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« Les Papiers posthumes du Pickwick Club » : différence entre les versions

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====L'itinéraire des Pickwickiens====
====L'itinéraire des Pickwickiens====


;L'itinéraire géographique
À suivre la trace des voyageurs, il est facile de reconstituer leur itinéraire. Partis de [[Londres]], ils se rendent d'abord à [[Rochester]], puis reviennent à Londres. De là, ils partent pour [[:en:Cobham (Kent)|Cobham]], elle aussi dans le Kent, puis sont de retour dans la capitale. Leur voyage se poursuit à Eatansville, puis à [[Bury St Edmunds]] située dans le comté voisin, le [[Suffolk]] et ils regagnent à nouveau Londres. Ensuite, c'est à [[Ipswich]], chef-lieu du même comté, qu'ils se retrouvent, d'où ils retournent à Londres. Sam se rend à [[Dorking]], à environ {{unité|40|km}} au sud de Londres dans le [[Surrey]], et les Picwickiens repartent pour Dingley Dell, c'est-à-dire à nouveau près de Rochester dans le Kent, puis reviennent à Londres. Interviennent alors l'expédition de [[Bath]] au sud-ouest dans le comté de [[Somerset]], l'escapade à [[Bristol (Angleterre)|Bristol]] à la limite du [[Gloucestershire]], puis le retour à Londres et l'incarcération a prison de la Fleet. Après quoi, ils vont à [[Birmingham]] au centre de l'Angleterre dans les [[Midlands de l'Ouest]], reviennent à Londres, et pour finir, Mr Pickwick se retire à [[Dulwich]] au sud de la capitale.
À suivre la trace des voyageurs, il est facile de reconstituer leur itinéraire. Partis de [[Londres]], ils se rendent d'abord à [[Rochester]], puis reviennent à Londres. De là, ils partent pour [[:en:Cobham (Kent)|Cobham]], elle aussi dans le Kent, puis sont de retour dans la capitale. Leur voyage se poursuit à Eatansville, puis à [[Bury St Edmunds]] située dans le comté voisin, le [[Suffolk]] et ils regagnent à nouveau Londres. Ensuite, c'est à [[Ipswich]], chef-lieu du même comté, qu'ils se retrouvent, d'où ils retournent à Londres. Sam se rend à [[Dorking]], à environ {{unité|40|km}} au sud de Londres dans le [[Surrey]], et les Picwickiens repartent pour Dingley Dell, c'est-à-dire à nouveau près de Rochester dans le Kent, puis reviennent à Londres. Interviennent alors l'expédition de [[Bath]] au sud-ouest dans le comté de [[Somerset]], l'escapade à [[Bristol (Angleterre)|Bristol]] à la limite du [[Gloucestershire]], puis le retour à Londres et l'incarcération a prison de la Fleet. Après quoi, ils vont à [[Birmingham]] au centre de l'Angleterre dans les [[Midlands de l'Ouest]], reviennent à Londres, et pour finir, Mr Pickwick se retire à [[Dulwich]] au sud de la capitale.


Ainsi, chaque voyage est en général suivi d'un retour à Londres qui sert de base pour de nouvelles aventures. Plutôt qu'un itinéraire suivi, il s'agit donc d'une sorte de rayonnement à partir de la capitale. La première étape se situe dans le [[Kent]] où Dickens a passé la meilleure partie de son enfance et où il cherchera toujours à revenir. Les autres conduisent les Pickwickiens dans les comtés voisins, à une quarantaine de kilomètres, parfois un peu plus, comme celle de Bury St. Edmonds, il est vrai découpée par l'étape d'Eatansville (qui n'est sans doute autre que [[Norwich]] dans le [[Norfolk]]). Le voyage de Sam à Dorking est d'environ {{unité|31|km}}. Les expéditions les plus lointaines sont celles qui mènent vers l'ouest et le sud-ouest (environ {{unité|145|km}}), et aussi celle de Birmingham (environ {{unité|165|km}}).
Ainsi, chaque voyage est en général suivi d'un retour à Londres qui sert de base pour de nouvelles aventures. Plutôt qu'un itinéraire suivi, il s'agit donc d'une sorte de rayonnement à partir de la capitale. La première étape se situe dans le [[Kent]] où Dickens a passé la meilleure partie de son enfance et où il cherchera toujours à revenir. Les autres conduisent les Pickwickiens dans les comtés voisins, à une quarantaine de kilomètres, parfois un peu plus, comme celle de Bury St. Edmonds, il est vrai découpée par l'étape d'Eatansville (qui n'est sans doute autre que [[Norwich]] dans le [[Norfolk]]). Le voyage de Sam à Dorking est d'environ {{unité|31|km}}. Les expéditions les plus lointaines sont celles qui mènent vers l'ouest et le sud-ouest (environ {{unité|145|km}}), et aussi celle de Birmingham (environ {{unité|165|km}}).


;L'itinéraire moral
Chacun des lieux visités est soumis à une coloration particulière en accord avec les événements qui s'y déroulent, reflet en fait des états d'esprit du protagoniste qui changent au fur et à mesure de son évolution. Sur ce point, Londres est d'abord privilégiée, car c'est là qu'il est soumis aux plus rudes tests. Lors de leur départ pour Rochester, les Pickwickiens sont affligés d'une naïveté quasi infantile : du coup, ce qui se passe à l'est de la capitale se déroule sous le signe de l'innocence farceuse, dans la bonne humeur de cet eden que leur offre Dingley Bell. À Londres, lorsqu'on recherche Jingle, prévalent la malhonnêteté et la ruse. Dès lors, Dingley Bell n'est plus qu'un point d'attache occasionnel, l'innocence de Pickwick est bien entamée.
Chacun des lieux visités est soumis à une coloration particulière en accord avec les événements qui s'y déroulent, reflet en fait des états d'esprit du protagoniste qui changent au fur et à mesure de son évolution. Sur ce point, Londres est d'abord privilégiée, car c'est là qu'il est soumis aux plus rudes tests. Lors de leur départ pour Rochester, les Pickwickiens sont affligés d'une naïveté quasi infantile : du coup, ce qui se passe à l'est de la capitale se déroule sous le signe de l'innocence farceuse, dans la bonne humeur de l'eden que leur offre Dingley Bell. À Londres, lorsqu'on recherche Jingle, prévalent la malhonnêteté et la ruse. Dès lors, Dingley Bell n'est plus qu'un point d'attache occasionnel, l'innocence de Pickwick est bien entamée et il n'y retourne que pour se refaire une santé morale.


Les aventures suivantes se passent au nord-est. Là règnent la tromperie, celle des élections truquées d'Eatansville, la fausseté de la soirée de Mrs Leo Hunter, la mauvaise plaisanterie de Bury St. Edmonds, les embrouilles des Nupkins à Ipswich. C'est au cours de ce voyage que Pickwick est obligé de retourner brièvement à Londres où l'attendent de nouvelles avanies, la chicanerie judiciaire et le coup-monté d'un procès.
Les aventures suivantes se passent au nord-est. Là règnent la tromperie, celle des élections truquées d'Eatansville, de la fausseté de la soirée de Mrs Leo Hunter, de la mauvaise plaisanterie de Bury St. Edmonds, des embrouilles des Nupkins à Ipswich. C'est pendant ce voyage que Pickwick est obligé de retourner brièvement à Londres où l'attendent de nouvelles avanies, la chicanerie judiciaire et le coup-monté d'un procès.


Il est temps de se ressourcer, et c'est le bref retour à Dingley Bell pour Noël, qui recharge le cœur de Mr Pickwick, en manque de confiance en la bonté humaine.
Il est temps de se ressourcer, et c'est le bref retour à Dingley Bell pour Noël, qui recharge le cœur de Mr Pickwick, en manque de confiance en la bonté humaine.


Londres l'appelle à nouveau où triomphe l'imparable tricherie juridique. Une nouvelle diversion est nécessaire, que procure le voyage à Bath où, cependant, sévit un autre fléau, le snobisme de tous les étages de la société. Mais voici un nouveau et noble défi : il faut aider Winkle et son honnête passion pour sa bien-aimée. Dès lors, le roman bascule, la tromperie recule et la vertu si longtemps mise à mal gagne en importance. Londres et sa sinistre prison ne triomphent pas de la bonté de ses nouveaux occupants : Pickwick et Sam, à eux seuls, humanisent ce lieu de malheur, l'un des plus repoussants, dangereux et tristes qui soient. Pickwick, que conforte la fidélité de son valet, peut donner libre-cours à la charité. Du coup, à sa sortie, Londres paraît moins nocive et moins sinistre.
Londres l'appelle à nouveau où triomphe l'imparable tricherie juridique. Une nouvelle diversion est nécessaire, que procure le voyage à Bath où, cependant, sévit un autre fléau, le snobisme de tous les étages de la société. Mais voici un nouveau et noble défi : il faut aider Winkle et son honnête passion pour sa bien-aimée. Dès lors, le roman bascule, la tromperie recule et la vertu si longtemps mise à mal gagne en importance et même en pouvoir. Londres et sa sinistre prison ne triomphent pas de la bonté de ses nouveaux occupants : Pickwick et Sam, à eux seuls, humanisent ce lieu de malheur, l'un des plus repoussants, dangereux et tristes qui soient. Pickwick, que conforte la fidélité de son valet, peut donner libre-cours à la charité qui l'habite. Du coup, à sa sortie, Londres paraît moins nocive et moins sinistre.


;La métamorphose finale
<!--Mr. Pickwick then undertakes a romantic adventure to Bristol and Birmingham on behalf of the Winkles, and these locales take on some of this excitement. Finally, back in London, romance takes charge as the courtships and marriages have happy conclusions. Thus London changes as Mr. Pickwick does, and the various locales take their emotional coloring from his spiritual state. His progress changes the focus of events, which in turn gives each geographical area its special flavor. While we view Mr. Pickwick largely from the outside, Dickens conveys his growth by means of the action, by the way he focuses on the adventures. In this way Dickens was able to show us his hero's moral development through external events. The method is really quite subtle.-->
Finalement, l'aventure vers l'ouest et le nord-ouest va conforter la métamorphose. Le but du voyage est valeureux, Bristol et Birmingham ne servant qu'à promouvoir une fois de plus
le doux sentiment qu'incarnent les jeunes Winkle. Après cela, Londres cesse ses menaces et même se fait accueillante : là se concluent les amours ébauchées, les unions longtemps souhaitées ; là se réfugie Mr Pickwick et ses compagnons, dans un quartier en lisère, en soi anodin, Dulwich, pas encore englobé dans la capitale. Au fur et à mesure que Mr Pickwick a changé, la capitale s'est faite plus humaine. L'expérience est venue et elle n'a fait que renforcer l'innocence première, désormais débarrassée de sa naïveté. La couleur des lieux a évolué au gré des progrès de Mr Pickwick et aussi de ses compagnons qui, malgré leurs maladresses, leurs éclats ou leurs excentricités, finissent en bons citoyens ordinaires<ref>{{lien web|lang=en|url=http://www.cliffsnotes.com/study_guide/literature/The-Pickwick-Papers-Critical-Essays-Locale-in-Pickwick-Papers.id-207,pageNum-237.html|titre=Lieux dans ''The Pickwick Papers''|Consulté le=19 février 2012}}.</ref>.


Cette métamorphose des lieux, colorés par les états d'âme du personnage principal, porte un nom que la critique accorde volontiers, d'après [[John Ruskin]], aux descriptions [[Romantisme|romantiques]] : il s'agit de la ''pathetic fallacy''<ref>{{lien web|lang=en|url=http://www.britannica.com/EBchecked/topic/446415/pathetic-fallacy|titre=Pathetic fallacy|consulté le 13 février 2012}}.</ref>, l'attribution à la nature de sentiments humains, comme le traduit le dictionnaire Larousse<ref>{{lien web|lang=en|url=http://www.larousse.fr/dictionnaires/anglais-francais/pathetic_fallacy/600738|tire=Traduction de ''pathetic fallacy''|consulté le 13 février 2012}}.</ref>.
'''(à suivre''')


====Les auberges fréquentées====
====Les auberges fréquentées====

Version du 19 février 2012 à 05:17

Les Papiers posthumes du Pickwick Club
Image illustrative de l’article Les Papiers posthumes du Pickwick Club
Exemplaire dédicacé par Charles Dickens à Mary Scott Hogarth (Mary Hogarth from her most affectionate Charles Dickens).

Auteur Charles Dickens
Pays Royaume-Uni
Genre Roman humoristique et picaresque
Collection Publié sous forme de feuilleton
Date de parution 1836-1837
Illustrateur Se succèdent : Robert Seymour, R.W. Buss, et Hablot Knight Browne, dit Phiz
Chronologie

Les Papiers posthumes du Pickwick Club (titre original anglais : The Posthumous Papers of the Pickwick Club, souvent abrégé en The Pickwick Papers) [/'pikwik 'peipəz/], est le premier roman de Charles Dickens (1812-1870). D'abord signé Boz et publié en feuilleton de mars 1836 à novembre 1837, The Pickwick Papers connaît un succès quasi immédiat. Le premier numéro est tiré à environ 400 exemplaires ; à la fin, le tirage s'élève à 40 000[1]. Ainsi, comme il est dit dans l'un des premiers comptes-rendus, Dickens s'est trouvé « catapulté vers la gloire comme une fusée » (« catapulted him to fame like a sky rocket »)[2], et l'ouvrage est resté à la première place dans le cœur des lecteurs de Dickens pendant de nombreuses décennies[3].

À l'instar de Miguel de Cervantes, Dickens a conçu un héros donquichottesque[4] dont les excentricités, loin d'agacer les lecteurs, le rendent aimable et touchant ; comme son illustre prédécesseur espagnol, Dickens cloue au pilori ses détracteurs en les humiliant plus qu'il ne le fait du héros. Il existe un parallèle entre les deux personnages : Don Quichotte est entiché de chevalerie errante et Pickwick s'est amouraché de savoir itinérant, et chacun mène son combat sans relâche selon un schéma devenu picaresque.

