Utilisateur:Calame/Brouillon

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Mahomet à la Ka'ba, visage effacé postérieurement à la réalisation. Miniature du Siyar-I Nabi, Istanbul, vers 1595.

La représentation de Mahomet, principal prophète de la religion musulmane existe dans le monde islamique et dans le monde occidental depuis le Moyen-Âge. Ses formes peuvent être variables, en particulier en raison des réticences vis-à-vis de l'image figurée présentes en terres d'Islam. Depuis 2005 et l'affaire des caricatures de Mahomet du journal Jyllands-Posten, plusieurs publications des caricatures de Mahomet ont déclenché des réactions violentes, allant jusqu'à l'homicide, et donnant à cette question une dimension dramatique.

Dans les textes musulmans[modifier | modifier le code]

La représentation de Mahomet est intimement liée, dans l'histoire, à celle de la représentation figurée dans son ensemble. Malgré quelques positions favorables à l'image, notamment de la part de personnages muʿtazilites aux IXe et Xe siècles, un consensus semble se faire, à la fois chez les sunnites et les chiites, en faveur d'une non-représentation dans les lieux de prière[note 1] de la figure humaine et animale, et donc, à celle du Prophète. Cette réticence vis-à-vis de l'image résulte d'une extrapolation d'un verset du Coran décrivant comme une abomination les « pierres dressées » (ansab), susceptibles de représenter des idoles et de favoriser le polythéisme. Et surtout, elle est justifiée par certains hadîths jugeant la représentation de la figure humaine impure car elle détourne l'attention lors des prières, immodeste car elle revient à se prétendre l'égal du Créateur, et favorable à la pratique de l'idolâtrie. Des nuances d'interprétation existent toutefois entre les différents théologiens[1] ainsi qu'en fonction des époques[2].

À des époques plus récentes, cette question a été revivifiée par la naissance de nouvelles idéologies religieuses, comme le wahhabisme au XVIIIe siècle, et l'irruption, à partir du XIXe siècle, des nouvelles techniques de l'image : photographie, puis cinéma et autres modes de captation et diffusion d'images en mouvement.

Le wahhabisme, très fermement opposé au mysticisme soufi, contempteur du culte des saints est généralement considéré comme une idéologie religieuse rigoriste, déterminée à appliquer les textes saints de manière littérale[3]. Le fondateur de la doctrine wahhabite, Ibn Abd al-Wahhab, s'oppose fermement à toute pratique de l'image dans son Livre de l'unicité : « Dès que vous vous trouvez face à une image, il faut la détruire »[4]. En Arabie saoudite, un recueil de fatwas publié en 1988 par le grand mufti Abd al-Aziz ibn Baz indique que la photographie est interdite[5].

« La représentation de tout ce qui a une âme, que ce soit un homme ou un animal, est interdite, que ce soit par le biais du dessin, sur tissu, par les couleurs ou la caméra ou tout autre instrument [...] et ceci en vertu de la majorité des hadiths qui en indiquent l'interdiction. »

En dehors de cette doctrine ultra-orthodoxe, la plupart des théologiens, aux XIXe et XXe siècles, ont adouci la position initiale sur l'image. Certains réformateurs, comme l’Égyptien Muhammad ʿAbduh, se sont positionnés dès le début du XXe siècle largement en faveur de la représentation figurée. D'autres sont restés plus mesurés. De manière générale, la photographie a été acceptée, étant considérée comme un moyen mécanique de reproduction du monde, à l'instar d'un miroir. La même évolution est sensible en pays chiite. La pratique artistique étant néanmoins considérée souvent comme un luxe et un élément occidental, elle fait également l'objet de reproches et de méfiance de la part de radicaux comme Muhammad Qutb, un membre de l'organisation des frères musulmans, auteur en 1981 de La jâhiliyya au XXe siècle.

Dans tous ces cas de figure, dans le Coran et les hadîths, la figure de Mahomet n'est pas distincte des considérations générales sur la représentation de la figure humaine dans son ensemble[6]. Si elle constitue un interdit chez de nombreux sunnites, les chiites portent généralement un regard plus positif sur la représentation de Mahomet, bien que des théologiens soient unanimes à en condamner la détention par un musulman à travers de fatwas contemporaines[2]. À l'inverse, une autre fatwa émise par le plus haut représentant de l’islam aux États-Unis a considéré que « la représentation du prophète n’est pas interdite, même si les musulmans ne le font pas »[7].

En terre d'Islam[modifier | modifier le code]

Représentation de Mahomet dans un manuscrit des Signes restants des siècles passés d'Al-Biruni. XVIIe siècle, copie d’un manuscrit du XIVe siècle.

L'impact du consensus général des religieux sur l'interdiction de représenter la figure humaine a été, dans les temps anciens, assez limité. Si l'espace religieux (mosquée, Coran) est toujours aniconique, on note l'existence de nombreuses représentations de personnages et d'animaux dans les peintures de manuscrits ou murales, sur des objets de métal, de céramique, de verre, d'ivoire, etc.

En ce qui concerne plus spécifiquement la représentation de Mahomet, il s'agit, avant le XIXe siècle, essentiellement de peintures présentes dans des livres. Ces livres peuvent avoir un caractère para-religieux (vie de Mahomet, histoire du miraj), historique (histoire universelle) ou poétique (khamseh de Nezami, par exemple)[8]. Ils sont produits en Iran, en Irak, en Inde, dans l'Empire Ottoman. Mahomet est systématiquement représenté auréolé de flammes, comme de manière plus générale les personnages religieux. Jusqu'au XVIe siècle, il est possible d'en avoir des représentations complètes, le visage visible ; mais dès le XVe siècle, les artistes ont de plus en plus tendance à voiler le visage ou à le laisser sans peinture[9]. La prépondérance de l'Iran dans la production de ces peintures mettant en scène Mahomet n'est pas à rechercher dans une particularité chiite : ces représentations existent avant que le chiisme ne devienne prépondérant en Iran, au XVIe siècle, et les préconisations scriptuaires sont les mêmes dans le chiisme et dans le sunnisme[10]. Parfois, la figure de Mahomet n'est qu'évoquée par des signes : empreintes de pas, flamme (en particulier dans les peintures du Cachemire), présence de Bouraq dans le miraj, simple mention de son nom.

Les XIXe et XXe siècles ont vu apparaître de nouvelles images : des représentations plus publiques que celles de manuscrits, comme la fresque du mausolée d'Harun-e Velayat à Isfahan, ou des posters chiites. L'un des plus célèbres est celui, apparu dans les années 1980 ou 1990, qui reprend une photographie érotique prise en Tunisie par les photographes Lehnert et Landrock[11].

En ce qui concerne le cinéma, la représentation du Prophète semble avoir été un tabou. S. Naef rapporte qu'en 1926, sur des pressions politiques, un film a été ainsi annulé. Le film Le Message, tourné en 1976-1977 en deux versions, une anglaise, une arabe, raconte la vie de Mahomet sans jamais le montrer ou le faire entendre. Le film a néanmoins donné lieu à une vaste polémique[12]. D'autres films et dessins animés relatant la vie du Prophète utilisent également le principe de caméra subjective pour ne pas montrer le personnage à l'écran.

En dehors des terres d'Islam[modifier | modifier le code]

En Occident, la première représentation connue de Mahomet est une caricature du Prophète sous la forme d'un poisson, dans la traduction du Coran en latin commandée par Pierre le Vénérable[13]. Cette tradition[Quoi ?] s'est poursuivie jusqu'à nos jours[réf. nécessaire], comme en témoignent les caricatures de Mahomet du journal Jyllands-Posten parues en 2007. La pratique de la représentation de Mahomet n'est cependant pas toujours négative en dehors des terres d'Islam, en particulier après la vogue orientaliste du XIXe siècle : il est ainsi représenté sur un trône par Louis Bouquet dans le salon du ministre Paul Reynaud dans la première moitié du XXe siècle[14]. Néanmoins, même neutres ou mélioratives, ces représentations donnent désormais lieu à polémique, comme l'a montré l'interdiction du magazine Historia dans plusieurs pays moyen-orientaux en 2007, en raison de l'illustration d'un article par une image de Mahomet[15].

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Donc non seulement dans les mosquées mais aussi dans les maisons.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Naef 2004, p. 13-32.
  2. a et b (en) Göran Larsson, Muslims and the New Media [« Musulmans & les nouveaux moyens de communication »], (lire en ligne), p. 50-51 ; 66.
  3. Janine et Dominique Sourdel, « wahhabisme », Dictionnaire historique de l'Islam, Paris : PUF, 2007, p. 847-848
  4. Boespflug 2013, p. 72.
  5. Naef 2004, p. 104.
  6. Naef 2004, p. 95-116.
  7. Silvia Naef, « C'est l'offense, pas la représentation qui offusque », La Tribune de Genève, 16 janvier 2015
  8. Boespflug 2013, p. 50-57
  9. Boespflug 2013, p. 61-66
  10. Naef 2004, p. 22
  11. Pierre Centlivres et Micheline Centlivres-Demont, « Une étrange rencontre. La photographie orientaliste de Lehnert et Landrock et l'image iranienne du prophète Mahomet », Etudes photographiques, 17, novembre 2005, p. 4-15. Lire en ligne
  12. Naef 2004, p. 92-94
  13. http://expositions.bnf.fr/parole/grand/117.htm
  14. http://www.photo.rmn.fr/archive/02-011723-2C6NU0GKBAE7.html
  15. «Historia» interdit en Tunisie pour une image de Mahomet, Libération, 12 janvier 2007

Annexes[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • François Boespflug, Le Prophète de l'islam en images. Un sujet tabou ?, Montrouge, Bayard,
  • Bernard Genies, « Représentation de Mahomet : ‘L’islam a perdu de vue sa propre histoire’ », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  • Louis Imbert, « Dans quelles conditions l’islam autorise-t-il la représentation du Prophète ? », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  • Silvia Naef, Y a-t-il une « question de l'image » en Islam, Paris, Téraèdre,
  • Bernadette Sauvager, « Mahomet, une image très sensible », Libération,‎ (lire en ligne)
  • Vanessa Van Renterghem, « La représentation figurée du prophète Muhammad », Les Carnets de l’Ifpo : La recherche en train de se faire à l’Institut français du Proche-Orient, Hypothèses,‎ (lire en ligne)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Catégorie:Arts de l'Islam Catégorie:Iconographie Catégorie:Vocabulaire de l'islam Catégorie:Représentation figurée dans les religions du Livre