Onde orographique
Une onde orographique est une forme d'onde de gravité atmosphérique qui se produit lorsqu'une masse d'air est forcée en altitude par son déplacement au-dessus d'un relief montagneux. Si l'environnement est stable, la masse d'air redescendra du côté aval de l'obstacle et entrera en oscillation autour d'une hauteur égale ou inférieure au sommet de celui-ci. Par contre, si l'air est instable, l'air continuera de s'élever, avec ou sans oscillation. L'onde orographique est aussi connue sous les noms d'« onde de relief » et d'« onde de montagne ».
Principe
La parcelle d'air qui vient de passer au-dessus de l'obstacle est dotée d'un certain poids. Elle est donc attirée vers le bas mais également soumise à la poussée d'Archimède qui l'attire vers le haut si sa densité devient inférieure à celle de l'environnement. Elle se comporte mécaniquement de la même façon qu'un poids suspendu à un ressort vertical repassant périodiquement au point d'équilibre. Comme la parcelle d'air a également un mouvement horizontal, les maxima et minima de l'onde sont étalés en aval de la montagne.
L'onde est stationnaire lorsque la vitesse du vent et le dimensionnement du relief satisfont à certaines contraintes physiques et topographiques. Son amplitude s'amortit alors à mesure que le flux d'air s'éloigne de l'obstacle franchi, mais elles peuvent néanmoins se manifester par un nombre généralement assez faible de « ventres » positifs, espacés horizontalement entre eux de 5 à 10 km parallèlement au relief. Par ailleurs, il n'est pas rare que ces ondes stationnaires se propagent verticalement (amplitude) jusqu'à de grandes hauteurs, au point de franchir le seuil de la stratosphère dans le cas d'importantes chaînes de montagnes, comme les Alpes. Elles sont alors une des causes possibles des turbulences en air clair.
Modèle numérique
Montagne en forme de tôle ondulée
Ce modèle peut s'appliquer aux Appalaches qui sont formées de chaînes et vallées parallèles
Les ondes orographiques peuvent être modélisées analytiquement lorsqu'on admet que la montagne est infiniment longue et qu'elle a une forme particulière[1]. Le modèle est basé sur l'écoulement de Boussinesq[1]. Soit w la vitesse verticale de l'air. Soit U la vitesse uniforme du vent. On définit le paramètre de Scorer qui dépend de la fréquence de Brunt-Väisälä N[1]. Pour l'atmosphère standard, on a . L'équation est alors
.
est l'opérateur laplacien, x est la coordonnée horizontale le long de la montagne et z est la coordonnée verticale. En supposant que le sol est constitué d'un ensemble de sinusoïdes de longueur d'onde 1/k (en forme de tôle ondulée), la solution analytique dépendra du fait si ou . Soit la hauteur des collines. Les solutions formelles sont alors:
pour
pour
On considère une colline de 300 m de haut et d'amplitude . On considère un vent de vitesse . On a alors . On est dans le cas sinusoïdal. La vitesse maximale verticale de l'onde va être . Si l'on double la vitesse du vent, on va être dans la zone exponentielle et la vitesse maximale verticale sera 3 m/s. On constate que ces ondes sont exploitables par les pilotes de planeur.
Montagne isolée
On considère une colline infinie dont la hauteur peut être paramétrée par une foncyion h(x). On peut par exemple choisir l'équation suivante :
On préfèrera l'équation suivante (courbe de Gauss) pour des raisons que l'on explicitera plus bas :
Le paramètre de Scorer varie avec l'altitude. L'équation simplifiée est à nouveau la suivante :
.
On appelle la transformée de Fourier suivant x de la fonction w(x,z). Comme on ne considère que l'atmosphère, on ne considère que ξ > 0.
On a alors :
L'équation laplacienne devient alors :
On peut passer la dérivée partielle sous le signe somme et l'on peut donc écrire :
On obtient alors :
On peut alors ramener le problème à la résolution du système infini suivant d'équations différentielles linéaires en z :
Et donc finalement :
Soit la transformée de Fourier de la fonction chapeau de sorcière h(x). La condition aux limites s'écrit alors :
On considère maintenant . Une solution peut alors être écrite sous la forme :
On suppose maintenant , et donc :
Physiquement, le nombre d'onde ξ est l'inverse d'une longueur d'onde donnée.
Cas d'une montagne aplatie
On suppose que le paramètre de Scorer est uniforme en fonction de la hauteur z. On suppose aussi que la colline est une fonction en cloche. On a alors:
On considère maintenant le cas où la montagne est suffisamment aplatie c'est--à-dire que . Dans ce cas, la formule ci-dessus peut se simplifier de la manière suivante :
En outre, on a .