Malgré sa naissance accidentelle et sa structure épisodique, ce que Dickens a appelé sa « sa nature de pérégrination exploratoire » (« perigrinatory and exploratory nature »)[5], The Pickwick Papers s'est peu à peu constitué en roman, encore que certains de ses éléments restent en dehors de l'intrigue principale, mais contribuent, selon David Parker à approfondir son ultime signification[6]. Ce qui a commencé par une série d'épisodes comiques et le plus souvent relevant de l'anecdote gagne en envergure narrative, se transforme en roman, et finit, surtout après l'introduction dans l'intrigue de Sam Weller et les démêlés du héros avec la « vraie » vie, ici représentée par la rigueur de la loi, par devenir, comme l'écrit Paul Davis, « une sorte de Bildungsroman comique où s'effrite l'innocence du protagoniste qui apprend à donner la primauté au réel sur les principes » (« a kind of comic Bildungsroman in which the innocent protagonist learns to compromise principle and affirm life »). Et loin d'être diminué ou aigri par ses souffrances et ses épreuves, Pickwick, qui n'a rien renié, préserve et même renforce sa bonne humeur et son indulgence premières[7]. Davis conclut cette analyse en soulignant qu'avec The Pickwick Papers, Dickens, de journaliste est devenu non seulement romancier, mais « le grand romancier comique de son siècle » (« the great comic novelist of his century »)[8].

The Pickwick Papers a très vite connu, en effet, un succès foudroyant, subi beaucoup d'imitations, et comme l'écrit Paul Schlicke de façon imagée, « a gardé [au cours des générations] son feuillage persistant » (« remained evergreen »)[9]. Le premier roman de Dickens, ou du moins son héros, est universellement connu et « continue de recevoir l'hommage du plaisir des lecteurs et l'attention critique des érudits » (« to receive its meed of delight from readers, as well as scholarly and critical attention »)[9].

Enfin, comme le fait remarquer G. K. Chesterton dans son commentaire repris en préface de l'édition J. M. Dent and Sons Ltd, The Pickwick Papers constitue « une sorte de farouche promesse, comme une vision pré-natale de tous les enfants de Dickens » (« a kind of wild promise, a pre-natal vision of all the children of Dickens »), mais, ajoute-t-il, il est à douter que Dickens, après cela, se soit jamais hissé au même niveau (« To the level of 'The Pickwick Papers' it is doubtful if he ever afterwards rose »)[10],[11].

Genèse de l'ouvrage et publication

Charles Dickens du temps de Mr Pickwick.

Qui vraiment a eu l'idée de The Pickwick Papers ? Au départ est l'offre faite en novembre 1835 par l'artiste Robert Seymour, illustrateur et caricaturiste politique populaire mais avec des embarras financiers, à la jeune maison d'édition Chapman and Hall d'une série de gravures sur bois traitant des « exploits » sportifs du Nimrod Club cockney qu'il a observé lors de ses promenades dans les faubourgs encore ruraux du nord de Londres[12], dont la maladresse, tant à la chasse, à la pêche qu'en d'autres activités, est congénitale[7], et destinées à être publiées selon un rythme mensuel avec un texte d'accompagnement. La veuve de Robert Seymour, Chapman and Hall, Dickens lui-même sont d'accord pour affirmer que l'idée originale émane bien de l'illustrateur : il s'agit d'abord de dépeindre graphiquement et avec un bref commentaire des événements sportifs. C'est aussi lui qui conçoit le Nimrod Club dont les exploits vont être illustrés et que Dickens délaissera sans jamais le renier. Ce rédacteur de service, cependant, n'est pas censé à l'origine être lui, bien jeune journaliste parlementaire, puisque l'éditeur s'adresse d'abord à des sommités littéraires plus expérimentées[3].

Après cela, les avis diffèrent : Mrs Seymour s'octroie l'avantage d'avoir elle-même choisi le jeune chroniqueur, non pas tant sur son mérite qu'en raison de sa « pauvreté », gage, selon elle, d'une collaboration assurée et docile. En réalité, bien plus vraisemblable est l'hypothèse selon laquelle le rédacteur en chef de la maison d'édition, que Seymour harcèle de plus en plus[12], n'a pas eu le temps de faire ou de terminer le travail lui-même et a donc recommandé Dickens, sur qui le récent succès des Sketches by Boz, publié selon le format mensuel projeté pour la nouvelle aventure, attire désormais l'attention de la critique et des lecteurs, et qui, d'ailleurs, s'apprête à en faire paraître une édition en deux volumes[12]. De toute façon, David Parker est d'avis qu'en cette affaire, la veuve Seymour exagère le rôle de son mari et que Dickens le minimise ; la seule chose qui est certaine, c'est que le projet de Seymour a déclenché un processus créateur chez le jeune écrivain qui, « sans l'avoir explicitement rejeté, l'a sublimé » (« […] he did not so much reject it as much as sublimate it »)[13].

Un « projet subalterne » (Paul Schlicke)

Le 10 février 1836, donc, Chapman dépêche son jeune associé William Hall auprès de Dickens qui vient de fêter, trois jours auparavant, son vingt-quatrième anniversaire[7], et dont le premier volume de Sketches by Boz vient de sortir chez John Macrone[N 1],[14], pour lui demander ce qu'il appelle « un petit quelque chose » (a little something)[15]. Dickens en est tout heureux, qui écrit le soir même à sa fiancée Catherine Hogarth : « Ils [Chapman and Hall] m'ont offert 14 £ par mois pour assurer la rédaction et la mise en œuvre d'une nouvelle publication dont ils ont l'idée, sous mon entière responsabilité ; ce sera mensuel et chaque numéro contiendra quatre gravures sur bois […] Ce n'est pas du gâteau comme travail, mais les émoluments sont trop tentants pour qu'on les refuse » (« They have made me an offer of 14 £ a month, to write and edit a new publication they contemplate, entirely by myself; to be published monthly and each number to contain four wood cuts […] The work will be no joke, but the emolument is too tempting to resist »)[3]. Le contrat est en effet signé début mars : 14 £ par numéro mensuel de 12 000 mots, le premier devant être proposé dans les trois semaines[7].

D'après Paul Schlicke, pourtant, c'est là du travail subalterne, à la solde de l'illustrateur et de l'éditeur qui ont déjà arrêté la plupart des décisions, ce que Dickens rappelle plus tard dans une préface de 1847 : « Mes amis m'ont dit que c'était une publication au rabais, qui allait mettre ma réputation montante en berne » (« My friends told me it was low, cheap form of publication, by which I should ruin all my rising hopes »)[3],[N 2],[15]. À en juger par le nombre de tâches qu'entreprend Dickens et celles qu'il continue d'assumer, sans doute a-t-il quelque doute sur la réussite de l'entreprise : déjà journaliste parlementaire à plein temps au Morning Chronicle, il écrit trois pièces pour le théâtre, un pamphlet politique, reprend une seconde série des Sketches by Boz, s'engage pour un roman (Gabriel Vardon, le futur Barnaby Rudge) et un livre pour enfants (auquel il finit par renoncer), signe un contrat avec Bentley pour deux autres romans et la gestion éditoriale du Bentley's Miscellany[3]. D'autant, précise David Paroissien, que dans ces premières décennies du siècle, la publication mensuelle n'a guère la cote, tant elle vise un public de bas étage, les « vrais » auteurs préférant de loin les gros livres « à trois étages », les three-deckers, c'est-à-dire trois volumes[15].

La main-mise de Dickens

Le pickwick Club (par F. O. C. Darley).

The Pickwick Papers, cependant, défie les pronostics des prudents confrères et devient, après quelques hésitations de la part des libraires de province[16], un véritable phénomène d'édition. C'est qu'entretemps, Dickens a pris le projet en mains. « Dès le départ, écrit-il dans la préface de l'édition de 1847, j'ai, après réflexion, fait remarquer que, bien qu'étant né et ayant été en partie élevé à la campagne, je n'avais rien d'un grand sportif, à l'exception de tout ce qui concerne la locomotion, que l'idée n'avait rien d'original, avait déjà beaucoup servi, et qu'il serait infiniment préférable que les gravures naquissent comme naturellement du texte, qu'il me fallait donc suivre mon propre chemin, avoir le champ plus libre pour les scènes et les gens de l'Angleterre, et que, de toute façon, je craignais fort que je n'en fisse sur ce point qu'à ma guise » (« I objected, on consideration, that although born and partly bred in the country I was no great sportsman, except in all kinds of locomotion, that the idea was not novel, and been already much used; that it would be infinitely better for the plates to arise naturally out of the text and that I should like to take my own way, with a freer range of English scenes and people, and I was afraid I should ultimately do so in any case »)[17]. « Dès le départ… », c'est-à-dire huit jours après que le projet lui eût été soumis, et déjà la machine Dickens est en marche[3]. « Mes vues ont prévalu, j'ai eu l'idée de Mr Pickwick, et j'en ai écrit le premier numéro » (« My views being defferred to, I thought of Mr Pickwick, and wrote the first number »), poursuit-il[17]. Les rôles se sont en effet inversés : ce n'est pas Dickens qui « accompagne » le travail de Seymour, mais ce dernier qui, « d'après les épreuves du texte, dessine le club et fait l'excellent portrait de son fondateur » (« from the proof sheets of which, Mr Seymour made his drawing of the Club and his happy portrait of its founder »[18].

Dickens promet le premier numéro pour le 1er mars, mais le 4, il écrit à Catherine que la tâche est lourde, tant la matière est abondante (« I had no idea there was so much in them »)[3]. Bref, la publication est effective le , et chaque mois se reproduisent jusqu'au terme la même hâte fébrile et la livraison de dernière minute, mais sans exception aussi les numéros paraissent à la date prescrite[3]. Au début, sans doute par prudence, écrit David Parker, car il connaît la réputation des publications échelonnées, Dickens omet le mot « roman » (novel), qui n'apparaîtra vraiment qu'après l'introduction de Sam Weller dans sa quatrième partie[13](voir Quatrième partie).

Le changement d'illustrateur

Modèle:Message galerie

Le , soit exactement dix-huit jours après le mariage de Dickens avec Catherine Hogarth, l'illustrateur Robert Seymour, dépressif depuis six années, en retard pour ses estampes, harcelé par des créditeurs, écrit une lettre d'adieu à sa femme, gagne la petite tonnelle du jardin familial d'Islington[16] et se tire une balle dans le cœur[19]. Bien que les premières ventes ne soient toujours pas très bonnes[3], Dickens et Chapman and Hall décident de poursuivre l'aventure sur des bases un peu changées : désormais, Dickens touche 20 guinées par mois, soit 20£ 20s, et fournit 32 pages imprimées au lieu de 24, et les plaques passent de quatre à deux[16]. Comme le désire l'éditeur mais contre son gré, paraît-il[13], Dickens garde les références aux « activités sportives » du Nimrod Club, ne serait-ce que par l'attirail de chasse et de pêche qui orne encore les colis d'epédition[13].

Mary Russell Mitford qui engage vivement à lire The Pickwick Papers.

Le nouvel illustrateur est Robert W. Buss (1804-1875)[20], mais le travail qu'il réalise pour le troisième numéro n'étant pas jugé à la hauteur, il est sommairement remercié[N 3],[21]. C'est donc, au détriment de Thackeray[N 4],[22] qui s'est porté candidat[8], le jeune Hablot Knight Browne (1815-1882), âgé de vingt ans, qui le remplace, inaugurant ainsi une collaboration de vingt-trois ans avec Dickens[23], et qui, pour l'occasion, afin de rester dans la veine du nom de plume de son employeur « Boz », adopte en accord avec Dickens le célèbre pseudonyme de « Phiz »[8], abréviation argotique de physiognomy (physionomie), très à la mode en cette première partie du XIXe siècle[24]. Browne jouit déjà d'une certaine renommée, car il vient d'être récompensé pour son estampe de John Gilpin de William Cowper (1731–1800) où un cavalier à la mine déconfite perché sur un cheval mors-aux-dents annonce bien des plans du futur Pickwick auquel il va collaborer[13],[25].

Le quatrième numéro, publié le 29 juin, est donc remarquable à quatre titres : Hablot Knight Browne (1731 – 1800) est aux commandes des illustrations ; au chapitre 10, Dickens présente Sam Weller dont l'adjonction, selon Paul Schlicke, fait d'emblée de Mr Pickwick, jusque là simple cible de railleries, « un personnage authentiquement comique » (« an incomparable comic character »)[26] ; deux chapitres plus loin, Mrs Bardell, se méprenant sur l'annonce faite par Pickwick que son intention est de prendre Sam Weller à son service, se persuade qu'il l'a demandée en mariage et, ainsi, induit malgré elle un élément d'intrigue ; enfin, les Pickwickiens quitte le Kent et reviennent dans le Londres que Dickens connaît si bien[27]. Du coup, sans cesser d'être un pot-pourri épisodique, The Pickwick Papers se mue en véritable roman[26], devient la coqueluche du public anglais et multiplie ses ventes par quarante[27]. À son amie Emily Jephson, alors en Irlande, Mary Russell Mitford exprime sa grande surprise qu'elle n'en ait pas encore entendu parler : « Trouve le moyen d'emprunter les Pickwick Papers, lui écrit-elle. C'est comme si tu n'avais jamais entendu parler de Hogarth […] Tu dois absolument lire les Pickwick Papers » (« Do take some means of borrowing the 'Pickwick Papers'. It seems like not having heard of Hogarth […] You must read the 'Pickwick Papers' »)[28].

Synchronisation saisonnière et rush final

Le Garrick Club où est élu Dickens le 20 novembre 1837.

À partir du sixième numéro qui est dû pour le mois d'août, Dickens a l'idée de synchroniser les événements racontés et la saison au cours de laquelle s'effectue la publication. Ainsi, le septième numéro, programmé pour le 1er janvier 1837, évoque Noël ; le douzième, prévu en mars, voit Sam Weller écrire un poème de Saint-Valentin à Mary, et Mr Pickwick est poursuivi pour rupture de bans[26].

Le 4 novembre, Dickens donne son accord à Richard Bentley pour assurer la gestion éditoriale du Bentley's Miscellany ; le 5, il démissionne du Morning Chronicle ; le 6 naît son premier enfant ; deux semaines plus tard, il est élu au Garrick Club. Le premier épisode de Oliver Twist paraît chez Bentley le 31 janvier 1837 : désormais, jusqu'au double numéro de novembre, Dickens écrit simultanément deux romans. Pour cela, il divise chaque mois en deux parties dont il consacre la première à Bentley et la seconde à son Pickwick Club. Le 31 mars, les Dickens quittent Furnival's Inn pour le 48 Doughty Street et le 8 avril, Chapman and Hall organise un dîner en l'honneur du romancier qui reçoit, outre un Shakespeare complet, un chèque de 1 500 £ ; et ce même mois, est donnée au théâtre de la Cité de Londres une adaptation de l'œuvre signée Stirling, et en paraît aussi le premier compte rendu substantiel dans le Court Magazine du 10 mars 1837[26].

