Loi de réciprocité quadratique
En mathématiques, en particulier en théorie des nombres, la loi de réciprocité quadratique, établit des liens entre les nombres premiers ; plus précisément, elle décrit la possibilité d'exprimer un nombre premier comme un carré, à un multiple près d'un autre nombre premier. Conjecturée par Euler et explicitée par Legendre, elle a été correctement démontrée pour la première fois par Gauss en 1801. Elle est considérée comme un des théorèmes les plus importants de la théorie des nombres, et a de nombreuses généralisations.
Énoncés
L'énoncé complet de Gauss comporte trois assertions : le « théorème fondamental » pour deux nombres premiers impairs et deux « lois complémentaires ». Une notion essentielle est celle de résidu quadratique : un nombre entier n est un résidu quadratique modulo un entier m , si n est un carré, à un multiple de m près, autrement dit si l'équation n =x2+m y a une solution (x, y ) en entiers.
Premier énoncé
- Théorème fondamental.
Étant donné des nombres premiers distincts p et q impairs, la loi de réciprocité quadratique énonce que :
- si au moins l'un des nombres p et q est congru à 1 modulo 4, alors p est un résidu quadratique modulo q si et seulement si q est un résidu quadratique modulo p. Plus explicitement : l'équation d'inconnue x :
- a une solution si et seulement si l'équation d'inconnue y :
- a une solution (les deux solutions sont en général différentes).
- si p et q sont congrus à 3 modulo 4, alors p est un résidu quadratique modulo q si et seulement si q n'est pas un résidu quadratique modulo p. Plus explicitement : l'équation d'inconnue x :
- a une solution si et seulement si l'équation d'inconnue y :
- n'a pas de solution.
- Première loi complémentaire.
-
- -1 est un résidu quadratique modulo p si et seulement si p est congru à 1 modulo 4.
- Deuxième loi complémentaire.
-
- 2 est un résidu quadratique modulo p si et seulement si p est congru à 1 ou -1 modulo 8.
Symbole de Legendre
En utilisant le symbole de Legendre, ces trois énoncés peuvent être résumés respectivement par :
- Théorème fondamental.
- .
- Première loi complémentaire.
- .
- Deuxième loi complémentaire.
- .
Exemples
Avec des nombres premiers
Par exemple, si p vaut 11 et q vaut 19 :
- le théorème fondamental permet de ramener le calcul de à celui de , qui est égal à (puisque ) ;
- la première loi complémentaire donne , ce qui (par multiplicativité du symbole de Legendre) permet de remplacer par ;
- en utilisant à nouveau le théorème fondamental, ;
- la deuxième loi complémentaire permet de conclure, car .
Conclusion : le résultat étant 1, on en déduit que 11 est résidu quadratique modulo 19. D'ailleurs, on le vérifie immédiatement :
Cas général
Déterminons si 219 est un carré modulo 383. la multiplicativité du symbole de Legendre montre que :
Une première application du théorème fondamental montre que :
En appliquant encore le théorème fondamental et la multiplicativité du symbole de Legendre, puis les deux lois complémentaires, on obtient :
Outil de démonstration
Si est un nombre premier, est-il un carré modulo ? La loi de réciprocité quadratique nous permet d'affirmer que cela arrive lorsque p est lui-même un carré modulo 5, c'est-à-dire quand
Démonstrations de la loi de réciprocité quadratique
Dans un livre publié en 2000, Franz Lemmermeyer expose l'histoire mathématique des lois de réciprocité en couvrant leurs développements et rassemble des citations de la littérature pour 196 différentes démonstrations[1] de cette loi de réciprocité quadratique.
Les premières démonstrations aujourd'hui considérées comme complètes sont publiées par Gauss dans ses Disquisitiones arithmeticae en 1801. Gauss disposait des preuves dès 1796 (à l'âge de 19 ans). La première de ces preuves repose sur un raisonnement par récurrence. Dans sa correspondance avec son élève Gotthold Eisenstein, Gauss qualifie cette première preuve de laborieuse[2]. Ses troisième et cinquième preuves reposent sur le lemme de Gauss, qu'il démontra à cette occasion[1].
- Une démonstration du « théorème fondamental » est donnée dans l'article Somme de Gauss. Elle se fonde sur les outils de l'analyse harmonique sur un groupe abélien fini et utilise les caractères des groupes abéliens additif et multiplicatif du corps fini Fp à p éléments. Une autre preuve figure dans les liens externes de l'article connexe Lemme de Zolotarev.
- Une démonstration des deux lois complémentaires est proposée ici. La première est conséquence immédiate du simple critère d'Euler. La démonstration choisie pour la deuxième est (parmi bien d'autres) celle de Thomas Joannes Stieltjes[3], par dénombrement.
Ces deux lois sont aussi conséquences directes du lemme de Gauss.
Généralisations
Il existe des lois de réciprocité cubique, biquadratique (en) (c'est-à-dire de degré 4) et ainsi de suite. Cependant la véritable généralisation de toutes ces lois, généralisation monumentale, est la théorie des corps de classes.
Notes et références
- (en) F. Lemmermeyer, Proofs of the Quadratic Reciprocity Law
- (en) Reinhard Laubenbacher et David Pengelley, Gauß, Eisenstein, and the "third" proof of the Quadratic Reciprocity Theorem: Ein kleines Schauspiel
- T. J. Stieltjes, Sur le caractère quadratique du nombre 2 dans Annales de la Faculté des Sciences de Toulouse 1re série, tome 11, no 1, 1897, p. 5-8 pdf