Donc,
On considère la partie réelle de l'intégrale ci-dessus. On obtient alors :
On remarque que la transformée de Fourier de la dérivée h'(x) est . Et donc, on obtient la forme explicite suivante :
La périodicité verticale 'Z' de l'onde de ressaut sera donc donnée par et donc . Pour un vent de 10 m/s et N = 10¯² Hz, on obtient Z = 6.28 km[1].
Dans ce cas, aucune onde de ressaut n'est formée. Cette formule approchée permet aussi d'évaluer l'ascendance au-dessus d'une pente. On remarque que l'effet ascensionnel s'atténue avec la hauteur au-dessus de la colline. Cette formule approchée pourra être utilisée pour estimer la vitesse ascensionnelle lors d'un vol de pente.
Cas d'une montagne étroite
Montagne en forme de courbe Gaussienne
On considère maintenant une colline très étroite. On a alors et donc pour , on a :
Donc, on obtient alors :
On peut alors négliger le premier terme et écrire :
On écrit que et donc :
On peut alors écrire :
Lorsque z croît, w(x,z) décroît. Ainsi, nous serons en présence d'ondes très fortement atténuées. Il n'y a pas de périodicité verticale.
La solution formelle peut s'exprimer comme étant le produit de convolution suivant :
Montagne en forme de chapeau de sorcière
Le résultat ci-dessus implique l'existence d'un produit de convolution qui est difficile à interpréter. On va remplacer la fonction de Gauss par la fonction suivante :
En reprenant la formule ci-dessus, on a :
La transformée de Fourier de h(x) est la suivante :
On obtient donc :
Donc,
On obtient alors la formule suivante :
On constate clairement qu'il n'y a pas d'ondes de ressaut et aussi que la déflexion de l'air n'a pas non plus de périodicité verticale[2].
Cas d'une montagne d'épaisseur intermédiaire
On considère le cas où . On définit la fonction de phase .
Pour x ou z grands, cette fonction de phase varie rapidement et donc l'intégrale résultante est petite. Il y a une exception lorsque
On écrit donc que :
On résout donc :
Donc,
Et donc :
On obtient alors un nombre d'onde critique et l'on sera en présence d'oscillations approximativement tous les mètres.
La localisation des ondes de ressaut est donnée par la formule 2.68 de la référence [2].
Hydrodynamique et stabilité
Le flux de la masse d'air pourrait être comparé à la circulation d'un liquide. On utilise le nombre de Froude atmosphérique
où U est la vitesse horizontale du vent, N est la fréquence de Brunt-Väisälä et h est la hauteur de la montagne. Comme il a été démontré dans la boîte déroulante de l'article fréquence de Brunt-Väisälä, l'air ne pourra franchir l'obstacle que si le nombre de Froude est plus grand que 1 et dans le cas contraire on fera face à un phénomène de blocage en amont.
Dans la théorie de l'hydrodynamique, un nombre de Froude plus grand que 1 engendre un phénomène de ressaut hydraulique qui pourrait être potentiellement extrêmement dangereux pour les aéronefs. Il a été observé des phénomènes de rotors qui semblaient être des ressauts hydrauliques. Toutefois, Il n'est pas clair que la théorie hydrodynamique puisse s'appliquer telle quelle aux ondes gravité comme certaines études semblent montrer[3].
On note en outre que si la fréquence de Brunt-Väisälä est imaginaire c'est-à-dire que la température potentielle décroît avec l'altitude (ou de manière équivalente que l'atmosphère est instable), les ondes orographiques ne peuvent pas se former. C'est pourquoi les ondes orographiques se manifestent principalement la nuit ou tôt le matin ou tard dans l'après-midi quand l'air est stable.
Lorsque l'air est instable, la présence d'obstacles va favoriser la formation de fortes ascendances en amont de la montagne et l'on sera en présence de nuages convectifs pouvant provoquer des averses voire des orages.
Effets
Nuages
En gagnant de l'altitude, la masse d'air prend de l'expansion et se refroidit par détente adiabatique. Ce refroidissement entraîne une augmentation de l'humidité relative et peut atteindre la saturation. Si cela se produit, on voit l'apparition de nuages ou de précipitations tant en amont du sommet de l'obstacle, qu'en aval de celui dans les régions de maxima de l'onde. Trois types de nuages sont généralement associés aux ondes orographiques :
- nuages de sommet (en capuchon) ;
- nuages lenticulaires ;
- allée de tourbillons de Karman.
Dans les zones descendantes de l'onde, l'air se réchauffe et l'humidité relative passe sous la saturation ce qui y dégage le ciel. On a alors une situation d'effet de foehn.
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Vue par satellite météorologique de nuages en bandes formés dans une onde orographique
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Nuage de sommet observé en Alaska
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Nuage lenticulaire surplombant le mont Washington, New Hampshire, É.-U.