Malgré cette frénésie d'activités, les parutions se succèdent sans anicroche : seul à-coup, le décès brutal le 7 mai de la jeune Mary Scott Hogarth qui plonge les Dickens dans un profond désespoir. Le couple s'enferme à Hampstead dans le nord de Londres, et en juin, ni Pickwick ni Oliver Twist ne sont au rendez-vous. Un voyage d'une semaine en France, les premières vacances à Broadstairs en juillet, et début octobre, afin de rattraper le temps perdu, Dickens est contraint, « en violation de son intangible règle » (« in violation of my established usage »)[29], rapporte-t-il, d'écrire le soir pour venir à bout du numéro double de Pickwick qui paraît le 30[26]. Dès lors, la popularité du roman devient « phénoménale »[28], les pauvres se cotisent ou vont se faire lire les pages, les bourgeois mêlent les feuillets sommairement brochés aux riches et respectables reliures de cuir de leur bibliothèque, bref, écrit Edgar Johnson, « Sans doute aucune œuvre n'a jamais, ni avant ni depuis, suscité un enthousiasme aussi ardent et universel dans toute l'histoire de la littérature » (« It is doubtful if any other single work of letters before or since has ever aroused such wild and widespread enthusiasm in the entire history of literature »)[30].

Publication

Aussi étrangement que cela puisse paraître, « originalité à la fois plaisante et inhabituelle » (« the pleasant and uncommon fact »), pas une seule ligne contractuelle n'a été signée ni avant ni pendant la publication de The Pickwick Papers, ce que constatent les participants à un dîner organisé le 18 novembre 1837 chez Degex's à Leicester Square pour en célébrer l'achèvement[31]. Seules deux lettres ont été échangées entre Chapman and Hall et Dickens, une proposition et son acceptation, encore que les contacts, lors de la progression des travaux, aient été constants entre auteur, illustrateurs et éditeurs[26]. Ce manque juridique est évoqué lors du dîner du 18 et, à l'initiative de John Forster, un acte officiel est signé le 24, selon lequel Dickens reçoit un tiers des droits d'auteur après cinq ans et s'engage à écrire un nouveau roman (ce sera Nicholas Nickleby[32]).

Calendrier des parutions

Les épisodes du roman ont été publiés par Chapman and Hall selon le calendrier suivant :

Numéro Date Chapitres
I mars 1836 1-2
II avril 1836 3-5
III mai 1836 6-8
IV juin 1836 9-11
V juillet 1836 12-14
VI août 1836 15-17
VII septembre 1836 18-20
VIII octobre 1836 21-23
IX novembre 1836 24-26
X décembre 1836 27-28
XI janvier 1837 29-31
XII février 1837 32-33
XIII mars 1837 34-36
XIV avril 1837 37-39
XV juin 1837 40-42
XVI juillet 1837 43-45
XVII août 1837 46-48
XVIII septembre 1837 49-51
XIX-XX octobre 1837 52-57

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Chapman and Hall compte sur environ 500 ventes par mois. En fait, sur les 1000 premiers numéros imprimés, à peine la moitié est écoulée. Le succès commence avec le quatrième, si bien qu'en février 1837, le tirage passe à 14 000 pour grimper jusqu'à 40 000 à la fin de l'année. Comme l'écrit Robert L. Patten, Chapman and Hall sont tombés sur une mine d'or : « Chapman and Hall had stumbled on a gold mine »[33]. Pickwick devient en effet un phénomène dont s'emparent le public, la presse et le monde théâtral : avant même qu'il ne soit terminé, il fait l'objet de quatre adaptations scéniques et de bon nombre d'imitations. D'ailleurs, Dickens s'imite lui-même, d'abord en utilisant Sam, Tony et Mr Pickwick dans l'éphémère L'Horloge de Maître Humphrey, puis en organisant deux lectures publiques, dont l'une consacrée au procès imposé au héros par la veuve Bardell, un grand classique jusqu'à la fin de sa carrière. Enfin, en marge mais révélateur d'un engouement sans précédent, fleurit un commerce parallèle avec, offert à la vente par les boutiques ou les colporteurs, un attirail de chapeaux, pipes, cigares, capes, tissus, canes, figurines de porcelaine, recueil de chansons, fascicules de blagues, tous estampillés « Pickwick »[34].

Devant ce succès, Chapman and Hall publie l'ouvrage en un volume le  ; Bradbury and Evans en font deux tomes en 1858, et en 1867, Chapman and Hall en présente une ultime édition, revue et corrigée par l'auteur. De l'autre côté de l'Atlantique à Philadelphia chez Lea and Blanchard, à Calcutta, en Tasmanie, en Europe à Leipzig paraissent très vite des copies piratées[26] et d'après Robert L. Patten, au moins 96 éditions ont paru en Angleterre et 127 en Amérique[30] ; parmi cette masse, l'édition la plus érudite et la plus scientifique reste, selon lui, celle de 1986 de Clarendon Press, dirigée par James Kinsley[35]. Tout compris, éditions bon marché incluses, dont celle de 1847 qui est un grand succès, à la fin de 1878, sans compter les traductions qui fleurissent en Europe, 1 600 000 exemplaires ont été vendus en Grande-Bretagne et outre-Atlantique[34].

La critique non plus n'a jamais fait relâche : Percy Fitzgerald à lui seul a publié cinq volumes d'études pickwickiennes, avec notes, commentaires, énigmes, doutes, dont le plus célèbre est son livre de mémoires publié en 1903[36] ; G. K. Chesterton déclare en 1906 que « Pickwick a quelque chose de plus noble qu'un roman » (« something nobler than a novel »[37], « comme si les dieux étaient partis en promenade à travers l'Angleterre » (« a sense as of the gods gone wandering in England »)[30], et l'édition J. M. Dent and Sons de 1953 reproduit une de ses analyses en guise d'introduction[38] ; W. H. Auden, quant à lui, renchérit sur Chesterton en affirmant dans un célèbre essai que le roman est le « le mythe revisité de la chute de l'homme » (« a mythic retelling of the Fall of Man »)[39]. Certes, d'autres critiques prétendent que la structure distendue du livre n'en fait pas un roman et, se fondant sur cette analyse, A. E. Dyson ne l'inclut pas parmi les œuvres romanesques de Dickens dans son The Inimitable Dickens, préférant le considérer comme une sorte de conte philosophique dans la veine de ceux de Voltaire[40],[34].

Personnages

Il est opportun de présenter les personnages avant d'aborder le détail de l'intrigue, tant son foisonnement de farce pholisophico-comique itinérante risque de rester obscure à moins que ses principaux acteurs ne soient déjà connus. Telle est d'ailleurs la méthode proposée par la plupart des éditions du livre : ainsi, J. L. Dent and Sons de 1953 qui présente en introduction un texte de G. K. Chesterton[41], en donne la liste juste avant le premier chapitre en les répartissant par sexe. Dans la colonne de gauche figurent les personnages masculins, dans celle de droite les personnages féminins. Cette distinction s'explique sans doute par le fait qu'effectivement, ce sont les hommes, dans cette histoire, qui jouent les premiers rôles et restent de bout en bout, la veuve Bardell exceptée, les principaux moteurs de l'action. En tête cependant, chapeautant les deux colonnes, figurent le nom du fondateur du Pickwick Club, Samuel Pickwick, et ceux des adhérents de l'« Association des membres correspondants », Augustus Snodgrass, Tracy Tupman et Nathaniel Winkle[42].

Toutefois, The Pickwick Papers comprend en tout soixante personnages masculins et vingt-deux féminins qui participent directement à l'intrigue. S'y ajoutent seize personnages relevant des histoires rapportées lors des digressions, soit un total de quatre-vingt dix-huit, auquel se joint le narrateur[43]. À ce compte, c'est l'un des plus populeux romans de Dickens, ce qui rend sans intérêt d'en dresser ici la liste complète.

Personnages principaux

Ils forment la petite cohorte des voyageurs :

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Samuel Pickwick

D'où vient-il ?

D'où vient Mr Pickwick, le doyen de l'assemblée, à la retraite après une belle carrière dans les affaires ? Dickens a écrit que l'idée du personnage lui est venue avant celle du roman. « J'ai eu l'idée de Mr Pickwick » (« I thought of Mr Pickwick »), écrit-il dans sa préface de 1847[44], et le reste a suivi.

Quant au nom, Dickens l'a emprunté à un certain Moses Pickwick, transporteur assurant la liaison Bath-Londres et propriétaire d'hôtels à Bath, notamment l'auberge du Cerf blanc (White Hart)[45], qu'il intègre dans son chapitre 35 lorsque les Pickwickiens se rendent en cette ville[46]. Le personnage de Pickwick change au cours de l'histoire, mais Dickens se défend de l'avoir vraiment voulu : plutôt que Mr Pickwick, remarque-t-il dans la même préface, c'est le regard que leur porte le lecteur qui a varié, tant il est vrai que l'habitude qu'on acquiert des gens, surtout lorsqu'ils sont aussi originaux et capricieux que Mr Pickwick, « oblige à y regarder de plus près et à reconnaître le meilleur de leur être sous les traits superficiels » (« it isn't before we are better acquainted with him that we usually begin to look below these superficial traits, and to know thre better part of him »)[44].

Du coup, l'adjectif pickwickien (Pickwickian)[N 5],[46], outre la référence au Pickwick Club (voir le § suivant), s'est pris à signifier, comme l'explique Paul Davis, « tout mot désobligeant ayant perdu ses connotations péjoratives » (« an uncomplimentary word that has lost its derogatory connotations ») ; ce miracle sémantique dérive, certes, de sa première acception quelque peu forcée, lorsque, pour se tirer d'affaire après avoir traité Mr Pickwick de humbug, Blotton l'assure que le sens attribué n'est qu'« à la Pickwick » (Pickwikian)[46]; mais son sens s'est épaissi du fait que Mr Pickwick, de toujours éminemment sympathique, soit en plus devenu, quoique sur le tard, un sage.

Enfin, dans le roman, puis dans l'imagination populaire, le nom « Pickwickien » (Pickwickian) désigne une catégorie bien définie d'individus, les membres du Pickwick Club[47], d'où le nécessaire emploi de la majuscule française signifiant leur appartenance à un groupe s'assimilant à une ethnie.

Qui est-il ?

Samuel Pickwick : principal protagoniste, fondateur du Pickwick Club, visage rond, rasage impeccable, petites lunettes rondes comme la face, et puissant embonpoint, il diffère des autres membres. Son âge semble d'abord inopportun pour l'entreprise d'un Bildungsroman collectif, d'autant, précise Paul Davis, que d'emblée, c'est lui qui définit, crée en quelque sorte, un nouveau monde, insolite et inouï[48], où tout est sens dessus-dessous. Paradoxe vivant, cet homme d'affaires à la retraite, donc en principe averti, qui plus est observateur scientifique, auto-proclamé mais honoré mentor d'un groupe de gens plus jeunes que lui, se posant en représentant sincère de l'expérience et la sagesse vécues, possède en réalité l'innocence et la naïveté d'un enfant que, écrit Paul Davis, « sa bonté innée rend incapable de voir le monde autrement qu'en termes bienveillants et optimistes à l'extrême » (« his innate goodness makes him incapable of imagining the world in anything other than the most benevolent and optimistic terms »[49].

Ses accompagnateurs

  • Augustus Snodgrass : homme « poétique », qu'enveloppe un manteau « poétique » avec un col en fourrure de chien (chapitre 1), il se prend en effet pour un poète, mais le narrateur se garde bien de citer ou de lui faire dire un seul de ses vers. Il s'éprend de Miss Emily Wardle, finit par l'épouser et vivre dans le bonheur conjugal à Dingley Dell (chapitre 57).
  • Tracy Tupman : déjà à l'âge de la maturité et encombré d'une obésité galopante, ce qui ne l'empêche pas de se prendre pour le type même du romantique amoureux et transi. Sa passion dominante (ruling passion) est l'admiration du « beau sexe »[50]. Dickens a cependant un faible pour lui : il lui octroie une ardeur et un enthousiasme juvéniles non sans succès avec Rachel Wardle, mais, une fois cette entreprise déjouée, il lui confère une sage rédemption en l'autorisant à se retirer dignement et se contenter de l'admiration des vieilles dames désargentées de Richmond (chapitre 57).
  • Nathaniel Winkle : ami de Mr PIckwick qui se prétend excellent cavalier et expert en armes à feu, mais se révèle dangereusement incapable de manier aussi bien ses montures que ses fusils. Il épouse Miss Arabella Allen et se met peu à peu à ressembler à son vieux père, la calvitie en moins (chapitre 50). Seul véritable héritier des sportifs conçus par Robert Seymour[8], il a pour fonction de créer des situations apparemment inextricables où le comique côtoie le dangereux, le rire et le frisson faisant alors excellent ménage. Gaffeur impénitent, il suscite le courroux de son mentor, mais finit toujours par se faire pardonner. C'est un faire-valoir, un déclencheur d'épisodes insolites, un personnage-procédé que Dickens a cependant épaissi par la constance même de son incorrigible maladresse[51].


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  • Sam Weller : valet de Mr Pickwick, source inépuisable de conseils dispensés sous forme de proverbes et d'aphorismes devenus célèbres. Produit à la fois de la rue et du voyage (son père est cocher), Sam combine le double savoir cockney du citadin et de la route campagnarde. Son entrée en scène change la donne du roman : tout aussi spirituel que Jingle mais bien plus cohérent (ses histoires ont queue et tête et comportent une morale), il a l'art de rendre service sans chercher à se faire valoir. Il devient peu à peu l'alter ego de Pickwick, et aussi son antidote, son expérience neutralisant l'innocence première de son maître[49]. Le couple Pickwick-Weller, désormais, devient le pivot de l'histoire, alors que le Pickwick Club se marginalise. En somme, résume Paul Davis, avec Weller, Pickwick a trouvé son centre, les épisodes décousus se reliant au fur et à mesure que se gélifie l'alchimie liant les deux personnages[52].
  • Alfred Jingle : pièce rapportée dès le premier jour et intégrée à l'histoire sans être toujours présent ; acteur, charlatan itinérant, remarquable par ses anecdotes incongrues au style « télégraphique » extravagant et décousu[49] ; à l'inverse des enflures rhétoriques de Pickwick, Jingle est capable de réduire l'existence à un minimum de sensations et leur rendu à quelques noms et verbes[49]. Il est aussi, et à ce tire il joue un rôle non négligeable dans l'action, l'auteur d'escapades un peu moins qu'honorables, car, doté d'une nature protéenne (protean), il gruge ses victimes en incarnant aussitôt, par ses dons de mime et de travestissement, le moindre de leurs désirs[49]. Contrairement à Weller, c'est un être sans morale, non par volonté délibérée mais par « carence du service à autrui » (« no notion of serving others »)[49]. En définitive bien traité, il finit sa carrière, toutes dettes payées, tout contentieux effacé, sous la palme des cocotiers des Indes occidentales[53].

