François Leclerc du Tremblay

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Le père Joseph

François Leclerc du Tremblay, plus connu sous son nom en religion Père Joseph (1577-18 décembre 1638 à Rueil), est l'éminence grise du cardinal de Richelieu lui-même appelé « Éminence rouge ».

Biographie

Le militaire

Il était le fils aîné de Jean Leclerc du Tremblay, président de la Chambre de requêtes du Parlement de Paris et de Marie Motier de Lafayette, son épouse. Son frère Charles Leclerc du Tremblay sera gouverneur de la Bastille. Il reçut une éducation classique très soignée. Durant son enfance marquée par les guerres de religion, on ne pouvait lui parler qu'en grec ou en latin. Seule sa mère, qui joua un rôle central dans son éducation, pouvait lui parler en français. Il a étudié les auteurs classiques, mais également les auteurs contemporains. En 1595, il fit ses humanités lors d'un long voyage en Italie dont il revint pour embrasser la carrière des armes. Il servit lors du siège d'Amiens en 1597 puis accompagna une ambassade extraordinaire à Londres. Il est également l'oncle maternel de Jean et Sébastien Zamet[1].

Le religieux

En 1599, le baron de Mafflier - c'est ainsi qu'il était connu - renonça aux vanités du monde et entra chez les religieux capucins d'Orléans où il prononça ses vœux, les capucins étant alors les confesseurs des rois et des reines. Il rentra ensuite dans le couvent de la rue Saint-Honoré à Paris où il devint lecteur (professeur de philosophie). Atteint d'une maladie des yeux, il renonça à ses cours, se consacra aux choses de la religion avec une piété exemplaire et devint un prédicateur (près des couvents de Meudon, Bourges, Angers, Saumur, Le Mans, Rennes, Tours, Nantes, des foules assistent aux prêches de ce jeune moine qui va pied nu, se flagelle et porte le cilice) et réformateur de renom. En 1606, il assista Antoinette d'Orléans, une religieuse de Fontevraud lorsqu'elle fonda l'ordre des Filles du Calvaire, et il écrivit un ouvrage de dévotion à leur intention. Son zèle prosélyte le poussa à envoyer des missionnaires en pays huguenot afin de les arracher à leur hérésie.

De 1617 à 1625, il composa La Turciade, une épopée en quatre mille six cent trente-sept vers latins, qui sera imprimée en deux exemplaires. Urbain VIII, destinataire de l'un d'eux et lui-même poète, l'appela « L'Énéide chrétienne ». Il influença le pape pour la création en 1622 de la Congrégation pour la propagation de la foi et est nommé en 1625 commissaire apostolique pour toutes les missions étrangères. Il dirigea entre 1624 et 1638 le seul journal autorisé à l'époque, le Mercure français créé en 1605, y théorisant notamment sur l'absolutisme catholique.

Ce moine austère, tout en gardant la rigueur de sa vie personnelle, se consacra à la diplomatie et à la politique.

Le diplomate

L'Éminence grise de Jean-Léon Gérôme

En 1616, avec le duc de Nevers, il réussit à convaincre le pape d'envisager une croisade contre les Turcs par une sorte de nouvel Ordre des templiers, la Milice chrétienne (Militia christiana composée de catholiques et protestants), projet avorté en 1618 par la défenestration de Prague[2].

Il entra en politique à la Conférence de Loudun (1619) : soutenu par la reine et par le légat du Saint-Père, il s'opposa aux thèses gallicanes qui avaient la faveur de la noblesse, et il réussit à les convaincre d'abandonner les tendances schismatiques du gallicanisme. En 1612 commencèrent les fructueuses relations personnelles qu'il devait continuer à entretenir de façon si fidèle avec Richelieu, alimentant l'histoire et la légende du Cardinal et de son « éminence grise », allusion à la robe de bure des capucins, et au titre d'Éminence, réservé aux cardinaux (promotion dont la mort le priva de justesse). Une grande amitié, toute de complicité politique, s'établit entre « l'homme en rouge » et le moine aux mille ressources. Richelieu, admiratif de ses talents de prédicateur et de fin négociateur, le surnomme affectueusement Ezéchieli, ou Tenebroso-Cavernoso. En effet, grâce à son vaste réseau de moines capucins, ce dernier avait créé un véritable service de renseignements avant l'heure, qu'il mit entièrement au service de Richelieu. Les moines devenus agents de renseignements lui permettent en effet d'avoir en permanence des informations confidentielles en provenance des différentes zones de conflits.

