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Monument aux héros de l'Armée noire

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Le Monument aux héros de l'Armée noire est une sculpture monumentale érigée à Reims en 1924 pour rendre hommage aux Tirailleurs sénégalais qui ont défendu la ville pendant la Première Guerre mondiale. L'œuvre originale était due au statuaire Paul Moreau-Vauthier (1871-1936) et à l’architecte Auguste Bluysen (1888-1951). Il était constitué d’un socle en granit rapporté d’Afrique, en forme de Tata[1], une fortification d'Afrique de l'Ouest, sur lequel étaient gravés les noms des principales batailles dans lesquelles les troupes africaines avaient été engagées. Sur ce socle, reposait un bronze représentant un groupe de soldats africains du Corps d'armée colonial rassemblait derrière un officier blanc portant le drapeau français[1]. Un monument similaire, issu du même moule, fut érigé à Bamako. Le monument rémois fut détruit par les Allemands dès les premières semaines de l'Occupation, en septembre 1940, le bronze étant emmené vers une destination inconnue. Un autre monument fut construit dans les années 1960 au même emplacement avant qu'en 2013, une reconstitution du bronze original, mais avec un socle différent, ne soit de nouveau érigé, non loin de là, au parc de Champagne.

Contexte historique

Durant la Première Guerre mondiale, ce sont près 200 000 soldats noirs de l'Afrique-Occidentale française qui se battent dans l'armée française, dont plus de 135 000 sur le front européen. Environ 15 % d'entre deux, soit 30 000 soldats, y ont trouvé la mort.

Début 1918, après la stabilisation du front, le 1er corps d'armée colonial commandé par le général Émile Mazillier, venu occuper le secteur de Reims, avait investi le fort de la Pompelle et considérablement renforcé sa protection en aménageant une ligne de défense. Le 27 mai, les Allemands lancent une offensive mais les deux piliers de la défense de la ville, la côte 240 et le fort de la Pompelle résistent. Le 9 juin, les Allemands tentent de prendre pied sur la montagne de Reims mais se voient opposer la résistance des tirailleurs ainsi que des troupes de marine. Les troupes coloniales s'illustrent de nouveau le 15 juillet en résistant à l'offensive Fridedensturm dont le général Luddendorff avait fait de la prise de Reims le pivot. Des combats violents opposent encore les défenseurs de la ville aux Allemands en août 1918 avant un recul des troupes allemandes le 6 octobre.

Construction du monument

Monument aux héros de l'Armée noire de Bamako

Après guerre, une souscription des communes de France et des Amis des Troupes Noires est lancée par un comité présidé par le général Archinard (1850-1932)[2], ancien commandant supérieur du Soudan, et dont Blaise Diagne (1872-1934), député du Sénégal[2] est vice-président, pour construire un monument pour rendre hommage aux soldats noirs qui ont combattu pendant la Première Guerre mondiale. Deux villes sont choisies pour ériger ce monument, Bamako, alors capitale du Soudan français[2] et Reims[2] où les troupes coloniales se sont illustrées dans la défense de la ville en 1918[3]. Les Pommery offrent un terrain de 170 m2, à l’angle du boulevard Henry Vasnier et de la route de Châlons.

La première pierre est posée le 29 octobre 1922 par le ministre de la Guerre, André Maginot qui déclare lors de la cérémonie que la victoire avait lié « la France coloniale à la famille française » et « Aujourd’hui, la France ne compte plus 40 millions de Français, elle compte 100 millions de Français[2] ». Le monument est inauguré le par Édouard Daladier, ministre des Colonies[4]. Une fête militaire et sportive est organisée pour l'occasion au collège d’athlètes du parc Pommery (actuel parc de Champagne) avec un défilé de l'Armée coloniale dont 500 « exécutants indigènes ». Avant l'inauguration naquit une polémique sur le trop grand rôle reconnu aux troupes coloniales dans la défense de la ville[4]. Ainsi le général Petit qui commandait la 134e division d'infanterie qui défendit également la ville refusa de participer à la cérémonie, estimant que la gloire d'avoir sauvé Reims avait été confisquée par l'armée coloniale[4].

Le monument jumeau de Bamako est lui inauguré le 3 janvier 1924[1].

Enlèvement lors de l'Occupation et nouveau monument après guerre

En septembre 1940, le monument est détruit par les Allemands[5] (des fragments sont conservés aujourd'hui au musée du fort de la Pompelle[5]). Le bronze est chargé intact[5] dans un wagon en gare de Reims et emmené pour une destination restant à ce jour inconnue. Il était peut-être destiné à une exposition allemande sur la « France dégénérée[5]». Il a probablement été fondu[5] pour en récupérer le métal.

Au milieu des années 1950, l'Amicale des anciens coloniaux et marins de Reims demande le soutien du gouverneur général de l'Afrique occidentale française pour reconstruire le monument[6].

La ville de Reims est partagée sur cette initiative, craignant de voir ressurgir la polémique parmi les anciens combattants des troupes coloniales et des troupes métropolitaines sur l'histoire de la défense de Reims[6]. Le cout pour une reconstruction identique au monument de Bamako apparait élevé pour la commune, plus de 400 000 francs[6].