Comparses

Ils forment la garde-arrière à Londres ou, le plus souvent, sont rencontrés au cours du périple.

  • Mr Wardle, le country squire, gentilhomme rural, propriétaire d'une ferme, Manor Farm à Dingley Dell, excellent ami de Mr Pickwick.
  • Joe, domestique chez les Wardle, gros gaillard qui s'empiffre et s'endort en tous lieux, toutes circonstances et à toute heure. Sa narcose pathologique a donné un nom au syndrome des apnées du sommeil, le « syndrome de Pickwick ».
  • Rachael Wardle, la tante de Mr Wardle, vieille fille qui essaie en vain de s'enfuir en compagnie de Jingle.
  • Job Trotter, domestique de Mr Jingle, rusé et hypocrite, dont la rouerie ne se décèle qu'au tout début d'une scène car il a l'art de la camoufler sous des dehors de docilité servile.
  • Mr Perker, l'un des avocats de Mr Pickwick.
  • Mary, l'acorte servante (« a well-shaped female servant »), l'amour secret de Sam Weller qui lui compose un poème pour la Saint-Valentin.
  • Mrs Bardell, veuve, propriétaire des appartements de Mr Pickwick, créatrice de fâcheux quiproquos.
  • Emily Wardle, l'une des filles Wardle.
  • Arabella Allen, amie de Emily Wardle.
  • Ben Allen, frère d'Arabella, étudiant en médecine prodigue et dissipé.
  • Bob Sawyer, ami et camarade d'« études » de Ben Allen.
  • Mr Serjeant Buzfuz, avocat de Mrs Bardell dans ses démêlés judiciaires avec Mr Pickwick.

Résumé

Le Pickwick Club de Londres décide en mai 1827 de fonder une association dite de correspondance dont quatre membres voyagent et rendent compte de leurs expériences. Il s'agit de Mr PIckwik, homme d'affaires londonien en retraite et philosophe à ses heures dont les pensées manquent encore d'élévation, Tracy Tupman qui a l'œil sur les dames mais n'en séduit jamais une seule, Augustus Snodgrass, poète n'écrivant aucun poème et Nathaniel Winkle, sportif particulièrement incapable.

Lors de leur première étape, les Pickwickiens se font rosser par un cocher qui les prend pour des espions au milieu d'une foule hostile. Ils doivent leur salut à Alfred Jingle qui voyage en leur compagnie jusqu'à Rochester. Jingle s'avère être un aventurier s'intéressant aux femmes riches et qui compromet Winkle auprès d'un irascible Dr Slammer qui le provoque en duel.

À Chatham, les Pickwickiens assistent à des manœuvres militaires au cours desquelles ils se font bousculer ; ils rencontrent aussi Mr Wardle, le Country Squire local qui les invite chez lui à Dingley Bell. Les invités finissent par arriver malgré quelques déboires et, à Manor Farm, jouent aux cartes, courtisent les dames, entendent des histoires, chassent et regardent un match de cricket. Mr Tupman s'éprend de Rachel, la sœur de Mr Wardle restée vieille fille, tandis que Mr Snodgrass se trouve un faible pour sa fille Emily. Cependant, Tupman se fait supplanter par Jingle qui, son bagout aidant, prend la fuite avec Rachel. Mr PIckwick et Mr Wardle les poursuivent jusqu'à Londres où, avec l'aide de l'avocat Perker, ils achètent Jingle et ainsi sauvent Rachel d'une désastreuse union.

À Londres, Mr Pickwick rencontre Sam Weller, cireur de bottes et bon à tout faire, qu'il engage aussitôt comme valet. Sam est un cockney averti des choses du monde, spirituel, intelligent, le poing adroit. Mr Pickwick explique à sa logeuse, Mrs Bardell, qu'il vient de prendre un domestique, mais sa façon alambiquée de présenter les choses la conduit à croire qu'il lui fait une proposition de mariage, et, rompue d'émotion, elle s'évanouit dans ses bras au moment même où arrivent les trois autres compères.

Tout au long du roman, le cocher Tony Weller, père de Sam, qui a eu le malheur d'épouser une veuve, se livre à un commentaire à jamais recommencé sur les dangers matrimoniaux. Sa femme est une évangéliste hypocrite et alcoolique qui lui rend la vie impossible. Mrs Bardell, quant à elle, dépose plainte contre Mr Pickwick pour manquement à sa promesse.

Entretemps, les Pickwickiens se rendent à Eatansville où ils assistent à une élection dont la violence n'a d'égale que l'absurdité. Pickwick et Winkle logent chez Mr Pott, patron d'une gazette partisane, et Winkle se laisse entraîner dans les querelles de la maisonnée. Les Pickwickiens sont invités à une fête costumée donnée par une célébrité littéraire locale, Mrs Leo Hunter. Au cours des réjouissances, Mr Pickwick tombe sur Jingle qu'il poursuit jusqu'à la ville voisine. Jingle, apprend-t-il de son domestique, a des vues sur une jeune pensionnaire d'un établissement scolaire, et Mr Pickwick décide d'empêcher le forfait. Malheureusement, ce renseignement n'est qu'une ruse qui conduit Pickwick à une sérieuse déconvenue, ce qui lui cause une crise de rhumatismes.

Les Pickwickiens se rassemblent à Bury St Edmonds où Mr Wardle donne une partie de chasse que Mr PIckwick est assez remis de ses émotions pour partager. Il y apprend la démarche de Mrs Bardell auprès du cabinet Dodson and Fogg, deux avocats véreux. Aussi retourne-t-il à Londres pour prendre conseil.

Il y apprend que Jingle se trouve à Ipswich où il se rend aussitôt pour le démasquer. Un malentendu dans une auberge le conduit devant la justice, localement représentée par un petit tyran que tyrannise sa femme, et à la file duquel s'intéresse Jingle. Pickwick se tire d'affaire en révélant que Jingle n'est qu'un aventurier de bas étage.

Les Pickwickiens retournent chez les Wardle pour les célébrations de Noël et le mariage d'Isabella. Snodgrass courtise toujours Emily et Winkle s'éprend d'Arabella Allen, amie des filles Wardle.

Le jour de la Saint-Valentin de 1831 se déroule le procès de Mr Pickwick ; la rhétorique de Serjeant Bufuz et les témoignages à charge lui valent un verdict de culpabilité et la condamnation au dépens, qu'il refuse d'honorer.

Il lui reste deux mois de répit avant que Dodson and Fogg puissent le faire arrêter. Aussi en profite-t-il pour emmener ses compagnons à Bath où Winkle s'embrouille avec une femme d'âge assez mûr et doit fuir jusqu'à Bristol où il apprend que sa bien-amée Arabella est retenue cachée par son frère. Sam et Pickwick arrivent à la rescousse et s'arrangent pour que Winkle ait un contact avec sa belle et lui fasse part de ses intentions.

Les deux mois sont écoulés : Pickwick, de retour à Londres, est incarcéré à la prison de la Fleet où il ne trouve que détresse, saleté et misère, et se voit brièvement en butte aux agissements de deux prédateurs. Il découvre Alfred Jingle soumis à un régime abject et lui vient en aide, ordonne à son valet de le quitter, mais ce dernier se fait lui-même arrêter pour dettes afin de rester après de lui. Accablé par l'immense détresse qui l'entoure, Pickwick reste reclus dans la chambre qu'il a louée et dont il ne sort que brièvement le soir. Il assiste ainsi à l'arrivée de Mrs Bardell, elle-même emprisonnée pour dettes, car elle ne peut payer ses avocats. Son cœur commence à fléchir, et bientôt, sollicité par Winkle qui a épousé Arabella et a besoin de son intercession auprès de son père et de son beau-frère, il décide de tout payer, son dû à la justice, celui de Mrs Bardell et les dettes de Jingle.

Sa mission auprès de Ben Allen à Bristol tourne bien, aidée en cela par de bonnes rasades d'alcool. Puis, c'est la rencontre avec Mr Winkle père à Birmingham, que la nouvelle du mariage semble irriter et dégoûter au plus haut point.

De retour à Londres, Pickwick paie Dodson and Fogg, envoie Jingle et son domestique aux Indes occidentales pour se refaire une vie, et apprend que Snodgrass s'apprête à enlever Emily. Il se fait l'interprète du couple auprès de Mr Wardle qui finit par donner sa bénédiction. Le mariage est célébré en la nouvelle demeure de Mr Pickwick. Sam Weller épouse l'accorte Mary qu'il courtise depuis longtemps. Le Pickwick Club est dissous, mais Samuel Pickwick devient le parrain de bien des enfants de ses anciens compagnons de voyage[54].

Synopsis

D'après Margaret Drabble, le roman a pour seul lien la relation entre l'« Association des membres correspondants » (The Corresponding Society) partie sur les routes et le Pickwick Club resté à Londres. L'ensemble, écrit-elle, est une série d'incidents détachés, de personnages divers, sans action définie, que ponctuent des contes ou histoires indépendants racontés au gré des rencontres. Aussi se contente-t-elle de donner la liste chronologique des principaux événements[55]. De fait, longueur du texte, multiplication des aventures, constant changement de lieux, histoires annexes, digressions, font que le seul résumé s'avère impuissant à en capter la richesse, d'où le choix du synopsis complet et détaillé, en l'occurrence adapté de Paul Davis, Charles Dickens from A to Z[56].

Le déroulement de l'histoire

Première partie (avril 1836)

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1.  : le Pickwick Club se réunit et décide de fonder une « Association de membres correspondants » dite Corresponding Society, dont les statuts prévoient qu'elle voyage de par le pays et envoie ses comptes-rendus au siège de Londres. Le groupe sera conduit par le fondateur du club qui porte son nom, Mr Samuel Pickwick, président remarquable pour sa théorie dite des Tittlebats, exposée dans son premier ouvrage The Theory of Tittlebats[N 6],[57]. Mr Pickwick sera accompagné de trois autres messieurs, Tracy Tupman, grand admirateur du beau sexe, Augustus Snodgrass, poète, et Nathaniel Winkle, adonné à la pratique dite « sportive »[N 7],[56].

Au beau milieu de son discours inaugural, Mr Pickwick se voit interrompu par Mr Blotton, mercier de son état, qui le traite de « fumiste » (humbug). La dispute qui s'ensuit s'apaise lorsque Mr Blotton accepte de reconnaître que le mot est à prendre « dans son acception pickwickienne » (in its pickwickian sense).

2. Les Pickwickiens prennent la route le lendemain, mais Pickwick commence mal : les notes qu'il prend sur sa conversation avec un cocher ne plaisent nullement à de dernier, et il faut l'intervention d'un étranger pour le tirer ce qui devient un mauvais pas. Le voyageur, qu'enveloppe une vaste houppelande verte, s'en va lui aussi pour Rochester ; et le soir même, Mr Tupman prête à cet inconnu, répondant au nom d'Alfred Jingle, acteur de son état, le costume de Mr Pickwick pour lui permettre de l'accompagner à un bal. Nouvel incident à cette soirée : cette fois, c'est Jingle qui offense un certain Dr Slammer, médecin militaire du régiment en garnison. Bien entendu, le lendemain matin, Mr Winkle reçoit la visite d'un second de l'offensé ; il y a erreur sur l'identité de l'offenseur, mais Mr Winkle ne se dérobe pas et se rend au duel où, n'étant pas reconnu par son adversaire, l'échange est annulé[56].

Deuxième partie (mai 1936)

3. Le lendemain matin, Jingle présente aux Pickwickiens un acteur ambulant, Dismal Jemmy, qui s'offre à raconter une histoire. Ainsi va commencer la première digression du livre, dite « Le Conte de l'errant » (The Stroller's Tale), concernant la vie d'un pauvre clown à l'agonie. Lorsque le Dr Slammer et ses amis paraissent, ils se trouvent fort surpris d'être en présence de Tupman et de l'homme en vert qui les ont offensés pendant la soirée de bal. Cependant, se rendant compte que Jingle est acteur ambulant, Slammer abandonne son dessein et ne réitère pas sa provocation[56].

4. Le lendemain, exercice militaire au régiment de Chatham, et Mr Pickwick se trouve pris au piège entre deux fronts ; il fait aussi connaissance avec les Wardle, venus assister aux manœuvres. Mr Wardle n'est autre que le hobereau local, le county squire, qui invite aussitôt les pickwickiens à Manor Farm (le ferme du manoir)[56].

5. En route pour la ferme, le comportement maladroit de ces passagers effraie les chevaux qui se cabrent et renversent leur voiture, si bien que, rompus de fatigue après avoir marché sur plus de dix kilomètres, les invités finissent par arriver, mais très en retard[56].

Troisième partie (juin 1936)

6. Les Pickwickiens, enfin parvenus à destination, se joignent à la compagnie pour des jeux de société. Tupman est tout sourire envers Rachel, vieille fille sœur de Wardle. Le pasteur local récite un poème de sa composition, « Vert est le lierre » (The Ivy Green) et se lance dans une histoire, la seconde du livre : « Le Retour du forçat » (The Convict's Return)[56].

7. Le lendemain matin est consacré à une partie de chasse où, à grande consternation de Rachel, le tireur d'élite Winkle blesse Tupman, sans gravité il est vrai. L'après-midi est consacré à un match de cricket opposant Dingley Bell et Muggleton ; s'ensuit un dîner où apparaît à nouveau Jingle[56].

