base d'information située au Panama[3] — et ne se considère pas comme compétente pour les textes relevant du Parlement[1].

Liste non exhaustive par pays

Amérique

Brésil

Conformément aux articles 5, 37 et 216 de sa Constitution, le Brésil a promulgué en 2012 une loi d'accès à l'information (la Lei de Acesso à Informação, n°12.527/2011[4]). Comme la loi française de 1978, cette loi prévoit un principe général d'accès à l'information, avec des exceptions pour les données personnelles ainsi que pour les documents classifiés, selon 3 régimes distincts de temporalité (5 ans, 15 ans ou 25 ans pour les informations les plus confidentielles, durée qui ne peut être renouvelée qu'une seule fois). En revanche, l'accès aux documents est plus large qu'en France, puisqu'il concerne les trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire), tous les échelons administratifs (des municipalités à l'échelon fédéral) et également les entreprises publiques ou mixtes, les fondations, ainsi que les entités à but non lucratif lesquelles ont aussi une obligation d'information proportionnée à leur financement public[4]. Une diffusion proactive de certaines informations sur Internet est prévue (sur le modèle de l'open data, mais les informations concernées sont limitativement énumérées par la loi). Les statistiques sur les demandes satisfaites et refusées sont publiées en ligne.

Des voies de recours existent après un délai court (parfois seulement 10 jours après le refus d'une administration). Toutefois, ces recours s'exercent d'abord devant l'autorité hiérarchique supérieure à l'organisme ayant refusé l'accès. En ce qui concerne les organes fédéraux, un recours devant le Contrôleur général de l'Union (pt) est prévu[4]. Dans bien des cas, le recours ne s'exerce donc pas devant un organisme indépendant (du mode des AAI).

De façon générale, la loi est à la fois ambitieuse sur certains aspects (notamment les organes concernés) et restrictive sur d'autres (en particulier le mode de recours). Dans les faits, le régime de classification peut donner lieu à des abus, comme lorsque le gouverneur de São Paulo, Geraldo Alckmin, décida en 2014 de classifier top secret (soit 25 ans de non-communication) des documents concernant le transport public (dont des études de faisabilité, des descriptions de projet ainsi que des vidéos d'un projet Arte no metro)[5]. La Sabesp, entreprise publique, a aussi utilisée, à la même époque, ce régime de classification pour interdire pendant 15 ans l'accès à des documents concernant l'approvisionnement en eau de la mégalopole[5].

États-Unis (FOIA)

La transparence est aussi la norme en vigueur aux États-Unis : le Freedom of Information Act (FOIA), voté en 1966, garantit un libre accès aux documents administratifs. Cette loi a notamment permis de révéler l'implication du gouvernement américain dans la préparation d'un coup d'État au Chili avant même l'élection de Salvador Allende. Dernièrement, le FOIA a permis de publier des photographies de cercueils de soldats américains morts en Irak[1], grâce à la démarche entreprise par Ralph Begleiter, un professeur de l'université du Delaware. Cette loi est aussi derrière le récent "scoop" de l'agence de presse Associated Press qui a révélé une liste des détenus de Guantanamo. Compte tenu de la masse de documents administratifs, les journalistes ont souvent besoin d'être orientés par une source interne à l'administration, en assurant à cette dernière l'anonymat et la protection des sources d'information des journalistes.

L'accès aux documents reste néanmoins limité aux États-Unis: plusieurs requêtes ont été rejetées pour cause de secret défense, ou bien la CIA déclassifie des documents caviardés (parfois même alors qu'ils avaient préalablement été obtenus en état plus complet). Des refus de déclassifier des documents, ou de simples silences ("la CIA ne peut ni confirmer ni infirmer cette information") sont ainsi courants, par exemple dans l'affaire Mehdi Ben Barka, ou l'Opération Gladio.

Mexique

Le Mexique a amendé sa constitution en 1977, mais il a fallu attendre 2002 pour que soit votée une loi sur la transparence et l'accès à l'information publique.

Europe

Union européenne

En Europe, la Convention d'Aarhus de 2003, intégrée dans le droit européen par la directive concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement du (2003/4/CE), concerne l'accès à l'information en ce qui relève des données environnementales.
La Directive de l'Union européenne concernant la réutilisation des informations du secteur public () a précisé le cadre du réusage de données publiques puis le Conseil de l'Europe a élaboré la Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics, signée le par la Belgique, l'Estonie, la Finlande, la Géorgie, la Hongrie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine », la Lituanie, le Monténégro, la Norvège, la Serbie, la Slovénie et la Suède[6]. Cette convention entrera en vigueur après 10 ratifications.

