La Mort de Polydoros

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La Mort de Polydoros
Artiste
Anonyme
Date
Entre 1623 et 1626
Type
Tapisserie / Objet d'art
Technique
Broderie de soie, fils d'or et satin peint
Lieu de création
Dimensions (H × L)
364,5 × 489 cm
No d’inventaire
1970-538Voir et modifier les données sur Wikidata
Localisation

La Mort de Polydoros est l’une des sept tapisseries représentant un passage de l’épopée d’Homère: l'Iliade (chant VI vers 290 et chant XXIV vers 49), célèbre récit relatant la guerre de Troie menée par les grecs contre le peuple de cette cité suite à l’enlèvement de la reine de Sparte Hélène, par le prince troyen Paris.

Historique de l’œuvre

Elle a été fabriquée en Chine sous la commande du Royaume du Portugal au début du XVIIe siècle, période de la dynastie des Ming et Qing. On pourrait supposer que les sept tentures furent commandées par Francisco Mascarenhas, le gouverneur portugais de Macao de 1623 à 1626, car les médaillons représentant la femme serpent des deux côtés du cadre, et le blason du lion à chaque recoin, représenteraient alors la famille Mascarenhas.

Cette œuvre fait actuellement partie de la collection des objets d'art du musée des Beaux-Arts de Lyon.

Description

Cette tapisserie fait partie de la catégorie d’objet d’art dite décorative à la base murale, mais elle servait également par la suite à décorer les sols.

Elle est conçue traditionnellement sur un métier à tisser à partir de fils de laine et/ou de soie teintés de trame. Elle est d’une dimension de 3,70 mètres de hauteur et 5 mètres de largeur et est fabriquée à partir de fils d’or, métalliques, de fils de soie et de satin peints sur du papier de coton doré, matériel traditionnel en Chine, utilisé pour la peinture et la calligraphie.

Les fils de métal nécessitaient dans le mode de tissage 10000 nœuds au dm2 et les autres fils étaient frottés ou rasés afin de rendre à la tenture un aspect plus lisse, qui rend à la tapisserie un aspect net et harmonieux.

La plupart des tapisseries de Chine sont fabriquées à partir de velours, issu de laine d’une race de mouton des plaines du Tibet avec une grosse queue.

La scène représentée est celle du jeune prince de Troie, Polydor ou Polydoros, le dernier fils du roi Priam et de son épouse Hécube, assassiné puis jeté à la mer par son oncle Polymestor.

Priam avait chargé Polymestor de garder son fils ainsi que d’importants trésors, lors du conflit entre les Grecs et les Troyens. Mais Troie prise par les grecs ayant le devoir d’éliminer tous les Priamides (la lignée de Priam), les Grecs demandent alors à Polymestor d’éliminer son neveu en lui promettant de l’épargner et de lui laisser les trésors que Priam lui avait confiés et qu’il convoitait tant. Polydor sera ramené sur terre par la mer puis retrouvé par Hécube et ses servantes.

L’idée que la tapisserie représente un épisode de L’Illiade d’Homère est une information douteuse car, selon les universitaires de littérature, cet épisode serait décrit comme nous le voyons sur la tapisserie, en plus de La Vengeance d’Hécube, par d’autres auteurs de l’Antiquité tels qu’Ovide, Virgile et Hygin.

La Vengeance d'Hécube, tapisserie de Macao ; musée des Beaux-Arts de Lyon (France)

Contexte

L’origine de cette commande par le Portugal peut s’expliquer du fait qu’à la Renaissance, avec la montée de l’islam puis la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492, de nombreux navigateurs européens se sont mis à la recherche de nouveaux itinéraires marins afin d’atteindre l’Asie et les Indes de manière plus efficace, d’élargir les échanges commerciaux et d’étendre leur pouvoir politique et religieux. Le royaume du Portugal, avec la découverte du Cap de Bonne-Espérance par Vasco de Gama en 1498 et le cap Horn en 1521 par Magellan, a installé ses colonies au Japon et dans la côte Est de la Chine et utilise les grandes villes de Chine comme manufactures dont Macao qui fut une de ses principales manufactures.

Dès la Renaissance lors de l'invasion de l'empire Ottoman, les textes et mythes de l'Antiquité, alors mis de côtés au Moyen Âge, sont redécouverts grâce à l'importation de ceux-ci par les Grecs dans les pays tels que la France, l'Italie et le Portugal. Cette redécouverte a poussé les artistes et auteurs à vouloir représenter et réécrire ces récits, influençant ainsi les courants artistiques et littéraires.
Cette tapisserie fut une des premières qui fut exportée de Chine. Quant aux objets d’arts les plus exportés en Europe, il s’agissait d’abord de la porcelaine et du textile, qui sont le plus mis en avant comme objets d’arts et les plus représentatifs de l’esthétique chinoise. Leurs échanges ont attribué aux européens le goût pour les traditions chinoises.

Analyse

Le personnage de Polydor est présent deux fois : d’une part sur terre près d’Hécube en pleurs, au premier plan, représenté tel un adulte, tandis qu’en second plan, il a l’apparence d’un enfant flottant sur la mer, sans doute pour mettre en évidence la peine d’Hécube, une mère qui, même adulte, considèrera son fils mort comme son petit garçon, d’où le fait qu’elle tende la main vers l’enfant.

Le bleu est présent sur les vêtements de la reine et de ses servantes, ce qui les distingue du fils défunt, contrairement à elles qui sont en vie. De plus le ciel est symbolisé par cette couleur. Par effet de perspective, il est peu présent, peut-être pour représenter la vie de Polydor et de ses patriotes, dérobée par les grecs et Polymestor.

Le blanc symbolise le métal et le deuil, le noir lui, symbolise le mal et l’eau. Ces deux dernières couleurs sont utilisées pour représenter la mer transportant Polydor afin de montrer l’eau en tant que telle, mais aussi car Hécube, par cet élément, doit accepter la mort de son fils.

Nous pouvons voir dans les vagues des sortes de serpents blancs, animal qui dans la mythologie grecque fut l’animal fétiche d’Apollon, Dieu le plus vénéré à Troie. Il symbolise, tout comme en Chine, l’âme et l’intelligence de l’homme. Leur présence nous fait penser que la mer vole l’âme de Polydor une fois mort.

Le jaune (souvent doré) représente la terre et la fertilité. Celui-ci est présent sur les vêtements d’Hécube et de ses servantes. En effet, Hécube est un personnage célèbre pour sa fécondité, car selon la vision générale des auteurs, elle aurait eu 19 enfants de Priam, et comme leur maîtresse, la fertilité est présente chez les servantes, une part de leur féminité et de leur compassion pour leur reine en deuil.

Le rouge, parfois dans les tons clairs, symbolise le feu et le phénix. Le phénix est souvent présent sur les tapisseries et autres objets d’arts chinois car il est, avec le dragon oriental et le tigre, un animal issu de la mythologie chinoise. Nous avons d’ailleurs la présence de deux phénix en haut et au centre de la bordure. Le rouge est également présent sur la toge de la servante tout à gauche au premier plan, probablement comme symbole annonciateur de la vengeance d’Hécube menée avec ses servantes contre Polymestor.

La présence de nombreux motifs brodés tels que des nuages, des oiseaux, qui sont des éléments représentant le ciel avec la couleur bleu ; la pivoine que l'on trouve en abondance sur les arbres dans l’œuvre, représentant l’amour et l’affection. Elle pourrait symboliser, comme dans Les Métamorphoses d'Ovide, l’amour d’Hécube pour son fils alors transformé en pivoine dès sa mort.

Nous retrouvons la présence de médaillons ronds ou ovales sur la tapisserie, symbole issu de la tradition babylonienne, élément qui aurait permis la présence des blasons du gouverneur Mascarenhas, mais avec ces sceaux on pourrait les considérer comme un moyen de faire de l’œuvre un pivot entre les traditions chinoises et européennes avec la femme-serpent, pouvant le mettre en avant comme animal symbolique de la culture chinoise (astrologie, art martiaux) mais également la mythologie grecque avec Méduse.

L’œuvre suit et respecte son esthétique, qui lie l'art de Chine aux mythes, aux anciennes traditions et à la nature avec un récit mythologique issu de la culture de l'Europe Antique. Cela justifierait le choix du sujet, représenté avec ces motifs à la fois symboliques et caractéristiques de l'esthétique chinoise.

Esthétique

L’Esthétique est née au début de la Dynastie Tang en 589, par influence de l’artisanat de la région du Song du Nord. Elle est comme toute autre tapisserie et objet d’art chinois, caractérisée par l’utilisation de couleurs telles que le bleu symbolisant en Chine la vie et le ciel. Le blanc symbolise le métal et le deuil, le noir lui, symbolise le mal et l’eau. Le jaune (souvent doré) représente la terre et la fertilité.

L’art et son esthétiques sont pour les chinois un pivot entre les forces de la nature et le genre humain afin de perpétuer les anciens rites consacrés à l’empereur, ce qui prouve que ces éléments sont liés ou représentent les différents cultes pratiqués, tels que le bouddhisme et le taoïsme, d’où la présence de motifs représentants la nature et la mythologie.

Réception

Cet objet d’art suit une deuxième reproduction, qui traite de La Vengeance d’Hécube, pièce faisant également partie de la collection du musée des Beaux-Arts de Lyon dès 1970, grâce à l’acquisition faite auprès de la galerie Boccora à Paris. Trois autres pièces sont exposées au Metropolitan Museum of Art de New-York : L’Enlèvement d’Hélène, Le sacrifice de Polyxène et Le Sacrifice de Calchas. Et La Prophétie de Calchas elle, fait partie d’une collection privée de Monaco.

La tapisserie est originaire de Babylone, elle fut connue en Europe et appréciée au Moyen Âge dès la fabrication de la célèbre tapisserie L’Apocalypse. Comme la peinture, elle connait des évolutions techniques telles que la perspective et la profondeur de champ à la Renaissance. En Asie, dans le cas de la Chine, la tapisserie fut connue et appréciée au XIIIe siècle lors de la dynastie des Yuan, grâce à la venue et à l’installation d’artisans issus de peuples turco-mongols d’origine musulmane, qui ont fait la première fois preuve de leur travail en confectionnant une tapisserie pour les funérailles à Pékin de l’empereur Yuan, empereur ayant fondé cette dynastie. Fait qui a permis d’entrer la tapisserie dans les goûts décoratifs de la noblesse chinoise, alors les plus grands amateurs de tapisserie. Les échanges et la recherche d’itinéraire pour la vente et l’achat de la soie furent une autre influence sur la découverte et l’appréciation de la tapisserie. La tapisserie connue de la Chine par des artisans turco-mongols ou originaires de Babylone, les ateliers tisserands s’installent ainsi en Chine occidentale comprenant le Xinjiang, le Qinghai et le Tibet, territoire principalement musulman. Cependant, la tapisserie est fabriquée dans un atelier situé à Macao.

Liens externes

Références générales