8. Alors que ses amis participent au dîner suivant le cricket, Tupman courtise Rachel dans le jardin où Joe, entre deux sommes, les surprend. Les convives, passablement éméchés, reviennent de leurs libations et Jingle en profite pour amuser les dames avec ses histoires. Apprenant alors que les débats amoureux de Tupman ont été découverts, il lui conseille de délaisser Rachel sans délai et de reporter ses attentions sur Emily, la nièce de la famille. Aussitôt dit, c'est lui qui prend le relais auprès de Rachel qui, apparemment, s'en trouve ravie.

Quatrième partie (juillet 1836)

9. Les nouveaux amoureux prennent la fuite et Wardle et Pickwick se lancent à leur poursuite, et au moment précis où ils les rattrapent, leur voiture, au grand ébaudissement de Jingle, se renverse sur le chemin.

10. Londres, auberge du Cerf blanc (White Hart Inn) : Sam Weller est occupé à cirer des chaussures. Mr Wardle et Mr Pickwick lui donne la pièce pour qu'il leur montre la chambre où s'ébattent Jingle et Rachel. Wardle offre 120 £ à Jingle pour qu'il quitte les lieux, ce qu'il fait aussitôt en remettant à Mr Pickwick son contrat de mariage avec pour tout commentaire : « C'est pour Tuppy » (Its for Tuppy), ce qui met Pickwick hors de lui.

11. De retour à la ferme, Pickwick se rend compte que Tupman, en proie à une humiliation suicidaire, est parti se réfugier au Leather Bottle (« La bouteille de cuir ») de Cobham. Nouvelle course contre la montre, mais Tupman, qui fait honneur à un bon repas, a l'air en excellente santé. Autre découverte : une pierre comprenant une étrange inscription que Pickwick déchiffre avant de se coucher : « Manuscrit d'un fou » (A Madman's Manuscript), document que lui a remis le pasteur de Dingley Bell. Le lendemain, les voyageurs décident de rentrer à Londres pour rendre compte de leur trouvaille.

Cinquième partie (août 1836)

12. Pickwick, par mégarde, incite sa propriétaire, la veuve Bardell, à croire, bien à tort, qu'il lui fait une proposition de mariage. Elle se jette dans ses bras, en proie à un évanouissement dû à l'émotion, au moment précis où les Pickwickiens entrent dans ses appartements. Le quiproquo ne fait que commencer : en fait, il l'a seulement interrogée sur l'opportunité d'engager un domestique, et de fait, l'après-midi, il prend Sam Weller, le cireur de l'auberge du Cerf blanc, à son service.

13. Les Pickwickiens se rendent à Eatansville pour scruter les élections opposant les Blues (« Bleus ») et les Buffs « (Chamois »)[N 8].

14. Pickwick et Winkle séjournent chez Mr Pott, l'irascible rédacteur en chef de la « Gazette d'Etansville » Etansville Gazette), le reste du groupe descendant à l'« Auberge du Paon » (Peacock Inn) où un commerçant ambulant leur raconte l'histoire de l'« Homme au sac »(The Bagman's Story).

Sixième partie (septembre 1836)

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15. Les Pickwickiens sont invités à une « fête champêtre » costumée[N 9] chez Mrs Leo Hunter pour faire la connaissance de gens instruits (clever) et écouter l'hôtesse réciter son « Ode à une grenouille agonisante » (Ode to a Dying Frog). Jingle paraît, déguisé en Mr Charles Fitz-Marshall, au grand étonnement de Mr Pickwick qui le chasse et se lance à sa poursuite jusqu'à l'« Auberge de l'Ange » de Bury St. Edmunds.

16. En cette ville, Sam apprend de Job Trotter que Jingle s'apprête à partir le soir même avec une élève de l'école de Miss Tompkin, et Pickwick, décidé à contrecarrer ce dessein, loue la cour de l'établissement de façon à pouvoir, au moment opportun, signaler à Miss Tompkins ce qui va se passer. Cependant, personne dans cette cour réquisitionnée n'a entendu parler de Mr Charles Fitz-Marshall et encore moins de son projet. Sam et Wardle interviennent pour tirer Pickwick de ce nouveau mauvais pas.

17. Mr Pickwick, en proie à une crise de rhumatisme consécutive à sa déconvenue, passe trois jours à écrire l'histoire du Parish Clerk (« Le Bedeau de la paroisse ») qu'il lit à Mr Wardle.

Septième partie (octobre 1836)

18. Mr Winkle est surpris que Mr Pott le traite de « serpent » et lui montre un article paru dans une gazette rivale insinuant que Mrs Pott et lui ont une liaison amoureuse. Le malentendu est vite réglé, mais c'est Mr Pickwick qui reçoit notification que la veuve Bardell a déposé plainte pour manquement à sa promesse de mariage.

19. Lors d'une partie de chasse avec Wardle, Winkle effraie Mr Pickwick par la façon dont il manie son fusil. Déjeuner sur l'herbe, et Pickwick, assommé par trop de punch froid (cold punch), s'endort dans une brouette où le trouve le capitaine Boldwig qui, le prenant pour un intrus, le pousse jusqu'à la fourrière du village. Sam et Wardle arrivent à son secours, et furieux, Mr Pickwick menace, en quittant les lieux, d'envoyer le capitaine devant les tribunaux.

20. De retour à Londres, Mr Pickwick se rend chez les avocats de Mrs Bardell, Dodson and Fogg, où, en rage, il les traite de « bandits » (scoundrels). Comme son propre homme de loi est absent, il se met en quête du clerc, Mr Lowten, qu'il trouve à la taverne de « La Pie et la souche » (Magpie and Stump).

Huitième partie (novembre 1836)

21. À un groupe de clercs d'avocat rassemblés au Magpie and Stump (« La Pie et la souche »), un vieil homme raconte l'« HIstoire du client bizarre » (The Tale of the Queer Client).

22. Une voiture conduite par Tony Weller, le père de Sam, emmène Sam et Pickwick à la recherche de Jingle à Ipswich. En route, Mr Pickwick fait la connaissance de Peter Magnus qui s'y rend pour demander la main de Miss Witherspoon dont il a fait la connaissance par correspondance. À l'auberge qui les accueille, Pickwick et Magnus dînent ensemble, puis Mr Pickwick se perd dans les couloirs et s'installe dans la mauvaise chambre où il se trouve nez à nez avec une femme d'âge mûr en papillotes jaunes.

23. Le lendemain matin, Sam tombe sur Job Trotter qui lui raconte que Jingle se prépare à un coup de mauvais aloi, ce que Sam se jure de contrecarrer.

Neuvième partie (décembre 1836)

24. Rencontre entre Peter Magnus et Miss Witherspoon ; le soupirant met en pratique les conseils de séduction que lui a dispensés Pickwick la veille, et les choses se passent à merveille. Cependant, lorsqu'il présente sa future épouse à Pickwick, elle s'avère être la dame que Pickwick a surprise dans sa chambre. Ni elle ni Pickwick ne sont d'humeur à raconter ce qui s'est vraiment passé, ce qui rend Magnus fou de jalousie. Voyant que les choses tournent mal et risquent de se terminer par un duel, Miss Witherspoon dépose plainte contre Mr Pickwick et Tupman auprès du magistrat et maire George Nupkins, qui les arrête et les emmène au vu et su de tous par les rues de la ville. Sam Weller vole à leur secours, mais se fait arrêter à son tour.

25. Sam a percé les noirs desseins de Jingle qui, en fait, concernent la fille du magistrat. Pickwick s'en ouvre à Nupkins et les prisonniers sont immédiatement relâchés. La vilénie de Jingle est alors exposée au grand jour.

26. De retour à Londres, Pickwick envoie Sam payer son loyer à Mrs Bardell, signifier son congé et sonder la veuve sur les suites qu'elle entend donner à sa plainte. Elle n'a nullement changé d'avis et est bien décidée à aller jusqu'au procès.

Dixième partie (janvier 1837)

27. Sam se rend au Marquis of Granby à Dorking pour y voir son père Tony et sa belle-mère. Il y trouve aussi Mr Stiggins, guide spirituel de Mrs Weller, qui passe son temps au pub et emprunte sans cesse de l'argent à Mr Weller. Sam conseille à ce dernier de se débarrasser de cet individu, mais se voit opposer un refus fondé sur son incompréhension des subtilités du mariage.

28. Les Pickwickiens vont à Dingley Dell pour y passer la veillée et le jour de Noël, emportant dans leurs bagages une grosse morue et plusieurs tonneaux d'huîtres. Ils y fêtent le mariage d'Isabella Wardle et de Mr Trundle, participent aux festivités de saison, jeux de société, libations à la santé générale et embrassades sous le gui.

29. À la fin de la veillée, Mr Wardle raconte l'histoire des « Lutins voleurs de bedeau » (The Goblins Who Stole a Sexton).

Onzième partie (février 1836)

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30. Noël : le gel est au rendez-vous et la joyeuse compagnie se prépare à aller patiner sur la glace. Arrivent deux étudiants en médecine, Benjamin Allen, frère d'Arabella que Mr Winkle dévore des yeux, et Bob Sawyer. La chirurgie est évoquée au petit-déjeuner ; Bob Sawyer fait des prouesses sur la glace où Mr Winkle s'avère si incapable que Mr Pickwick le traite de « fumiste » (humbug). Pickwick lui aussi s'y essaie, réussit quelques glissades puis tombe sous la glace qui a cédé d'où on l'extirpe trempé. Enfin, les convives se séparent et Bob Sawyer invite Mr Pickwick à une fête de célibataires chez lui à Londres.

31. De retour à Londes, Winkle, Snodgrass, Tupman et Sam Weller reçoivent de Dodson and Fogg des citations à comparaître en qualité de témoins pour Mrs Bardell. Mr Pickwick, ulcéré par le manque de scrupule de ces hommes de loi, déclare à Perker qu'il ne donnera pas un sou pour se rendre à leur cabinet, quoi qu'il arrive au procès fixé au 14 février. Perker le rassure, la meilleure stratégie de défense possible est prête et Serjeant Snubbin l'assistera à la cour, ce à quoi Pickwick consent à une condition dont il fait part à l'intéressé : que Snubbin soit convaincu de son innocence.

32. C'est la fête chez Bob à Lant Street ; les Picwickiens s'y amusent si bruyamment qu'au petit matin, le voisinage est aux abois et Mrs Raddle, la logeuse, déjà aigrie par les loyers impayés, met tout le monde à la porte.

Douzième partie (mars 1837)

33. Sam compose un poème de la Saint-Valentin pour Mary, la bonne des Nupkin, qu'il signe du nom de Mr Pickwick. Tony le convainc de l'accompagner à une association recommandant la tempérance (The United Grand Junction Temperance Association) pour y prouver l'hypocrisie de Stiggins, en état d'ébriété avancée.

34. Le procès opposant la veuve Bardell et Mr Pickwick a lieu le jour de la Saint-Valentin. Les témoins ayant vu Mrs Bardell dans les bras du prévenu s'avèrent dangereux tant ils sont facilement manipulés par les avocats. Sam, à la fois évasif et malin, fait de son mieux pour venir au secours de son maître. Le jury tranche en faveur de Mrs Bardell et lui accorde 750 £ de dommages et intérêts dont Mr Pickwick jure de ne jamais s'acquitter.

Treizième partie (avril 1837)

35. Mr Pickwick prend la résolution de se rendre à Bath. En chemin, il rencontre Mr Dowler qui le présente au maître de cérémonie de la grande salle des pas perdus des thermes (Assembly Room), Mr Angelo Cyrus Bantam, M. C., aux allures de dandy[N 10].

36. Les Pickwickiens et Mr Dowler s'installent ensemble dans un immeuble de l'avenue Royal Crescent où, dans un tiroir, Mr Pickwick tombe sur un manuscrit intitulé « La véritable légende du prince Bladud » (The True Legend of Prince Bladud). Tout le monde est au lit, sauf Mrs Dowler, encore à une soirée, d'où ses cochers la ramènent à trois heures du matin, ce qui réveille Winkle. Il va ouvrir la porte que le vent violent referme aussitôt et il se retrouve dehors en chemise de nuit avec la dame. Les occupants de la maison finissent par se réveiller à leur tour et Dowler s'en prend à Winkle qu'il accuse d'enlever sa femme et qu'il poursuit en pleine nuit dans l'avenue.

37. Sam est invité à une soirée (« a swarry ») de valets bouffis de prétention et de condescendance, où sa langue acérée, sertie de quelques épithètes bien senties, dégonfle ces baudruches chamarrées. Le lendemain matin, Pickwick lui apprend que Winkle a disparu et lui demande de partir à sa recherche.

Quatorzième partie (mai 1837)

38. Winkle est à Bristol où il est descendu à l'Auberge du buisson (Bush Inn). Lors d'une promenade en ville, il tombe sur Bob Sawyer qui y fait profession d'apothicaire. Les deux compères sont rejoints par Benjamin Allen et passent leur journée à boire. De retour à l'auberge, Winkle qui, entretemps, à appris la présence en ville d'Arabella, la sœur de Benjamin, trouve Dowler, venu tout contrit implorer le pardon et la réconciliation. Sam arrive à son tour et insiste pour ramener Winkle à Bath, mais ce dernier le persuade de rester à Bristol pour y rechercher la jeune Arabella Allen.

39. Pickwick apprend les va-et-vient de Winkle et se lance lui aussi à la recherche d'Arabella. Sam rencontre l'ancienne bonne des Nupkin, Mary, qui vient de se placer à Bristol, et elle lui apprend qu'Arabella est gardée au secret dans une maison avoisinante. Il grimpe sur un poirier pour la voir lors de sa promenade du soir dans le jardin, réussit à lui parler et met au point un rendez-vous avec Winkle pour le lendemain soir. En fait, Winkle s'y rend, mais accompagné de Pickwick et de Sam. Il finit par s'entretenir avec Arabella mais les trois compères doivent s'enfuir précipitamment lorsqu'on les prend pour des marauds dans l'obscurité de la nuit.

40. Les voilà de retour à Londres et Pickwick est arrêté sur ordre de l'officier judiciaire (sheriff) ; Perker lui conseille de payer l'amende infligée, mais il s'oppose à enrichir la firme Dodson and Fogg et préfère être incarcéré à la prison de la Fleet (Fleet prison).

Quinzième partie (juillet 1837)

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41. Pickwick est en prison, horrifié par l'état des cachots où certains détenus sont gardés. Lui loue un lit au gardien et est réveillé en pleine nuit par trois prisonniers ivres. Il s'agit de Mivens, Smangle et d'un troisième homme sans nom qui le persuadent d'acheter de l'alcool et des cigares.