En 1627, le moine assista au siège de la Rochelle mené par le Cardinal. La France était alors, sinon entrée dans la guerre de Trente Ans, du moins dans une politique active de soutien aux ennemis (protestants) de l'Empereur (catholique) Ferdinand II. Cette alliance qui semblait contradictoire avec la ligne politique suivie à l'intérieur du royaume de France avait évidemment un fondement politique (la lutte contre la Maison d'Autriche). Il rêvait en fait d'une Europe qui se serait unie dans une nouvelle croisade contre les Turcs et considérait que les Habsbourg étaient l'obstacle qui empêchait cette paix pan-européenne qui rendrait cette union possible. Dès lors, ce nouveau Pierre l'Ermite intrigua à la diète de Ratisbonne en 1630 contre les entreprises de l'Empereur, fit en sorte de provoquer l'intervention de la Suède, se réconciliant avec les parties protestantes afin, pour ainsi dire, de mettre le mal au service du bien.

Il fut, dans l'ombre, un des principaux artisans des Traités de Westphalie qui marquèrent l’émergence du principe de la souveraineté des États comme fondement du droit international et furent la base du nouvel équilibre européen jusqu’à la Révolution française[3].

Une disparition rapide

Il subit une première attaque cérébrale au printemps 1638 et mourut en quelques jours d'une seconde attaque en décembre suivant. Le cardinal de Richelieu écrira : « Je perds ma consolation et mon unique secours, mon confident et mon appui. »[4]

Par la suite, c'est Mazarin qui deviendra l'interlocuteur privilégié de Richelieu.

Bibliographie

  • Félix Danjou, la véritable vie du père Joseph, In Archives curieuses de l'histoire de France depuis Louis XI jusqu'à Louis XVIII, ou Collection de pièces rares (1838). p. 118 et suivantes.
  • Mgr Grente, L'Éminence grise, Gallimard, 1941.
  • Aldous Huxley, L'Éminence grise, 1941, se base sur des travaux de Fagniez (1894) et Dedouvres (1932).
  • Benoît Pierre, Le Père Joseph, l'éminence grise de Richelieu, Perrin, 2007.
  • Jean-Paul-Médéric Tremblay, François Leclerc du Tremblay, capucin, maître éminent de vie spirituelle et adjoint politique du cardinal Richelieu sous les feux d’un nouvel éclairage, S. l. n. d. [Édition X… 1988]. 21 × 32 cm, 325 p., ill. (Manuscrit consultable au Comité pour l'Histoire Économique et Financière de la France).
  • Alfred de Vigny, Cinq-Mars, 1826.
  • Dimitri Casali, Walter Bruyère, « Les Éminences grises du pouvoir », in L'Express, (2011)

L'image que donnent Jules Michelet ou Alfred de Vigny du Père Joseph est extravagante, faisant de lui la figure emblématique du conseiller de l'ombre manipulateur à la grande noirceur.

Liens externes

Notes et références

  1. http://pourlan.over-blog.com/article-abrege-de-la-vie-de-sebastien-zamet-68202537.html
  2. Henry Laurens, John Victor Tolan, Gilles Veinstein, L'Europe et l'islam : quinze siècles d'histoire, Odile Jacob, (lire en ligne), p. 185
  3. Lucien Bély, Jean Bérenger, André Corvisier, Guerre et paix dans l'Europe du XVIIe siècle, Paris, SEDES, 1991 (ISBN 2 - 7 181 - 3 661 - 8)
  4. René Richard, La vie du veritable pere Josef, Capucin nommé au cardinalat, 1705, (lire en ligne) p446