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Système ondulatoire/rotor dans la vallée d'Owens (Californie)
Vol à voile
Les ondes orographiques permettent aux planeurs de prendre de l'altitude à chacune des phases ascendantes de l'air. Ceci permet de faire du vol à voile sur de très grandes distances. Le record du monde de distance (3 009 km) a été établi en Argentine par Klaus Ohlmann en utilisant les ondes de ressaut générées par la chaîne des Andes[4]. Toutefois, sous les ondes de ressaut, il existe à proximité du sol, une zone de très fortes turbulences associées à des rotors qui peuvent briser un aéronef. Ces rotors sont matérialisés par des pseudo-cumulus qui sont extrêmement déchiquetés. Les turbulences associées à ces rotors peuvent être plus violentes qu'à l'intérieur d'un cumulonimbus. Autant les planeurs peuvent, sous certaines conditions, exploiter les rotors, autant les autres avions se doivent d'éviter ces rotors. L'ascension se fera en amont du nuage de rotor. Les ascendances associées aux rotors se comportent comme des ascendances thermiques fixes qui sont très puissantes et très étroites. Le planeur devra en permanence ouvrir la spirale du côté du vent et fermer le virage sous le vent. Lorsque le planeur contacte la couche laminaire, le planeur va être soumis à de très fortes turbulences pendant un laps de temps très bref (due à une instabilité de Kelvin-Helmholtz)[5] puis les turbulences deviennent quasi-inexistantes et le pilote a alors l'impression de voler dans de l'huile tandis que le variomètre semble être déréglé[6]. Il indique alors une vitesse d'ascension de plusieurs mètres par seconde (à Minden les vitesses ascensionnelles peuvent dépasser les 10 m/s) alors que c'est apparemment le calme plat. Il peut souvent être bloqué en montée. Le planeur est simplement placé dans la zone ascendante de l'onde de gravité. Ce même phénomène est utilisé par les oiseaux.
Aviation à moteur
Contrairement aux pilotes de planeur qui savent exploiter les ondes orographiques et qui vont effectuer des vols hors-norme comme il a été montré plus haut, les pilotes d'avion à moteur ont souvent une compréhension très parcellaire des ondes orographiques comme il est expliqué dans le Aeronautical Information Manual publié par la FAA[7]. Il est dit « Many pilots go all their lives without understanding what a mountain wave is. Quite a few have lost their lives because of this lack of understanding. » (Traduction: Beaucoup de pilotes volent toute leur vie sans comprendre ce qu'est une onde orographique. Un bon nombre d'entre eux ont perdu la vie à cause de cette incompréhension). C'est pourquoi la FAA considère que les ondes orographiques sont un danger pour l'aviation générale et un atout pour les vélivoles. En effet dans la référence[8], la FAA explique aux pilotes de planeur comment exploiter ces ascendances.
De nombreux accidents ont été causés par les ondes orographiques lors de vol aux instruments. Le scénario est le suivant: un avion vole vers l'ouest et doit voler à une altitude assignée disons de 12 000 pieds. Il se dirige vers les Montagnes Rocheuses avec un fort vent d'ouest. En aval des montagnes, il est donc en présence d'ondes orographiques. Lorsque l'avion approche le premier ressaut, il se retrouve dans la zone ascendante de l'onde qui peut être de l'ordre de 30 nœuds. Comme il doit soi-disant maintenir l'altitude, il réduit le moteur et utilise ses volets pour dégrader les performances de l'avion, ce qui va engendrer la catastrophe. En effet, lorsqu'il va contacter la descendance, il ne pourra plus maintenir l'altitude assignée de 12 000 pieds car il sera dans un courant descendant de 30 nœuds avec un moteur à fond n'engendrant que 5 à 6 nœuds de vitesse verticale. Il va donc descendre à 24 nœuds. Il va donc finalement s'écraser contre les montagnes. C'est pourquoi il est suggéré d'assigner un bloc d'altitude et de laisser l'avion monter dans la phase ascendante pour pouvoir compenser par la suite.
À titre d'illustration, un avion Piper Malibu s'est écrasé le 9 janvier 2011 dans les en:Sangre de Cristo Mountains suite à de très violentes descendances. Ainsi, l'aéronef a perdu 1 400 pieds en 19 secondes ce qui fait une vitesse de chute de 22 m/s. Il a ensuite regagné 1 600 pieds en 20 secondes ce qui fait une vitesse ascensionnelle de 24 m/s. Il s'est finalement écrasé dans une forêt à 2 967 mètres d'altitude[9]. Un tel exemple montre qu'un avion à moteur ne peut pas contrecarrer de telles forces de la nature et devrait au contraire les exploiter de la même manière que les planeurs.