Groupe des Six

Au sein de l'Union européenne, les réunions informelles du Groupe des Six (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Espagne et Pologne), qui détient de facto la majorité de voix lorsque les décisions sont prises selon la méthode intergouvernementale, ont été critiquées par la Chambre des lords pour leur manque de transparence, en particulier en raison de leur refus de publier des comptes-rendus de ces réunions décisives sur le plan de la politique de l'Union européenne[7].

Belgique

En Belgique, cette matière est abordée dans l'article 32 de la Constitution : Chacun a le droit de consulter chaque document administratif et de s'en faire remettre copie, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134. Différentes lois, ordonnances et décrets traitent plus précisément de l'accès aux documents administratifs au niveau fédéral ou régional. Au niveau fédéral : - Loi relative à la publicité de l'administration. En Wallonie : - Décret relatif à la publicité de l'administration + Code de la démocratie locale et de la décentralisation Livre II (Publicité de l'administration) et Livre V Titre VI. A Bruxelles : - Ordonnance relative à la publicité de l'administration. En Flandre : - Décret relatif à la publicité de l'administration.

France

En France, la liberté d’accès aux documents administratifs a été instaurée par la loi du loi du 17 juillet 1978.

Désormais érigé en principe à valeur constitutionnelle découlant de l’article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen par une décision du Conseil constitutionnel[8], ce droit est codifié dans le Code des relations entre le public et l’administration depuis l’Ordonnance du 23 octobre 2015[9].

Ce droit permet l'accès aux documents administratifs (c'est-à-dire à tout document détenu par l'administration, qu'il soit ou non produit par elle[10]) sous le contrôle de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA). Néanmoins, l'accès aux archives du ministère de la Défense est restreint aux personnes détenant une habilitation de sécurité. En outre, l'information classifiée (secret défense, etc.) n'est accessible que par l'intermédiaire de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Aux termes de la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014[11], certains lieux peuvent être couverts par le secret de la défense nationale. Cela concerne pratiquement tous les services d’archives publics relevant de l’État[12] et permet donc des restrictions d’accès à certains documents en rendant plus difficiles les recours devant la CADA.

La loi de 1978 s'applique à toute personne morale, privée ou publique, remplissant une « mission de service public »[10].

Depuis , le CE considère que si une administration, saisie d'une demande d'un document administratif, ne possède pas celui-ci, elle ne peut simplement opposer une fin de non-recevoir au requérant; elle doit rechercher si un autre service relevant de la même direction ne le possède pas. De plus, la loi du requiert qu'au-delà d'un service relevant de la même direction, elle doit, le cas échéant, rechercher quelle autre administration possède le document demandé[10].

La directive de l'Union européenne concernant la réutilisation des informations du secteur public (2003) a été transposée complètement en droit français par l'ordonnance 2005-650 du et le décret no 2005-1755 du 30/12/2005 relative à la liberté d'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, pris pour l'application de la loi du . Cette dernière a aussi été modifiée par le gouvernement François Fillon, par la loi du modifiant les dispositions du code du patrimoine sur les archives. Cette dernière loi a notamment introduit la notion d'« incommunicabilité permanente », réservée à une nouvelle catégorie d'archives liées aux armes de destruction massive, suscitant les critiques de certains membres de l'Association des archivistes français (AAF)[13].

La communication des documents concernant l'environnement dépend de l'art. L124-4 du Code de l'environnement, qui permet, entre autres, à l'administration de rejeter « une demande formulée de manière trop générale ». Cet article a été modifié par la loi du 26 octobre 2005[14] qui prétend transposer la directive européenne du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement. Pourtant, alors que celle-ci visait à étendre le « niveau d'accès à l'information en matière d'environnement », celle-là précise un certain nombre de conditions nouvelles permettant de rejeter les demandes de communication. L'article antérieur déclarait seulement que « le droit à l'information sur la qualité de l'air et ses effets sur la santé et l'environnement est reconnu à chacun sur l'ensemble du territoire. »

Les militants pour l'adoption d'une meilleure transparence administrative en France considèrent que plus de transparence permettrait de résoudre quelques affaires controversées comme la disparition de l'opposant marocain Mehdi Ben Barka en 1965, le "suicide" du ministre Robert Boulin en 1979 ou la mort du juge Borrel à Djibouti en 1995 et d'en savoir plus sur certains aspects de l'histoire française telles que la collaboration policière sous le régime de Vichy ou la guerre d'Algérie[15],[16],[17].