42. Le lendemain matin, il est consigné dans une cellule étroite et sans air, qu'il partage avec deux ivrognes, un pasteur de l'église et un boucher. Il apprend qu'il peut se payer une chambre à part, il loue celle d'un prisonnier pour 1 £ par semaine et donne 27 shillings au gardien, Mr Roker, pour un peu de mobilier. Puis il part en reconnaissance et visite les quartiers de ceux qui ne peuvent se loger à leurs frais. Là, il tombe sur Jingle et Job Trotter, et pris de compassion, il donne de l'argent à Trotter, retourne dans sa chambre et renvoie le fidèle Sam pour la durée de son incarcération.

43. Sam demande à son père de porter plainte contre lui pour qu'il soit arrêté pour dettes, et le voilà bientôt de retour à la prison de Fleet avec tout un entourage de cochers. Pickwick offre son aide pour rembourser le créditeur, au grand dam de Sam qui refuse sous le prétexte que par principe il ne saurait enrichir un méchant homme.

Seizième partie (août 1937)

44. Les Pickwickiens visitent la prison. Winkel annonce qu'il doit s'absenter pendant quelque temps et qu'il aurait bien aimé être accompagné de Sam, ce que son statut de prisonnier rend impossible.

45. Tony Weller, Susan et Stiggins rendent visite à Sam Stiggins se restaure au bar de la prison puis se met à sermonner Sam. Pickwick emmène Sam voir Jingle et Trotter et Sam apprend que son maître, cet « ange en collants et guêtres » (« angel in tights and gaiters »)[58], lui a fourni une chambre, de la nourriture et des vêtements. Telle est la déréliction de la prison que Mr Pickwick, au désespoir, décide de rester confiné en ses appartements, ce qu'il fait pendant trois mois.

46. Trois mois se sont donc écoulés. Vers la fin juillet, Mrs Bardell et plusieurs de ses amis s'en vont prendre le thé chez « Les Espagnols de Hampstead » (The Spaniards of Hampstead). Alors qu'ils devisent joyeusement, apparait Mr Jackson, de la firme Dodson and Fogg, dont la mission est d'emmener Mrs Bardell à un rendez-vous. En réalité, il la conduit à la prison de la Fleet où elle se voit consignée pour n'avoir réglé les frais consécutifs au procès. Pickwick et Sam assistent à cette incarcération : Pickwick se détourne sans un mot, mais Sam envoie chercher Perker.

Dix-septième partie (septembre 1837)

47. Le lendemain matin à 10 heures, Perker arrive à Fleet Street et explique à Mr Pickwick que lui seul peut sortir la veuve Bardell de prison. Mr Pickwick n'en a nulle envie, mais Perker lui fait miroiter le fait qu'il sera reconnu comme ayant été celui qui a révélé au monde les fâcheuses pratiques de Dodson and Fogg. Il lui montre une lettre de Mrs Bardell qui l'absout de toute culpabilité et accuse le cabinet d'avocats d'avoir tout manigancé. Voici Winkle et sa nouvelle fiancée, Arabella Allen, qui eux aussi ont besoin de Mr Pickwick pour intervenir en leur faveur auprès de Mr Winkle père et aussi de Benjamin Allen. Enfin, Mr Pickwick se laisse convaincre de payer les dépens et peut quitter la prison. Il en profite pour faire libérer par la même occasion Job Trotter et Jingle.

48. Bob Sawyer et Ben Allen ont un plan : si Bob épouse Arabella, il sera financièrement tiré d'affaire ; hélas, la nouvelle du mariage d'Arabella leur parvient et Ben en est ulcéré. Il y faut toute la persuasion de Pickwick et une bonne dose d'alcool pour que les deux amis acceptent la future union. Il est décidé qu'Allen accompagnera Mr Pickwick ors de sln entrevue avec le père de Winkle.

49. De retour à l'auberge, Pickwick rencontre pour la deuxième fois le chiffonnier borgne qui lui raconte « l'Histoire de l'oncle du chiffonnier » (The Story of the Bagman's Uncle)

Dix-huitième partie (octobre 1837)

50. Le lendemain matin, Pickwick, Sam, Bob et Ben sont en route pour Birmingham où habite Mr Winkle père. Après de fréquents arrêts pour boire et manger, ils arrivent enfin et annoncent la nouvelle du prochain mariage ; Mr Winkle ne montre aucune émotion et reste de marbre, ce qui déçoit et fâche les voyageurs qui reprennent la route pour Londres.

51. Une pluie torrentielle les oblige à descendre à l'auberge « La Tête du Sarrasin » (The saracen's Head) à Towcester. Ils y trouvent Pott, le rédacteur-en-chef de la « Gazette d'Eatansville », et Slurk, responsable du journal rival, « L'Indépendant d'Eatansvile ». S'ensuit une violente bagarre à laquelle Sam met fin non sans mal.

52. Londres : Sam apprend que la seconde femme de son père est morte, il se rend auprès de lui pour lui apporter du réconfort. Tony raconte à son flls que Susan avait compris avant de mourir que la religion lui avait fait du mal, avait gâché sa vie et leur mariage. Il explique que depuis son veuvage, il est harcelé par une cohorte de veuves essayant d'attirer ses attentions. Stiggins s'enquiert de savoir ce que la morte lui a laissé et refuse de croire qu'il n'est pas mentionné dans son testament. Sur quoi Tony le prend par le collet, le soulève et le jette dehors dans une auge pour chevaux.

Dix-neuvième et vingtième parties (novembre 1837)

53. Le lendemain matin de bonne heure, Pickwick se rend dans le bureau de Perker où il reçoit avec plaisir la gratitude de Jingle et de Job Trotter en partance pour les Indes occidentales (West Indies). Arrivent Dodson and Fogg qui, très courtois, réclament leurs honoraires. mais la colère monte en Pickwick qui les poursuit en leur criant « Voleurs ! », et c'est grandement soulagé qu'il s'en revient.

54. Wardle apprend que Snodgrass et sa fille Emily se sont épris l'un de l'autre, ce qui l'ennuie beaucoup et l'irrite au plus haut point. Finalement, il se laisse convaincre d'accepter l'union projetée.

55. Sam Weller accompagne son père Tony au cabinet de Salomon Pell, l'avocat exécuteur testamentaire de Susan. Elle a légué 200 £ à Sam et le reste de ses biens à Tony. Pell donne sa sanction juridique au testament et c'est le courtier Wilkins Flasher qui liquide les fonds. Tony se retrouve avec la coquette somme de 1 180 £.

56. Il remet cet argent à Mr Pickwick en le priant de bien vouloir le gérer, ce que Pickwick refuse dans un premier temps, puis se ravise, rappelle Tony, l'entretient de l'affection que son fils porte à Mary et se déclare prêt à leur monter une affaire. Sam, cependant, confirme sa détermination de demeurer à son service. Pendant ce temps, Me Winkle père se rend anonymement chez sa future belle-fille qu'il trouve absolument charmante, ce qui, du coup, le réconcilie avec son fils.

57. Pickwick décide de mettre un terme à ses voyages. Le Pickwick Club est dissout ; Pickwick s'installe dans une maison de Dulwich où bientôt, avec tous les amis rassemblés dans le jardin, sont célébrées les noces de Snodgrass et d'Emily Wardle. Puis c'est au tour de Sam de convoler avec Mary et d'avoir des enfants tout en restant fidèlement au service de Mr Pickwick. Les Winkle, quant à eux, sont installés dans le voisinage où Mr Pickwick est connu de tous et unanimement respecté.

Récapitulation

L'itinéraire des Pickwickiens

L'itinéraire géographique

À suivre la trace des voyageurs, il est facile de reconstituer leur itinéraire. Partis de Londres, ils se rendent d'abord à Rochester, puis reviennent à Londres. De là, ils partent pour Cobham, elle aussi dans le Kent, puis sont de retour dans la capitale. Leur voyage se poursuit à Eatansville, puis à Bury St Edmunds située dans le comté voisin, le Suffolk et ils regagnent à nouveau Londres. Ensuite, c'est à Ipswich, chef-lieu du même comté, qu'ils se retrouvent, d'où ils retournent à Londres. Sam se rend à Dorking, à environ 40 km au sud de Londres dans le Surrey, et les Picwickiens repartent pour Dingley Dell, c'est-à-dire à nouveau près de Rochester dans le Kent, puis reviennent à Londres. Interviennent alors l'expédition de Bath au sud-ouest dans le comté de Somerset, l'escapade à Bristol à la limite du Gloucestershire, puis le retour à Londres et l'incarcération a prison de la Fleet. Après quoi, ils vont à Birmingham au centre de l'Angleterre dans les Midlands de l'Ouest, reviennent à Londres, et pour finir, Mr Pickwick se retire à Dulwich au sud de la capitale.

Ainsi, chaque voyage est en général suivi d'un retour à Londres qui sert de base pour de nouvelles aventures. Plutôt qu'un itinéraire suivi, il s'agit donc d'une sorte de rayonnement à partir de la capitale. La première étape se situe dans le Kent où Dickens a passé la meilleure partie de son enfance et où il cherchera toujours à revenir. Les autres conduisent les Pickwickiens dans les comtés voisins, à une quarantaine de kilomètres, parfois un peu plus, comme celle de Bury St. Edmonds, il est vrai découpée par l'étape d'Eatansville (qui n'est sans doute autre que Norwich dans le Norfolk). Le voyage de Sam à Dorking est d'environ 31 km. Les expéditions les plus lointaines sont celles qui mènent vers l'ouest et le sud-ouest (environ 145 km), et aussi celle de Birmingham (environ 165 km).

L'itinéraire moral

Chacun des lieux visités est soumis à une coloration particulière en accord avec les événements qui s'y déroulent, reflet en fait des états d'esprit du protagoniste qui changent au fur et à mesure de son évolution. Sur ce point, Londres est d'abord privilégiée, car c'est là qu'il est soumis aux plus rudes tests. Lors de leur départ pour Rochester, les Pickwickiens sont affligés d'une naïveté quasi infantile : du coup, ce qui se passe à l'est de la capitale se déroule sous le signe de l'innocence farceuse, dans la bonne humeur de l'eden que leur offre Dingley Bell. À Londres, lorsqu'on recherche Jingle, prévalent la malhonnêteté et la ruse. Dès lors, Dingley Bell n'est plus qu'un point d'attache occasionnel, l'innocence de Pickwick est bien entamée et il n'y retourne que pour se refaire une santé morale.

Les aventures suivantes se passent au nord-est. Là règnent la tromperie, celle des élections truquées d'Eatansville, de la fausseté de la soirée de Mrs Leo Hunter, de la mauvaise plaisanterie de Bury St. Edmonds, des embrouilles des Nupkins à Ipswich. C'est pendant ce voyage que Pickwick est obligé de retourner brièvement à Londres où l'attendent de nouvelles avanies, la chicanerie judiciaire et le coup-monté d'un procès.

Il est temps de se ressourcer, et c'est le bref retour à Dingley Bell pour Noël, qui recharge le cœur de Mr Pickwick, en manque de confiance en la bonté humaine.

Londres l'appelle à nouveau où triomphe l'imparable tricherie juridique. Une nouvelle diversion est nécessaire, que procure le voyage à Bath où, cependant, sévit un autre fléau, le snobisme de tous les étages de la société. Mais voici un nouveau et noble défi : il faut aider Winkle et son honnête passion pour sa bien-aimée. Dès lors, le roman bascule, la tromperie recule et la vertu si longtemps mise à mal gagne en importance et même en pouvoir. Londres et sa sinistre prison ne triomphent pas de la bonté de ses nouveaux occupants : Pickwick et Sam, à eux seuls, humanisent ce lieu de malheur, l'un des plus repoussants, dangereux et tristes qui soient. Pickwick, que conforte la fidélité de son valet, peut donner libre-cours à la charité qui l'habite. Du coup, à sa sortie, Londres paraît moins nocive et moins sinistre.

La métamorphose finale

Finalement, l'aventure vers l'ouest et le nord-ouest va conforter la métamorphose. Le but du voyage est valeureux, Bristol et Birmingham ne servant qu'à promouvoir une fois de plus le doux sentiment qu'incarnent les jeunes Winkle. Après cela, Londres cesse ses menaces et même se fait accueillante : là se concluent les amours ébauchées, les unions longtemps souhaitées ; là se réfugie Mr Pickwick et ses compagnons, dans un quartier en lisère, en soi anodin, Dulwich, pas encore englobé dans la capitale. Au fur et à mesure que Mr Pickwick a changé, la capitale s'est faite plus humaine. L'expérience est venue et elle n'a fait que renforcer l'innocence première, désormais débarrassée de sa naïveté. La couleur des lieux a évolué au gré des progrès de Mr Pickwick et aussi de ses compagnons qui, malgré leurs maladresses, leurs éclats ou leurs excentricités, finissent en bons citoyens ordinaires[59].

Cette métamorphose des lieux, colorés par les états d'âme du personnage principal, porte un nom que la critique accorde volontiers, d'après John Ruskin, aux descriptions romantiques : il s'agit de la pathetic fallacy[60], l'attribution à la nature de sentiments humains, comme le traduit le dictionnaire Larousse[61].

Les auberges fréquentées

Les histoires intercalées

En tout, neuf histoires parsèment le roman[62]. La première est celle du mime John, The Stroller's Tale, qui meure d'alcoolisme et maltraite sa famille. Puis se raconte celle de John Edmunds, le forçat, The Convict's Return, responsable repenti de la mort de ses parents. Elle est suivie par l'histoire de l'auteur fou, The Madman's Manuscript, qui se venge de l'indifférence de sa femme sur elle et son frère. Plus héroïque est celle du The Bagman's Tale, dont le protagoniste sauve une veuve innocente des griffes d'un voyou. Puis vient celle du maître d'école Nathaniel Pipkin, The Parish Clerk, dont le héros perd Maria Lobbs et son héritage pour l'amour d'une belle cousine de Maria.

(à suivre)

Contexte et sources

La mode des histoires sportives

Les magazines spécialisés

John Gilpin (William Cowper), illustration de Randolph Caldecott.

La richesse induite par la Révolution industrielle aidant, la classe moyenne urbaine gagne en pouvoir sur la noblesse de province, la gentry, et en adopte peu à peu les loisirs campagnards : la chasse, en particulier, devient un « emblème de ce changement » (« an emblem of this shift of power »)[63]. Les journaux se plaisent à raconter les aventures et les mésaventures des chasseurs de renard : deux périodiques rivalisent même d'ardeur, The Sporting Magazine, créé en 1792 et adonné à la plume de « Nimrod », alias Charles James Apperley, et le New Sporting Magazine[64], fondé en 1831 par R. S. Surtees qui crée un nouveau type de héros, Jorrocks, l'épicier dont la passion et l'adresse pour le renard égale celle de ses nobles prédécesseurs, mais non l'élégance du propos et la vulgarité du comportement[63].

D'autres périodiques préfèrent ridiculiser cette classe moyenne en quête de beau loisir en la dépeignant dans toute sa maladresse de néophyte : ainsi le succès du poème déjà cité de William Cowper, John Gilpin (voir Hablot Knight Browne), qui raconte les mésaventures d'un drapier dont le cheval s'emballe lors d'une excursion familiale. Il y en a d'autres, comme Epping Hunt de Thomas Hood, dont le pauvre héros, autre épicier, n'est pas loin de se faire empaler au lieu du cerf qu'il convoîte[63]. C'est ce qu'il est d'usage à l'époque d'appeler le genre Cockney, le nom signifiant simplement « élevé à Londres » et ne désignant pas encore la classe ouvrière des quartiers est[65].

Un genre graphique en parallèle

En parallèle, le genre graphique connaît lui aussi un essor ; après Thomas Rowlandson au siècle précédent, James Gillray au début du XIXe[63], Cruickshank dans son Almanach comique (Comic Almanach), John Poole dans The New Monthly Magazine (1814-1884), Robert Seymour lui-même dans une série d'illustrations des Maxims and Hints for an Angler, and Miseries of Fishing de Richard Penn (1833)[66] s'y sont essayés non sans succès[67]. Il en est d'autres, comme les aventures sportives, déjà citées, de l'épicier londonien dépeint par Robert Smith Surtees (1805-1864)[68]. DIckens connaît toutes ces publications et d'ailleurs, à la suggestion de son éditeur, il accepte, quoique sans enthousiasme, d'inclure le personnage de Nathaniel Winkle dans son The Pickwick Papers en hommage au concepteur initial de la série[67].

Le ridicule et la découverte de soi

Ce genre « parle » à Dickens, écrit David Parker, parce qu'il concerne, comme ses Sketches by Boz, la mobilité sociale, sujet auquel, il l'a rapidement compris, il peut associer celui de l'acquisition de la sagesse. Ainsi, sa nouvelle fable concerne bien l'avancée de la classe moyenne, mais aussi sa propre découverte par elle-même (its self-discovery)[69]. Les Pickwickiens ont donc vocation à se rendre ridicules, mais bien au-delà des activités campagnardes (country pursuits) traditionnellement raillées, et aussi, à la différence de leurs ascendants, celle d'apprendre à en tirer la leçon : ces personnages, en effet, et c'est là l'originalité de Dickens, sont destinés à changer[70], ce qui rend, en définitive, leur appartenance sociale secondaire. Quelles ont été les affaires de Mr Pickwick dans sa vie antérieure reste inconnu et le statut des autres membres du club n'est indiqué, en guise de présentation au chapitre 1, que par des allusions obliques, leur nom, bien roturier, et le fruit des recherches géographiques antérieurement menées par Mr Pickwick, Hornsey, Highgate, Brixton et Camberwell[71].

Autre différence : si l'ambition des pseudo-héros de William Cowper ou de Hood reste très limitée, une promenade à cheval aller et retour, la participation équestre à une chasse, Mr Pickwick, lui, s'avère d'emblée en quête de savoir érudit, s'érigeant en philosophe et exigeant des égards à ce seul titre, ce que ses proches amis, convaincus de partager sa marotte, lui accordent naturellement, même s'il demeure, est-il parfois insinué au début, matière à quelque progrès, « écouter son cœur plus que sa tête », par exemple, (« listen to his heart, less to his head »)[72].

Les proches compagnons eux aussi visent expressément l'excellence, de la séduction pour Mr Tupman, de la réussite poétique pour Mr Snodgrass, de la pratique sportive pour Mr Winkle. Pourtant, eux portent l'habit de l'emploi, ce qui laisse suspecter une certaine superficialité, alors que Mr Pickwick ne revêt pas les emblèmes du professeur ou du philosophe inspiré, indice, selon David Parker, de plus hautes ambitions à son égard[72].

L'influence des écrivains de XVIIIe siècle et du début du XIXe

Don Quichotte et Sancho Panza, par Daumier.

Le 3 décembre 1636, l'Athenaeum propose une recette : deux livres de Smollett, trois onces de Sterne, une poignée de Hook, et un « soupçon grammatical » (a gramatical dash) de Pierce Egan : deux écrivains du siècle précédent, dont les personnages voyagent avec truculence pour l'un et sentimentalité ironique pour l'autre, et plus contemporains, un auteur célèbre pour ses farces comiques et un écrivain-illustrateur spécialisé dans les aventures citadines qu'accompagne ses propres estampes. Les ingrédients recommandés sont donc l'aventure itinérante, le sentiment ironique, le sarcasme et l'ironie, l'observation graphique[67].

Dickens a certes tenu compte de ce conseil : la petite bibliothèque de son père comprend les grandes œuvres des siècles précédents[73], et il connaît Smollett, en particulier Roderick Random et Humphrey Clinker, Daniel Defoe et ses Robinson Crusoe et Moll Flanders, le Français Lesage et son Gil Blas de Santillane et aussi Le Diable boiteux[8] ; mais il l'a accommodé à sa façon : du XVIIIe siècle, il a plutôt imité Henry Fielding dont il a adapté la rhétorique héroï-comique, les aventures de la route, et aussi, pour reprendre la terminologie de Kingsley, le genre comic romance (roman comique sentimental) parsemant Joseph Andrews et Tom Jones[74], sans pour autant négliger la veine pathétique que lui a apprise la lecture du Vicar of Wakefield d'Oliver Goldsmith, auquel son rendu des scènes de prison doit beaucoup[8].

En deça du XVIIIe siècle, le grand maître reste Cervantes et ses motifs fondateurs : le maître d'innocence accompagné du valet d'expérience, que reproduit, d'après le prototype Don Quichotte-Sancho Panza, la paire Pickwick-Weller, et aussi les clubs, duels, aventures nocturnes et autres éléments « devenus passe-partout » (stock motifs)[75]. Bien d'autres grands antécédents peuvent être relevés : d'après Paul Schlicke, la satire contre Nupkins est « shakespearienne », celle qui affecte Stiggins est « johnsonienne » (Dr Johnson, 1709-1784), et même Washington Irving (1783-1859) est convoqué pour les vieilles diligences et les célébrations de Noël : de tous ces ingrédients, ajoute-t-il, « Dickens a réalisé un mélange éminemment dickensien » (« the mixture was distinctively Dickens's »)[75].

L'expérience personnelle de Dickens

La belle Caroline Norton (Frank Stone).

À bien des égards, cependant, Dickens n'a trouvé de modèle qu'en lui-même. Robert L. Patten souligne qu'il utilise comme décor les lieux qu'il a connus enfant, journaliste ou clerc d'avocat[73]. L'emprisonnement de son père pour dettes en 1824 lui a rendu l'univers carcéral familier ; ses chroniques au Morning Chronicle le jettent au contact de l'actualité quotidienne : ainsi, l'altercation entre Mr Pickwick et Blotton du premier chapitre s'appuie sur des joutes oratoires entendues au parlement entre Canning et Brougham[76] ; les démêlés électoraux d'Eatansville se nourrissent des fraudes de Sudbury en 1835[77] et celles d'Ipswich[78]qui ont enflammé la chronique en mai 1836 ; la scène du procès rappelle son propre compte-rendu du scandale Norton-Melbourne, rendu notoire par la célébrité du prévenu, le Premier ministre Lord Melbourne en personne, poursuivi pour adultère par l'Honorable George Chapple Norton, avocat, parlementaire[79], mais aussi mari abusif de Caroline Norton, petite-fille de Richard Brinsley Sheridan et grande figure, par sa beauté, son intelligence et sa culture, des salons londoniens[80]. Ses personnages, outre les modèles du siècle précédent, empruntent beaucoup au théâtre comique à la mode, par exemple à The Boarding House (« La Pension de famille »), farce déjà ancienne qui tient la rampe avec alacrité[73], et même les Wardle ressemblent à des stéréotypes de comédie, le père de famille au tempérament carré, les filles à marier, la tante vieille fille jalouse[76]. Enfin, certains des noms choisis figurent sur les pierres tombales de Chatham ou sur les livres de compte de Ellis and Blackmore, d'anciens employeurs[73].

De plus, comme le souligne John Sutherland, la technique de la publication échelonnée de mois en mois, qu'il inaugure vraiment avec The Pickwick Papers[81], lui apporte d'emblée le souffle et le cadrage dont il a besoin. John Sutherland explique, en effet, que le commerce du libre est en chute dans les années 1830, le réseau des distributeurs s'est rétréci, les libraires ferment boutique. Avec la publication mensuelle, la distribution du livre passe aux mains du système journalistique couvrant tout le territoire, qui assure ainsi, grâce aux puissantes librairies ambulantes (circulating libraries), des livraisons à domicile touchant tous les foyers : avantage certes, mais contraignant pour l'auteur qui, mois après mois, se doit de passionner, de créer l'attente et à qui aucune faiblesse n'est pardonnée. De plus, le format dit « magazine » crée d'autres obligations : nombre de pages strictement limité, une certaine dose d'actualité, même si elle est camouflée par un recul chronologique, des références complices. Tout cela, écrit Adam Roberts, fait qu'avec The Pickwick Papers de Dickens, le lecteur devient l'un des maîtres d'œuvre de l'architecture de l'imaginaire. L'humour, par exemple, ne peut fonctionner que s'il est « reconnu », les personnages ne sont acceptés que dans la mesure où ils correspondent, même s'ils ont vocation à évoluer, à des types déjà identifiés, etc.[82].

Enfin, comme le signale encore Adam Roberts, certains de ses contemporains, Thackeray, Bulwer-Lytton, Wilkie Collins en particulier, lui donnent, sans qu'il s'en rende toujours compte, du grain à moudre, encore que, ajoute-t-il, son génie propre sache comme naturellement faire du Dickens de tout, tant « son génie » a su d'emblée, et notoirement avec The Pickwik Papers « se tailler une place résolument à part dans le roman de son temps » (« Dickens's own genius, in a significant sense, sets him apart from the novel of his age »)[83]. En fait, écrit Robert L. Patten, « Ce ne sont pas les sources, mais la sauce piquante, qui est restée plutôt rebelle à l'analyse » (« It is not the sources, but the sauce piquante, that has remained relatively impervious to analysis »)[73].

La manufacture du roman

De quoi ce premier roman, qui, d'après G. K. Chesterton, « essaie de raconter dix histoires à la fois » (« He tries to tell ten stories at once »)[84], est-il fait ? Dickens, écrit Chesterton, met au pot les fantasmes et les expériences de son enfance, insère des nouvelles sans réel rapport avec son propos, commence des épisodes et les laisse inachevés. Pour autant, précise-til encore, il a une vision, « C'est la vision de l'univers dickensien, le dédale de routes blanchies, la carte bourrée de villes fantasmagoriques, les voitures tonitruantes, les marchés résonnant de clameurs, les auberges en furie, d'étranges silhouettes fanfaronnes. Telle est la vision de Pickwick » (« It was the vision of the Dickens world — a maze of white roads, a map full of fantastic towns, thundering coaches, clamorous market-places, uprorious inns, strange and swaggering figures. That vision was Pickwick »)[84]. De plus, au fur et àmesure de son avancée, le livre monte en puissance et en maîtrise (powerful and masterly). C'est un roman, une épopée, un déferlement d'imagination, et aussi un livre de sagesse, composantes parfois héritées de la tradition, le plus souvent originales et dont l'amalgame, selon Chesterton, reste unique en son genre[85].

La composante d'origine picaresque

Les Pickwickiens aux prises avec le cocher combattif.

Du roman picaresque[86], The Pickwick Papers possède beaucoup des ingrédients : une aventure routière qui convoie des passagers d'auberge en auberge dans des villes où le hasard, plus souvent que leur choix, les jette sans qu'ils n'y puissent mais ; un couple central moulé sur le prototype cervantesque, le maître et son valet, l'un innocent et l'autre futé ; des rencontres de passage dont certaines s'agglutinent au groupe ne serait-ce que le temps d'une étape ; des digressions sous la forme de nombreuses histoires rapportées[87].

Le modèle diverge, cependant, puisque le picaro et sa suite n'émanent pas d'une société ouvertement marginale ou délinquante, ni ne se fient pas à la ruse ou la tromperie pour se tirer d'affaire ; de plus, ce n'est pas le héros qui raconte sa propre histoire, mais un narrateur facétieux dont les intrusions ne cessent d'orienter le lecteur. D'autre part, si satire et humour il y a bien, ils s'exercent certes aux dépens de l'environnement rencontré, mais surtout à l'encontre des protagonistes que la maladresse ou la naïveté placent en porte-à-faux par rapport aux personnes croisant leur chemin. Ainsi, ce sont eux qui, le plus souvent, se retrouvent dans des situations critiquables ou ridicules. La deuxième scène, c'est-à-dire la première du voyage, présente déjà le schéma qui va se répéter d'épisode en épisode[88] : Mr Pickwick croit opportun, en effet, de commencer ses observations dans la voiture de louage conduisant le groupe au terminus de Rochester, et ses questions innocentes reçoivent des réponses narquoises ou grotesques qu'il prend pour argent comptant : le cheval a quarante-deux ans, etc., tant et si bien que le cocher se fait bientôt soupçonneux, se demandant s'il n'a pas embarqué des espions à l'affût des abus commis par la profession.

Le Dr Slammer aux prises avec Jingle (Robert Seymour).

L'ultime recours s'offrant à Pickwick est en soi une suprême humiliation : un compagnon de voyage mal habillé mais apparemment avisé, qui remet chacun à sa place : « Voilà, n° 924, prends tes sous et disparais, et quant à vous, honorés messieurs, […] assez de vos sottises… » (« Here, No. 924, take your fare, and take yourself off — respectable gentlemen […] none of your nonsense »)[89],[88]. Et comme à Rochester, Mr Winkle est à son tour victime d'un irascible médecin militaire, l'étranger secourable les tire encore d'affaire, mais, comble de colère et nadir de l'humiliation, il n'est, apprennent-ils, qu'un acteur itinérant qui les a dupés par son génie de la métamorphose et la virtuosité de son bagout, les deux brillamment adaptés à chaque situation et chaque interlocuteur (chapitre 3).

Quels personnages Dickens a-t-il donc choisis ? Quatre fumistes (humbugs) d'âge mûr : un chef irascible en la personne d'un pseudo savant binoclard au teint rubicond et à la dégaine bedonnante, bardé d'un juste-au-corps et de guêtres, qui plus est célibataire endurci armé d'un télescope inutile que chamboule la seule perspective de montrer un bonnet de nuit à une dame. Pour compagnons, s'agitent un inepte adepte de la chasse, un poète sans poème et un amant de pacotille[90]. Dans ces conditions, en effet, rien d'étonnant à ce que le tout premier épisode suffise à révéler ces Pickwickiens pour ce qu'ils sont, des incompétents mal lotis, en dépit de leurs prétentions, pour affronter le monde qu'ils rencontrent, ici un cocher dont l'étroitesse d'esprit « prolétarienne » paraît une énigme et un officier que régit un indéchiffrable code protocolaire. Les héros ne doivent leur salut qu'à l'expertise d'un simulateur sans rang ni conscience (« low class and consienceless »)[88], un vulgaire « Jingle », mystificateur de métier impudent, que Dickens utilise comme joker dès le second numéro et tout au long de son épopée. À sa façon, comme Sam Weller, Jingle est devenu indispensable, son rôle s'est affermi ; créateur d'événements et catalyseur de révélations, le pantin se mue peu à peu en maître à « faire penser »[91].

Malgré tout, une qualité picaresque de choix demeure en Mr Pickwick, écrit Robert L. Patten, que le valet Sam Weller résume à sa façon imagée : « Grâce soit rendue à ses vieilles guêtres. Grâce me soit rendue si je n'pense pas que son cœur est né vingt-cinq ans après son corps, au moins » (« Bless his old gaiters. Blessed if I don't think his heart must ha' been born five-and-twenty years arter is body, at least! »). Sam, ici, rend hommage à la jeunesse d'esprit (youthful spirit) de son bouffon de maître, et, ajoute Patten, une bonne partie de l'humour de ce roman réside dans la disparité entre cet esprit et la rotondité du contenant. Mais c'est cette jeunesse d'esprit qui lance le retraité sur les routes, preuve qu'il s'agit là bien plus qu'un simple procédé comique[92].

La composante populaire : Sam Weller

Mr Pickwick et Sam Weller.

Dans la mesure où les Pickwickiens, et singulièrement leur mentor, sont incapables d'observer correctement le monde qu'ils se sont donnés pour mission d'analyser, l'Angleterre du début du siècle n'apparaît d'abord qu'a contrario, par l'envers des déboires qu'inflige leur incompétence. Il faut attendre l'arrivée de Sam Weller pour que les choses soient enfin vues à l'endroit et que s'explique l'absurde dans lequel personnages et lecteurs sont immergés. Il y a là un paradoxe que souligne G. K. Chesterton : Sam Weller, un valet, donne du sérieux à l'histoire. Outre le fait qu'il supplante en humour Mr Pickwick qui devient sa principale cible, il rend tout son crédit à l'intrigue parce qu'à lui seul, il y introduit sa composante essentielle : le peuple anglais (« Sam Weller introduces the English people »[93].

Sam Weller est en effet, ajoute Chesterton, le grand symbole de la populace anglaise : « son flot incessant de saines insanités » (« His incessant stream of sane nonsense »), cette ironie permanente, cette « divine dérision » appartiennent au petit peuple (the English poor) et il incarne l'esprit de la rue. Désormais, « le lecteur ne peut se contenter d'être seul à rire des gens maintenant qu'il a trouvé quelqu'un avec qui le faire » (« The reader cannot go on being content merely with people to laugh at when he has found some one he can laugh with »)[94]. De plus, à la différence des traditionnels couples maîtres-serviteurs comportant souvent un valet voyou et un maître grugé, ici, même si l'ironie de Sam s'exerce souvent à l'encontre de Pickwick, ni l'un ni l'autre n'est lésé par leur association : Weller n'a rien du filou et Pickwick reste un homme de bonne volonté. Ainsi, fait remarquer Chesterton, « Sam Weller représente en quelque sorte la connaissance joyeuse du monde et Pickwick l'ignorance encore plus joyeuse du même monde » (« Sam Weller stands in some ways for a cheerful knowledge of the world; Mr Pickwick stands for a still more cheerful ignorance of the world »)[95].

Chesterton trouve une autre vertu à cette association : dans ce livre dénué de pathos, explique-t-il, Sam Weller garantit en quelque sorte la sincérité du sentiment. Dickens ayant bridé sa compassion pour ne pas gâcher le flot de l'humour, point dans le livre une tendresse ailleurs inégalée : tant de complicité entre deux êtres si différents et devenus complémentaires ressemble à de l'affection, et Sam Weller touche au sublime lorsqu'il rend visite à son père après la mort de sa seconde femme. Aucun faux-semblant chez eux pour prétendre que la morte a été autre que ce qu'elle a vraiment été, une épouvantable mégère, explique Chesterton ; leur respect va à la mort et au mystère de la faiblesse humaine. Dans cette scène, écrit-il, « peut-être pour la première et la dernière fois, Dickens atteint à la dignité du pathétique. Il bride d'abord sa compassion, puis lui laisse libre-cours » (« He is restraining his compassion, and afterwards he let it go »)[95]. Le pathétique, ici, reste privé, « étroit » (narrow pathos), à la différence de ce qu'il devient plus tard, « publique, contagieux, comme du journalisme de rougeole » (« infectious, public, as if it were journalism of the measles »)[95].

L'unification thématique

Robert L. Patten souligne que dès le début se trouvent les germes d'une unification thématique : Dickens commence à la hâte, jette pêle-mêle des stérérotypes, des algarades de farce, une langue pas encore assurée [76], et il atteint à ce que Steve Marcus appelle une « transcendance […] une représentation de la vie […] cadrant avec la vision idéale des relations humaines en communauté » (« transendence […] a representation of life that fulfills that vision […] of the ideal possibilities of human relations in community »)[76].

(en construction)

La thématique du roman

« L'instinctive bienveillance chrétienne » (Robert L. Patten)

À Mr Pickwick, Jem Huxley fait remarquer que « Le matin du jour et le matin de la vie, c'est du pareil au même » (« The morning of day and the morning of life are but too much alike »)[92].

« L'éducation picaresque » (Robert L. Patten)

« Le triomphe de l'amour » (Robert L. Patten)

La manière d'écrire

Adaptations

Au théâtre

Trois adaptations scéniques voient le jour à Londres alors que le roman est encore en cours, l'une d'Edward Stirling[N 11],[96], une autre de William Leman Rede et la dernière de William T. Moncrieff[N 12],[97]. Ces pièces ajoutent certains épisodes à l'histoire, et seule la dernière connaît le succès, sans doute, pense Paul Davis, parce qu'elle inclut le personnage de Sam Weller que joue W. J. Hammond. Dickens s'insurge contre le plagiat, mais Moncrieff choisit de se défendre par la louange : l'émulation d'un si grand maître, le caractère désopilant des aventures, l'aspect primesautier de l'intrigue qui obligent à l'invention alors qu'il serait si agréable de puiser dans un matériau d'essence supérieure, etc.[98].

La « Pickwickmania », comme l'appelle Paul Davis, a suscité bien d'autres vocations que recense Philip Collins dans sa Cambridge Bibliography of English Literature de 1969, reprenant et complétant une liste établie en 1936 par William Miller dans le Dickensian sous le titre Imitations of Dickens. Le roman doit aussi à sa structure épisodique d'avoir servi de source pour de courtes pièces, sortes de sketches concernant, par exemple, l'affaire Bardell v. Pickwick mise en scène en 1871 par John Hollingshead d'après le rendu même qu'en faisait Dickens lors de ses lectures publiques, avec J. I. Toole en Buzfuz et Miss E. Farren en Sam Weller. Un Pickwick de Frank C. Reilley a connu une certaine célébrité en 1927-1928 sur les scène de Washington D. C., New York et Londres, avec le célèbre Charles Laughton dans le rôle principal. Une comédie musicale du même nom, écrite et composée par Cyril Ornadel et Leslie Bricusse, a commencé une belle carrière à Londres en 1963[98].

Au cinéma

Six films muets ont été proposés sur le thème de Pickwick, le plus réussi restant celui de Thomas Bentley de 1921, avec Frederick Volpe dans le rôle titre à auquel il était rompu pour l'avoir souvent tenu à la scène ; autre performance d'acteur dans ce film, celle de Bransby William en Buzfuz. Le seul film parlant traitant du sujet date de 1952 avec une mise en scène de Noel Langley et les principaux rôles dévolus à James Hayter (Mr Pickwick), Nigel Patrick (Jingle) et Harry Fowler (Sam Weller)[98].

À la télévision, la radio et en musique

Michael Pointer recense quinze adpatations télévisuellles du roman dans son Charles Dickens on the Screen de 1996[99]. La plus ancienne, 35 minutes extraites d'un opéra d'Anthony Coates, Mr Pickwick, date de 1936. The Pickwick Papers a aussi été le premier des romans de Dickens à être adapté par la BBC en 1952[100], en sept épisodes. En 1985, la même BBC en a proposé une nouvelle version en douze parties avec Nigel Stock dans le rôle de Mr Pickwick[101].

La radio en a offert de nombreuses versions, en particulier BBC7 avec Simon Cadell et Freddie Jones, diffusées les 25, 26 décembre 2007, les15 et 16 décembre 2008 et les 14 et 15 décembre 2009[102].

Anthony Hopkins a composé une The Pickwick Suite en 1952[103].

La comédie musicale Pickwick, d'abord mise en scène par Bernard Delfont, a commencé sa carrière le 3 juin 1963 au Palace Theatre de Manchester avec Harry Secombe en Mr Pickwick. Elle a ensuite été reprise le 4 juillet dans le West End au Saville Theatre jusqu'au 27 février 1965 après 694 représentations[104], dans une mise en scène de Peter Coe, une chorégraphie de Leo Kharibian, des décors de Sean Kenny et des costumes de Roger Furse. Le 4 octobre 1965, l'œuvre ouvre au Broadway Theater de New York dans une mise en scène du même Peter Coe, une chorégraphie de Lynne, et toujours avec Harry Secombe dans le rôle titre. L'un des chants les plus populaires de cette comédie musicale est If I Ruled The World[105].

Annexes

Notes

  1. John Macrone (1809-1837) meurt subitement en septembre 1837 peu après la publication. C'est pour aider sa veuve que Dickens a aidé à la réalisation de Pic-Nic Papers.
  2. Les amis en question sont ses confrères écrivains Ainsworth et Bulwer-Lytton.
  3. En réalité, ses dessins sont jugés favorablement, mais comme il n'est pas expert en gravure, il engage un professionnel qui le déçoit, la spontanéité n'y est plus, estime-t-il, et ses illustrations paraissent dénuées de vie et d'inspiration. Il les remet cependant, car la publication est imminente. La réaction de l'éditeur, sans ménagement, le chagrine jusqu'à la fin de ses jours, sans qu'il en tienne rigueur à Dickens lui-même qu'il admire et célèbre dans plusieurs de ses œuvres, dont le remarquable Dickens's Dream (« Le Rêve de Dickens »).
  4. Douze années plus tard, Thackeray explique indirectement pourquoi il n'a pas été retenu lorsqu'il avoue son « incapacité à dessiner un cheval, un chien ou quelque scène de chasse que ce soit » (« Il have not the slightest idea how to draw a horse, a dog, or a sporting scene of any sort »)
  5. L'anglais, à la différence du français, ne fait pas la différence entre l'orthographe du nom et celle de l'adjectif, tous les deux étant soumis à l'emploi de la majuscule.
  6. Dickens explique dans une note que cette théorie a été inspirée par un traité de John Hill intitulé Dissertation on Stittleback, et qu'elle lui sert pour parodier tout ce qui relève de la philosophie et de la science. À ce stade de l'histoire, en effet, Pickwick se complaît à traiter de sujets enfantins ou ridicules de manière si sérieuse que son public « pickwickien » est séduit par sa puissance de réflection et la profondeur de ses analyses. Certes, il a toutes les apparences d'un philosophe ou d'un savant, mais son absurde théorie sert, aux yeux de Dickens et des lecteurs perspicaces, à dégonfler une baudruche d'éloquence creuse, car du scientifique et du philosophe, il ne possède ni la rigueur, ni même l'ardeur au travail. L'intime conscience de sa supériorité intellectuelle, cependant, lui confère le droit, du moins à ses yeux, de s'octroyer le plaisir de contredire et même d'agacer ceux dont il n'approuve ni ne respecte les opinions ou les actes.
  7. L'adjectif anglais sportive, ici, désigne surtout la chasse et, à un degré moindre, la pêche, ce que reflète le frontispice conçu par Robert Seymour. Peut s'y ajouter, cependant, quelques exercices physiques comme, par exemple, la course à pied.
  8. Couleurs représentant les partis Tories et Whigs.
  9. fête champêtre est écrit en français et en italiques dans le texte.
  10. Comme son nom l'indique, une bantam étant une poule naine.
  11. Edward Stirling (1809-1894), dramaturge et directeur de théâtre, s'est fait une spécialité de monter des pièces tirées de l'œuvre de Dickens avant qu'elles ne soient complétées, souvent à son courroux, parfois à sa satisfaction.
  12. William T. Moncrieff (1794-1857) est surtout connu pour son Tom and Jerry, l'élection d'Eatansville et la grande parade du couronnement de la Reine. Il s'est trouvé en conflit avec Dickens, surtout après la parution de Nicholas Nickleby où il s'est cru directement visé au chapitre 48.

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Bibliographie

Texte

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Texte en français
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Ouvrages généraux

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Ouvrages spécifiques

Sur la vie et l'œuvre de Charles Dickens
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Sur The Pickwick Papers
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  • (en) Alex Woloch, The One vs. The Many: Minor Characters and the Space of the Protagonist in the Novel, Princeton, Princeton University Press, .

Articles connexes

Liens externes

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