En outre, les avions à moteur passant dans une zone d'ondes orographiques voient leur vitesse augmenter dans les zones en ascension et diminuer dans celle en descente ce qui rend le contrôle d'altitude ou de vitesse difficile[10] et peut mener à un décrochage de l'appareil si les variations sont mal compensées.
Autres types d'ondes atmosphériques
Cisaillement
Les cisaillements peuvent aussi engendrer des ondes atmosphériques. Ces ondes sont souvent marquées par des altocumulus (ou cirrocumulus) en forme de rouleaux ou de galets qui peuvent annoncer un changement de temps. Ces ondes sont réputées ne pas être exploitables par les planeurs. Elles peuvent se produire lorsqu'une inversion de température sépare deux masses d'air se déplaçant dans des directions différentes.Lorsqu'on est en présence d'ascendances thermiques provenant du sol et qu'au niveau de la couche d'inversion on est en présence d'un changement important de la direction du vent, des ondes de gravité d'amplitude relativement importante vont se former à l'aval des cumulus qui seront utilisables par les pilotes de planeur[11],[12]. Ces ondes sont souvent marquées par des pileus au sommet des cumulus qui ont une forme en crochet caractéristique.
Ondes de gravité associées à des orages
Les rafale descendantes engendrées par des cumulonimbus peuvent engendrer des ondes de gravité loin en avant des orages[13],[14]. Ces ondes de gravité peuvent se faire sentir jusqu'à 50 kilomètres et dans certains cas jusqu'à plusieurs centaines de kilomètres. Un orage violent engendrant ces ondes de gravité situé à plus de 40 kilomètres (suivant les recommandations de la Federal Aviation Administration) ne devrait pas affecter la sécurité de ces aéronefs. Ces ondes de gravité peuvent être modelées de la même manière que les ondes orographiques et peuvent être exploitables par un pilote de planeur, d'aile volante ou de parapente.
Ondes associées à un front froid
Un front froid est souvent matérialisé par une ligne de grains qui se comporte comme un obstacle à la circulation des vents[15]. De la même manière que pour les montagnes, si l'air est stable en aval du front (ce qui est généralement le cas), des ondes de ressaut vont se produire. Ces ondes peuvent se propager jusqu'à 100 voire 500 km en aval du front. Ces ondes se formeront particulièrement lorsque la progression du front est ralentie par une chaîne de montagnes comme par exemple les Montagnes Rocheuses[15].
Bibliographie
- [Ascendances inusuelles] (en) Rolf Hertenstein, Riding on Air, Ridge, Wave & Convergence lift, Soaring books & supplies, , 104 p. (ISBN none[à vérifier : ISBN invalide])
Voir aussi
Notes et références
- (en) Dale R Durran, « Lee waves and mountain waves » (consulté le )
- (en) Ronald Smith, The influence of mountains on the atmosphere, Advances in Geophysics Volume 21, (lire en ligne)
- (en) Rolf Hertenstein, « The Influence of Inversions on Rotors », Monthly weather review, American meteorological society, (lire en ligne)
- (en) « List of records established by Klaus OHLMANN », Fédération aéronautique internationale (consulté le ) : « Class D (Gliders), Sub-class DO (Open Class Gliders), Category : General, Free distance using up to 3 turn points : 3 009 km »
- (en) James Doyle, Dale Durran, « Rotor and Subrotor Dynamics in the Lee of Three-Dimensional Terrain », Journal of the atmospheric sciences, American meteorological society, no 64, , p. 4218-4219 (lire en ligne)
- Ascendances inusuelles, p. 42
- (en)Aeronautical Information Manual, Département des Transports des États-Unis (FAA) (lire en ligne), p. 7-5-6,j
- (en)Glider Flying Handbook, Département des Transports des États-Unis (FAA) (lire en ligne), p. 9-20
- (en)Margaret W. Lamb, « Deadly Downdrafts: Understanding the Risks », Flying, (consulté le )
- « Perte de vitesse en croisière, pilote automatique engagé », REC Info, Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer, no 3, (ISSN 1967-5291, lire en ligne)
- (en) Bernard Eckey, Advanced Soaring Made Easy, Bernard Eckey, , 336 p. (ISBN 978-0-9807349-0-4), p. 311
- Ascendances inusuelles, p. 98
- (en) William Cotton, Bryan et van der Heever, Storm and Cloud Dynamics (Second Edition), vol. 99, Academic Press, coll. « International geophysics series », 807 p. (ISBN 978-0-12-0885428), p. 352-360
- (en) M.J. Curry et R.C. Murty, « Thunderstorm generated gravity waves », Journal of the atmospheric sciences, American meteorological society, vol. 31, (lire en ligne)
- (en) F. M. Ralph & P. J. Neiman, « Deep-tropospheric gravity waves created by leeside cold fronts », Journal of the atmospheric sciences, American meteorological society, vol. 56, (lire en ligne)