Royaume-Uni

Le Royaume-Uni s'est aussi doté d'un Freedom of Information Act en 2000, pleinement entré en application début 2005 ; depuis, les citoyens peuvent saisir l'administration pour obtenir des documents de tout ordre, sauf exception. En , le quotidien The Guardian a ainsi pu révéler les tortures infligées par les Britanniques à de présumés espions communistes en Allemagne, pendant la guerre froide. Cela n'a cependant pas empêché le Foreign Office de dissimuler pendant des années à Hanslope Park (Buckinghamshire), dans un site des services secrets (MI5 et MI6), 600 000 dossiers datant des années 50 et relatifs aux affaires coloniales qui auraient dû être confiés aux Archives nationales et qui, selon la législation britannique, sont librement communicables[18].

Suède

La Suède est un pays pionnier (la loi date de 1776) dans lequel il est possible d'avoir accès, en moins d'une heure, aux notes de frais d'un ministre[1]. Il suffit pour cela d'en faire la demande auprès des autorités concernées. La loi protège aussi les fonctionnaires qui délivrent des documents, si cette publication permet l'ouverture d'une instruction judiciaire.

Renaud Denoix de Saint Marc, vice-président du Conseil d'État, président de l'IFSA, faisait en 2003 remarquer que, parmi les effets pervers du libre accès, il devient fréquent qu'un document « soit expurgé de la partie la plus sensible des constatations faites ou des jugements portés, cette information sensible étant réservée à des commentaires oraux de l’auteur du rapport à l’autorité destinataire du rapport. De même, les procès-verbaux de réunions peuvent être établis selon des termes qui masquent ou altèrent la réalité ou sous une forme à ce point synthétique que leur valeur informative s’en trouve affectée »[19] (ce qui peut aussi se faire dans un contexte moins transparent).

Notes et références

  1. a b c d e f et g David Servenay, Et si on pouvait accéder aux informations de l'administration?, Rue89, 4 octobre 2007
  2. Central Information Commission, Inde
  3. Operation Condor: Cable Suggests U.S. Role, National Security Archive, 6 mars 2001
  4. a b et c Site brésilien gouvernemental au sujet de la loi d'accès à l'information.
  5. a et b Claire Gatinois, A Sao Paulo, le métro classé « secret défense », Le Monde.fr, 17 octobre (publié sous le titre Le métro classé « secret défense » dans l'édition papier du 18-19 octobre 2015)
  6. Conseil de l'Europe, Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics du 18 juin 2009
  7. Behind Closed Doors: the meeting of the G6 Interior Ministers at Heiligendamm, 1er chapitre du 14e rapport de la Chambre des lords sur l'UE, 2005-2006
  8. « Décision n° 2020-834 QPC du 3 avril 2020 - Communiqué de presse | Conseil constitutionnel », sur www.conseil-constitutionnel.fr (consulté le )
  9. « Ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration - Légifrance », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
  10. a b et c Conseil d'État, L’accès aux documents administratifs
  11. Loi 2009-928 du 29 juillet 2009
  12. Cette extension a été expressément demandée par la Direction des archives de France.
  13. Xavier de la Selle, alors vice-président de l'Association des archivistes français mais s'exprimant à titre personnel, À quoi bon conserver des dossiers à jamais incommunicables? in Archimag 216, juillet-août 2008. Voir ici pour un ensemble de documents relatifs à la loi du 15 juillet 2008 sur le site de l'AAF.
  14. Loi n°2005-1319 du 26 octobre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement (1).
  15. Archives interdites. L’histoire confisquée, Le Monde diplomatique
  16. Sonia Combe, « Les fichiers de juifs. De la dissimulation à la désinformation », in Lignes, n°23, octobre 1994, pp. 93-127 (à propos du fichier Tulard, découvert dans les années 1990)
  17. Sonia Combe, « Pour un libre accès aux archives », Le Monde, 2 septembre 2007
  18. D’après un article du Guardian (17 mars 2014).
  19. IFSA, CADA, Transparence et secret, Actes du Colloque du 25e anniversaire de la loi du 17 juillet 1978 (en partenariat avec le Journal Le Monde, et sous le haut patronage du Président de la République), La documentation française, voir p17 sur 334.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie