Sels Kruschen

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Les sels Kruschen étaient un produit pharmaceutique très connu en France dans les années 1920 et 1930 à cause de sa publicité considérée amusante et originale. On en trouve des traces littéraires dans le roman L’Étranger d’Albert Camus, publié en 1942[1], ainsi que chez l’auteur britannique Dorothy L. Sayers dans son œuvre Trop de témoins pour Lord Peter de 1926. Romain Gary y fait également référence dans son roman Chien Blanc. Il compare le grand-père, ancien shérif, venu récupérer avec ses deux petits enfants Batka au personnage de la publicité des sels Kruschen. Il lui donne d'ailleurs le sobriquet de grand-père Kruschen. Avec son nom d’une apparence orthographique allemande ou alsacienne, il était pourtant un produit britannique. Dans le numéro du de l’hebdomadaire illustré The Graphic, une publicité à la page 773 le vante comme « entirely British for 160 years » (« entièrement britannique depuis 160 ans »)[2]. Un bel exemple de la publicité sels Kruschen qui couvre toute une page se trouve aussi dans le magazine Punch du . La popularité du produit a donné en outre une chanson avec le titre That Kruschen Feeling dont le refrain dit : « I’ve got that Kruschen feeling over me, I feel like Tarzan, I could climb a tree. » (« Je me sens pénétré du sentiment Kruschen, je me sens comme Tarzan, je voudrais grimper sur un arbre. ») [3]

En Espagne, on trouve des exemples de la publicité de « Sales Kruschen » dans le magazine Blanco y Negro[4].


La publicité des sels Kruschen faisait des promesses de santé considérées comme exagérées, des promesses de jeunesse et de bien-être quasiment éternels bien qu’il s’agisse seulement d’un produit contre les effets de la constipation. On en trouve des exemples, accessibles sur Internet, dans les journaux La Croix et Le Petit Dauphinois :

« Les merveilleux résultats que mon père a obtenus avec les sels Kruschen. On devrait réellement les appeler Sels Miracle. Il a 92 ans, et il se porte comme un charme. » (La Croix du 9/12/1932)

« Les Sels Kruschen m'ont rendu toutes mes forces et ma santé » / « Vous retrouverez alors tout naturellement votre entrain et votre santé. » (La Croix du 20/6/1933)

« Vous pouvez, si vous le voulez, connaître un regain de jeunesse, de vitalité et d’entrain. Ajoutez simplement, chaque jour, à votre café ou à votre thé matinal, une petite dose de Sels Kruschen. » (Le Petit Dauphinois du 1/1/1937)

« Alors un sang pur coulera de nouveau dans vos veines et tout vous semblera facile, comme lorsque vous étiez beaucoup plus jeune. » / « Kruschen vous rajeunira de vingt ans en vingt jours. » (La Croix du 4/2/1937)

« Voilà le portrait d’un homme heureux. Toujours prêt à rendre service, jamais las, jamais fatigué, il possède une vitalité, un entrain que pourraient lui envier bien des jeunes gens. » (Le Petit Dauphinois du 23/3/1937)

Souvent ces textes sont accompagnés d’un dessin qui montre un vieillard en pleine forme. Un autre exemple se trouve dans un livre d’Alexandre Blondeau (selon lequel il y en a d’ailleurs encore bien d’autres où l’on voit des „vieillards en pleine forme parce que ‚Kruschennés‘ et qui, soit bêchant avec une vigueur de jeune homme dans leur jardin, soit pour descendre plus vite d'un escalier, le font à califourchon sur la rampe. ») [5]


Dès 1934, on trouve une référence aux sels Kruschen dans un article de Je suis partout qui commente un discours d’André Gide avec les mots suivants : « Cela évoque irrésistiblement les confessions des miraculés des pilules Pink et des sels Kruschen. » [6]


En France, « Kruschen » était prononcé [kʁy'ʃɛn] , à en juger par l’enregistrement fait en par Camus lui-même pour une diffusion radiophonique[7]. Il faut supposer qu’en 1942, date de la publication de L’Étranger, les Sels Kruschen, en tant que produit d’origine britannique, n’étaient plus en vente en France vichyste, mais restaient encore engravés dans la mémoire collective. Dans les éditions de la Bibliothèque de la Pléiade des œuvres de Camus, aucune importance est accordée au découpage d’une réclame des sels Kruschen par le protagoniste Meursault. L’édition de Roger Quilliot [8] ne contient aucune annotation au sujet des Sels Kruschen tandis que André Abbou, dans la nouvelle édition de Jacqueline Lévi-Valensi [9], se limite à dire qu’il y avait un certain nombre de publicités pour les Sels Kruschen dans les journaux algérois de l’époque[10].

En 2012, Kruschen est encore une marque enregistrée en Australie[11],

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. On le trouve également dans le premier brouillon de L'Étranger, La Mort heureuse : "Remonté, il fit deux mots croisés, découpa minutieusement une réclame des sels Kruschen qu'il colla dans un cahier déjà rempli de grands-pères farceurs descendant des rampes d'escalier. Ceci fait, il se lava les mains et se mit au balcon." (http://www.feuillesderoute.net/notesecrit2006.htm, lu le 1er avril 2013)
  2. Ceci est en contradiction avec l’information donné sur les sites http://www.gracesguide.co.uk/Kruschen_Salts et http://www.gracesguide.co.uk/E._Griffiths_Hughes qui disent que Kruschen Salts furent introduits dans les marchés britannique et américain autour de 1911 voire à partir de 1922. Sur le site http://www.gracesguide.co.uk/Kruschen_Salts, on trouve trois exemples de publicité de ce produit en anglais.
  3. Publiée en 1923 sous le titre de "Enough To Cover A Sixpence Every Morning" par Parlophone Record (texte et musique de R.P. Weston/Bert Lee) (voir http://www.dbopm.com/link/index/4201/474/4), cette chanson est toujours disponible en 2013 sur le CD « I’m Ready, I’m Willing » (1996) avec la chanteuse Tessie O’Shea (en)
  4. Le texte d'une publicité le 10 janvier 1926, page 2, dit : « Sales Kruschen Quitan años de encima » et précise que le produit vient d'un « laboratorio británico ».
  5. Alexandre Blondeau, Histoire des laboratoires pharmaceutiques en France et de leurs médicaments, volume 2, 1994, p.166
  6. http://www.gidiana.net/articles/GideDetail1917.66.htm, consulté le 21/4/2012
  7. En 2012, cet enregistrement est toujours disponible en vente, réédité en 2002 par Frémeaux & Associés et l’ INA (Institut National de l’Audiovisuel)
  8. (ISBN 2-07-010103-7)
  9. (ISBN 2-07-011702-2)
  10. À la page 1265, Abbou écrit : « Les journaux d'Alger, et particulièrement L'Écho d'Alger, inséraient à date régulière des textes publicitaires vantant, sur un mode humoristique, les bienfaits des sels en question. »
  11. Voir : http://www.trademarkify.com.au/list/0/mark/KRUSCHEN, consulté le 21/4/2012