Le 21 septembre 1958, une stèle en granit est inaugurée avec une simple inscription :

« La Ville de Reims à ses défenseurs. Les troupes coloniales et les anciens combattants coloniaux à leurs morts[6]

Dès l'année suivante, le maire de la ville, Pierre Schneiter (élu en 1957), souhaite rebâtir le monument à l'identique et cherche alors à rassembler tous les documents permettant cette reconstruction. Mais le moulage et les études ont disparu. Une comité du monument aux soldats d'Outre mer est créé qui lance une souscription pour compléter les 7760 francs d'indemnités de dommages de guerre que la ville avait reçues pour l'ancien monument. Mais le style de celui-ci est jugé comme ne correspondant plus aux « données psychologiques » de l’époque. En effet, le monument d'origine représentant un groupe de soldats noirs derrière un officier blanc tenant le drapeau français[1], représentation traditionnelle à l'époque coloniale de la « force noire »[1] mais qui évoquait trop le caractère colonialiste de l'emploi des troupes noires pendant la guerre. La période est également marquée par la guerre d'Algérie, dernier épisode de la décolonisation[6]. Aussi la reconstitution de l'ancien monument est écartée au début des années 1960[6].

Le nouveau monument choisi, après un concours ouvert aux élèves de l'École régionale des beaux-arts et des arts appliqués, est l'œuvre de Jean-Marie Maya-Perez[6]. . Il est constitué de deux obélisques blancs de 7 mètres de haut en pierre de taille d'Eurville, symbolisant l'essor, traversant à leur base un gros bloc rectangulaire d'une tonne, représentant la résistance de la ville. Sa construction est assurée par un entrepreneur local, aidé par les services municipaux de la ville[6].

Ce nouveau monument est inauguré le 6 octobre 1963 avec une plaque sur laquelle était écrit:

« Ici fut érigé en 1924 un monument qui témoignait de la reconnaissance de la ville envers ses soldats africains qui défendirent la cité en 1918. L’occupant détruisit, par haine raciale le "Monument aux Noirs" en septembre 1940. Les anciens combattants ont tenu à ce que son souvenir demeure dans notre mémoire. »

Reconstitution du monument initial

À l'approche du centenaire de la Grande Guerre, l'idée de reconstruire le monument initial fut lancée.

Le nouveau monument.

L'Association pour la mémoire de l'Armée noire (AMAN) lance en janvier 2009 le projet de reconstruction du monument[7].. Lors de la première assemblée générale de l'association qui se tient à l'hôtel de ville de Reims il est décidé d'intégrer au projet l'histoire du monument initial, de celui de 1963 et en rappelant les débats qu'avaient provoqués la construction de ces deux monuments et en donnant une dimension pédagogique à ce projet de reconstruction[7].

Jean-François Gavoty a été choisi pour réaliser une réplique de la sculpture de Bamako mais avec un socle différent.

La sculpture est composé de 5 personnages originaux, 5 tirailleurs de 2 à 2,30 m de haut avec une patine de ton brun-noir pour reproduire le modèle historique[8]. Elle repose sur un socle de 3 m de haut, la hauteur du socle du monument de Bamako, un parallépipède creux en basalte, support sur ces différentes faces de l'histoire du monument, des tirailleurs dans cette guerre et d'une analyse historique actuelle[8]. Les faces verticales internes évoquent le socle original du monument dessiné par Auguste Bluysen[8]. Le plafond accueille des modules en bronze créés par les étudiants de l’école supérieure d'art et de design de Reims et ceux du Conservatoire des arts de Bamako[8].

La non reproduction du socle original a créé une polémique. L'association pour la protection de l’œuvre des sculpteurs A. et P. Moreau-Vauthier créée en mars 2013, a ainsi estimé que ce nouveau socle [9] portait une atteinte notoire au droit moral de Paul Moreau-Vauthier et a saisi la justice[10], repoussant du coup l'inauguration officielle du monument.

Le monument se trouve dans le parc de Champagne[8] depuis le 8 novembre 2013[10].

Autres monuments

En France, on trouve quelques autres monuments en hommage aux soldats de l'Afrique noire.

Dans le Var,

  • le Mémorial à l'Armée d'Afrique, à Saint-Raphaël érigé en 1975,
  • le Mémorial de l'Armée noire, à Fréjus, érigé en 1994 devant la plage. Fréjus abrite déjà le Musée des Troupes de marine.

Ces deux monuments rappellent l'engagement dans les deux guerres, de nombreuses troupes coloniales ayant participé au débarquement de Provence en 1944

Notes et références

  1. a b c d et e SCEREN - CRDP Champagne-Ardenne, « Reims et Bamako, des monuments jumeaux issus d'un même moule », sur cndp.fr, (consulté le )
  2. a b c d et e SCEREN - CRDP Champagne-Ardenne, « Les origines du monument (1921-1922) », sur cndp.fr, (consulté le )
  3. Le Monument aux Héros de l’Armée Noire, sur le site de la Ville de Reims
  4. a b et c SCEREN - CRDP Champagne-Ardenne, « L'inauguration du monument le 13 juillet 1924 », sur cndp.fr, (consulté le )
  5. a b c d et e SCEREN - CRDP Champagne-Ardenne, « La destruction du monument par les Allemands en septembre 1940 », sur cndp.fr, (consulté le )
  6. a b c d e f g et h SCEREN - CRDP Champagne-Ardenne, « Les origines du monument (1958-1962) », sur cndp.fr, (consulté le )
  7. a et b SCEREN - CRDP Champagne-Ardenne, « La création de l'association AMAN », sur cndp.fr, (consulté le )
  8. a b c d et e ville de Reims, « Un monument aux Héros de l’Armée Noire au parc de Champagne », sur www.reims.fr, (consulté le )
  9. « Héros de l'Armée Noire : le projet de monument contesté », L'Union,‎ (lire en ligne)
  10. a et b « Le monument à l'Armée Noire est bien arrivé », sur http://www.lhebdoduvendredi.com, (consulté le )
  11. « Monument aux soldats noirs de Nogent », une-autre-histoire.org (consulté le )

Liens externes